COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 JANVIER 2016
N° 2016/0018
Rôle N° 14/15451
[P] [O]
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
C/
[Y] [S]
[B] [V]
SA ALLIANZ
Grosse délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Bernard BARONE
Me Myriam HABART-MELKI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 18 Juin 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11/00731.
APPELANTS
Monsieur [P] [O]
né le [Date naissance 2] 1955, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Jean-Louis AUGEREAU, avocat au barreau de NICE
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Jean-Louis AUGEREAU, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [Y] [S]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Bernard BARONE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [B] [V]
assigné le 10/10/14 à domicile à la requête de M. [O] [I], demeurant [Adresse 5]
défaillant
SA ALLIANZ au capital de 938.787.416 €, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice et domiciliés ès qualités audit siège, demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Myriam HABART-MELKI de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Valérie PETIT, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Sylvie CASTANIE, Présidente
Monsieur Martin DELAGE, Conseiller (rédacteur)
Mme Béatrice MARS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2016
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2016,
Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [S] a entrepris en 2006 la rénovation d'une propriété familiale reçue en héritage sise à [Adresse 6]. La propriété en cause était initialement constituée d'une maison d'habitation et de différents bâtiments de ferme, remises, étables. Monsieur [S] souhaitait rénover ce corps de ferme avec la création de six gîtes destinés à la location saisonnière.
Pour ce faire, il a pris attache avec Monsieur [O], Architecte DPLG à [Localité 1] et signé avec celui-ci un contrat le 29 mars 2006, lequel prévoyait une mission complète de maîtrise d''uvre avec les missions habituelles et des honoraires calculés au pourcentage du montant des travaux.
Après le 18 octobre 2006, date à laquelle le permis de construire a été obtenu, l'architecte a préparé le dossier de consultation des entreprises. L'entreprise [V], assurée auprès de la société Allianz, a été retenue.
Monsieur [O] a alors établi une estimation du chantier à la somme de 369 710.99 euros TTC le 12 janvier 2007. Monsieur [S] a accepté ce montant et les travaux ont débuté en octobre 2007.
En cours de chantier un contentieux est né entre l'architecte et le maître de l'ouvrage aboutissant à l'arrêt du chantier.
Par assignation en date du 6 mars 2000, Monsieur [S] a sollicité au contradictoire de Monsieur [O], l'instauration d'une mesure d'instruction judiciaire.
Par ordonnance en date du 10 avril 2009, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a désigné Monsieur [J] en qualité d'expert judiciaire.
Par ordonnance en date du 19 novembre 2010, les opérations d'expertise judiciaire ont été rendues communes et opposables, sur requête de Monsieur [S], à Maître [D] [L] en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [B] [V], à la société Allianz son asssureur et à la MAF, assureur de monsieur [O].
L'expert a déposé son rapport le 26 mars 2012.
Par décision en date du 18 juin 2014, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a notamment condamné solidairement l'architecte [P] [O], sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, et son assureur la MAF à payer à Mr [Y] [S] la somme de 300.000 euros correspondant au capital emprunté et couvrant les échéances déjà échues ou a échoir et à payer l'intégralité des intérêts du prêt bancaire soit la somme de 69.480 euros déjà acquittée de ce chef ainsi que la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral s'agissant al'une opération qui a plongé le maître d'ouvrage dans une situation financière sans issue, cette décision étant assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 6 août 2014, la MAF et Monsieur [O] ont relevé appel de cette décision.
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Vu les conclusions prises pour la société Allianz, déposées et notifiées le 1er décembre 2014,
Vu les conclusions prises pour la Mutuelle des Architectes français déposées et notifiées le 15 septembre 2015,
Vu les conclusions prises pour Monsieur [S], déposées et notifiées le 26 octobre 2015,
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Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Comme les appelants l'avaient déjà fait en première instance, tant devant le juge de la mise en état que devant le tribunal sur le fond, ils soulèvent une fin de non-recevoir de l'action initiée par Monsieur [S] à l'encontre de son architecte, tirée de la non saisine préalable à toute action judicaire, du conseil régional de l'Ordre des architectes conformément au contrat de maîtrise d''uvre régularisé entre les parties.
Le contrat d'architecte liant les parties, à savoir les époux [S] d'une part et Monsieur [O] architecte d'autre part, prévoit une clause instituant la saisine préalable du conseil régional de l'Ordre des architectes avant toute introduction d'une procédure. Ce contrat précise en effet, outre la mission de l'architecte et les obligations du maître de l'ouvrage, au paragraphe 3 in fine du dit contrat :
« Résiliation : En cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil de l'Ordre des Architectes dont relève l'architecte avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire.
A défaut d'un règlement amiable, le litige opposant les parties sera du ressort de la juridiction civile territoriale compétente ''.
Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Digne les Bains, saisi par l'architecte de ce moyen, l'a débouté par ordonnance du 2 octobre 2013.
La clause contractuelle instituant une procédure de consultation préalable constitue une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, définie comme tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, cette liste n'étant pas limitative.
Or si l'article 771 du CPC dispose que le juge de la mise en état est jusqu'à son dessaisissement seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance, cette disposition ne lui confère en revanche aucune compétence pour statuer sur les
fins de non-recevoir dont l'examen relève de la seule compétence du juge du fond.
Le juge de la mise en état a rejeté par décision du 2 octobre 2013 l'exception tirée du défaut de saisine préalable du conseil de l'Ordre des architectes alors qu'il n'avait pas compétence pour le faire. Le tribunal aurait dû examiner cette fin de non-recevoir dont il était saisi par voie de conclusions, ce qu'il n'a pas fait.
En l'espèce, Monsieur [S] qui fonde son action sur la responsabilité contractuelle de l'architecte et non la garantie décennale des constructeurs, devait saisir au préalable le conseil régional de l'ordre des architectes prévue par le contrat de maîtrise d''uvre régularisé entre les parties. Cette absence de saisine préalable aurait du être mise en oeuvre avant l'introduction de l'instance, sous peine d'irrecevabilité non régularisable en cours de procédure.
La décision sera infirmée et la procédure initiée par Monsieur [S] contre Monsieur [O] déclarée irrecevable.
PAR CES MOTIFS :
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, par défaut et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions la décision du tribunal de grande instance de Digne les Bains en date du 18 juin 2014,
Déclare irrecevable l'action de Monsieur [Y] [M] [S] formée contre Monsieur [P] [O] à défaut de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes,
Condamne Monsieur André [M] [S] aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE