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10/12/2015 | FRANCE | N°14/13602

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 10 décembre 2015, 14/13602


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2015



N° 2015/519













Rôle N° 14/13602







Compagnie d'assurances ALTIMA ASSURANCES





C/



[I] [K]

[U] [M] EPOUSE [K] épouse [K]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Alvarez

Me Benhaim

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04424.





APPELANTE



Compagnie d'assurances ALTIMA ASSURANCES, [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Ric...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 DECEMBRE 2015

N° 2015/519

Rôle N° 14/13602

Compagnie d'assurances ALTIMA ASSURANCES

C/

[I] [K]

[U] [M] EPOUSE [K] épouse [K]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Alvarez

Me Benhaim

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04424.

APPELANTE

Compagnie d'assurances ALTIMA ASSURANCES, [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Mademoiselle [I] [K]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Arièle BENHAIM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Stéphane COHEN de la SELARL CHICHE R, COHEN S, CHICHE P, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Jérémie GHEZ, avocat au barreau de MARSEILLE,

Madame [U] [M] épouse [K]

née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Arièle BENHAIM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Stéphane COHEN de la SELARL CHICHE R, COHEN S, CHICHE P, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Jérémie GHEZ, avocat au barreau de MARSEILLE,

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE, [Adresse 3]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Mme Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2015,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et procédure

Le 15 octobre 2008 à [Localité 3] Mme [K] pilotait sa moto lorsqu'elle a été heurtée par le véhicule automobile conduit par M. [U], assuré auprès de la Sa Altima Assurances (Altima), qui roulait en sens inverse et qui a brusquement viré à gauche lors de son arrivée.

Elle a été gravement blessée dans cet accident de droit commun.

Elle a été examinée par le docteur [N], désigné amiablement sur accord conjoint des parties, qui a déposé son rapport le 2 décembre 2011.

Par actes du 19 et 22 juillet 2013 Mme [K] et Mme [U] [M], sa mère, ont fait assigner la Sa Altima devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour obtenir la réparation intégrale des préjudices subis et a appelé en cause la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) des Bouches du Rhône en sa qualité de tiers payeurs.

Par jugement du 15 mai 2014 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction a

- déclaré le jugement commun à la Cpam des Bouches du Rhône

- dit que le droit à indemnisation de Mme [K] est entier

- fixé à la somme de 923.269,35 € la réparation du dommage corporel de Mme [K] détaillé comme suit :

* dépenses de santé actuelles : 69.123,23 € dont 68.263,21 € prises en charge par la Cpam et 860,02 € restées à la charge de la victime

* frais divers : 7.051,50 € (frais de séjour dans les établissements de soins, frais de transport, honoraires du médecin conseil, frais de matériel adapté)

* assistance temporaire de tierce personne : 45.585 € sur la base de 15 € de l'heure et de 3 heures par jour pendant 1013 jours

* perte de gains professionnels actuels : 80.438 € dont 42.093,48 € d'indemnités journalières versés par la Cpam et 38.344,52 € revenant à la victime

* perte de gains professionnels futurs : 654.916 € sauf à imputer la rente accident du travail de 436.868,51 (arrérages et capital représentatif) soit un solde de 218.047,49 € revenant à la victime

* incidence professionnelle : 100.000 €

* assistance permanente de tierce personne : sur la base de 3 heures par jour, 412 jours par an soit 24.720 € par an ce qui donne une indemnité de 42.390 € pour le passé du 15/10/2011 au 15/05/2014 à 15 € de l'heure + une rente mensuelle de 2.060 € indexée pour l'avenir à compter du 16 mai 2014 à 20 € de l'heure

* frais de logement adapté : 3.000 €

* frais de véhicule adapté : 4.072,07 €

* déficit fonctionnel temporaire : 19.618,75 €

* souffrances endurées : 38.000 €

* déficit fonctionnel permanent : 326.300 €

* préjudice esthétique : 25.000 €

* préjudice d'agrément :25.000 €

* préjudice sexuel : 15.000 €

* préjudice d'établissement : 15.000 €

- dit que de cette somme de 923.269,35 € il convient de déduire les provisions déjà perçues ou précédemment accordées

- condamné la Sa Altima à payer à Mme [K] les sommes de

* 523.269,35 € à titre de solde de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du jugement

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- dit qu'en outre la somme de 923.269,35 € portera intérêts au double du taux légal à compter du 23 juillet 2012 jusqu'au jour du jugement à intervenir devenu définitif à la charge exclusive de la Sa Altima

- condamné la Sa Altima à verser à Mme [K] une rente annuelle de 24.720 € payable mensuellement, révisable chaque année conformément à l'article 1er de la loi 74-118 du 27 décembre 1974 selon les coefficients de revalorisation prévus à l'article l 434-17 du code de la sécurité sociale et les modalités prévues à l'article R 434 du même code

- condamné la Sa Altima à payer à Mme [M] la somme de 10.000 € au titre de son préjudice d'affection

- condamné la Sa Altima aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence des deux tiers.

Par acte du 9 juillet 2013, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sa Altima a interjeté appel général de la décision en intimant uniquement Mme [K] ; par voie de conclusions Mme [K] a formé appel incident.

Moyens des parties

La Sa Altima demande dans ses conclusions du 21 octobre 2015 de

- réformer partiellement le jugement en ce qu'il a

* intégré dans l'indemnisation des pertes de gaisn professionnels futurs les frais de toilettage et de vétérinaire

* alloué au titre de la tierce personne permanente une rente annuelle revalorisable de 24.720 €

* mis à sa charge le paiement du doublement des intérêts jusqu'au jour du jugement définitif

- dire que la rente qui doit être éventuellement versée à Mme [K] ne saurait excéder la somme de 16.425 € par an

- condamner Mme [K] aux entiers dépens de l'instance.

Elle indique ne pas contester le jugement en ce qu'il a alloué à la victime la somme de 363.533 € liée à l'impossibilité de poursuivre le métier d'opératrice de fabrication qu'elle occupait dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée ni la somme de 10.139 € par an pour l'aide extérieure à laquelle elle fait et fera appel dans le cadre de son activité d'éleveuse de chiens, alors même que l'unique bulletin de paie produit en première instance à l'appui de la demande faisait état d'un salaire de 749,80 € par mois, ce qui représente une indemnité de 214.875,83 €.

Elle s'oppose, en revanche, à la prise en compte des frais de toilettage et de vétérinaire avec capitalisation alors qu'il n'a été produit aucune facture pour démontrer la réalité de ce préjudice, que le rapport de la société E2A Révision et conseil en date du 1er mars 2012 a été établi à la seule demande de la victime et ne lui est pas opposable de sorte qu'il doit être écarté purement et simplement.

Elle rappelle que conformément à la nomenclature Dinthillac le remboursement de frais suppose que soient fournies les factures démontrant la réalité de la dépense, ce qui n'est pas le cas.

Elle soutient que l'existence de tels frais est liée à l'activité d'élevage canin et n'est pas une conséquence de l'accident et qu'ayant poursuivi cette activité depuis l'accident qui remonte à 2008 elle devrait pouvoir verser aux débats les éléments établissant le surcoût des frais de toilettage et de vétérinaire liés à l'accident, d'autant qu'elle bénéficie déjà d'une somme de 10.139 € par an pour compenser l'aide extérieure dans le cadre de cette activité.

Elle fait valoir à propos de la tierce personne permanente qu'elle ne s'oppose pas à l'indemnité de 42.390 € allouée jusqu'au jour de la décision mais conteste le coût horaire de 20 € appliqué pour l'avenir qui correspond à un tarif prestataire d'une entreprise d'aide à domicile qui a seule la qualité d'employeur, de sorte que la dépense annuelle doit être calculée sur la base de 365 jours, d'autant qu'il s'agit d'une aide non spécialisé pour le ménage, couper la viande et l'habillage ; elle offre d'indemniser ce poste de dommage sur la base de 15 € de l'heure, 3 heures par jour, 365 jours par an soit une indemnité de 16.425 € par an payable mensuellement sous forme de rente.

Elle admet avoir versé diverses provisions et formulé le 25 février 2013 une offre incomplète puisque la Cpam n'avait pas communiqué le montant de sa créance mais souligne qu'une offre répondant aux exigences légales a été formulée par voie de conclusions le 9 décembre 2013 à hauteur de 984.874,04 € outre une rente annuelle dont le capital constitutif est de 346.659,48 € soit un total de 1.295.533,52 € de sorte que la sanction des articles L 211-9 et L 211-13 du code des assurances n'est pas encourue.

Mme [K] demande dans ses conclusions du 5 décembre 2014 de

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a manifestement sous évalué le poste relatif à l'assistance de tierce personne

- fixer le montant alloué de ce chef à la somme de 117.300 € pour la part échue et à une rente mensuelle de 2.060 € pour la part à échoir

- confirmer le jugement pour le surplus

- condamner la Sa Altima à lui payer la somme de 5.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

- condamner la Sa Altima aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle demande d'évaluer le coût horaire de tierce personne sur la base de 20 € de l'heure soit 60.780 € pour la période du 15 octobre 2008 au 15 octobre 2011 et 56.520 € pour la période du 16 octobre 2011 au 15 mai 2014, soit un total de 117.300 € (au lieu de 42.390 €) et pour l'avenir une rente annuelle de 24.720 € à raison de 20 € de l'heure, 412 jours par an, soit 2.060 € par mois comme alloué par le tribunal.

Elle estime parfaitement justifiée sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs relatif s son activité d'élevage dès lors qu'elle concerne principalement le bouvier bernois, chien de masse imposante dont le toilettage et l'entretien sont plus compliqués que pour la moyenne des chiens, tout comme la mise à bas et se prévaut de l'attestation du vétérinaire du 24 janvier 2014 qui atteste qu'elle ne fait plus appel à ses services lors des mises à bas à cause de son handicap qui ne lui permet plus de faire certains actes faits habituellement par les éleveurs.

Elle souligne que la Sa Altima n'a fait une offre relative aux préjudices n'ayant pas d'incidence professionnel que le 25 février 2013 soit postérieurement au délai légal de l'article L 211-9 du code des assurances de sorte la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal est encourue.

La Cpam du Var assignée par la Sa Altima par acte d'huissier du 9 octobre 2014 délivré à personne habilitée contenant dénonce de l'appel et de ses conclusions n'a pas constitué avocat.

Par courrier du 23 décembre 2014 elle a fait connaître le montant de sa créance de 109.248,25 € constituée de prestations en nature à hauteur de 67.154,77 € et d'indemnités journalières à hauteur de 42.093,48 €.

Motifs de la décision

Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par Mme [K], victime conducteur qui n'a commis aucune faute, n'a jamais été contesté ; seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice et pour les seuls postes d'assistance de tierce personne, de perte de gains professionnels futurs ainsi que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal.

Sur le préjudice corporel

L'expert [N] indique que Mme [K] a présenté un traumatisme crânien avec contusion rolandique gauche un traumatisme cervical avec fracture de l'arc postérieur en C3, un traumatisme facial avec fracture bifocale de la symphyse mandibulaire déplacée, un traumatisme thoracique avec contusion bilatérale pulmonaire, un traumatisme abdominale avec rutorue de l'artère sous-clavière droite, arrachement du plexus brachial droit, un traumatisme orthopédique avec fracture de l'avant bras droit déplacée fermée, fracture de l'humérus droit fermé et conserve comme séquelle une paralysie quasi totale du membre supérieur droit entraînant une impotence fonctionnelle totale de celui-ci et d'importantes douleurs neuropathiques qui ont fait l'objet d'un traitement antalgique lourd ayant nécessité l'utilisation d'un neurostimulateur transcutané n'ayant pas apporté de véritable amélioration, la longueur de l'évolution, la persistance des douleurs et l'absence de récupération ayant engendré un grave état anxio-dépressif qui a nécessité des consultations spécialisées et la prescription d'un traitement psychotrope.

Il conclut notamment à

- un arrêt temporaire des activités professionnelles du 15/10/2008 au 15/10/2011

- une consolidation au 15 octobre 2011

- une atteinte à l'intégrité physique et psychique de 65 %

- une assistance de tierce personne de 3 heures par jour de manière viagère

- un logement à adapter

- un véhicule automobile avec boite automatique , satellite de commande au volant et kit mains libres

- des répercussions au plan professionnel

L'activité d'éleveur de chiens a pu être reprise mais seulement en partie et pas dans les mêmes conditions qu'auparavant ; la victime du embaucher sa mère à mi-temps pour la seconder ; elle a été reconnue travailleur handicapé le 23 décembre 2009.

Elle est inapte au poste d'opératrice de fabrication qu'elle exerçait en contrat de travail à durée déterminée au moment de l'accident, inaptitude qui est en relation directe et certaine avec l'accident et a un caractère définitif.

Des frais supplémentaires entrant dans le cadre de son activité professionnelle doivent être pris en charge à savoir la surveillance des saillies, la réalisation des césariennes puisque la mise à bas est devenue impossible à réaliser ; elle ne pourra plus positionner les ergots des chiots comme elle le faisait auparavant, c'est le vétérinaire qui devra s'en charger.

Ce rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (née le [Date naissance 1] 1986), de sa profession (éleveuse de chiens avec le statut d'agricultrice et opératrice de fabrication intérimaire) de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 27 et 28 mars 2013 taux d'intérêt 1,2 % qui apparaît le plus approprié.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 69.123,23 €

dont 68 263,21 pris en charge par la Cpam et 860,02 € restés à la charge de la victime

- Frais divers7.051,50 €

au titre des frais de séjour dans les établissements de soins (405,40 €) et les frais de transport (266 €) achats de matériel adaptés au handicap (667,90 €), honoraires d'assistance à expertise par les médecins conseil (1.950 €) frais d'ergothérapeute et d'expert comptable (3.762,20 €);

- Perte de gains professionnels actuels80.438 €

soit après déduction des indemnités journalières de 42.093,48 € versées par la Cpam une indemnité résiduelle de 38.344,52 € revenant à la victime.

Ces trois postes de dommage tels qu'évalués par le premier juge ne font l'objet d'aucune critique par quiconque.

- Tierce personne54.702,00 €

La nécessité de la présence auprès de Mme [K] d'une tierce personne pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie à compter du retour au domicile, le 21 novembre 2008, n'est pas contestée dans son principe, ni son étendue (3 heures par jour) mais elle reste discutée dans son coût.

Quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu de l'indemniser pour le recours à cette aide humaine devenue indispensable dont le montant, en application du principe de la réparation intégrale, ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectives et notamment des charges sociales ou à la prise en compte de l'incidence fiscale.

Au vu de la nature de l'aide requise, non spécialisée, du handicap qu'elle est destinée à compenser et des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.

L'indemnité s'établit donc pour la période antérieure à la consolidation soit durant 1.013 jours à 54.702 € (3 h x 18 € x 1.013 jours).

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Perte des gains professionnels futurs654.916,00 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Les indemnités allouées par le premier juge à hauteur de 363.533 € au titre de l'activité salariée exercée à temps partiel par Mme [K] au moment de l'accident et à hauteur de 214.875,83 € au titre de l'activité de travailleur indépendant en tant qu'éleveur de chiots pour le recours à une aide salariée extérieure à temps partiel reçoivent l'accord des deux parties qui ne persistent à s'opposer devant la cour que sur l'indemnité de 3.610 € par an soit 76.507,17 € arrondi octroyée au titre des frais de toilettage et de vétérinaire.

La prise en compte de cette dernière dépense doit être entérinée en son principe dès lors qu'elle correspond à des gestes (toilettage des chiens, mises à bas) que Mme [K] n'est plus en mesure d'effectuer médicalement en raison de son seul handicap né de l'accident, ce qui a été confirmé par l'expert judiciaire [N] et qui générera des frais supplémentaires puisqu'elle devra faire appel à une aide supplémentaire extérieure qualifiée pour le toilettage des gros chiens reproducteurs et s'entourer de plus de précautions au moment des naissances avec un recours plus fréquent au vétérinaire.

Dans une attestation très circonstanciée en date du 24 janvier 2014, M. [R], vétérinaire, indique 'assurer le suivi de l'élevage de Mme [K] depuis ses débuts en 2007. Les mises à bas sont souvent longues et difficiles chez le bouvier bernois (nombre important de chiots) ...c'est pourquoi pour éviter le recours à un accouchement médical quasi systématique, voire à une césarienne, l'éleveur en aidant la chienne à mettre bas a une importance capitale. Mme [K] fait aujourd'hui plus appel à nos services lors des mises à bas à cause de son handicap qui ne lui permet plus de faire certains actes faits habituellement par les éleveurs (aider la chienne à sortir un chiot engagé dans la filière pelvienne) palper seul le ventre de sa chienne en fin apparente de mise à bas pour sentir s'il reste un chiot auquel cas il faut nous contacter ; de manière ostensible, elle ne peut plus effectuer ces actes..

De plus l'éleveur est souvent amené à aider le mâle lors de la saillie et Mme [K] qui ne peut plus effectuer ces gestes fait appel à nos services pour des inséminations artificielles'.

Les tarifs pratiqués sont mentionnés sur ce même document soit 436 € pour une césarienne et 99 € pour une insémination artificielle et ceux de toilettage résultent d'autres pièces produites détaillant les différentes prestations.

Le montant de l'indemnité allouée en première instance doit également être approuvé dès lors que le tribunal s'est fondé pour évaluer ce surcoût annuel sur la base de ces données objectives après avoir, pour le toilettage limité l'étendue de l'intervention aux seize bouviers bernois reproducteurs (1.120 € par mois) et son prix en pratiquant l'abattement éleveur de 20 % préconisé par l'expert comptable consulté par la victime, réduisant ainsi de moitié l'évaluation chiffrée de ce dernier et, pour le vétérinaire, appliqué des tarifs bien moindre que ceux notés dans l'attestation susvisée.

Cette évaluation qui ne fait l'objet d'aucune critique à la fois précise, motivée, et pertinente et qui n'est contredite par aucun document, l'assureur s'étant abstenu d'étayer sa contestation par un quelconque document, doit être approuvée.

Le fait que les factures des prestations correspondants depuis la consolidation jusqu'à ce jour n'aient pas été communiquées par Mme [K] n'est pas de nature à modifier le montant de la réparation ; le principe de la réparation intégrale n'implique pas de contrôle sur l'utilisation des fonds alloués à la victime qui en conserve le libre usage ; l'indemnisation ne peut donc être subordonnée à la production de factures acquittées.

- Incidence professionnelle 100.000,00 €

montant alloué par le premier juge et non critiqué

- Assistance de tierce personne866.898,36 €

L'assistance de tierce personne doit être calculée sur la même base de 3 heures par jour proposée par l'expert et acceptée par les deux parties et un coût horaire moyen de 18 € selon une base annuelle de 365 jours dès lors que le tarif retenu est celui appliqué par les organismes prestataires de service où le tiers (et non la victime) a la qualité d'employeur.

Pour la période passée, de la consolidation du 15 octobre 2011 au prononcé du présent arrêt 10 décembre 2015 soit durant 4 ans et deux mois ou 50 mois, l'indemnité s'établit 82.125 €

(18 € x 3 h x 365 jours = 19.710 € / 12 mois x 50 mois)

Pour l'avenir, l'indemnité s'élève à la somme de 784.773,36 €, le montant annuel de 19.710 €

devant être capitalisé selon l'euro de rente viager de 39,816 du barème susvisé pour une femme âgée de 29 ans au jour de la liquidation, 10 décembre 2015

ce qui donne un total de 866.898,36 €.

Afin de permettre à la victime de disposer sa vie durant des fonds qui lui seront nécessaires pour faire face à une dépense qui s'échelonne dans le temps, l'indemnité allouée au titre de ce poste sera payée à compter du 11 décembre 2015 sous forme de rente mensuelle et viagère d'un montant de 1.642,50 € (19.710 €/12) indexée conformément aux dispositions de l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale.

- Frais de logement adapté3.000,00 €

- Frais de véhicule adapté4.072,07 €

Ces deux postes d'indemnités accordés par le premier juge ne sont critiqués en cause d'appel par aucune partie.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire19.618,75 €

- Souffrances endurées38.000,00 €

Ces deux chefs de dommage alloués par le tribunal sont acceptés par les deux parties.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent326300,00 €

- Préjudice esthétique25.000,00 €

- Préjudice sexuel15.000,00 €

- Préjudice d'agrément25.000,00 €

- Préjudice d'établissement 15.000, 00 €

Ces 5 postes de dommage tels qu'évalués par le tribunal sont admis par les parties.

Le préjudice corporel global subi par Mme [K] s'établit ainsi à la somme de 2.304.119,70 € soit, après imputation des débours de la Cpam (109.248,25 €) une somme de 2.194.871,50 € lui revenant, provisions versées non déduites.

Mme [K] percevra son indemnité selon les modalités suivantes :

- une somme de 1.410.098,20 € en capital (2.194.871,50 € - 784.773,36 €) sauf à déduire les provisions versées qui en application de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine du code civil portera intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement soit le 15 mai 2014 à titre de dommages et intérêts compensatoires

- une rente mensuelle et viagère de 1.642,50 € indexée au titre de la tierce personne à compter du 11 décembre 2015.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

En vertu de l'article L 211-9 du Code des Assurances, l'assureur est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, laquelle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

La Sa Altima affirme avoir eu connaissance de la date de la consolidation de la victime le 13 février 2012 à réception du rapport d'expertise du docteur [N], date qui doit être entérinée dès lors qu'elle est identique à celle retenue par Mme [K] elle-même.

Cet assureur devait donc présenter une offre à la victime dans le délai requis pour l'offre définitive, seul critiqué, soit avant le 13 juillet 2012 ; il justifie y avoir procédé par lettre du 25 février 2013 seulement alors qu'il n'invoque lui-même aucun cas de suspension ou de prorogation limitativement énumérés aux articles R 211-29 à R 211-34 du code des assurances.

Mais cette offre, outre sa tardiveté, ne peut être considérée comme valable pour être incomplète comme ne faisant pas référence à chacun des postes de préjudice visés par l'expert médical tels les frais de logement et de véhicule adapté et ne proposant aucun chiffrage pour la perte de gains professionnels actuels et futurs portés 'pour mémoire', ce qui la fait assimiler à une absence d'offre.

Seule l'offre présentée le 3 décembre 2013 par voie de conclusions devant le tribunal dans le cadre de la présente instance répondait aux exigences légales comme faisant référence à chacun des postes de préjudice visés par l'expert médical et sollicités alors par la victime directe ou par ricochet, sans pouvoir être qualifiée de manifestement insuffisante au sens de l'article L 211-14 du code des assurances et être assimilée à une absence d'offre, dès lors qu'elle est supérieure de plus de moitié aux indemnités judiciairement allouées.

La Sa Altima ne saurait prétendre échapper aux rigueurs de la loi car elle n'invoque elle-même aucun cas de suspension ou de prorogation limitativement énumérés aux articles R 211-29 à R 211-34 du code des assurances.

La pénalité qui joue de plein droit s'applique à compter de l'expiration du délai d'offre définitive soit le 14 juillet 2012 et jusqu'au jour de l'offre définitive soit le 3 décembre 2013 ; en effet, dès lors qu'une offre valable a été effectuée pour chacun des chefs de dommage évoqués par l'expert, la sanction cesse au jour de celle-ci et s'applique sur le montant de l'indemnité offerte avant imputation de la créance des organismes sociaux et avant déduction des provisions versées.

Il sera rappelé, à cet égard, qu'en cas de rente, ce qui est le cas pour la tierce personne permanente à échoir, le doublement du taux s'applique à celle-ci et non au capital servant de base à son calcul.

Le jugement sera donc infirmé sur l'assiette de la pénalité.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens en ce compris les frais d'expertise en application de l'article 695 4° du code de procédure civile et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La Sa Altima qui succombe partiellement dans sa voie de recours et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer une indemnité de 1.500 € à Mme [K] au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

- Confirme le jugement,

hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et l'assiette de la pénalité mise à la charge de l'assureur.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de Mme [K] à la somme de 2.194.871,50 €

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime, après imputation de la créance du tiers payeurs, s'établit à 1.410.098,20 €.

- Condamne la Sa Altima Assurances à payer à Mme [K] les sommes de

* 1.410.098,20 € en réparation de son préjudice corporel, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement soit le 15 mai 2014 à titre de dommages et intérêts compensatoires

* une rente mensuelle et viagère de 1.642,50 € à compter du 11 décembre 2015 au titre de l'indemnité de tierce personne indexée conformément aux dispositions de l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale

*1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit que les intérêts courent au double du taux légal à la charge de la Sa Altima Assurances à compter du 14 juillet 2012 et jusqu'au 3 décembre 2013 sur le montant de l'indemnité offerte par cet assureur avant déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions versées, avec cette précision que pour la rente de tierce personne permanente à échoir le doublement du taux s'applique à celle-ci et non au capital servant de base à son calcul.

- Condamne la Sa Altima Assurances aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 14/13602
Date de la décision : 10/12/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°14/13602 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-12-10;14.13602 ?
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