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11/12/2015 | FRANCE | N°13/10496

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 11 décembre 2015, 13/10496


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 11 DECEMBRE 2015



N° 2015/ 613





Rôle N° 13/10496





[Y] [W]

SAS CHATEAU [Établissement 1]

M° [I], Mandataire judiciaire de la SAS CHATEAU [Établissement 1]



C/





AGS - CGEA [Localité 3]























Grosse délivrée le :



à :



-Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de N

ICE



- Me Dominique CHABAS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE



- Me Sandra D'ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON



- Maître [I]





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - For...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2015

N° 2015/ 613

Rôle N° 13/10496

[Y] [W]

SAS CHATEAU [Établissement 1]

M° [I], Mandataire judiciaire de la SAS CHATEAU [Établissement 1]

C/

AGS - CGEA [Localité 3]

Grosse délivrée le :

à :

-Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE

- Me Dominique CHABAS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

- Me Sandra D'ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON

- Maître [I]

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES - section - en date du 02 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° F 11/00022.

APPELANTS ET INTIMES

Madame [Y] [W], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 30 substitué par Me Pierre-vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 030

SAS CHATEAU [Établissement 1], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 8

M° [I], Mandataire judiciaire de la SAS CHATEAU [Établissement 1], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 8

INTIME

AGS - CGEA [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sandra D'ASSOMPTION, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller qui a rapporté

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2015.

ARRÊT

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2015.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée déterminée du 1er mars 2010, Mme [Y] [W] a été engagée par la SAS CHATEAU [Établissement 1] en qualité de responsable hôtelière , catégorie employé, niveau III, échelon 3, avec un terme au 31 juillet 2010, ' afin de faire face à un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité lié à l'ouverture de l'établissement et à la mise en place de l'organisation interne.'

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des Hôtels, Cafés et Restaurants.

Mme [W] a été victime d'un accident du travail le 4 juin 2010 et a été placée en arrêt de travail du 4 juin 2010 au 26 juillet 2010.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [Y] [W] a saisi le 18 janvier 2011 le conseil des prud'hommes d'Arles qui par jugement du 2 mai 2013 a:

- condamné le CHÂTEAU [Établissement 1] à payer à Madame [Y] [W] la somme de 12 626,52€ à titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

- condamné la SAS CHATEAU [Établissement 1] à verser à Madame [Y] [W] la somme de 1.000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamné la SAS CHATEAU [Établissement 1] aux entiers dépens.

- débouté Madame [Y] [W] de l'ensemble de ses autres demandes.

- débouté le SAS CHÂTEAU [Établissement 1] de sa demande reconventionnelle.

Le 17 mai 2013, Mme [Y] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Le 21 mai 2013, la SAS CHATEAU [Établissement 1] a fait de même.

Le 28 juin 2013, le président de la présente chambre a ordonné la jonction des deux procédures.

Par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal de commerce de Tarascon a ouvert au profit de la SAS CHATEAU [Établissement 1] une procédure de sauvegarde.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Mme [Y] [W] demande de :

- dire et juger que Madame [W] a été embauchée en travail dissimulé à compter du mois de septembre 2008 pour préparer et organiser l'ouverture de l'hôtel CHATEAU [Établissement 1] et à temps plein à compter de son installation à [Localité 1] à cette fin à compter du 1er mars 2009.

- dire et juger qu'elle était titulaire d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2008.

- dire et juger que l'emploi effectivement occupé par elle comme directrice de l'hôtel CHATEAU [Établissement 1] relève de la qualification du niveau V et de la rémunération afférente, selon l'annexe 1 de la convention collective applicable.

- désigner tel expert qu'il appartiendra avec mission de déterminer la rémunération de Madame [W] en considération de sa qualification et de ses fonctions et au visa de la classification de la convention collective.

- condamner la SA CHATEAU [Établissement 1] à payer à Madame [W] les salaires et indemnités visés aux points 1 a 5 des présentes conclusions et à titre provisionnel, la somme de 65.000 €.

- dire et juger que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour celles à caractère salarial et contractuel

- ordonner la capitalisation des intérêts à la date anniversaire de la réquisition

- condamner sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir la SAS CHATEAU [Établissement 1] à délivrer à Madame [W] le certificat de travail , l'attestation ASSEDIC et les bulletins de salaire correspondant à la requalification de ses droits.

- condamner la SAS CHATEAU [Établissement 1] au paiement de la somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1147 du code civil et sans préjudice des indemnités résultant de la date réelle d'embauche, de la requalification en contrat à durée indéterminée, de la requalification de l'emploi et de l'imputation à l'employeur de la rupture fautive du contrat de travail.

- condamner la SAS CHATEAU [Établissement 1] au paiement de la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

- dire opposable à l'AGS· CGEA DE MARSEILLE - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST l'arrêt à intervenir.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société CHATEAU [Établissement 1] et Maître [Z] [I], mandataire judiciaire de ladite société demandent de :

-dire et juger Madame [Y] [W] infondée en son appel

- dire et juger la SAS CHATEAU [Établissement 1] fondée dans son appel

Vu les articles L.1242-2 et L. 1243-5 du code du travail , l'article L.8221-S du code du travail et la Convention Collective nationale des hôtels, cafés restaurants de :

- réformer, en ce qu'il a condamné la SAS CHATEAU [Établissement 1] au titre du travail dissimulé, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Arles le 02 mai 2013,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Arles en date du 02 mai 2013, en ce qu'il a débouté Madame [Y] [W] de ses autres demandes

En toute hypothèse, de :

- débouter Madame [W] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

- condamner Madame [W], en application de l'article 700 du Code de procédure Civile, au paiement de la somme de 3 000,00 €.

- condamner Madame [W] aux entiers dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, le centre de gestion et d'Etudes AGS CGEA de [Localité 3], demande de :

- dire et juger n'y avoir lieu à garantie de l'AGS et de déclarer le CGEA de [Localité 3] hors de cause de l'ensemble des demandes,

Très subsidiairement,

- Les divers chefs de demandes au titre de l'astreinte, des cotisations sociales ou encore résultant d'une action en responsabilité ne sont pas couverts par la garantie AGS de l'article L 3253-8 et suivants du Code du travail,

Très subsidiairement,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de [Localité 3] ès qualités, dans les limites définies aux articles L 3253-8 du Code du Travail et des plafonds prévus aux articles L3253-17 et D 3253-5 du même Code,

- en tout état de cause, dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 à L 3253-21 du Code du Travail,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le travail dissimulé

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité ; le contrat de travail se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ;

Mme [Y] [W] soutient qu'après un rendez vous le 13 septembre 2008 avec M. [H] exploitant de la SAS CHATEAU [Établissement 1] et Mme [N] [E] pressentie pour exploiter le restaurant lié à l'Hôtel, elle a participé à son domicile à la préparation de l'ouverture de l'hôtel, qu'elle a déménagé début 2009 à [Localité 1] dans l'attente d'un logement de fonction dans l'hôtel pour pouvoir assumer sur place les multiples tâches afférentes à son poste de directrice, qu'ainsi bien avant la signature du contrat du 1er mars 2010, elle a participé à la création du site internet de l'hôtel, a préparé le budget prévisionnel, à gérer l'adresse mail de l'établissement, à prévu et choisi les éléments de décoration, a suivi le chantier de l'hôtel, a effectué le recrutement des personnels, a noué avec les administrations, les commerces locaux et les prestataires de services, les relations nécessaires à l'ouverture d'une demeure de grand standing et à l'écho médiatique de cette création.

Pour sa part, la société CHATEAU [Établissement 1] conteste l'existence de tout lien de subordination et donc l'existence d'un contrat de travail entre les parties avant le 1er mars 2010. Elle rappelle que lors de la rencontre en septembre 2008 de M. [H] avec Mme [W], la rénovation de l'hôtel n'avait pas commencé, le permis de construire n'étant pas encore obtenu. Elle fait valoir que si elle a pris contact avec Mme [E] pour ce projet en qualité de prestataire de service, Mme [W] est intervenue directement auprès de cette dernière; elle relève que la messagerie du Château [Établissement 1] date du 25 février 2010 et que le premier mail pris par Mme [W] au nom de la société a eu lieu le 25 mars 2010, soutient que les contacts pris par l'appelante avant cette date, l'ont été de sa propre initiative et n'ont jamais transité par la messagerie du Château qui n'existait pas encore. Elle demande d'observer que les mails produits par l'appelante sont des mails directement faits à Mme [E], qu'à aucun moment, elle ne mentionne le Château [Établissement 1] comme étant son employeur ; elle ajoute que les échanges entre Mme [W] et M. [U] au sujet d'une adresse mail au nom du Château sont totalement étrangers à M. [H] qui n'en a jamais été informé.

Il pas contesté que l'employeur a fait appel à une professionnelle de la décoration pour la rénovation de son établissement en la personne de Mme [N] [E] et il est d'ailleurs produit aux débats plusieurs factures d'honoraires entre les mois de juillet 2008 et octobre 2009 présentées par [N] [E] CONSEIL à la SAS CHATEAU [Établissement 1] afférentes à la décoration du château et la recherche de mobilier et objets.

Les parties conviennent avoir fait connaissance par l'intermédiaire de Mme [E]. Il est noté que l'adresse mail de cette dernière est rattachée à 'maisonsdebaumanière.com'

Les pièces produites par les parties font ressortir que Mme [W] a travaillé pour le compte d'une société Alone à [Localité 2] du 2 septembre 2003 au 16 septembre 2008 et a été ensuite inscrite en qualité de demandeur d'emploi. Les comptes rendus d'entretien avec le conseiller Pôle Emploi mentionnent :

- le 18 décembre 2008 : que Mme [W] déclare avoir une possibilité de reprise d'emploi à compter de mai 2009 avec formation préalable en anglais auprès de M. [H] CHATEAU [Établissement 1]

- le 18 août 2009 : que Mme [W] déclare avoir terminé sa formation en anglais et reprendre l'activité déjà citée à compter de septembre 2009

- le 19 octobre 2009 : que Mme [W] est dans l'attente d'une confirmation de cet emploi pour le 1er février 2010 et qu'elle va par ailleurs postulé sur une autre offre d'emploi

- le 14 janvier 2010 : que Mme [W] est dans l'attente d'une reprise d'activité au CHATEAU [Établissement 1] pour le 15 février 2010.

Dans une attestation, M.[O], ancien employeur de Mme [W] écrit :

' Mme [Y] [W] , responsable de gestion au sein de mon entreprise, a désiré nous quitter, car M. et Mme [E] l'ont recruté en septembre 2008 pour le poste de directrice de l'Hôtel Château [Établissement 1], appartenant à M. [H], ouverture prévue mars 2009. M. et Mme [E] sont d'ailleurs venus juger son travail dans mon restaurant en septembre 2008. '

Dans une attestation M. [U] expose avoir ' rencontré Mme [W] pour la première fois le 29 octobre 2008 dans le bureau de Madame [E] présentée comme directrice du château [Établissement 1] par Mme [E] et M. [H] présent ce jour là.... J'ai adressé un mail à Mme [W] pour lui donner à elle et elle seule, à la demande de M.[C] [H] et de Mme [E] les codes pour recevoir les mails et pouvoir répondre aux clients. '

Antérieurement au 1er mars 2010, dans le cadre de ses échanges relatifs au Château [Établissement 1], Mme [W] apparaît avoir utilisé la messagerie du secrétariat des maisons de baumanière ( mail du 6 mars 2009) et une messagerie mise à sa disposition par M. [U] , ce dernier lui faisant part le 7 janvier 2009 de la création d'une messagerie au nom du château l'année précédente, précisant également que le site internet est prêt et qu'il attend le feu vert de M. [H]. La société CHATEAU [Établissement 1] conteste avoir été informée de la fourniture de cette adresse mail par Monsieur [U] à Mme [W] , et si M. [U] atteste avoir remis cette adresse à la demande tant de M. [H] que de Mme [E], il n'est versé aux débats aucune preuve d'échanges entre M.[U] et M. [H] tant sur cette messagerie, que sur le site internet, de sorte qu'il n'est pas établi avec certitude, compte tenu notamment de ce que Mme [E] seule a présenté à M. [U], Mme [W] comme la directrice de l'établissement alors qu'elle n'avait pas qualité pour l'affirmer, que de telles instructions ont été données par M. [H], qui les conteste.

Pour justifier de l'existence d'un lien de subordination entre elle et la société CHATEAU [Établissement 1], Mme [W] expose avoir rendu compte à celle-ci de son travail; la cour relève que les rapports détaillés qu'elle produit, comme étant des comptes rendus fait à M. [H] sont : un premier document dit ' bilan de la première semaine ' dont il n'est pas contesté qu'il est annoté à la main par M. [H], un bilan de communication du 1er semestre 2010 et des plannings pour mars et avril 2010. Force est de constater que ces éléments sont postérieurs à l'ouverture de l'établissement et donc au contrat de travail du 1er mars 2010, et qu'ils ne peuvent à l'évidence démontrer l'existence d'une lien de subordination antérieur à cette date. Si Mme [W] produit un courrier adressé le 19 octobre 2009 à M. [H] lui transmettant des fiches de poste, il convient de noter qu'elle écrit ' ces fiches de postes ont été visées par Mme [E]'.

Par ailleurs, s'il est soutenu par la salariée que seul M. [H] pouvait lui donner des instructions concernant la gestion de l'hôtel ( fournisseurs, clients..) et non Mme [E] en charge de la seule décoration de l'établissement, la cour relève que par un courrier électronique du 18 novembre 2009 du secrétariat de M. [E] à Mme [W] il est écrit :

' Bonjour [Y],

Je vous contacte à cette adresse car j'ai eu un appel ce matin d'une dame qui souhaiterait rentrer en contact avec le Château [Établissement 1] concernant une fête qu'elle souhaiterait organiser le 22 mai 2010 pour parlers des tarifs de l'organisation .. Elle s'appelle Mme [B], vous pouvez la joindre ...Tenez moi au courant. [S] secrétariat de M.[E]'

Mme [W] produit de nombreux mails adressés ainsi à des clients en réponse entre février 2009 et novembre 2009, essentiellement des courriers électroniques types afin de prévenir les clients des travaux de rénovation en cours. Or, Mme [W] le 20 janvier 2009 adresse à [N] [E] un courrier électronique en ce sens :

' suite à notre entretien téléphonique , je vous envoie une réponse qui pourrait convenir à la plupart des mails reçus ( 23 à ce jour ) pour corrections éventuelles.....

Par ailleurs j'aurai besoin pour l'ANPE d'une sorte de confirmation , mais très simplement, que vous êtes intéressés par ma candidature.'

Elle apparaît également avoir adressé plusieurs mails relatifs à des questions de matériel pour l'hôtel ( vaisselle , linge..) ou des fournisseurs ( électricien), relevant des missions confiées à madame [E].

Mme [W] est la première personne figurant sur le registre du personnel, les tableaux relatifs aux personnels recrutés qu'elle produit ne démontrent pas qu'elle a procédé elle-même aux recrutements , bien avant sa propre embauche en mars 2010, lesdits tableaux portant la mention ' pour présentation du personnel déjà reçus par moi et retenus, RDV avec M [H] jeudi 8 avril '.

Dans un courrier du 16 janvier 2010 à M. [H] , Mme [W] écrit d'ailleurs ' mon embauche sera effective mi février ou au plus tard en 1er mars en fonction de l'achèvement des travaux et de la date d'ouverture de l'Hôtel.', et ajoute ' il faudra dans un laps de temps plus court mener à bien très rapidement les tâches suivantes :

1/ mise en place des meubles, rideaux, tableaux, accessoires de salle de bain , linge, vaisselle, décoration ...

2/ mise en place des outils informatiques...

3/ recrutement du personnel..'

Il n'est donc nullement établie l'existence de quelconques instructions données par la société CHATEAU [Établissement 1] à Mme [W] avant le 1er mars 2010; si Mme [W] est intervenue avant cette date pour diverses diligences concernant l'établissement, elle apparaît avoir reçu ses directives de M.ou M.[E], qui seuls l'ont recrutée et présentée comme directrice de l'Hôtel, sans accord démontré de M. [H].

La rémunération perçue par Mme [W] de la société CHATEAU [Établissement 1] avant le 1er mars 2010, consiste en une note d'honoraires du 31 octobre 2009 de 1000 euros qui lui a été réglée pour les prestations suivantes : ' accueil des visiteurs, animation et visites du parc en septembre et octobre 2009 et accueil des groupes et visites aux journées du patrimoine les 19 et 20 septembre 2009.', prestations très spécifiques et sans rapport avec les diligences de Mme [W] effectuées sous le contrôle de Mme [E].

En l'absence de preuve de tout lien de subordination hiérarchique entre la société CHATEAU [Établissement 1] et Mme [W] avant le 1er mars 2010, date de son contrat de travail, la cour constate que les premiers juges ont à tort retenu l'existence d'un travail dissimulé. Elle réforme donc la décision sur ce point et déboute Madame [W] de cette demande.

Sur la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée

Tout contrat à durée déterminée conclu en dehors des cas de recours autorisés, sans respect des dispositions relatives aux durées maximales ou aux conditions de successions, sans contrat écrit ou sans définition précise de son objet ou encore non transmis au salarié dans les deux jours suivant l'embauche, est requalifié automatiquement en contrat à durée indéterminée en application de l'article L. 1245-1 du Code du travail.

L'article L 1242-2 du code du travail prévoit les cas dans lesquels un contrat peut être conclu pour une durée déterminée. Parmi ces cas se trouve l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Le preuve de l'accroissement temporaire incombe à l'employeur.

L'exécution d'une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable correspond à une situation d'accroissement temporaire d'activité.

Le contrat de travail de Mme [W] indique qu'elle est embauchée en qualité de responsable hôtelière afin de faire face à un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité lié à l'ouverture de l'établissement et à la mise en place de l'organisation interne.

Mme [W] dans un courrier du 16 janvier 2010 , produit par l'employeur, rappelle elle-même la nature des tâches qui lui incombent dans le cadre des relations contractuelles : 1/ mise en place des meubles, rideaux, tableaux, accessoires de salle de bain , linge, vaisselle, décoration ...

2/ mise en place des outils informatiques...

3/ recrutement du personnel..

Le bilan de la première semaine produit par la salariée, fait ressortir les propositions de cette dernière à son employeur pour traiter diverses questions telles que la circulation des clients du restaurant, en ce qui concerne l'accès au château, les horaires de fermeture, la circulation dans l'hôtel, ou encore la circulation du personnel du restaurant, en ce qui concerne la mise en place des lumières dans la salle à manger, l'accueil , les salons ou l'accès au château par BIP.

Première embauchée dans l'établissement, elle justifie aussi avoir participé au recrutement des personnels nécessaires au fonctionnement de l'entreprise.

Ces éléments ne permettent pas de démontrer que la tâche donnée à Mme [W] s'inscrit dans le cadre de l'activité permanente de l'entreprise mais traduisent au contraire que la mission confiée à celle-ci au terme de son embauche le 1er mars 2010, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée est précise et définie dans le temps, correspondant à la mise en place d'une organisation interne de l'entreprise ( mise en place des personnels , des règles de fonctionnement ..) qui, bien que susceptible de corrections ultérieures, ne peut être considérée comme devant intervenir de manière régulière, selon des fréquences annuelles définies; l'accroissement temporaire et exceptionnel d'activité est donc établi.

En conséquence, la société CHATEAU [Établissement 1] justifie le bien fondé du recours à un contrat à durée déterminée et la cour confirme la décision des premiers juges.

Sur la requalification dans l'emploi

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Il ne saurait être déduit du fait que Mme [W] a été présentée comme directrice de l'établissement par plusieurs personnes (Mme [E] ou M. [U] par exemple, ou dans un article de presse, ou même par M. [H] lui-même qui précise l'avoir fait en de rares occasions et par pure courtoisie) pour démontrer qu'elle relève de cette classification , Mme [W] ne pouvant s'exonérer de la preuve d'un travail effectué par elle répondant à la classification revendiquée. Pas davantage, l'établissement d'une fiche de poste du directeur d'hôtel sur laquelle Mme [W] a travaillé, n'établit que ladite fiche a été dressée à la demande de l'employeur pour définir les attributions de cette dernière.

La Convention Collective Nationale des hôtels cafés, restaurants définit la qualification de l'employé niveau III échelon 3 ( tel que figurant sur le contrat de travail ) comme suit :

'activités variées , complexes, comportant des opérations à combiner ou des tâches différentes à organiser, activité hautement qualifiée . L'employé a un pouvoir de décision concernant les modes opératoires, les moyens ou les méthodes à utiliser, et un pouvoir de décision concernant les programmes et l'organisation du travail y compris celui des collaborateurs. Il exerce une responsabilité des décisions relatives aux modes opératoires et moyens ou méthodes et peut exercer des responsabilités à l'égard des travaux exécutés par ses collaborateurs.'

L'employé niveau III échelon 3 doit justifier d'un BEP ou équivalent, d'une d'expériences prolongée et confirmée ( environ deux ans) et de compétences dans d'autres domaines( gestion, commandement ..)

La qualification revendiquée par Mme [W] de Directeur d'Hôtel au Niveau V, échelon 1 correspond à la qualification suivante:

' Il peut participer à la prévision et à l'élaboration du programme, assure la réalisation , le suivi et le contrôle des résultats. Il a le pouvoir de choix et de décision pour tout ce qui concerne la réalisation , le suivi et le contrôle des programmes, qui ont été décidés par un agent supérieur. '

Le Directeur d'Hôtel au Niveau V, échelon doit justifier d'un Baccalauréat plus 3 acquis soit par voie scolaire et expérience confirmée dans la filière d'activité du poste, soit par une expérience confirmée et réussie complétant une qualification initiale au moins équivalente à celle du personnel encadré.

Au vu du curriculum vitae de l'intéressée, il apparaît que sa formation scolaire est constituée par un baccalauréat , un BTS de secrétariat de direction et quatre années dans un cursus d'architecture, son expérience professionnelle a été durant environ vingt ans dans le domaine de l'architecture d'intérieur, puis pendant trois ans dans le domaine du sporswear, et enfin de 2003 à 2008, dans le contrôle de gestion dans une société Alone, possédant un restaurant le Voilier, Mme [W] y ayant exercé les fonctions d'employé, contrôleur de gestion. Elle ne peut donc affirmer avoir exercer les fonctions de directeur de l'établissement Le Voilier, ces affirmations étant contraires au certificat de travail qu'elle verse aux débats.

Force est donc de constater qu'elle ne justifie pas de la compétence nécessaire , telle que définie par la Convention Collective Nationale pour occuper les fonctions de Directeur d'hôtel, ni que les fonctions qu'elle a exercées à compter du 1er mars 2010 n'étaient pas conformes à celles arrêtés dans son contrat de travail.

La cour confirme en conséquence la décision des premiers juges sur ce point.

Sur les demandes indemnitaires formées

Mme [Y] [W] étant déboutée de ses demandes en requalification dans l'emploi et de requalification en contrat à durée indéterminée ne peut voir aboutir une quelconque prétention en termes d'indemnisation.

Sur les frais irrépétibles

Il est inéquitable de laisser à la charge de la la SAS CHATEAU [Établissement 1] la totalité des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel et Mme [Y] [W] versera à cette dernière une somme de 200 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Infirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Arles en date du 2 mai 2013 en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes formées par Mme [Y] [W],

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [Y] [W] de l'intégralité de ses demandes,

Déclare le CGEA de [Localité 3] hors de cause,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Y] [W] à payer à la SAS CHATEAU [Établissement 1] une somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [Y] [W] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Mme VINDREAU faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/10496
Date de la décision : 11/12/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/10496 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-11;13.10496 ?
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