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18/12/2015 | FRANCE | N°13/13949

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 18 décembre 2015, 13/13949


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2015



N° 2015/













Rôle N° 13/13949





SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER





C/



[R] [G]

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Marie-anne COLLING



Me Véronique RONDEAU-ABOULY





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 17 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/5881.







APPELANTE



SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER, demeurant [Adresse 1]



repré...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2015

N° 2015/

Rôle N° 13/13949

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER

C/

[R] [G]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Marie-anne COLLING

Me Véronique RONDEAU-ABOULY

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 17 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/5881.

APPELANTE

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 46

INTIME

Monsieur [R] [G], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Véronique RONDEAU-ABOULY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2015.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Monsieur [R] [G] est salarié de l'établissement public industriel et commercial la Société Nationale de Chemins de fer français (SNCF), affecté sur l'établissement [Établissement 1], en qualité d'agent de réserve.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir indemnisation par la SNCF de la violation des dispositions relatives aux repos hebdomadaires.

Par jugement en date du 17 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Marseille, a :

- dit et jugé que la SNCF n'a pas respecté les dispositions de l'article 32-V et VII norme

RH0077 tel qu'exposé par Monsieur [R] [G],

- condamné la SNCF à payer à ce dernier les sommes suivantes :

. 400 euros au titre du non-respect de la réglementation,

. 1 500 euros de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

. 200 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- débouté Monsieur [R] [G] pour le surplus,

- débouté la SNCF de sa demande reconventionnelle,

- prononcé l'exécution provisoire pour 50% de la décision,

- condamné la SNCF aux dépens,

La SNCF a interjeté appel de cette décision le 1er juillet 2013, ainsi que de plusieurs autres jugements rendus à la même date et concernant le même litige.

Dans ses écritures développées à la barre, communes à plusieurs des instances inscrites au rôle, la SNCF demande à la cour, infirmant le jugement entrepris, de :

- dire et juger que les agents de réserve, catégorie à laquelle appartient Monsieur [R] [G], ne sont pas fondés à invoquer le bénéfice des 52 repos périodiques doubles annuels, car relevant d'un autre régime applicable, et ne peuvent donc demander une quelconque indemnisation à ce titre,

- dire et juger n'y avoir lieu à condamnation de l'employeur au titre d'une quelconque déloyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- condamner Monsieur [R] [G] à lui verser la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures déposées et soutenues à l'audience, communes à plusieurs des instances inscrites au rôle, Monsieur [R] [G] sollicite, notamment en application de la théorie de l'estoppel et en l'état des manquements constatés quant à l'octroi desdits jours de repos, la confirmation de la décision entreprise dans toutes ses dispositions.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la théorie de l'estoppel

Aux termes des articles 72 et 563 du code de procédure civile, les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et les parties, pour justifier des prétentions qu'elles ont soumises au premier juge, peuvent, en cause d'appel, invoquer des moyens nouveaux.

Dans le cadre de la procédure orale prud'homale, les parties peuvent ajouter de nouvelles demandes, même en appel, à condition que ces demandes dérivent du même contrat de travail et que la partie adverse ait pu y répondre afin de respecter le principe du contradictoire.

Selon la règle de l'estoppel, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, et ce, au regard du principe de loyauté qui doit régir les débats judiciaires.

En l'espèce, la SNCF ne modifie pas ses prétentions et ne présente pas de demande nouvelle. Elle utilise en revanche, un moyen nouveau pour justifier le rejet des demandes de Monsieur [R] [G] et l'infirmation du jugement critiqué, en se référant à l'article 38-V de la norme RH0077 applicable au statut d'agent de réserve, article dont elle soutient qu'il limiterait les droits aux repos doubles de cette catégorie d'agents, alors que devant le premier juge elle ne visait pas ce texte.

Pour autant la contradiction au détriment d'autrui n'est pas établie. En effet, d'une part la SNCF se contente de préciser devant la cour le texte qui lui semble le plus adapté au regard du statut desdits agents et de leur droit au repos double, faisant valoir que ce texte doit prévaloir sur les textes plus généraux invoqués par ceux-ci ; d'autre part, devant le premier juge, elle se référait déjà à un régime spécifique concernant ces mêmes agents de réserve avec un décompte particulier de leurs jours de repos et de travail.

Il convient donc de rejeter cette fin de non recevoir.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'attribution des jours de repos statutairement institués

Monsieur [R] [G] qui occupe un emploi d'agent de réserve au sein de la SNCF, demande le bénéfice des dispositions de l'article 32-V du règlement RH0077, dit référentiel des ressources humaines, issu des décrets n° 99-1161 du 29 décembre 1999 et n° 2008-1198 du 19 novembre 2008 aux termes duquel 'chaque agent... doit bénéficier au minimum de cinquante-deux repos périodiques doubles, triples le cas échéant, par an. Douze de ces repos périodiques doivent être placés sur un samedi et un dimanche consécutifs'. Il fonde sa prétention sur l'article 38 dudit règlement selon lequel 'l'agent effectuant un remplacement est soumis aux mêmes règles que l'agent remplacé'.

Ce référentiel, relatif à la durée de travail du personnel de la SNCF, distingue trois catégories de personnels : le personnel roulant, le personnel sédentaire et le personnel non soumis à un tableau de service.

Monsieur [R] [G] appartient à la catégorie du personnel sédentaire dont l'organisation du temps de travail et des congés est prévue par les chapitres IX, X et XI du titre II de ce même règlement.

L'article 32 relatif aux repos hebdomadaires, aux repos périodiques et repos supplémentaires distingue :

- le personnel des directions centrales et régionales visé à l'alinéa a du paragraphe 1 de l'article 25 qui bénéficie du repos hebdomadaire le dimanche auquel est accolée une journée de chômage, le samedi en général,

- le personnel des établissements et entités opérationnelles prévu à l'alinéa b du paragraphe 1 de l'article 25 qui sont non soumis à des contraintes particulières et qui bénéficie de 114 jours de repos accordés séparément ou accolés pour constituer les repos périodiques,

- le personnel des établissements et entités opérationnelles prévu à l'alinéa c du paragraphe 1 de l'article 25 qui sont soumis à contraintes particulières et qui dispose de 118 jours de repos accordés avec les mêmes modalités.

Aux termes de l'article 32-V dont Monsieur [R] [G] demande le bénéfice, 'le repos périodique est dit simple, double ou triple selon qu'il est constitué par un, deux ou trois jours de repos.

Deux jours de repos doivent être accolés dans toute la mesure possible.

En tout état de cause... chaque agent relevant de l'un des articles 32-II et 32-III... doit bénéficier au minimum de 52 repos périodiques doubles, triples le cas échéant, par an...'.

Monsieur [R] [G] qui appartient à la catégorie des agents de réserve, faute de pouvoir être rattaché à la catégorie des agents relevant de l'un des articles 32-II et 32-III, ne peut prétendre bénéficier des dispositions de l'article 32-V du règlement RH0077.

Les dispositions relatives aux agents de réserve sont régies par l'article 38 du règlement qui dispose que 'l'agent effectuant un remplacement est soumis aux mêmes règles que l'agent remplacé', et que 'seuls les agents de remplacement remplissant l'une des conditions prévues au paragraphe 3 de l'article 25 sont considérés comme soumis aux dispositions de l'alinéa c du paragraphe 1 de l'article 25'. Ces conditions concernent les agents qui, au cours d'un mois civil, 'prennent ou cessent leur service, au moins une journée de service sur deux en moyenne, dans la période s'étendant de 23 heures 30 (inclus) à 4 heures 30 (inclus)' et à ceux qui au cours d'un mois civil, 'assurent au moins 6 journées de service comportant chacune au moins deux heures dans la période comprise entre 0 heures et 4 heures'.

Monsieur [R] [G] ne justifie pas répondre à ces conditions. Il est donc mal fondé, dès lors, à solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 32-V, par renvoi de l'article 38-I du règlement, alors que le premier paragraphe de cet article ne peut que viser les règles générales liées au temps de travail de l'agent de réserve, ce dernier devant notamment effectuer un service de la même amplitude horaire que l'agent qu'il remplace et bénéficier des mêmes temps de pause.

Le paragraphe I de l'article 38 n'a pas vocation à voir appliquer à l'agent de réserve l'ensemble des règles concernant l'agent remplacé, les agents de réserve bénéficiant de dispositions spécifiques édictées pour tenir compte de la particularité de leur emploi. Un régime différent de repos périodiques et de repos complémentaires a ainsi été conçu au profit des agents de la SNCF selon leur catégorie, pour le personnel roulant, pour le personnel sédentaire et pour les agents de réserve.

Ce texte retient le particularisme des conditions d'intervention des 'agents de réserve des établissements d'exploitation et autres entités opérationnelles', catégorie à laquelle appartient Monsieur [R] [G], pour justifier les dispositions qui leur sont consacrées ; il est en effet ainsi rédigé :

' En raison de leur utilisation spécifique, les agents de réserve bénéficient, sous réserve de la

répercussion des absences, de cent vingt-cinq repos chaque année (cent vingt-six les années où le nombre de dimanches est de cinquante-trois).

Cent quatorze (cent quinze les années où le nombre de dimanches est de cinquante-trois) sont des repos périodiques et les onze autres sont des repos supplémentaires.

Six repos supplémentaires sont portés au crédit du compte temps dans les conditions indiquées à l'article 55 ci-après.

Les repos périodiques et cinq repos supplémentaires sont attribués dans les conditions prévues aux articles 32-VI et 33 en s'efforçant de les programmer par période d'une durée au moins égale à deux semaines de calendrier. Ce programme est normalement communiqué aux agents avant la fin de la période précédente. Le nombre de jours de repos accordés sur un semestre civil ne doit pas être inférieur à cinquante-six.

Chaque mois civil, ces agents doivent bénéficier au minimum d'un repos périodique placé sur un samedi et un dimanche consécutifs et d'un autre repos périodique double. Les dates de ces repos leur sont communiquées au plus tard le 20 du mois précédent.

Le nombre annuel de repos supplémentaires est majoré au prorata du nombre de mois d'application du paragraphe 3 de l'article 25, sans que le total puisse dépasser dix-huit. Ces nouveaux repos supplémentaires sont portés au crédit du compte temps'.

En conséquence, l'article 38-V du règlement RH0077 doit être interprété dans le sens que les agents de réserve ne peuvent revendiquer que vingt-quatre repos périodiques doubles, soit un minimum de deux par mois ('un repos périodique placé sur un samedi et un dimanche consécutifs et un autre repos périodique double') pour répondre à la spécificité de leur statut explicitement rappelée ci-dessus, leur fonction de remplacement empêchant l'employeur de programmer à l'avance leurs repos, dès lors qu'ils ont vocation à remplacer des agents sur des emploi du temps comportant des temps de repos différents.

En outre, le nombre de repos périodiques doubles inférieur à celui dont bénéficient les autres agents est compensé par l'allocation de repos supplémentaires et par une indemnisation spécifique destinée à compenser les sujétions auxquelles ces agents sont soumis du fait même du défaut de programmation de leur affectation.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur [R] [G] au titre de ces repos doubles.

Sur la demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail

La SNCF ayant respecté la réglementation s'appliquant aux agents de réserve, à savoir l'application de l'article 38 -5 de la norme susvisée concernant les repos périodiques doubles, la mauvaise foi alléguée par Monsieur [R] [G] à l'encontre de celle-ci dans l'exécution du contrat de travail liant les parties n'est pas établie. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à sa demande à ce titre.

Sur la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la SNCF la charge de ses frais irrépétibles.

Monsieur [R] [G] qui succombe sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Déboute Monsieur [R] [G] de toutes ses demandes,

Déboute la Société Nationale de Chemins de fer français de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [R] [G] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/13949
Date de la décision : 18/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-18;13.13949 ?
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