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17/12/2015 | FRANCE | N°14/04905

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 17 décembre 2015, 14/04905


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 17 DECEMBRE 2015



N° 2015/530













Rôle N° 14/04905







[Z] [R]

SA GAN ASSURANCES





C/



[H] [P]

[J] [E]

SA AXA FRANCE IARD

MACIF

CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE MONACO







Grosse délivrée

le :

à :



Me Pierre-Paul VALLI



Me Claudia CITRONI



r>
Me Thierry TROIN



Me Françoise BOULAN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 28 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 08/04774.





APPELANTS



Monsieur [Z] [R]

demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Pi...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 DECEMBRE 2015

N° 2015/530

Rôle N° 14/04905

[Z] [R]

SA GAN ASSURANCES

C/

[H] [P]

[J] [E]

SA AXA FRANCE IARD

MACIF

CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE MONACO

Grosse délivrée

le :

à :

Me Pierre-Paul VALLI

Me Claudia CITRONI

Me Thierry TROIN

Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 28 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 08/04774.

APPELANTS

Monsieur [Z] [R]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Pierre-Paul VALLI, avocat au barreau de NICE

SA GAN ASSURANCES - [Adresse 5]

représentée par Me Pierre-Paul VALLI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Madame [H] [P]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 3], demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Claudia CITRONI, avocat au barreau de NICE

Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE

SA AXA FRANCE IARD es qualités d'assureur-Loi, représentée par son Agent Général - SAMCAR ASCOMA JUTHEAU HUSSON dont le siège social est [Adresse 4], en la personne de son représentant légal en exercice - [Adresse 6]

représentée Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Hervé ZUELGARAY de l'ASSOCIATION ANDREI - ZUELGARAY, avocat au barreau de NICE,

MACIF prise en la personne de son Directeur en exercice demeurant ès qualité audit siège,

représentée par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE

CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE MONACO, [Adresse 1]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Novembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, GILLY-ESCOFFIER Françoise, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Mme Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Décembre 2015,

Signé par Madame Christiane BELIERES, présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 5 août 2004, alors qu'elle se rendait à son travail au volant de son véhicule, Mme [H] [P] a été heurtée par le véhicule conduit par M. [J] [E], assuré auprès de la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (Macif) qui a fait un écart pour éviter le véhicule conduit par M. [Z] [R] assuré auprès de la SA Gan Assurances (SA Gan).

Mme [P] a été blessée dans cet accident.

La SA Gan a mis en place une procédure amiable avec désignation du docteur [M] à l'effet d'examiner la victime et a versé à celle-ci une provision de 400 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Mme [P] a saisi le juge des référés de Nice qui, par ordonnance du 17 janvier 2006, a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur [B] qui a déposé son rapport le 9 novembre 2006.

Par jugement du 12 décembre 2011 le tribunal de grande instance de Nice, statuant sur les assignations délivrées le 8 et le 11 août 2008 à la requête de Mme [P], à l'encontre de M. [E], la Macif, M. [R], la Sa Gan, la Sa Axa France Iard (Sa Axa) en qualité d'assureur loi et de la Caisse de compensation des services sociaux de Monaco (Ccssm) a :

- condamné in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif, d'autre part, à indemniser l'entier préjudice subi par Mme [P],

- condamné in solidum les mêmes à lui verser la somme de 5 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

- dit que dans leurs rapports entre eux M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif, d'autre part, seront tenus chacun à hauteur de 50 % du montant de l'indemnisation,

- ordonné une nouvelle expertise médicale de Mme [P], confiée au docteur [A],

- déclaré le jugement opposable à la Ccssm,

- réservé les dépens et le surplus des demandes.

L'expert [A] a déposé son rapport le 31 juillet 2012.

Par jugement du 28 janvier 2014 le tribunal de grande instance de Nice a :

- fixé le préjudice corporel de Mme [P] ainsi qu'il suit :

* frais divers 1 180 €,

* perte de gains professionnels pour la période du 5 août 2004 au 13 juin 2005 : 2 511,43 €,

* déficit fonctionnel temporaire total : 1 867,50 €,

* perte de gains professionnels futurs : 69 866,64 €,

* souffrances endurées : 3 500 €,

* déficit fonctionnel permanent : 4 500 €,

- condamné in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif, d'autre part, à verser ces sommes à Mme [P] dont à déduire les provisions versées en exécution du jugement du 12 décembre 2011,

- rappelé que dans leurs rapports entre eux M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif, d'autre part, seront tenus chacun à hauteur de 50 % du montant de l'indemnisation,

- condamné in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif, d'autre part à verser à la Sa Axa la somme de 61 238,36 € dont à déduire la somme de 400 € versée le 19 juillet 2005 par la Sa Gan outre les intérêts légaux à compter du jugement ,

- condamné in solidum les mêmes à verser à Mme [P] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 1 500 € à la Sa Axa France Iard au même titre,

- déclaré le jugement commun à la Ccssm,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif, d'autre part, aux dépens y compris ceux de la procédure de référé, incluant la somme de 400 €, montant du complément de consignation réglée par Mme [P], les honoraires du docteur [A] et les frais de traduction des documents s'élevant à la somme de 538,65 € et ce avec distraction.

Le tribunal a considéré notamment que l'accident a entraîné l'inaptitude au travail de Mme [P] puisque le 9 juin 2005 la médecine du travail de Monaco l'a déclarée inapte à son travail sans reclassement possible, que ses trois employeurs l'ont licenciée, qu'une déclaration d'inaptitude à sa profession a été reconnue par la médecine du travail italienne le 27 novembre 2009 et qu'elle a perçu une rente accident du travail en vertu d'un arrêt de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco en date du 15 décembre 2009.

Par acte du 7 mars 2014 , dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [R] et la Sa Gan ont interjeté appel général de cette décision.

Moyens des parties

M. [R] et la Sa Gan demandent dans leurs conclusions du 4 juin 2014, de :

- infirmer le jugement sur l'évaluation des postes ci-après et allouer à Mme [P] les sommes suivantes à ces titres :

* dépenses de santé actuelles prises en charge par la Sa Axa : aucune somme

* frais divers pris en charge par la Sa Axa : aucune somme

* pertes de gains professionnels actuels : aucune somme

* perte de gains professionnels futurs : aucune somme

* dépenses de santé futures : aucune somme

* déficit fonctionnel temporaire total : aucune somme

* déficit fonctionnel temporaire partiel (10 % sur la base de 600 € par mois) : 594 €

* souffrances endurées : 2 000 €

* déficit fonctionnel permanent : 4 200 €

- infirmer le jugement sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [P] et de la Sa Axa,

- condamner tous contestants aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise du docteur [A] et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles font valoir que la Sa Axa ne justifie pas avoir pris en charge des frais médicaux pour le compte de Mme [P] antérieurement à la date de consolidation, que la demande de Mme [P] au titre de la perte de gains professionnels futurs n'est pas justifiée puisqu'il ressort du rapport amiable du docteur [M] du 7 juillet 2005 et des rapports d'expertises judiciaires du docteur [B] du 9 novembre 2006 et du docteur [A] du 31 juillet 2012 qu'elle était apte à reprendre son activité professionnelle dans les conditions antérieures, que les déclarations d'inaptitude au travail émanant de la médecine du travail de la Principauté de Monaco du 9 juin 2005, de la médecine du travail italienne du 27 novembre 2009 et le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Monaco du 15 décembre 2009 ont été antérieurs au dépôt de son rapport par le docteur [A] qui a relevé que l'examen clinique était normal et que le syndrome d'algodystrophie invoqué n'a pas été confirmé lors de la scintigraphie osseuse du 1er février 2005 ni même lors de la nouvelle scintigraphie réalisée en décembre 2005 en Italie, que l'expert a retenu que les conséquences physiques de l'accident du 5 août 2004 n'ont aucune incidence sur l'activité professionnelle de Mme [P], que d'ailleurs celle-ci conserve 97 % de ses capacités.

Mme [P] demande aux termes de ses écritures du 22 décembre 2014, de :

confirmer le jugement en ce qui concerne

- l'indemnisation des postes de préjudice suivants :

* déficit fonctionnel temporaire total : 1 125 €

* déficit fonctionnel temporaire partiel : 742,50 €

* souffrances endurées : 3 500 €

* déficit fonctionnel permanent : 4 500 €

* perte de gains professionnels actuels : 2 511,43 euros

- l'absence de prise en compte des conclusions de l'expert judiciaire sur le poste perte de gains professionnels futurs,

- l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs compte tenu du caractère non sérieusement contestable de la perte de revenus professionnels directement liée aux conséquences de l'accident ayant entraîné une déclaration d'inaptitude au travail et fixer la perte de gains futurs à la somme de 131 105 €,

- la condamnation in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part et M. [E] et la Macif d'autre part à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

infirmer le jugement en ce qu'il

- l'a déboutée de sa demande tendant au remboursement de la somme totale de 8 752 € au titre des dépenses assumées personnellement pour sa prise en charge médicale entre le 21 décembre 2004 et le 18 février 2008 et en ce qu'il ne l'a déclarée fondée en sa demande de remboursement qu'à hauteur de 932,58 € sous réserve d'appeler en la cause les organismes sociaux dont elle relève alors qu'elle n'a pas à le faire dans la mesure où la législation italienne ne précise ni ne prévoit de poste de préjudice soumis ou non à recours et condamner en conséquence in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif d'autre part, à lui verser la somme de 8 752 € au titre des dépenses de santé,

- l'a déboutée de sa demande en paiement des sommes de 1 300 € au titre des honoraires du docteur [G] et de 950 € au titre de l'assistance du docteur [O] lors de l'expertise du docteur [A] et condamner en conséquence in solidum M. [R] et la SA Gan d'une part, M. [E] et la Macif d'autre part, à lui verser ces sommes,

- l'a déboutée de sa demande tendant au remboursement de la somme de 363,53 € au titre de l'exécution du jugement avant dire droit du 12 décembre 2011,

condamner in solidum M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif d'autre part aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile et à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'elle a eu des dépenses médicales dont elle est fondée à obtenir le remboursement et qu'aucune créance ne peut s'imputer sur ce poste de préjudice ; elle souligne, sur le poste de perte de gains professionnels futurs, qu'à la suite de la déclaration d'inaptitude au travail sans reclassement du 9 juin 2005 de la médecine du travail de la Principauté de [Localité 1] elle a été licenciée par ses trois employeurs, que depuis elle n'a pas retrouvé d'emploi que ce soit à [Localité 1] ou en France, qu'elle justifie de son inaptitude définitive à sa profession antérieure du fait des séquelles de l'accident par les certificats médicaux des différents médecins l'ayant suivi, dont celui du docteur [L], neurologue, du 18 mars 2010 et celui du docteur [C] en date du 1er août 2012, confirmé le 15 décembre 2014, relevant qu'elle est toujours atteinte d'une algodystrophie réflexe sympathique et que bien que souffrant psychologiquement des séquelles de l'accident elle ne présente aucun profil pathologique pouvant expliquer celles-ci, qu'elle a d'ailleurs été déclarée invalide et inapte à sa profession par la médecine italienne du travail le 27 novembre 2009, que sa perte de gains professionnels futurs doit être calculée en fonction de son revenu avant l'accident, soit 768,78 € par mois, diminué de la rente accident du travail de 176 € par mois avec un point de rente viager à la consolidation de 18,424 ; elle indique ,sur le poste déficit fonctionnel temporaire total, que le premier juge l'a légitimement retenu bien que l'expert l'ait écarté faute d'hospitalisation, car ce poste correspond à la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de l'existence durant la maladie traumatique et qu'elle a dû porter un collier cervical, a subi des séances de kinésithérapie et a été atteinte d'acouphènes et de troubles de l'équilibre.

M. [E] et la Macif demandent dans leurs conclusions du 28 juillet 2014, faisant droit à leur appel incident, de :

- infirmer le jugement en ce qui concerne l'indemnisation des postes suivants et les évaluer ainsi qu'il suit :

*dépenses de santé actuelles : aucune somme

* perte de gains professionnels futurs : aucune somme

* dépenses de santé futures : aucune somme

* déficit fonctionnel temporaire total : aucune somme

* déficit fonctionnel temporaire partiel (10 % sur la base de 600 € par mois) : 594 €

* souffrances endurées : 2 000 €

* déficit fonctionnel permanent : 4 200 €

- débouter Mme [P] de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,

- statuer ce que le droit sur les dépens avec distraction.

Elles font valoir d'une part, que les trois experts amiable et judiciaires indiquent clairement que les conséquences physiques résultant de l'accident survenu le 5 août 2004 n'ont aucun retentissement sur l'activité professionnelle de Mme [P], que le juge de première instance s'est appuyé sur les déclarations d'inaptitude au travail émanant de la médecine du travail de la Principauté de [Localité 1] du 9 juin 2005 et de la médecine du travail italienne du 27 novembre 2009, déclarations qui sont antérieures au dépôt du rapport de l'expert judiciaire [A] du 31 juillet 2012, qui a estimé que le syndrome d'algodystrophie invoqué n'a pas été confirmé par les scintigraphies du 1er février 2005 et de décembre 2005, d'autre part, que le taux de déficit fonctionnel permanent retenu confirme l'aptitude professionnelle de Mme [P].

La Sa Axa demande dans ses conclusions du 2 juillet 2014, en application de l'article 13 de la loi monégasque du 11 janvier 1958, de la convention franco- monégasque du 28 février 1952 et de la loi du 5 juillet 1985, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué en sa qualité d'assureur-loi la somme de 61'238,36 euros au titre de sa créance définitive après déduction de la provision déjà versée le 19 juillet 2005 par la Sa Gan d'un montant de 400 €, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 1 500 € titre l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [R] et la Sa Gan de leur demande dirigée à son encontre,

- condamner in solidum M. [R] et M. [E] et leur assureur respectif, la Sa Gan et la Macif, aux dépens dont ceux d'appel avec distraction et à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle est fondée à poursuivre le remboursement intégral des prestations qu'elle a versées à la victime au titre des indemnités mises par la loi à la charge de l'employeur, sur le tiers auteur entièrement responsable de l'accident sans qu'il y ait lieu de limiter ce remboursement à l'évaluation en droit commun du préjudice de la victime, étant précisé que son recours subrogatoire est soumis à la loi monégasque, qu'en effet en cas de subrogation légale la loi applicable à l'action contre le responsable est celle de l'institution du tiers payeur qui a versé les prestations, que l'action récursoire soit exercée par un organisme étranger à la suite d'un délit localisé en France ou par un organisme français à l'occasion d'un délit survenu à l'étranger ; elle précise que sa créance se décompose comme suit :

- dépenses de santé actuelles : 3 855,85 €

- perte de gains professionnels actuels (indemnités journalières) : 2 601,72 €

- incidence professionnelle définitive : 11'744,75 € au titre des arrérages de la rente et 43'436,04 € au titre du capital constitutif.

La caisse de compensation des services sociaux de Monaco n'a pas constitué avocat. M. [R] et la Sa Gan lui ont signifié la déclaration d'appel par acte du huissier du 5 juin 2014 transmis au parquet de [Localité 1] qui l'a remis à son destinataire le 11 juin 2014.

La Sa Axa lui a dénoncé ses conclusions par acte du huissier de justice du 18 juillet 2014 remis à personne.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par Mme [P] n'a jamais été contesté ni la répartition de la charge de cette indemnisation entre M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif d'autre part ; seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur le préjudice corporel

L'expert [A] indique que Mme [P] a présenté, à la suite de l'accident, une entorse cervicale sur mouvement de fléau et des ecchymoses thoraciques gauches, de la hanche gauche et du genou droit et qu'elle conserve comme séquelles un syndrome subjectif post-traumatique, douloureux et fonctionnel, de la région cervico-scapulaire et du membre supérieur gauche.

Il conclut à :

- dépenses de santé actuelles : les frais opposables par les organismes sociaux ayant assuré la prise en charge des soins et explorations relatives à l'accident,

- frais divers : non exposés

- déficit fonctionnel temporaire total : néant en l'absence d'hospitalisation

- déficit fonctionnel temporaire partiel : de classe I non supérieur à 10 %

- consolidation au 13 juin 2005 date retenue par la rhumatologue traitante de la victime, après que toutes les explorations à visée diagnostique aient été réalisées et toutes les voies thérapeutiques explorées,

- perte de gains professionnels actuels : totale du jour de l'accident jusqu'à la consolidation,

- souffrances endurées de 2/7,

- frais futurs : néant en l'absence d'aggravation prévisible,

- perte de gains professionnels futurs : en présence d'un examen clinique normal et en l'absence de lésions post traumatiques identifiées, la victime est apte à reprendre son activité professionnelle dans les conditions antérieures à l'accident,

- déficit fonctionnel permanent : pour le diagnostic retenu et par analogie au taux proposé pour les syndromes subjectifs des traumatisés crâniens ou lombaires : 3 %,

- tierce personne : néant en l'absence de limitation de l'autonomie,

- préjudice esthétique permanent : néant la position dystonique de la main gauche n'étant pas de nature organique et en l'absence de trouble trophique,

- préjudice d'agrément : néant.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 2] 1963, de son activité de femme de ménage, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Mme [P] était salariée à [Localité 1] au jour de l'accident qui a eu lieu en France.

Il résulte de l'article 3 du code civil que la loi du lieu de l'accident définit l'assiette du recours de l'organisme d'assurance sociale qui indemnise la victime de cet accident.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 3 389,33 €

Ce poste correspond aux

* frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, antérieurs à la consolidation, pris en charge par la Sa Axa, selon les notes d'honoraires et feuilles de soins qu'elle a communiqués soit la somme de 2.611,75 €, le surplus réclamé étant rejeté, car soit les documents ne sont pas datés soit ils correspondent à des dépenses postérieures à la consolidation ; la somme de 2.611,75 € sera donc allouée à la Sa Axa,

* frais restés à la charge de la victime soit la somme de 777,58 €, au vu des feuilles de soins et factures des docteurs [T] (6 novembre 2004, 101,29 €) [N] (8 décembre 2004, 45 €) [X] (17 janvier 2005, 60 € et 13 février 2005, 50 €) [V] (10 mars 2005, 120 €) [D] (25 mars 2005, 300 €) [I] (26 mars 2005,101,29 €), le surplus réclamé étant rejeté comme postérieur à la consolidation.

- Frais divers 1 980 €

Ils sont représentés par

* les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [X], le Dr [O] et le Dr [G] (psychiatre), médecins conseil ayant assisté la victime au cours des expertises des docteurs [B] et [A] et notamment le docteur [G] qui a fait parvenir au sapiteur psychiatre du docteur [B], le docteur [K], un dossier d'expertise, soit au vu des factures produites 480 € (docteur [X] 11 avril 2006) 800 € (docteur [G] le 6 février 2006), 700 € (docteur [O] le 29 mai 2012), soit un total de 1 980 €.

Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l'accident, sont par la même indemnisables.

En revanche la facture du docteur [G] du 22 mars 2007 correspondant à une 'expertise à usage personnel' qui est postérieure à l'avis sapiteur du docteur [K] et dont il n'est pas fait état dans l'historique des documents analysés par l'expert [B] et celles du docteur [O] du 15 février 2010 et du 29 avril 2010, qui correspondent toutes deux à une 'étude de dossier et consultation médico-légale' non retrouvées dans les documents examinés par les experts judiciaires seront rejetées car il n'est pas suffisamment établi que ces frais étaient nécessaires et en lien direct et certain avec l'accident.

- Perte de gains professionnels actuels5 113,15 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Mme [P] justifie, par les certificats de travail qu'elle a communiqués, qu'elle était employée au jour de l'accident comme femme de ménage par trois employeurs qui l'ont licenciée du fait de l'accident, soit M. [S] [F], le 21 juin 2005, la société Baron et Compagnie le 21 juillet 2005 et M. [W] [Y] le 25 juin 2005.

Si elle n'a communiqué aucun bulletin de salaire ni avis d'imposition ou tout autre justificatif de ses revenus au jour de l'accident les parties s'accordent pour fixer à 2 511,43 € le montant revenant à Mme [P] au titre de la perte de gains professionnels actuels après imputation des indemnités qui lui ont été versées par la Ccssm durant la période d'arrêt d'activité retenus par l'expert du 5 août 2004 au 13 juin 2005.

Ces indemnités journalières qui s'imputent sur le poste de perte de gains professionnels actuels qu'elles ont vocation de réparer, doivent être fixées eu égard aux fiches de compte émises par la Ccssm et au montant de la demande de la Sa Axa qui a pris en charge ces indemnités journalières, à la somme de 2 601,72 €.

Ainsi le poste de perte de gains professionnels actuels doit être chiffrée à 5 113,15 € (2 511,43 € + 2 601,72 €).

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures Néant

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

En l'espèce, l'expert a retenu que l'état de Mme [P] était consolidé au 13 juin 2015, date également retenue par sa rhumatologue traitante, et ce après que toutes les voies thérapeutiques aient été explorées et qu'elle ne présentait pas des séquelles rendant prévisibles une aggravation ; il n'est pas établi que les dépenses de santé exposées après la date de consolidation sont une conséquence certaine et directe de l'accident ; la demande d'indemnisation de ces frais doit en conséquence être rejetée.

- Perte de gains professionnels futurs Néant

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Sur ce point, l'expert [A], qui est spécialisé en neurologie a rendu son rapport en connaissance de l'ensemble des documents médicaux établis antérieurement au dépôt de son rapport dont ceux dont se prévaut Mme [P], notamment les certificats des docteurs [C] et [Q] (page 2) et en connaissance des conclusions médicales d'inaptitude au travail de ce dernier médecin.

Il a relevé que l'examen clinique objectif neuro-musculaire articulaire et vaso-moteur était normal, que les diverses explorations exhaustives ne retrouvaient pas de lésion organique susceptible d'éclairer l'origine des vertiges et des douleurs cervico-brachiales gauches dont se plaignait Mme [P] et que les scintigraphies osseuses réalisées en février et décembre 2005 étaient normales (pages 3 et 4).

Il a conclu que l'hypothèse algodystrophique entérinée par certains médecins et qui avait conduit en juin 2005 à considérer Mme [P] comme inapte à toute activité professionnelle reposait sur un syndrome subjectif post traumatique douloureux et fonctionnel de la région cervico-scapulaire et du membre supérieur gauche par nature subjectif et sur des constatations cliniques qu'il n'avait pas retrouvées et que ce diagnostic ne pouvait être retenu en l'absence de dystrophie ou de signe végétatif (page 4).

Le certificat médical du docteur [C] en date du 15 décembre 2014 n'apporte pas d'éléments nouveaux de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert.

Il est ainsi avéré que les séquelles de l'accident n'ont pas entraîné d'inaptitude de Mme [P] à l'exercice de son activité antérieure de femme de ménage ni de tout autre activité professionnelle.

La demande de Mme [P] en indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs n'est donc pas fondée et doit être rejetée.

Mme [P] n'est atteinte d'aucune inaptitude au travail du fait de l'accident du 5 août 2004 et aucune somme ne lui est allouée au titre d'une perte de gains professionnels futurs ; dès lors la rente qui lui a été servie à la suite de la reconnaissance de son inaptitude au travail par la Ccssm et dont la Sa Axa sollicite le remboursement n'est pas en rapport direct et certain avec l'accident et ne peut être imputée sur un quelconque poste de préjudice de Mme [P], étant rappelé que la loi du lieu de l'accident définit l'assiette du recours ; sa demande de paiement formulée de ce chef sera rejetée.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 666 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

En l'espèce les blessures dont a été atteinte Mme [P], n'ont pas entraîné d'hospitalisation ni d'alitement de Mme [P], ni de privation totale de ses activités familiales, sociales ou autres ; le port d'un collier cervical et le recours à des séances de kinésithérapie, n'ont pu être totalement invalidants de même que les acouphènes et troubles de l'équilibre invoqués par Mme [P] ; celle-ci ne justifie donc pas d'un déficit fonctionnel temporaire total et sa demande formulée à ce titre doit être rejetée.

Le déficit fonctionnel temporaire partiel qu'elle a subi du 5 août 2004 au 13 juin 2005 doit être réparé sur la base d'environ 650 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 10 % de 666,25 € (650 € x 10 % x 10,25 mois) arrondi à 666 €.

- Souffrances endurées3 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des examens, des soins et des douleurs; évalué à 2/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 3 000 €.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent4 500 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par syndrome subjectif post-traumatique, douloureux et fonctionnel, de la région cervico-scapulaire et du membre supérieur gauche, ce qui conduit à un taux de 3 % justifiant une indemnité de 4 500 € pour une femme âgée de 40 ans à la consolidation.

Le préjudice corporel global subi par Mme [P] s'établit ainsi à la somme de 18 648,48 € soit, après imputation des débours de la Sa Axa, une somme de 13 435 € lui revenant, provisions non déduites qui, en application de l'article 1153-1 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 28 janvier 2014.

La Sa Axa doit recevoir la somme de 5 213,47 € ; cette somme produira intérêts légaux à compter du jour du jugement du 28 janvier 2014 conformément à sa demande.

Sur les demandes annexes

Mme [P] dispose déjà d'un titre sur M. [E] et la Macif lui permettant de recouvrer les frais d'exécution du jugement avant dire droit du 12 décembre 2011 ; aucune nouvelle condamnation n'a lieu d'être prononcée sur ce point.

Les autres dispositions du jugement relatives aux dépens, qui ne sont pas contestées, et celles concernant les frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

M. [R] et la Sa Gan d'une part, M. [E] et la Macif d'autre part, qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à Mme [P] et à la Sa Axa une indemnité de 1 500 € chacune au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et du recours subrogatoire de la Sa Axa France Iard et des sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de Mme [H] [P] à la somme de 18 648,48€,

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 13 435 €,

- Dit que le montant du recours subrogatoire de la Sa Axa France Iard s'exerce à concurrence de 5 213,47 €,

- Condamne in solidum M. [Z] [R] et la Sa Gan Assurances d'une part, M. [J] [E] et la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce d'autre part à payer les sommes suivantes à :

* 13 435 € à Mme [H] [P], sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2014 et 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* 5 213,47 € à la Sa Axa France Iard au titre des sommes payées pour le compte de la victime outre les intérêts légaux à compter du 28 janvier 2014 et celle de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum M. [Z] [R] et la Sa Gan Assurances d'une part, M. [J] [E] et la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce d'autre part aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04905
Date de la décision : 17/12/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°14/04905 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-17;14.04905 ?
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