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05/01/2016 | FRANCE | N°14/04703

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 05 janvier 2016, 14/04703


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2016



N°2016/04





Rôle N° 14/04703





[P] [G]





C/



S.A. SNCM

ENIM

C.G.E.A. DU SUD EST



[L]-[Z] [D]

[J] [Q]

[K]















Grosse délivrée le :



à :





Me Frédéric BUSSI



Me Christian MAILLARD



Me Maxime PLANTARD,

Me Michel FRUCTUS
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Maître [L]-[Z] [D]















Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 10 Mars 2009,enregistré au répertoire général sous le n° 20500706.



APPELANT



Monsieur [P] ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2016

N°2016/04

Rôle N° 14/04703

[P] [G]

C/

S.A. SNCM

ENIM

C.G.E.A. DU SUD EST

[L]-[Z] [D]

[J] [Q]

[K]

Grosse délivrée le :

à :

Me Frédéric BUSSI

Me Christian MAILLARD

Me Maxime PLANTARD,

Me Michel FRUCTUS

Maître [L]-[Z] [D]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 10 Mars 2009,enregistré au répertoire général sous le n° 20500706.

APPELANT

Monsieur [P] [G], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES

S.A. SNCM, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Christian MAILLARD, avocat au barreau de MARSEILLE

ENIM, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Maxime PLANTARD, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

C.G.E.A. DU SUD EST, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

Maître [L]-[Z] [D] en qualité de mandataire judiciaire de la SA SNCM, demeurant [Adresse 4]

non comparant

Maître [J] [Q] en qualité de co-Administrateur judiciaire de la SA SNCM, demeurant [Adresse 2]

non comparant

Maître [K], en qualité de co-administrateur judiciaire de la SA SNCM, demeurant [Adresse 5]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2016

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[P] [G] a saisi le 1er février 2005, le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, société SNCM, dans le cadre de l'accident du travail en date du 17 février 1997 sous forme d'un accident cardiaque.

Le Tribunal par jugement en date du 10 mars 2009, a rejeté son recours.

[P] [G] a relevé appel de cette décision, le 4 avril 2009.

Le conseil de l'appelant expose que son action ne saurait être déclarée prescrite, ni se voir opposer la péremption de l'instance, et sur le fond, expose que les éléments de la faute inexcusable sont réunis, les risques encourus par [P] [G] ne pouvant être ignorés par l'employeur, et celui-ci n'ayant rien entrepris pour préserver son salarié du danger.

Il sollicite la réformation en ce sens du jugement déféré, la mise en place d'une expertise aux fins de déterminer les préjudices complémentaires, l'allocation d'une provision à hauteur de la somme de 15 000 €, de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 10 000 €, ainsi qu'une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SNCM, soulève à titre principal la prescription de l'action, et sur le fond, l'absence des éléments pouvant caractériser la faute inexcusable, l'employeur ne pouvant avoir conscience de la survenance d'un accident cardiaque subi par un salarié.

Elle demande une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté l'ENIM (établissement national des invalides de la marine) soulève in limine litis la péremption d'instance, « aucune diligence de nature à faire avancer l'instance pendant plus de deux ans n'ayant été accomplie », également la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et subsidiairement sur le fond de cette action, que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas réunis.

Il sollicite également une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CGEA (centre de gestion et d'études AGS) mis en cause par [P] [G] sollicite sa mise hors de cause.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.

La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.

SUR CE

Attendu que [P] [G] est marin de la SNCM depuis le 1er mars 1977 ; qu'il a été victime d'un accident cardiaque le 19 février 1997 ;

Qu'il sollicite la reconnaissance de la faute inexcusable de la SNCM dans le cadre de cet accident cardiaque ;

Attendu que le premier juge a rejeté cette demande au motif que le régime spécial de sécurité sociale des gens de mer ne prévoit pas de recours contre l'armateur en raison de la faute inexcusable ;

Attendu toutefois, qu'il résulte des articles L 412-8 8° et L 413-12 2° du code de la sécurité sociale, tels qu'interprétés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, et de l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 que le marin victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime ou ses ayants droit peuvent, en cas de faute inexcusable de l'employeur, demander, devant la juridiction de sécurité sociale, le bénéfice du livre IV du code de la sécurité sociale ainsi que l'indemnisation des préjudices complémentaires non expressément couverts par les dispositions de ce livre ;

Que l'action de [P] [G] est donc recevable à ce titre ;

Attendu que l'employeur et l'ENIM, notamment, soulèvent l'exception de péremption d'instance ;

Attendu que cette exception est prévue et régie par les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile qui prévoient la péremption lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ;

Qu'en l'espèce, une décision de radiation a été rendue par la cour de céans le 3 juin 2010, alors que l'appel est en date du 4 avril 2009 ;

Que la reprise de l'instance étant en date de 2012, il est exposé que le requérant n'a effectué aucune diligence depuis l'acte d'appel du 4 avril 2009, situation ayant pour conséquence de rendre acquise la péremption ;

Attendu toutefois que l'article R 142-22 dernier alinéa du code de la sécurité sociale dispose que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, « les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction » ;

Qu'en l'espèce, aucune preuve n'est apportée ni par l'ENIM, ni par la société employeur, de ce qu'une ou plusieurs diligences auraient été mises à charge de l'une ou l'autre des parties par la juridiction des affaires de sécurité sociale, et de ce qu'ainsi, le délai de péremption aurait commencé à courir ;

Que par conséquent, doit être rejetée l'exception du chef de péremption d'instance ;

Attendu plus précisément que la cour de cassation retient qu'il résulte du texte de l'article R142-22 dernier alinéa CSS, (qui ne distingue pas selon que le cours de l'instance est ou non suspendu), que l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du CPC les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, et que par suite, viole l'article R 142-22 susvisé, la décision qui constate la péremption alors qu'elle n'avait mis aucune diligence à la charge des parties ;

Attendu en outre que le caractère oral de la procédure, qui rend sans objet le dépôt et la notification de conclusions écrites, a comme incidence que l'obligation de déposer des conclusions est une diligence inopérante ne pouvant faire courir le délai de péremption ;

Qu'en conséquence, s'il n'y a aucune diligence spéciale mise à la charge de la partie concernée, ou si cette diligence ne porte que sur une obligation de dépôt de conclusions (diligence inopérante), le délai de péremption n'a pas couru, la péremption n'est pas acquise, et l'analyse du fond doit être abordée ;

Attendu que la SNCM et l'ENIM soulèvent également la prescription de l'action en reconnaissance de faute inexcusable ;

Attendu que conformément aux dispositions de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription en matière de faute inexcusable est de deux ans et elle court :

-soit du jour de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie ;

-soit de la cessation du travail ;

-soit du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières ;

Que s'il y a versement d'indemnités journalières, c'est la date effective de cessation du versement des indemnités qui fait courir le délai, peu importe qu'une décision de la caisse ou du TASS fixe la consolidation à une date antérieure à cette cessation ;

Que l'action se prescrit par deux ans à compter de la cessation du paiement des indemnités journalières perçues par le salarié, de manière effective et pour le même accident, avant toute consolidation ;

Attendu qu'en l'espèce, la date la plus favorable est celle du jour de cessation du paiement des indemnités journalières ;

Que la SNCM et l'ENIM exposent qu'il s'agit du 15 mai 2002, et que le présent recours étant en date du 1er février 2005, la prescription biennale serait acquise ;

Attendu toutefois que [P] [G] fait ressortir que par jugement devenu définitif du TASS des Bouches du Rhône en date du 6 septembre 2012, l'ENIM avait été condamné à lui payer dans le cadre de cet accident du travail, les indemnités journalières dues pour la période du 30 avril 1999 au 15 octobre 2005 ; qu'ainsi, la prescription biennale n'est alors pas acquise ;

Attendu en tout état de cause que la combinaison des dispositions du décret loi du 17 juin 1938 sur le régime d'assurance des marins, et de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, prévoit également que le point de départ du délai biennal de prescription court à compter soit du jour de l'accident, soit de la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre la maladie et l'activité professionnelle, soit de la cessation du paiement de l'indemnité journalière, soit de la cessation de prise en charge du marin par l'armateur ;

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de la SNCM, que celle-ci « a payé le salaire de [P] [G] à compter du 15 décembre 2004, sans aucune mention d'indemnités journalières, ce qui constitue la cessation de sa prise en charge maladie ou accident » ;

Qu'il est loisible de constater qu'à compter du 15 décembre 2004, jusqu'au 1er février 2005 date du recours en reconnaissance de faute inexcusable, le délai de deux ans n'était pas expiré ;

Qu'en conséquence l'action est recevable ;

Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;

Attendu en l'espèce que l'imputabilité de l'accident à l'activité au sein de l'entreprise n'est pas contestée, [P] [G] embauché par la SNCM comme ouvrier électricien, ayant été victime d'un infarctus le 17 février 1997 alors qu'il était embarqué ;

Attendu, sur la conscience du danger, que le requérant fait valoir que les conditions de travail étaient inappropriées et avaient conduit à son épuisement physique et mental ; que de même, le père de [P] [G], portant le même nom et le même prénom, et qui occupait les mêmes fonctions d'électricien, était décédé à l'âge de 41 ans en mer d'un accident cardiaque ;

Attendu toutefois, qu'il doit être relevé que :

-sur les horaires de travail, aucune preuve n'a été apportée d'une quelconque irrégularité, notamment par la seule autorité compétente en la matière, soit le médecin des gens de mer,

-que lors des visites médicales successives, et notamment la plus rapprochée de l'accident cardiaque du requérant, ce dernier a été « déclaré apte toutes fonctions et spécialités »,

-que ultérieurement, lors de la reprise du travail par [P] [G], les constatations médicales subséquentes ont fait ressortir que l'inaptitude à la navigation « n'a pas pour cause un accident du travail maritime ni une maladie professionnelle » ;

Qu'il résulte des pièces du dossier que le requérant n'apporte pas la démonstration que l'employeur pouvait avoir conscience de la survenance à terme d'un accident cardiaque, et encore moins mettre en 'uvre un quelconque moyen afin de l'anticiper ;

Que la conscience du danger reste indispensable pour fonder le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ; qu'il en résulte que celle ci ne saurait être considérée comme établie ;

Attendu que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable est rejetée, les demandes subséquentes deviennent sans objet ;

Qu'il convient de réformer le jugement dont appel ainsi que précisé dans le présent dispositif ;

Attendu que le CGEA expose que la garantie qu'il apporte ne joue que lorsque les créances réclamées résultent de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail, conformément aux dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que le CGEA sera mis hors de cause ;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare recevable l'appel de [P] [G],

Rejette l'exception du chef de péremption d'instance,

Rejette l'exception du chef de prescription de l'action en reconnaissance de faute inexcusable,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit que l'action de [P] [G] en reconnaissance de faute inexcusable est recevable,

La déclare infondée,

Met hors de cause le CGEA,

Rejette l'ensemble des autres demandes des parties,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04703
Date de la décision : 05/01/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°14/04703 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-05;14.04703 ?
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