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08/10/2015 | FRANCE | N°13/09850

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 08 octobre 2015, 13/09850


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 08 OCTOBRE 2015



N° 2015/













Rôle N° 13/09850







[H] [L]





C/



SARL NORD AZUR INTERNATIONAL





















Grosse délivrée

le :

à :



Me FRECHE

SCP GUEDJ













Décision déférée à la Cour :



Jugemen

t du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 16 Avril 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/03214.





APPELANTE



Madame [H] [L]

née le [Date naissance 1] 1946 à , demeurant [Adresse 1])



représentée par Me Sophie FRECHE de la SCP POMMIER, COHEN & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE













INTIMEE



SARL...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 08 OCTOBRE 2015

N° 2015/

Rôle N° 13/09850

[H] [L]

C/

SARL NORD AZUR INTERNATIONAL

Grosse délivrée

le :

à :

Me FRECHE

SCP GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 16 Avril 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 11/03214.

APPELANTE

Madame [H] [L]

née le [Date naissance 1] 1946 à , demeurant [Adresse 1])

représentée par Me Sophie FRECHE de la SCP POMMIER, COHEN & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL NORD AZUR INTERNATIONAL,

dont le siége social est [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Jacques RAFFIN de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Denis LALOUX, avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne DUBOIS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine DURAND, Président suppléant

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2015,

Signé par Madame Catherine DURAND, Président suppléant et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS :

la société Whitelake Designs LTD dont le siège social était en Grande Bretagne et ayant pour gérante associée [H] [L], avait pour activité la maintenance de villas à l'enseigne commerciale « Fleurs de Provence » et possédait un établissement à [Localité 1].

En 2004, elle a fait l'objet, avec sa gérante et associée, [H] [L] de vérifications fiscales de la part de l'administration française.

Le 26/11/2004, Mme [L] a alors confié à la Sarl cabinet Ruant et Partners devenue la Sarl Nord Azur International, qui assurait la comptabilité et établissait les bilans de sa société depuis 1995, un mandat de représentation fiscale dans le cadre de ce contrôle.

Le fisc français a notamment découvert l'existence de comptes bancaires ouverts au nom de la société comportant des mouvements financiers n'apparaissant pas dans la comptabilité.

La réponse de la société qu'il s'agissait de dépôts effectués par certains de ses clients pour régler en leur nom, différents prestataires n'a pas été étayée par la production de documents de sorte que Whitelake Designs LTD a été condamnée au paiement d'amendes fiscales, son recours contentieux engagé en octobre 2009 ayant été rejeté par jugement du tribunal administratif du 16/03/2012.

Cette société n'existant plus et ayant été dissoute, l'administration fiscale a mis en demeure [H] [L] [D] le 18/02/2011, de s'acquitter du montant des amendes de 187. 601 €.

Par acte du 17/05/2011, cette dernière a alors fait assigner la Sarl Nord Azur International afin de la voir condamner à lui verser des dommages-intérêts pour avoir été à l'origine de sa condamnation fiscale au motif qu'elle n'a pas transmis les documents réclamés dans les délais et lui a fait perdre une chance d'échapper au redressement fiscal.

Par jugement du 6/04/2013, le tribunal de grande instance de Grasse l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil et l'a condamnée à payer à la défenderesse la somme de 2.000 € du chef de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a essentiellement retenu que la demanderesse n'a pas justifié avoir communiqué les éléments nécessaires à l'expert comptable et qu'en l'absence de ces renseignements, peu importait le dépassement du délai de 30 jours imposé par l'administration fiscale, la pénalité étant due dès lors que la réponse était incomplète.

[H] [L] [D] a interjeté appel de cette décision par acte du 14/05/2013.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 28/10/2014 et tenues pour intégralement reprises, elle prie la cour de :

réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et ce faisant :

condamner la Sarl Nord Azur International à lui payer la somme de 187.601 € assortie des intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande.

la condamner à 4.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

la condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Pommier Cohen et Associés.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 29/05/2015 et tenues pour intégralement reprises, l'intimée demande à la cour de :

' confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

'y ajoutant, condamner [H] [L] [D] à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

'la condamner aux dépens recouvrables par la SCP Cohen Guedj Montero Daval Guedj.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19/08/2015.

Par courriers adressés en cours de délibéré les 2 et 9 septembre 2015, Mme [L] a sollicité la réouverture des débats ainsi que la révocation de l'ordonnance de clôture.

Les conseils des deux parties ont bien été avisés de la date d'audience par avis adressé par le greffe par le biais du RPVA le 19/05/2015 à 10h15.

***

**

SUR CE :

1) sur la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture :

Le conseil de Mme [L] a sollicité la réouverture des débats ainsi que la révocation de l'ordonnance de clôture en faisant valoir qu'il n'a pas été avisé de la date de l'audience et n'a pas reçu notification des dernières écritures de l'intimée en raison d'un problème technique manifeste de son RPVA.

Celui-ci se serait produit en mai 2015 puisqu'il n'est pas invoqué de difficulté s'agissant des autres actes de procédure.

Or, il convient d'observer que l'imprimé de l'écran RPVA versé aux débats par l'avocat de l'appelante porte sur la période de septembre 2013 à septembre 2014 et non sur l'année 2015 concernée.

En outre, les conseils des deux parties ont bien été informés de la date d'audience par avis adressé par le greffe par le biais du RPVA le 19/05/2015 à 10h15.

L'avocat de la Sarl Nord Azur International confirme au demeurant avoir bien reçu cet avis le 19/05/2015 à « 10 : 15 : 37 » et démontre de surcroît que les conclusions qu'il a envoyées à son confrère par RPVA le 29/05/2015 et énonçant au surplus la date de plaidoirie du 2/09/2015, ont bien fait l'objet de la part de son adversaire d'un accusé de réception ce même jour à 17h52.

De plus, l'ordonnance de clôture du 19/08/2015 adressée aux deux avocats le 19/08/2015 à 17h29 et dont la réception n'est pas contestée, mentionne bien la date de plaidoirie au 2/09/2015.

Enfin, une demande de révocation de l'ordonnance de clôture ne peut être formulée que par conclusions.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments et en l'absence de preuve rapportée d'un dysfonctionnement de son RPVA, les demandes de réouverture des débats et de révocation de l'ordonnance de clôture présentées par Mme [L] seront écartées.

2) sur la responsabilité  :

En vertu de l'article 1763 A du code général des impôts, les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées.

Selon l'article 117 du dit code, au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution.

En cas de refus ou de défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763-A.

Il n'est pas discuté en l'espèce que la Sarl Nord Azur International, mandatée par Mme [L], n'a pas répondu à l'administration fiscale dans le délai de 30 jours suivant la proposition de rectification du 19/10/2004 ; qu'elle a seulement demandé le 27/12/2004 « un délai de réponse supplémentaire jusqu'au 31/03/2015 » compte tenu de l'état de santé de sa cliente et que ce n'est que le 31/03/2005 qu'elle a fourni des observations relatives notamment aux comptes bancaires non déclarés.

C'est ainsi que le 4/04/2005, l'administration fiscale qui a considéré que la thèse de la société selon laquelle les mouvements enregistrés sur ses comptes étaient afférents à des règlements effectués pour des clients étrangers avec des fonds en provenance de ces mêmes clients n'étaient étayés par la production d'aucun document en dépit du délai supplémentaire de plus de deux mois accordé pour répondre, a, d'une part, confirmé le redressement s'agissant des mouvements sur compte analysés comme des revenus distribués et, d'autre part, appliqué la pénalité de 100 % prévue à l'article 1763 du code général des impôts pour refus ou défaut de réponse dans le délai de 30 jours à compter de la notification imposé par l'article 117 du dit code, soit 42.434 € en 2001, 116.809 € en 2002 et 132.853 € en 2003, soit 292.096 €, ramenée ensuite à 187.601 € compte tenu de la rectification ultérieure de la base imposable.

L'appelante en déduit que la simple méconnaissance du caractère impératif des dispositions de l'article 117 du Code Général des Impôts dont atteste la lettre du Cabinet Ruant et Partners du 15 décembre 2004, ajouté à l'absence de toute alerte sur l'urgence qu'il y avait à répondre aux interrogations de l'administration dans ce délai engagent incontestablement la responsabilité de 1'expert-comptable tenu d'une obligation de résultat en sa qualité de rédacteur, sur le fondement de l'article 1146 du Code Civil.

La Sarl Nord Azur International rappelle qu'elle n'était pas contractuellement en charge de la défense fiscale de la société puisqu'elle a eu pour mission de recevoir pour le compte de la société « toutes communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt '' dont celle-ci peut être redevable, et que « la présente désignation de représentation fiscale ne saurait avoir pour effet de rendre le mandataire responsable à un titre quelconque des impôts, sa mission se bornant seulement à la transmission des documents à l'administration ».

Elle estime qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans la mesure où Madame [L] s'est rapidement désintéressée de l'affaire, la laissant démunie, sans aucune instruction, lorsqu'il s'est agi de fournir à l'Administration fiscale les justificatifs de sommes remises, à titre de dépôt par certains clients.

Elle ajoute que sa cliente ne lui a pas communiqué les documents à remettre à l'administration fiscale de sorte qu'aucun justificatif sérieux n'a permis de faire changer le fisc d'avis, Madame [L] se contentant à distance d'allégations sans preuves.

Elle souligne que la société Whitelake est toujours dans l'impossibilité de justifier des dépôts effectués qui ont donc été assimilés à des recettes non enregistrées et à des revenus distribués à ce titre imposables.

Cependant s'il est exact que faute de démonstration de sa théorie sur les dépôts de sommes sur ses comptes, la société contrôlée aurait été inévitablement redressée, et ce, indépendamment de la question du respect du délai de trente jours, force est de constater qu'aucune pénalité n'aurait pu être infligée si une réponse, quelle qu'elle soit, avait été apportée dans les 30 jours.

Or, c'est bien parce que l'intimée s'est contentée de répondre pour la première fois à l'administration le 27/12/2004, bien après le délai légal et seulement pour solliciter un délai supplémentaire, que la pénalité de 137.601 € a été appliquée de droit.

L'expert comptable qui ne conteste pas qu'il était bien mandaté pour remettre tous documents au fisc, se retranche derrière la carence de sa cliente pour se dédouaner. Toutefois, il ne justifie d'aucune correspondance ou autre diligence démontrant qu'il aurait demandé à Mme [L] de lui fournir tous documents ou explications utiles pour pouvoir répondre à l'administration fiscale dans ce délai impératif de 30 jours.

Il devait au demeurant être en possession de tous les renseignements nécessaires puisque sans autre démarche rapportée de la part de l'appelante ou de la sienne, il a pu fournir une réponse circonstanciée à l'administration fiscale le 31/03/2004.

De son côté, Mme [L] rapporte la preuve à cette époque, de l'absence progressive de disponibilité du directeur du service comptable de la Sarl Nord Azur International, pour cause de maladie comme en témoigne un courrier de la société d'expertise comptable à l'ensemble de ses clients le 16/12/2005 annonçant le décès de l'intéressé.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'en laissant s'écouler le délai de 30 jours de l'article 117 du code général des impôts sans fournir à l'administration la moindre réponse, l'intimée a commis un manquement fautif à l'origine directe de l'application d'office de la pénalité de 100 %.

La Sarl Nord Azur International oppose à tort que « il n'y avait pas lieu effectivement de désigner l'attributaire de revenus occultes dès lors que l'existence même de revenus était contesté '' et que « désigner l'attributaire de « recettes dissimulées » aurait précisément abouti à reconnaître le bien fondé du redressement ''.

En effet, la circonstance qu'une société conteste formellement le bien fondé des réintégrations envisagées par l'administration en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés ne la dispense pas de répondre dans le délai légal à la demande qui lui est faite de désigner les bénéficiaires de la distribution des sommes ainsi contestées.

La société d'expertise comptable allègue par ailleurs de la possible prescription quadriennale que pourrait soulever Mme [L] du fait de l'absence de tout acte interruptif depuis la première mise en demeure du 26/06/2006.

L'appelante répond néanmoins valablement que l'exigibilité de l'impôt a été suspendue par la demande de sursis à paiement qu'elle a formulée le 5/08/2008 et l'élaboration d'un plan de règlement le 1/07/2013.

Il est par ailleurs acquis que le jugement du tribunal administratif du 12/04/2012 rejetant le recours contentieux de la société Whitelake Designs LTD est définitif au regard du plan de règlement consenti le 1/07/2013 par le fisc à Mme [L].

Enfin cette dernière rapporte également la preuve d'un préjudice certain et définitif puisqu'elle a intégralement réglé les pénalités de 187.601 € en 18 mensualités de 10.422,27 € conformément au plan précité comme l'atteste l'administration fiscale dans son mail du 21/08/2014.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en toutes ses dispositions et la Sarl Nord Azur International sera par conséquent condamnée à payer à l'appelante la somme de 187.601 € en réparation du préjudice fiscal qu'elle a subi, assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'intimée qui succombe, supportera les dépens et sera condamnée à payer à Mme [L] la somme de 2.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

***

**

PAR CES MOTIFS

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la Sarl Nord Azur International à payer à [H] [L] la somme de 187.601 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

LA CONDAMNE à payer à [H] [L] la somme de 2.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens distraits au profit au profit de la SCP Pommier Cohen et Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

la greffièrel a présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/09850
Date de la décision : 08/10/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°13/09850 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-10-08;13.09850 ?
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