La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2016 | FRANCE | N°13/13643

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 21 janvier 2016, 13/13643


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2016



N° 2016/ 68













Rôle N° 13/13643







[N] [Q] épouse [V]





C/



[E] [V]



SA FINAMUR



SA NATIOCREDIBAIL







































Grosse délivrée

le :

à :



- la SCP BADIE

SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 07 Juin 2013 enregistré(e) au répertoire général so...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2016

N° 2016/ 68

Rôle N° 13/13643

[N] [Q] épouse [V]

C/

[E] [V]

SA FINAMUR

SA NATIOCREDIBAIL

Grosse délivrée

le :

à :

- la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 07 Juin 2013 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2011003909.

APPELANTE

Madame [N] [Q] épouse [V]

prise en sa qualité d'héritière de M. [H] [V],

demeurant [Adresse 4]

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Gilles BOUCHER, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [E] [V],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jennifer MARIETTI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SA FINAMUR,

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Kahina BENNOUR, avocat au barreau de PARIS

SA NATIOCREDIBAIL

dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Kahina BENNOUR, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne CHALBOS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BÉRENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Lydie BÉRENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société anonyme La Ferme du vieux pays a souscrit le 28 mai 1993 auprès des sociétés Natiocrédibail et Unicomi, aux droits de laquelle vient la société Finamur, un contrat de crédit-bail immobilier d'un montant de 15 000 000 francs HT sur une durée de 15 ans, destiné au financement de la construction d'une installation industrielle.

Ce contrat était garanti par un engagement de caution solidaire de Monsieur [H] [V], PDG, et de Monsieur [E] [V], actionnaire.

Un second contrat de crédit-bail a été consenti entre les mêmes parties le 29 novembre 2000 pour financer une extension du bâtiment existant, d'un montant de 1 675 000 francs HT, également garanti par les cautionnements solidaires de Messieurs [H] et [E] [V].

La société La Ferme du vieux pays a été dissoute le 30 juin 2003 et a cessé d'acquitter les loyers à compter d'avril 2004.

Un avenant de prorogation des contrats de crédit-bail en date du 11 janvier 2005 a été signé entre les sociétés créancières, le liquidateur de la société La Ferme du vieux pays et les cautions.

Les cautions ont ainsi réitéré leur engagement au titre des deux contrats initiaux et l'ont étendu aux avenants, dans la limite des montants de 470960 € au titre du premier et 74920 € au titre du second.

Monsieur [H] [V] est décédé le [Date décès 1] 2005 et sa succession a été recueillie par son épouse, Madame [N] [Q] épouse [V].

Par ordonnance de référé du 5 octobre 2006, le président du tribunal de commerce de commerce de Paris saisi par les sociétés de crédit-bail a constaté la résiliation des contrats de crédit-bail, condamné la société La Ferme du vieux pays au paiement des sommes provisionnelles de 860192,31 € et 112380,48 € au titre des arriérés de loyers, ordonné son expulsion.

Par jugement du 29 novembre 2006, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la SA La Ferme du vieux pays, les sociétés Natiocrédibail et Ucabail, venant aux droits de la société Unicomi, ont déclaré une créance à hauteur de 2150236,47 € au titre du premier contrat et de 316490,06 € au titre du second.

Par acte en date du 21 juin 2010, les sociétés Finamur et Natiocrédibail ont fait assigner Monsieur [E] [V] et Madame [N] [V] devant le tribunal de commerce d'Antibes aux fins d'obtenir la condamnation solidaire des défendeurs au paiement des sommes dues au titre des contrats de crédit-bail, dans la limite des engagements de caution à savoir 470960 € et 74920 € outre intérêts de droit.

Par jugement du 9 novembre 2012, le tribunal de commerce d'Antibes a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par Monsieur [E] [V] et par jugement du 7 juin 2013, ce même tribunal a :

- débouté Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] de leur demande d'irrecevabilité des déclarations de créance effectuées par les sociétés Natiocrédibail et Finamur,

- prononcé la déchéance des intérêts,

- condamné solidairement Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] à payer aux sociétés Natiocrédibail et Finamur les sommes de 470960 € et 74920 €,

- débouté Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] de leur demande de délais en application de l'article 1244-1 du code civil,

- débouté Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Madame [N] [V] a interjeté appel de cette décision le 1er juillet 2013, les intimés ont relevé appel incident.

Par conclusions déposées et notifiées le 3 janvier 2014, Madame [N] [V] demande à la cour, vu les articles 1134, 1147, 1244-1 du code civil, L.313-22 et L.341-6 du code de la consommation, de :

- déclarer Madame [V] bien fondée et recevable en son appel,

- infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce d'Antibes,

- à titre principal, constater à défaut de pièces justificatives l'irrecevabilité des déclarations de créances des sociétés Natiocrédibail et Finamur au passif de la liquidation judiciaire de la société la Ferme du vieux pays, constater l'extinction de leurs créances,

- à titre subsidiaire, constater l'absence d'élément quant aux versements des primes d'assurances prévues dans les contrats d'assurances décès,

- constater que les sociétés Natiocrédibail et Finamur ont commis plusieurs manquements et notamment n'ont pas satisfait à leur obligation d'information tant annuelle que dès le premier incident de paiement,

- constater le défaut d'information de la caution,

- dire et juger que les sociétés Natiocrédibail et Finamur ont manqué à leurs obligations de conseil et d'information en faisant souscrire à Messieurs [V] des cautionnements manifestement inadaptés,

- dire et juger qu'elles ont plus précisément manqué à leur devoir de mise en garde en ne les informant pas sur les risques encourus de l'opération malgré la procédure de liquidation amiable de la société la Ferme du vieux pays,

- dire et juger que les sociétés Natiocrédibail et Finamur ont engagé leur responsabilité en faisant souscrire à Messieurs [V] des engagements de caution disproportionnés au regard de leurs possibilités financières avérées et notamment de leur niveau d'endettement très élevé,

- en conséquence, reconventionnellement, condamner les sociétés Natiocrédibail et Finamur à leur verser, à titre de dommages et intérêts la somme de 300000 € au titre du contrat n°528031AA outre la somme de 70000 € au titre du contrat n°528031AB,

- ordonner la compensation de ces sommes avec celles réclamées par les sociétés Natiocrédibail et Finamur,

- à titre infiniment subsidiaire, octroyer à Madame [N] [V] les délais de paiements les plus larges,

- en tout état de cause, condamner les sociétés Natiocrédibail et Finamur à verser chacune à Madame [V] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Badie Simon Thibaud Juston.

Par conclusions déposées et notifiées le 10 novembre 2015, Monsieur [E] [V] demande à la cour, vu les articles 56, 648 et suivants du code de procédure civile, 1134, 1147, 1244-1, 1900, 2277 du code civil, L.313-22, L.341-4 et L.341-6 du code de la consommation, de :

- réformer les dispositions du jugement du 7 juin 2013 du tribunal de commerce d'Antibes,

- constater que les créanciers ne fournissent aucun élément montrant que les contrats d'assurance décès invalidité connexes au contrat de crédit-bail en cause n'ont pas été exécutés et les capitaux correspondants versés,

- constater l'absence de mise en jeu de la garantie décès invalidité,

- constater la liquidation judiciaire de la société,

- en conséquence, prononcer la nullité de la procédure,

- sur le fond à titre principal, dire et juger que la banque a commis une faute dans l'étendue de son devoir d'information et de conseil à l'égard de la caution,

- constater le non respect du code de la consommation et du code monétaire et financier,

- constater le non respect par les créanciers de leur devoir d'information et de conseil,

- constater la faute de la banque concernant l'engagement de la caution manifestement excessif par rapport aux revenus de Monsieur [E] [V],

- constater la disproportion entre le montant de la caution sollicitée et la situation financière de Monsieur [E] [V],

- constater que l'engagement pris par Monsieur [V] le 11 janvier 2005 est manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus,

- constater en conséquence la nullité de cet engagement et juger qu'aucune somme ne peut plus être réclamée à ce titre, annuler l'engagement de caution solidaire et personnel de Monsieur [E] [V],

- à titre subsidiaire, constater que le recouvrement des intérêts d'une dette est prescrit au delà de cinq années,

- limiter l'engagement de cautionnement et procéder à une compensation entre la somme due par la caution à la banque et la somme due à la banque au titre de dommages et intérêts pour perte de chance,

- constater que la banque en sa qualité de professionnel avait connaissance de la situation financière de la société et de Monsieur [E] [V],

- en conséquence, débouter les créanciers de la demande de condamnation à l'encontre de Monsieur [V],

- constater la bonne foi et la précarité financière du concluant, accorder un délai de grâce pendant deux ans, ensuite accorder des échelonnements de remboursement de la dette sur 24 mois à un seuil raisonnable qu'il plaira de fixer tenant compte des capacités de remboursement du concluant,

- dire et juger que le taux d'intérêt appliqué sera le taux légal et que les paiements effectués par les défendeurs s'imputeront d'abord sur le capital, que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant le délai fixé par le juge,

- suspendre les différentes mesures d'exécution prises à son encontre par le créancier,

- dire et juger que compte tenu de l'équité les dépens de la présente procédure seront à la charge des créanciers et que ceux-ci seront déboutés de leurs demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en toute hypothèse, dire et juger que les dépens de la présente procédure seront à la charge du créancier,

- condamner les créanciers à payer à Monsieur [E] [V] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts outre la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les parties adverses aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître [R].

Par conclusions déposées et notifiées le 13 novembre 2015, les sociétés Finamur et Natiocrédibail demandent à la cour, vu les articles 2288 et suivants, 1154 du code civil, de :

- confirmer le jugement en date du 7 juin 2013 en ce qu'il a :

- débouté Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] de leur demande d'irrecevabilité des déclarations de créance effectuées par les sociétés Natiocrédibail et Finamur,

- condamné solidairement Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] à payer aux sociétés Natiocrédibail et Finamur les sommes de 470960 € et 74950 € au titre des deux contrats de crédit-bail n°528031AA et 528031BB,

- débouté Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] de leur demande de délais en application de l'article 1244-1 du code civil,

- débouté Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] au paiement d'une somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la déchéance des intérêts et a refusé d'assortir les condamnations en principal des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2009, date de la mise en demeure,

- le réformant, assortir des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2009, date de la mise en demeure, les condamnations solidaires prononcées à l'encontre de Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] en paiement des sommes de 470960 € et 74950 € au titre des deux contrats de crédit-bail n°528031AA et 528031BB,

- y ajoutant, ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] à payer aux sociétés Natiocrédibail et Finamur la somme de 6000 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj.

La procédure a été clôturée le 25 novembre 2015.

Par conclusions de procédure déposées et notifiées le 30 novembre 2015, les sociétés Finamur et Natiocrédibail demandent à la cour d'écarter des débats les pièces communiquées par Monsieur [V] le 30 novembre 2015 soit postérieurement à l'ordonnance de clôture.

Monsieur [E] [V] a déposé et notifié le 1er décembre 2015 de nouvelles conclusions au fond avec demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

Par conclusions de procédure déposées et notifiées le 1er décembre 2015, les sociétés Finamur et Natiocrédibail demandent à la cour d'écarter des débats les conclusions signifiées par Monsieur [V] le 1er décembre 2015.

MOTIFS :

Sur l'incident de procédure :

La clôture de la procédure, initialement annoncée pour le 18 novembre 2015 dans l'avis de fixation adressé aux parties le 7 mai 2015, a finalement été prononcée le 25 novembre 2015, laissant ainsi aux consorts [V] un délai suffisant pour répondre, s'ils l'estimaient nécessaire, aux dernières conclusions notifiées par les sociétés Finamur et Natiocrédibail le 13 novembre 2015.

Il n'est justifié par Monsieur [E] [V] d'aucune cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture.

En effet, ni le changement de conseil décidé par Monsieur [V] en fin d'instruction de l'affaire, ni 'l'âge avancé' de ce dernier (82 ans), seules circonstances invoquées à l'appui de la demande de révocation, ne constituent une cause grave au sens de l'article 784 du code de procédure civile.

La demande de révocation sera en conséquence rejetée et les pièces et conclusions communiquées par Monsieur [V] les 30 novembre et 1er décembre 2015 seront déclarées irrecevables.

Au fond :

- Sur la régularité des déclarations de créances au passif de débiteur principal :

Les sociétés Finamur, alors dénommée Ucabail, et Natiocrédibail ont régulièrement communiqué la copie et l'accusé de réception des déclarations de créances adressées par leur avocat Maître [K] [C] le [Date décès 1] 2007 à Maître [S] [O], liquidateur à la liquidation judiciaire de la société La Ferme du vieux pays, pour les montants de 2150236,47 € au titre du premier contrat et de 316490,06 € au titre du second.

Madame [V] n'a pas qualité pour contester la régularité de ces déclarations de créances, dont le contrôle relève de la seule procédure de vérification des créances prévue par les articles L624-1 et suivants du code de commerce, conduite par le mandataire judiciaire devant le juge commissaire avec la participation du débiteur.

Madame [V], qui, comme toute personne, peut prendre connaissance de l'état des créances déposé au greffe du tribunal de la procédure collective conformément aux dispositions de l'article R624-8 du code de commerce, ne justifie ni d'une décision de rejet des déclarations de créances des sociétés Finamur et Natiocrédibail, ni de l'introduction, par ses soins, d'une réclamation contre l'état des créances.

Sa demande tendant à faire constater à défaut de pièces justificatives l'irrecevabilité des déclarations de créances des sociétés Natiocrédibail et Finamur au passif de la liquidation judiciaire de la société la Ferme du vieux pays et l'extinction de leurs créances, sera en conséquence rejetée.

- Sur l'incidence de la garantie invalidité-décès :

Les cautions reprochent aux créanciers de ne fournir aucun élément concernant la mise en oeuvre des contrats d'assurance souscrits par le preneur, conformément aux termes des contrats de crédit-bail, pour garantir les risques d'invalidité ou décès de Messieurs [H] et [E] [V].

Les sociétés prétendent qu'elles ont appris que l'assureur n'avait pas pris en charge le sinistre d'une part pour défaut de paiement des primes et d'autre part, parce que Monsieur [H] [V] était décédé à l'âge de 73 ans et que l'assurance ne couvrait pas le risque décès au-delà de 70 ans.

Les cautions, et en particulier Madame [N] [V], ayant droit de Monsieur [H] [V], assuré décédé, ne produisent ni les contrats d'assurance, ni la réponse de l'assureur à une éventuelle déclaration de sinistre et ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe de ce que la garantie décès souscrite a effectivement été mise en oeuvre et que les conditions du versement de l'indemnité étaient réunies.

Ce moyen sera en conséquence écarté, et Monsieur [E] [V] sera débouté de sa demande tendant à faire prononcer la nullité de la procédure pour ce motif.

- Sur la demande de Madame [N] [V] en dommages et intérêts :

Madame [V] reproche aux sociétés Natiocrédibail et Finamur d'avoir manqué à leur obligation d'information et de conseil et à leur devoir de mise en garde en faisant souscrire à Messieurs [H] et [E] [V], lors de l'avenant du 11 janvier 2005, des cautionnements manifestement inadaptés, sans les informer sur les risques encourus du fait de la situation de la société La Ferme du vieux pays.

Les sociétés créancières opposent en premier lieu le principe de non responsabilité édicté par l'article L650-1 du code de commerce, aux termes duquel lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Cette disposition ne fait cependant pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par la caution lorsque comme en l'espèce, celle-ci critique non pas les conditions dans lesquelles a été contractée l'obligation principale, mais les conditions de l'obtention du cautionnement.

Le moyen tiré de l'application de l'article L650-1 du code de commerce sera en conséquence écarté.

Les sociétés de crédit bail sont tenues à l'égard de la caution non avertie d'un devoir de mise en garde, consistant en l'obligation de se renseigner sur les capacités financières de la caution et de l'alerter sur les risques de l'endettement né de l'engagement souscrit.

En l'absence de justification, par le crédit bailleur, d'avoir satisfait à cette obligation, la caution non avertie peut rechercher la responsabilité de l'établissement, à charge pour elle de démontrer l'inadaptation de l'engagement à ses capacités financières ou le risque d'endettement né de l'obligation souscrite.

La caution avertie se définit comme une personne capable d'apprécier par elle-même la portée de son engagement, la pertinence et le risque de l'opération souscrite, cette capacité s'appréciant au regard, notamment, de son âge, de ses qualifications, de sa profession, de ses ressources, de son expérience du crédit ou de ses connaissances dans le domaine financier.

À l'égard de la caution avertie, la société de crédit bail n'est tenue à aucun devoir de mise en garde dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait eu, sur les revenus de la caution, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles au regard de l'opération entreprise, des information qu'elle-même aurait ignorées.

Les sociétés Finamur et Natiocrédibail prétendent que Monsieur [H] [V] était une caution avertie.

Madame [N] [V] ne conteste pas que Monsieur [H] [V] a été le dirigeant de la SA La Ferme du vieux pays, ainsi qu'il résulte des actes notariés versés aux débats, et qu'il était avec son frère [E] [V] l'un des fondateurs et principaux actionnaires de cette société familiale.

Ces circonstances conduisent à considérer Monsieur [H] [V] comme une caution avertie et à confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté, pour ce motif, Madame [V] de sa demande en dommages et intérêts.

Madame [V] invoque d'autre part les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation aux termes duquel un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La preuve de la disproportion de l'engagement par rapport à ses biens et revenus incombe à la caution qui l'invoque.

Or Madame [V] ne fournit aucun justificatif ni même aucune explication sur les revenus et biens dont disposait son époux à la date du cautionnement signé par ce dernier le 25 novembre 2004.

Madame [V] sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur l'article L341-4 du code de la consommation.

- Sur la demande de Monsieur [E] [V] en nullité du cautionnement :

Monsieur [V] reproche également aux sociétés de crédit bail un manquement à leurs devoirs d'information et de conseil, alors qu'il était retraité et ne s'occupait plus de la société dont il ne connaissait pas la situation réelle, soutenant que ce défaut d'information était destiné à lui faire souscrire un nouveau cautionnement alors que celui consenti en 1993 était éteint depuis le 31 décembre 1999.

Monsieur [V] se contente toutefois de demander à la cour de constater les manquements des sociétés de crédit bail à leurs obligations, sans formuler d'autres prétentions que celle tendant à la nullité de son engagement de caution.

Or, sauf à invoquer le fondement du dol ou de l'erreur comme vice du consentement, ce que ne fait pas Monsieur [V], le manquement du créancier à une obligation d'information ou de mise en garde ne constitue pas une cause de nullité du cautionnement.

De même, la disproportion de l'engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus, telle que prévue à l'article L341-4 du code de la consommation, n'est pas sanctionnée par la nullité du cautionnement.

Monsieur [V] sera en conséquence débouté de sa demande en nullité de son engagement de caution.

- Sur le défaut d'information des cautions :

Les cautions invoquent en premier lieu les dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier qui édictent une obligation d'information annuelle des cautions sur le montant du principal, des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente, sous peine de déchéance des intérêts.

Cet article ne s'impose qu'aux établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise et n'est donc pas applicable lorsque l'obligation principale résulte d'un contrat de crédit bail immobilier, qui ne constitue pas un concours financier au sens du texte précité.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts échus sur le fondement des dispositions de l'article L313-22 du code monétaire et financier.

Monsieur [E] [V] invoque par ailleurs les dispositions de l'article L341-6 du code de la consommation, qui édicte une obligation d'information annuelle similaire au profit de toute caution personne physique dès lors que le créancier est un professionnel.

Ces dispositions issues de la loi n°2003-721 du 1er août 2003 sont applicables aux actes de cautionnement signés par Messieurs [H] et [E] [V] respectivement les 25 novembre 2004 et 2 décembre 2004.

En revanche, ne sont pas applicables les dispositions de l'article 2293 alinéa 2 du code civil relatives à l'obligation d'information annuelle de la caution en cas de cautionnement indéfini d'une obligation principale, les cautionnements consentis par Messieurs [H] et [E] [V] les 25 novembre 2004 et 2 décembre 2004 n'étant pas indéfinis.

Madame [N] [V] invoque enfin les dispositions de l'article 47 II alinéa 3 de la loi n°94-126 du 11 février 1994, qui impose au créancier une obligation d'informer la caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement, sous peine de décharge des pénalités et intérêts de retard, lorsque la dette garantie est une dette professionnelle.

Contrairement à ce que soutiennent les société Finamur et Natiocrédibail, cet article n'a pas été abrogé par l'ordonnance n°2000-912 du 18 septembre 2000, cette abrogation ne concernant que l'article 48 de la loi n°84-148 du 1er mars 1984 cité dans le texte.

Les sociétés Finamur et Natiocrédibail ne justifient avoir adressé aux cautions ni l'information annuelle de l'article L341-6 du code de la consommation, ni l'information sur le premier incident de paiement du débiteur principal défaillant.

Cependant, Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] se contentent de demander à la cour de constater que les sociétés créancières n'ont pas satisfait à ces obligations d'information, sans toutefois solliciter la mise en oeuvre des seules sanctions édictées par les articles précités, à savoir la déchéance des intérêts contractuels et la décharge des pénalités et intérêts de retard.

La cour n'est donc saisie par les consorts [V] d'aucune prétention à ce titre.

En tout état de cause, la mise en oeuvre des dispositions précitées serait sans incidence sur le montant des sommes mises à la charge des cautions puisqu'il résulte des déclarations de créances versées aux débats que les seules sommes dues en capital par la société La Ferme du vieux pays, hors indemnités de résiliation, pénalités ou intérêts, s'élèvent à 816363,48 € au titre des loyers impayés du premier contrat et à 112380,48 € au titre des loyers impayés du second, et sont donc très supérieures aux montants des engagements de caution, limités à 470960 € au titre du premier contrat et à 74290 € au titre du second contrat.

- Sur les intérêts au taux légal :

La demande portant sur les intérêts au taux légal compter du 7 juillet 2009 ne se heurte à aucune prescription, le délai de cinq ans ayant été interrompu par la citation en justice délivrée le 21 juin 2010.

Les sociétés créancières justifient de l'envoi d'une mise en demeure à chacune des cautions par LRAR du 7 juillet 2009.

Elles sont en conséquence fondées à solliciter le bénéfice des intérêts au taux légal à compter de cette interpellation, ainsi que la capitalisation annuelle des intérêts, conformément aux dispositions des articles 1153 et 1154 du code civil, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

- Sur les demandes de délais de paiement :

Il résulte des termes de l'article 1244-1 du code civil que pour accorder des délais de paiement, le juge doit tenir compte de la situation du débiteur et des besoins du créanciers.

Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V] ne fournissant aucun justificatif ni même aucune explication sur l'état actuel de leurs revenus, charges et patrimoine, seront déboutés de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 1244-1 du code civil, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Monsieur [V] sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive dès lors qu' a été reconnu, par la présente décision, le bien fondé de l'action intentée par les sociétés Natiocrédibail et Finamur.

Madame [N] [V] et Monsieur [E] [V], parties succombantes, seront condamnées aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Déboute Monsieur [E] [V] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les pièces et conclusions communiquées par Monsieur [E] [V] les 30 novembre et 1er décembre 2015,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné la déchéance des intérêts,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les consorts [V] de leurs demandes relatives à la garantie invalidité décès,

Déboute Monsieur [E] [V] de sa demande en nullité de son engagement de caution,

Dit que les condamnations solidaires prononcées à l'encontre de Madame [N] [Q] veuve [V] et de Monsieur [E] [V] pour les montants de 470960 € et 74290 € seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2009, date de la mise en demeure, capitalisables par périodes d'une année au moins,

Déboute Monsieur [E] [V] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne Madame [N] [Q] veuve [V] et Monsieur [E] [V] à payer aux sociétés Natiocrédibail et Finamur la somme de 1500 € chacun à titre d'indemnités pour frais irrépétibles d'appel,

Condamne Madame [N] [Q] veuve [V] et Monsieur [E] [V] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/13643
Date de la décision : 21/01/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°13/13643 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-21;13.13643 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award