COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 15 OCTOBRE 2015
jlp
N° 2015/346
Rôle N° 14/14902
Syndicat des copropriétaires [Localité 2]
C/
[Q] [E]
[R] [G]
[V] [G]
Grosse délivrée
le :
à :
SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE
Me Lionel CARLES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 09/06713.
APPELANTE
Syndicat des copropriétaires [Localité 2] dont le siège social est [Adresse 3], représenté par son Syndic en exercice, l'AGENCE PIERRE sise [Adresse 1], elle même prise en la personne de son représentant légal en exercice
représenté par SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , asssisté de Me Bernard ASSO, avocat au barreau de NICE et de Me Céline GILLET, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES
Madame [Q] [E]
demeurant [Adresse 2] - [Localité 3] (GB)
représentée par Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anaïs TARONE, avocat au barreau de NICE
Madame [R] [G]
demeurant [Adresse 2] - [Localité 3] (GB)
représentée par Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anaïs TARONE, avocat au barreau de NICE
Madame [V] [G]
demeurant [Adresse 2]. - [Localité 3] (GB)
représentée par Me Lionel CARLES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anaïs TARONE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Christine LORENZINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2015,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de la 5ème résolution adoptée, le 28 juillet 2001, par l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier « [Localité 2] » situé [Adresse 3] à [Localité 1], [Q] [E] a obtenu l'autorisation que le lot n° [Cadastre 2], consistant en un terrain non bâti de 3703 m2, dont elle était alors propriétaire, soit retiré de la copropriété en contrepartie du versement d'une somme de [Cadastre 3] 000 F destinée à compenser l'augmentation des charges résultant de ce retrait pour les autres copropriétaires.
Cette résolution a été contestée par un copropriétaire, qui s'est ensuite désisté de son action à la suite de l'engagement pris par Mme [E], par courrier remis le 4 décembre 2001 au syndic, de prendre à sa charge diverses modifications des lieux et travaux communs, ainsi que les frais nécessaires à la modification de l'état descriptif de division.
Courant 2004, Me [F], notaire à [Localité 4], a préparé un projet d'acte formalisant le retrait du lot n° [Cadastre 2], devenu la parcelle nouvellement cadastrée section CL n° [Cadastre 1] d'une superficie de 3695 m2, et les rectifications subséquentes au règlement de copropriété et à l'état descriptif de division.
Lors de l'assemblée générale du 25 février 2005, était cependant adoptée une résolution n° 6 ainsi libellée : la sortie du lot [Cadastre 2] de la copropriété [Localité 2] ne pourra se traduire par la possibilité de construire. Ce lot constituant un terrain d'une superficie de 3703 m2 est inconstructible en raison des dispositions du POS de la ville d'[Localité 1]. Le COS a entièrement été consommé au moment de l'exécution du permis de construire de la copropriété.
Mme [E] a contesté cette assemblée générale devant le tribunal de grande instance de Grasse, qui, par jugement du 1er février 2007, a rejeté sa demande d'annulation ; ce jugement a été infirmé par un arrêt de cette cour du 7 novembre 2008, qui a annulé l'assemblée générale du 25 février 2008 et condamné le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » à signer l'acte de retrait portant sur le lot n° [Cadastre 2] établi par Me [F] et ce, dans le délai de deux mois de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 500 € par jour de retard pendant quinze jours à l'expiration duquel il sera à nouveau statué ; le syndicat des copropriétaires a formé un pourvoi contre cet arrêt , qui a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 16 novembre 2011.
Entre-temps, Mme [E] a, par acte notarié du 17 janvier 2007, fait donation du lot n° [Cadastre 2] à ses deux filles, [R] et [V] [G].
L'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier « [Localité 2] », réunie le 6 avril 2007, peu après le prononcé du jugement du tribunal de grande instance de Grasse, a adopté une résolution n° 6 par laquelle il était décidé l'annulation pure et simple de la résolution n° 5 de l'assemblée générale du 28 juillet 2001 autorisant le retrait du lot n° [Cadastre 2], au motif que cette résolution n'avait pas été exécutée près de six années après son adoption.
Mme [E] et Mlles [G] ont obtenu, par un jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 30 novembre 2009, l'annulation de la résolution n° 6 ainsi adopté, jugement qui ne sera pas frappé d'appel.
Parallèlement, le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » a, le 28 octobre 2009, saisi la cour d'une requête en interprétation de son arrêt du 7 novembre 2008 en ce qu'il ne visait pas précisément le projet d'acte de retrait qu'il avait été condamné à signer ; par arrêt du 25 mars 2011, la cour a rejeté la requête au motif notamment qu'il n'y avait pas lieu à interprétation d'un arrêt faisant référence au projet d'acte établi par Me [F] et soumis à l'assemblée générale du 25 février 2005.
Une société K, venant aux droits d'une société Elverson Finance, à laquelle Mme [E] avait, par acte du 17 janvier 2007, vendu son lot n° [Cadastre 3] de la copropriété « [Localité 2] », constituant un terrain bâti, et consenti un pacte de préférence relativement au lot n° [Cadastre 2], a formé une tierce-opposition à l'arrêt de la cour du 7 novembre 2008 ; par arrêt du 25 mars 2011, la cour a déclaré la tierce-opposition recevable, mais a débouté la société K de sa demande de rétractation
Le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » a finalement signé l'acte de retrait, le 27 janvier 2012, en l'étude de Me [F], notaire, après avoir été condamné, à plusieurs reprises, au paiement d'astreintes liquidés par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse.
Reprochant au syndicat d'avoir multiplié les man'uvres et les procédures dilatoires pour ne pas régulariser l'acte de retrait du lot n° [Cadastre 2] pourtant irrévocablement décidé, ce qui leur avait occasionné un préjudice, Mme [E] et Mlles [G] ont fait assigner en responsabilité le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » devant le tribunal de grande instance de Grasse, qui, par jugement du 8 juillet 2014, a notamment :
-rejeté la fin de non-recevoir soulevé par le syndicat tiré de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt du 25 mars 2011,
-dit que le syndicat a adopté un comportement fautif engageant sa responsabilité civile (sur le fondement des articles 1382 et 1383du code civil) en multipliant les man'uvres dans le seul but de s'opposer à l'exécution des engagements pris lors de l'assemblée générale du 28 janvier 2001 et en refusant de s'exécuter dans les termes de l'arrêt exécutoire du 7 novembre 2008 et multiplié les démarches pour échapper à ses obligations,
-condamné le syndicat à payer à Mme [E] et Mlles [G] la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts,
-condamné Mme [E] et Mlles [G] à payer au syndicat la somme de 39 925,30 €,
-ordonné au syndicat de produire les extraits de compte justifiant de ce paiement,
-condamné le syndicat à payer à Mme [E] et Mlles [G] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » a régulièrement relevé appel de ce jugement.
En l'état des conclusions, qu'il a déposées le 31 août 2015 et auxquelles il convient de se référer, il demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a reconnu fautif et engagé sa responsabilité en le condamnant à verser 500 000 € à Mme [E] et Mlles [G] ; il conclut, en revanche, à la confirmation du jugement ayant condamné celles-ci à lui verser la somme de 39 923,30 € ; il sollicite enfin le versement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [E] et Mlles [G] demandent à la cour, aux termes de leurs conclusions déposées le 21 juillet 2015, auxquelles il convient également de se référer, de :
-constater que le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » n'a jamais répondu à l'injonction qui lui était faite de justifier des charges de copropriété en produisant les extraits de comptes concernant leurs lots à compter de l'exercice 2001 jusqu'à l'année 2012 incluse,
-dire et juger que le syndicat ne rapporte pas la preuve de l'existence et du montant des charges de copropriété dont il demande le paiement,
-débouter le syndicat de toute demande relative aux charges de copropriété,
-dire et juger que leurs demandes ne se heurtent aucunement à l'autorité de la chose jugée,
-constater que le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » a commis de nombreuses fautes ouvrant droit à indemnisation,
-constater que ces fautes sont en lien direct avec les nombreux préjudices subis,
-dire et juger que le syndicat a multiplié les man'uvres et les procédures dilatoires pour ne pas régulariser l'acte de retrait du lot n° [Cadastre 2] pourtant irrévocablement décidée,
-condamner le syndicat à indemniser le préjudice subi de ce fait,
-constater que le refus fautif du syndicat les a empêchées de pouvoir construire sur leur terrain et/ou de procéder à la vente de celui-ci,
-constater que le syndicat a multiplié les procédures dilatoires et ne s'est résolu à signer l'acte de retrait qu'une fois leur parcelle devenue inconstructible,
-constater que la perte de valeur du terrain est considérable,
-dire et juger que le syndicat des copropriétaires sera tenu d'indemniser le préjudice ainsi subi,
-constater qu'elles ont été contraintes de s'acquitter d'importantes charges de copropriété indues, du fait du comportement fautif du syndicat,
-dire et juger que le syndicat sera tenu d'indemniser le préjudice ainsi subi,
-constater que le syndicat a commis des actes de harcèlement et des man'uvres en vue de leur nuire,
-dire et juger que le syndicat sera tenu d'indemniser le préjudice ainsi subi,
-condamner, en conséquence, le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » à leur verser la somme de 6 000 000 € en réparation de l'intégralité des préjudices subis.
Enfin, elles sollicitent l'allocation de la somme de 8000 € en remboursement de leurs frais irrépétibles.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 1er septembre 2015.
MOTIFS de la DECISION :
Postérieurement à la clôture de l'instruction prononcée le 1er septembre 2015 à 9 heures, Mme [E] et Mlles [G] ont déposé de nouvelles conclusions et sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture au prétexte du dépôt par le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » de conclusions, le 31 août 2015 ; pour autant, le dépôt par le syndicat de conclusions la veille de l'ordonnance de clôture ne constitue pas une cause de révocation de celle-ci au sens de l'article 783 du code de procédure civile, qui exige, en effet, que la cause de nature à justifier la révocation soit révélée postérieurement à la clôture ; il convient d'ajouter que les intimées, qui avaient été informées, le 10 décembre 2014, de la fixation de l'affaire à l'audience du 3 septembre 2015, ont-elles-mêmes entendu le 23 juillet 2015 pour déposer de nouvelles conclusions ; leurs conclusions du 1er septembre 2015, comme celles du syndicat des copropriétaires déposées postérieurement, le 1er septembre 2015, doivent donc être écartées des débats.
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Dans le cadre de la présente instance, Mme [E] et Mlles [G] invoquent l'existence d'éléments de préjudice nettement distincts de celui, dont elles s'étaient prévalues lors de l'examen de la requête en interprétation de l'arrêt de cette cour du 7 novembre 2008, lié au caractère abusif de ladite requête, sur laquelle il a été statué par arrêt du 25 mars 2011 et qui a dit n'y avoir lieu à interprétation et a débouté les intéressées de leur demande de dommages et intérêts, faute de justification d'un préjudice autre que procédural ; c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » tirée de l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 25 mars 2011, après avoir notamment relevé que le comportement dilatoire et abusif reproché au syndicat, dans le but de faire obstacle à la décision de retrait du lot n° [Cadastre 2], remontait à 2005, bien antérieurement à la requête en interprétation, et que le préjudice, allégué, lié à l'impossibilité de vendre ou de jouir du lot n° [Cadastre 2], cadastré depuis section CL n° [Cadastre 1], devenu inconstructible, serait né postérieurement à l'arrêt du 25 mars 2011.
Pour caractériser la faute commise par le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] », de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code de procédure civile, le premier juge a justement retenu que depuis 2005, celui-ci avait adopté des résolutions en assemblée générale et engagé des procédures judiciaires, multipliant ainsi les man'uvres dans le seul but de faire obstacle à la décision de retrait du lot n° [Cadastre 2] prise lors de l'assemblée générale du 28 juillet 2001.
Ainsi, dès l'assemblée générale du 25 février 2005, les copropriétaires, qui étaient amenés à prendre connaissance du projet d'acte préparé par Me [F], notaire, ont adopté une résolution n° 6 conduisant à subordonner le retrait à l'impossibilité de construire sur le lot, alors que depuis l'assemblée générale du 28 juillet 2001, Mme [E] bénéficiait d'un droit acquis au retrait dont les conditions, notamment le paiement d'une somme de [Cadastre 3] 000 F destinée à compenser l'accroissement des charges résultant du retrait pour les autres copropriétaires, avaient été précisément déterminées, l'intéressée s'étant en outre engagée, dans ses rapports avec la copropriété, à prendre en charge divers frais, en particulier ceux nécessaires à la modification de l'état descriptif de division ; c'est dans des conditions toutes aussi abusives que le syndicat a voté, lors de l'assemblée générale du 6 avril 2007, une résolution n° 6, qui sera par la suite annulée aux termes du jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 30 novembre 2009, décidant d'annuler, au motif qu'elle n'avait pas été exécutée, la résolution n° 5 de l'assemblée générale du 28 juillet 2001, alors qu'il s'était lui-même opposé à l'exécution de la décision de retrait, lors de l'assemblée générale du 25 février 2005, en refusant de signer le projet d'acte préparé par le notaire et qu'il n'ignorait pas que le jugement rendu le 1er février 2007 par le tribunal de grande instance de Grasse, déboutant Mme [E] de sa demande d'annulation de l'assemblée générale de 2005, faisait l'objet d'un appel pendant devant la cour d'Aix-en-Provence.
Dans son arrêt du 7 novembre 2008, infirmant ce jugement et annulant l'assemblée générale du 25 février 2005, la cour a d'ailleurs condamné sous astreinte le syndicat à signer l'acte de retrait portant sur le lot n° [Cadastre 2] établi par Me [F], dans le délai de deux mois de la signification de l'arrêt.
Le syndicat, plutôt que d'exécuter de bonne foi l'arrêt du 7 novembre 2008, exécutoire en dépit du pourvoi en cassation, qu'il avait formé, a préféré saisir la cour, le 28 octobre 2009, d'une requête en interprétation de cet arrêt au motif que n'était pas précisé le projet d'acte, qu'il était condamné à signer ; dans son arrêt du 25 mars 2011, la cour a considéré qu'il n'y avait pas lieu à interprétation de l'arrêt du 7 novembre 2008 dans la mesure où le projet d'acte à signer était celui qui avait été présenté lors de l'assemblée générale du 25 février 2005 et dont l'identification et la teneur n'étaient pas discutés, tout en stigmatisant le caractère abusif et manifestement dilatoire de la requête en interprétation.
La résistance du syndicat à exécuter l'arrêt du 7 novembre 2008 a également conduit Mme [E] et Mlles [G] à saisir à plusieurs reprises le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse en liquidation de l'astreinte prononcée tant par cet arrêt, que par un jugement du 9 mars 2010 rendu par le juge de l'exécution.
Ainsi que le relève le tribunal, ce n'est qu'après le rejet du pourvoi formé par le syndicat contre l'arrêt du 7 novembre 2008, en conséquence de l'arrêt de la Cour de cassation (3ème chambre civile) du 16 novembre 2011, que celui-ci a finalement accepté de signer, le 27 janvier 2012, l'acte de retrait du lot n° [Cadastre 2], devenu la parcelle cadastrée section CL n° [Cadastre 1], préparé par Me [F], notaire, portant en outre modification de l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier « [Localité 2] ».
L'attitude qu'a adoptée le syndicat, de 2005 à 2012, dans le but d'éluder l'application de la décision de retrait prise en faveur de Mme [E] lors de l'assemblée générale du 28 juillet 2001 et qu'il lui appartenait de mettre en 'uvre de bonne foi, revêt donc un caractère fautif.
Pour réclamer l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 6 000 000 €, Mme [E] et Mlles [G] invoquent, d'une part, un préjudice de jouissance consécutif à l'impossibilité, dans laquelle elles se seraient trouvées, de vendre leur terrain devenu constructible à la suite du retrait ou d'y faire édifier une villa et, d'autre part, un préjudice moral du fait du harcèlement commis par le syndicat à leur égard et des man'uvres destinées à leur nuire.
Dans le projet d'acte de retrait établi courant 2004 par Me [F], il est indiqué que Mme [E] est propriétaire du lot n° [Cadastre 2], qu'elle a acquis par acte notarié des 26 janvier et 17 mai 1983, consistant en un terrain de 3703 m² avec les 1612/10 000èmes de la propriété du sol, observation étant ici faite que ce terrain est inconstructible en l'état des dispositions du plan d'occupation de la ville d'[Localité 1], mais qu'il pourra devenir constructible si un nouveau plan d'occupation le prévoit ; l'acte de donation du 17 janvier 2007 reprend la même indication selon laquelle le terrain est inconstructible en raison des dispositions du POS de la commune d'[Localité 1], ainsi qu'il résulte d'une lettre du syndic de la copropriété, et évalue le lot n° [Cadastre 2] à la somme de 150 000 € pour le calcul des droits de mutation, étant observé qu'un pacte de préférence pour l'achat de ce lot a été consenti, par acte du même jour, à la société Elverson Finance, acquéreur du lot n° [Cadastre 3] consistant en une villa avec les 1599/10 000èmes de la propriété du sol.
Il est acquis aux débats que d'après le document graphique du plan local d'urbanisme de la ville d'[Localité 1] approuvé le 11 mai 2011, la parcelle CL n° [Cadastre 1], constituant l'ancien lot n° [Cadastre 2], classée en zone Udf, se trouve incluse, en tant que jardin, dans la liste des éléments de paysage à protéger ou à mettre en valeur au sens de l'article R. 123-11 h) du code de l'urbanisme, devant être préservés de toute construction ; pour autant, rien ne permet d'affirmer qu'antérieurement à l'approbation du PLU en mai 2011, le lot n° [Cadastre 2] était devenu constructible et que la résistance du syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » à régulariser la décision de retrait votée lors de l'assemblée générale du 28 juillet 2001 a fait perdre à Mme [E] et Mlles [G] une chance de vendre un terrain de 3703 m² constructible ou d'y faire édifier une villa.
Les intéressées se bornent à communiquer un courrier de M. [D], architecte d'intérieur, daté du 29 octobre 2012, affirmant notamment qu'en 2006, la parcelle était située en zone Udf2 et n'était pas concernée par la mention « jardin à créer ou à protéger », que le COS étant de 0,10, la possibilité de construire était de 370 m² de SHON, mais que le PLU de 2010 (approuvé en mai 2011) a réduit les possibilités de construction en délivrant un COS de 0,08, donc 295 m² de SHON, et que de plus, la mention « jardin à créer ou à protéger » est apparue, empêchant toute construction de bâtis sur la zone hachurée, c'est-à-dire la totalité de la parcelle ; il n'est pas cependant évident qu'un permis de construire 370 m² de SHON aurait pu être délivré entre juillet 2001 et mai 2011, avant l'approbation du PLU, eu égard à la densité des constructions édifiées sur la parcelle d'origine cadastrée section CL n° [Cadastre 4] (de 28 118 m²) et au COS alors autorisé ; à cet égard, il n'est justifié d'aucune démarche particulière effectuée au cours de cette période en vue de la constitution d'un dossier de demande de permis de construire et de l'obtention d'un tel permis, alors même que le plan d'occupation des sols de la ville d'[Localité 1] de janvier 2011, avait été annulé en novembre 2002 par la juridiction administrative, et il n'a pas, non plus, été sollicité un certificat d'urbanisme conformément à l'article L. 410-1 b) du code de l'urbanisme, visant à établir que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d'une opération de construction, ce qui aurait pu être fait si Mme [E] et Mlles [G] avaient eu un tel projet ; en outre, lorsqu'elle a demandé l'autorisation de retrait de son lot n° [Cadastre 2] de la copropriété, Mme [E] n'a pas fait part de son intention d'y réaliser une opération immobilière, puisqu'elle n'ignorait pas que son terrain de 3703 m² était alors inconstructible ; le pacte de préférence, qu'elle a ensuite consenti, le 17 janvier 2007, à la société Elverson Finance était destiné à permettre à celle-ci de réaliser une extension de sa propriété, sachant que le terrain avait été évalué, dans l'acte, à la somme de 150 000 € comme s'il était inconstructible.
Mme [E] et Mlles [G] ne peuvent dès lors soutenir qu'elles ont subi un préjudice lié à l'impossibilité de jouir de leur terrain ; le préjudice, qu'elles invoquent, qualifié par le premier juge de perte d'une chance de vendre un terrain constructible ou d'y réaliser une construction, ne se trouve donc pas établi.
En revanche, les diverses résolutions adoptées en 2005 et 2007 par l'assemblée générale des copropriétaires afin de faire obstacle à l'application de la décision de retrait de son lot n° [Cadastre 2] définitivement votée en juillet 2001 et la résistance du syndicat à exécuter l'arrêt du 7 novembre 2008 le condamnant sous astreinte à signer l'acte de retrait, ont nécessairement causé à Mme [E] et Mlles [G], ne serait-ce qu'à raison de la multiplication des obstacles apportés à l'exécution de cette décision entre 2005 et 2011, un préjudice d'ordre moral, dont il y a lieu de les indemniser par l'octroi de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.
Dans l'acte notarié du 27 janvier 2012 formalisant le retrait du lot n° [Cadastre 2], Mme [E] et Mlles [G] ont expressément consenti, page 21, à ce que la jouissance divise soit fixée au jour de l'acte et que tous les comptes et prorata soient également arrêtés à ce jour ; elles ne peuvent dès lors soutenir que les charges ne sont pas dues du fait de la résistance fautive du syndicat à régulariser l'acte de retrait.
Par contre, le syndicat n'était nullement dispensé de justifier d'une créance certaine et liquide au titre des charges de copropriété effectivement dues au 27 janvier 2012 ; si le syndic, la société Agence pierre, a adressé à Me [F], par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 22 août 2012, une opposition tendant au paiement de la somme de 49 072,26 € englobant pour 39 925,30 € un arriéré de charges, force est de constater que cette créance n'est justifiée ni dans son existence, ni dans son montant, faute notamment de production des décomptes individuels à compter de l'exercice 2001 jusqu'à l'exercice 2012 inclus, que Mme [E] et Mlles [G] ont réclamé, en vain, y compris dans le cadre de la présente procédure.
Le syndicat, qui ne justifie pas de l'obligation, dont il réclame l'exécution, ne peut ainsi qu'âtre débouté de sa demande en paiement de la somme de 39 925,30 €.
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Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé, mais seulement en ce qu'il condamne le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [E] et Mlles [G] la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts, condamne celles-ci à lui payer la somme de 39 925,30 € au titre d'un arriéré de charges et ordonne au syndicat de produire les extraits de compte justifiant de ce paiement.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés ; il n'y a pas lieu, dans ces conditions, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Ecarte des débats les conclusions de Mme [E] et Mlles [G] du 1er septembre 2015, comme celles du syndicat des copropriétaires déposées postérieurement, le 1er septembre 2015,
Au fond, réforme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 8 juillet 2014, mais seulement en ce qu'il condamne le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [E] et Mlles [G] la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts, condamne celles-ci à lui payer la somme de 39 925,30 € au titre d'un arriéré de charges et ordonne au syndicat de produire les extraits de compte justifiant de ce paiement,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne le syndicat des copropriétaires « [Localité 2] » à payer à [Q] [E] et [R] et [V] [G] la somme de 10 000 € en réparation du préjudice moral subi,
Déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande en paiement de la somme de 39 925,30 € au titre d'un arriéré de charges de copropriété,
Rejette, comme étant sans objet, la demande de production des extraits de compte,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en cause d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du même code,
LE GREFFIERLE PRESIDENT