COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 JANVIER 2016
N° 2016/0010
Rôle N° 14/04594
[L] [S]
C/
[N] [X]
[S] [A] épouse [X]
[J] [Q]
SA SWISS LIFE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Robert BENDOTTI
Me Ludovic LETELLIER
Me Nino PARRAVICINI
Me Ariane LEMAITRE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 13 Janvier 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/00974.
APPELANT
Monsieur [L] [S]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/009318 du 15/09/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Robert BENDOTTI, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [N] [X]
né le [Date naissance 2] 1952 à ALGER, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Ludovic LETELLIER, avocat au barreau de NICE
Madame [S] [A] épouse [X]
née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 2] (Algérie), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Ludovic LETELLIER, avocat au barreau de NICE
Monsieur [J] [Q]
né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 3] (Tunisie), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Nino PARRAVICINI, avocat au barreau de NICE
SA SWISS LIFE, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Ariane LEMAITRE, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Sylvie CASTANIE, Présidente
Monsieur Martin DELAGE, Conseiller (rédacteur)
Mme Béatrice MARS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2016,
Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
En décembre 2003 le mur de clôture et une partie du mur de soutènement de la propriété voisine de Monsieur et Madame [X] se sont effondrés dans leur jardin. En juillet 2004 un escalier de cette même propriété a basculé menaçant de s'effondrer. Il est resté depuis, demeuré en équilibre précaire.
Les démarches amiables étant restées vaines, par ordonnance du 20 décembre 2008 le juge des référés a désigné un expert, qui a déposé son rapport le 28 juillet 2007. L'expert a relevé des négligences ou une absence d'entretien des ouvrages laissés à l'abandon.
Les 14 et 19 mars 2012 Monsieur et Madame [X] ont fait assigner Monsieur [J] [Q], propriétaire du lots N°5 et le Cabinet Emporium, en qualité de syndic de la copropriété [Adresse 1], afin que toutes les opérations qui se sont déroulées dans le cadre de la procédure leur soient déclarées opposables.
Par ordonnance du 10 mai 2012, le juge de la mise en état a joint cette affaire avec l'affaire principale.
Par décision en date du 13 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Nice a condamné Monsieur [L] [S] sur le fondement du trouble anormal de voisinage, à payer à Monsieur et Madame [X] les sommes suivantes :
- 34 491,53 € TTC au titre des travaux de reprise avec maîtrise d'oeuvre,
- 5 280 € l'indemnisation au titre de l'interdiction d'accès au jardin Ouest, mur effondré,
- 7 040 € le coût de l'absence de possibilité d'aménagement du jardin de janvier 2004 à août 2007,
- 1 500 € pour le préjudice esthétique.
Le tribunal a mis hors de cause Monsieur [Q].
Par déclaration reçue au greffe le 5 mars 2014, Monsieur [S] a interjeté appel de la décision
******
Vu les conclusions prises pour Monsieur [X] et Madame [A] épouse [X], déposées et notifiées le 25 juillet 2014,
Vu les conclusions prises pour Monsieur [L] [S], déposées et notifiées le 11 août 2015,
Vu les conclusions prises pour Monsieur [J] [Q], déposées et notifiées le 28 octobre 2015,
Vu les conclusions prises pour la société Swiss Life, déposées et notifiées le 17 novembre 2015,
Par conclusions d'incident, la société Swiss Life a soulevé l'irrecevabilité de l'appel de Monsieur [L] [S] sur le fondement de l'article 547 du code de procédure civile. Selon ordonnance d'incident du 16 avril 2015, le conseiller de la mise en état a mis la société Swisss Life hors de cause.
******
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION :
Monsieur [L] [S] soutient que les sources de désordres proviennent du lot n°5 dont il n'est pas propriétaire. Dans son rapport d'expertise du 26 juillet 2007, l'expert a retenu que les dommages étaient essentiellement des dommages aux limites en contrebas du terrain [S]. Le frère de Monsieur [S] a indiqué à l'expert lors des opérations d'expertise que ce dernier n'avait acheté que quatre lots mais pas la partie ouest où étaient localisés les désordres. Il n'en a cependant pas justifié devant l'expert lequel n'a pas retenu cette objection. Le premier juge a considéré que l'origine des désordres provenait du fond appartenant à Monsieur [S].
En cause d'appel, Monsieur [L] [S] verse aux débats un rapport du bureau VERITAS établi le 11 mars 2014, qu'il a sollicité pour avoir un avis sur la solidité des murs.
Le rapport de diagnostic technique confirme que les désordres proviennent des murs appartenant à Monsieur [Q]. [Pièce 7 de l'appelant]. « Monsieur [S] est propriétaire selon l'acte notarié qu'il nous a présenté de quatre lots répartis dans une maison de deux étages. Il existe aussi un cinquième lot situé entre le mur de soutènement en amont et la maison de Monsieur [S]. Ce lot se compose d'un appartement type duplex. Dans la continuité de l'appartement il existe une terrasse extérieure. Depuis cette terrasse nous constatons la présence d'un reste de mur en parpaing creux de 10 cm d'épaisseur sur une hauteur approximative de 1,50 m. Nous constatons que le remplissage en béton n'est pas uniforme, des parpaings restent vides de béton. Ce mur prenait visiblement naissance contre le mur de soutènement en pierres et avait un retour parallèle à la ligne de foulées des marches extérieures. Le retour retenait probablement les terres de la terrasse.
D'après nos constatations ce mur se trouve sur le 5ème lot, hors de la propriété de Monsieur [S]. Une partie du mur en parpaings s'est effondrée sur le terrain sous-jacent, nous constatons qu'un escalier en béton s'est également effondré.
Enfin nous n'avons pas relevé d'éléments provenant de la propriété de Monsieur [S] sur le terrain situé au nord de la maison. ''
Les désordres subis par les époux [X] résultent de l'écroulement d'un mur de clôture et d'un escalier situé en limite de propriété. Il ressort du règlement de copropriété que l'immeuble sis à [Adresse 5] est divisé en cinq lots : Le cinquième lot comprend la petite construction accolée à l'immeuble principal et se compose de deux pièces avec cabinet de toilettes water-closet, terrasse au-devant avec le jardin faisant suite ainsi que la cour et l'escalier d'accès. Le propriétaire de ce lot a l'entretien exclusif de l'escalier et de la cour d'accès, ainsi que du jardin.
Il ressort des titres de propriété et règlement de copropriété que Monsieur [S] n'est propriétaire d'aucun escalier, ni jardin. Les désordres proviennent exclusivement des constructions se trouvant sur le lot 5 dont Monsieur [L] [S] n'est pas propriétaire.
Suivant acte en date du 23 luillet 2010, Monsieur [J] [Q] a fait l'acquisition de la SCI VALPAS de ce lot n° 5, à savoir : Une petite construction accolée à l'immeuble principal se composant de deux pièces avec cabinet de toilette water-closet, terrasse au devant avec le jardin y faisant suite ainsi que la cour et l'escalier d'accès ainsi que les 120/1000ème des parties communes.
Il est noté dans cet acte que les biens vendus sont en très mauvais état et qu'ils ne disposent d'aucun système de chauffage, ni d'installation électrique. Il est également noté que l'acquéreur prendra les biens vendus dans l'état où ils se trouvent au jour de l'entrée en jouissance, sans garantie de la part de ce dernier en raison des vices apparents ou cachés dont le sol, le sous-sol et les ouvrages, s'ils existent, pourraient être affectés.
Il est également indiqué au titre « Procédure '' de l'acte en page 15 :
Les parties déclarent :
-que les biens vendus sont inclus dans une copropriété qui n'est pas organisée suite à l'absence de syndic ainsi qu'il a été dit ci-dessus,
-qu'il y a des murs semblant dépendre de la copropriété qui se sont affaissés,
-que le voisin a assigné un des copropriétaires. L'avocat de ce copropriétaire a déposé ses conclusions et la copropriété sera certainement assignée après nomination d'un syndic. La copie de l'assignation et des conclusions sont demeurées ci-jointes et annexées après mention et visa par l'acquéreur.
Ainsi sans préjuger des actions futures et des décisions de justice l'acquéreur ou la copropriété pourra être condamnée à faire de travaux sur ces murs et à acquitter des dommages et intérêts et dépens...
Cet acte notarié précise : Le vendeur et ses ayants droit ou ayant cause, personne physique ou morale et Monsieur [T] [F] à titre de caution personnelle, s'engagent à relever de toute condamnation, dépenses et frais, l'acquéreur concernant cette procédure éventuelle ainsi que l'aboutissement de celle-ci, par suite à lui rembourser à première demande et sur justificatif l'intégralité du coût des dépenses que l'acquéreur pourrait être amené à exposer. Le tout sous réserve que l'acquéreur tienne informé le vendeur de toute procédure action à venir ainsi que des devis éventuels qui devront être établis [...].
Le règlement de copropriété de l'immeuble en date du 2 juin 1954 transcrit au premier bureau des hypothèques de Nice le 2 juin 1954 volume 1913 n°25, confirme que le 5ème lot comprend la petite construction accolée à l'immeuble principal et se compose de deux pièces avec cabinet de toilette-water-closet, terrasse avec au devant le jardin y faisant suite ainsi que la cour et l'escalier d'accès. Le dit lot figurant sous la teinte bistre est le numéro 5 au plan ci-annexé. Le propriétaire de ce lot aura l'entretien exclusif de l'escalier de la cour d'accès ainsi que du jardin.
Il résulte de ce qui précède que seul Monsieur [Q] est propriétaire du lot N° 5 à l'origine du trouble de voisinage. Il doit en supporter les conséquences conformément aux dispositions de l'acte de vente précité.
Le 14 mars 2012, Monsieur et Madame [X] ont fait assigner Monsieur [J] [Q] et le Cabinet EMPORIUM ès qualité de syndic de la copropriété [Adresse 1] afin que toutes les opérations qui s'étaient déroulées dans le cadre de la procédure leur soit déclarées opposables.
Monsieur [Q] a pu ainsi prendre connaissance et discuter des conclusions de l'expert, il a pu défendre ses droits tant devant le premier juge qu'en cause d'appel. Il a été informé lors de l'acquisition du lot n° 5 de la présente procédure, ayant même été destinataire des écritures puisqu'elles ont été annexées à l'acte notarié et visées par lui-même. Il lui a par la suite été dénoncé une prise d'hypothèque sur son lot. Il a par ailleurs été nommé Syndic bénévole de la copropriété. La procédure est régulière à son égard même si les opérations d'expertise se sont déroulées hors sa présence. Il sera condamné à indemniser Monsieur [N] [X] et Madame [S] [A] de leur préjudice résultant du trouble anormal de voisinage qu'ils ont subi.
L'expert a chiffré le coût de la reprise des travaux avec maîtrise d''uvre à la somme de 34491,53 euros TTC et une durée des travaux estimée à cinq à six semaines.
Il a estimé à :
- 5 280 € l'indemnisation au titre de l'interdiction d'accès au jardin ouest, mur effondré,
- 7 040 € le coût de l'absence de possibilité d'aménagement du jardin de janvier 2004 à août 2007,
- 1 500€ pour le préjudice esthétique.
Ces sommes, non contestées dans leur principe ni dans leur montant, sont de nature à dédommager les demandeurs de leurs préjudices. Monsieur [J] [Q] sera condamné au paiement de ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2007, date du dépôt du rapport d'expertise. La décision sera infirmée en sa totalité.
PAR CES MOTIFS :
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions la décision du tribunal de grande instance de Nice en date du 13 janvier 2014,
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [J] [Q] à payer à Monsieur [N] [X] et Madame [S] [A] les sommes suivantes :
- 34 491,53 € TTC au titre des travaux de reprise avec maîtrise d''uvre,
- 5 280 € au titre de l'indemnisation de l'interdiction d'accès au jardin ouest, mur effondré,
- 7 040 € en réparation du préjudice résultant de l'absence de possibilité d'aménagement du jardin de janvier 2004 à août 2007,
- 1 500 € pour le préjudice esthétique.
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2007,
Autorise Monsieur [N] [X] et Madame [S] [A] à faire procéder aux travaux de confortement,
Condamne Monsieur [J] [Q] à payer à Monsieur [N] [X] et Madame [S] [A] la somme de 4 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [N] [X] et Madame [S] [A] à verser à Monsieur [S] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [J] [Q] aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE