COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2015
N° 2015/669
Rôle N° 15/09473
[S] [O] [S]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE
Grosse délivrée
le :
à : Me Pierre LIBERAS
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 24 Avril 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00358.
APPELANT
Monsieur [S] [O] [S] agissant en son nom personnel et en sa qualité d'héritier de Madame [A] [F] [N] décédée le [Date décès 1] 2012 à [Localité 1] les époux ayant été mariés sous le régime de la communauté universelle, né le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté de Me Catherine CIZERON, avocat au barreau de VERSAILLES, substituée par Me Marion GIRARD, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEE
CAISSEREGIONALEDE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean-François JOSSERAND, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier COLENO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président (rédacteur)
Madame Françoise BEL, Conseiller
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2015,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement d'orientation dont appel rendu le 24 avril 2015 après débats à l'audience du 20 mars 2015 à 8 heures 30, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE au préjudice de [S] [S] suivant commandement délivré le 6 octobre 2014 pour recouvrement d'une créance de 898.308,03 € due en vertu d'un acte notarié du 16 février 2002 ainsi que d'une créance de 444.800,97 € due en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 20 septembre 2012.
[S] [S], qui n'avait pas comparu en première instance, a interjeté appel le 28 mai 2015 tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de son épouse décédée et, autorisé à assigner à jour fixe le 8 juin 2015, a remis au greffe le 15 juin 2015 l'assignation délivrée au créancier poursuivant en l'absence de créanciers inscrits.
Vu les dernières conclusions déposées le 29 juin 2015 par [S] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de son épouse décédée, tendant à l'infirmation du jugement dont appel d'une part en ce que le dossier a été retenu sans prendre en considération la télécopie qu'il avait adressée le 19 mars 2015 qui devait s'analyser en une demande de renvoi et à tout le moins une demande d'autorisation de vente amiable, d'autre part en ce que le juge de l'exécution n'a pas vérifié que l'action du Crédit Agricole était prescrite, et demandant à la Cour de prononcer l'irrecevabilité de la procédure de saisie immobilière en raison de la prescription de l'action, subsidiairement de l'autoriser à vendre à l'amiable l'immeuble saisi, soutenant notamment :
que ses difficultés financières trouvent leur origine dans un sinistre de construction de la villa qu'avec son épouse depuis décédée ils avaient décidé de faire édifier sur le terrain saisi,
que l'avocat qu'il avait chargé de sa défense l'a informé la veille de l'audience qu'il ne pourrait le représenter,
que l'exercice effectif des droits de la défense ne lui a pas été assuré faute pour le premier juge d'avoir fait droit à sa demande de renvoi ou ordonné la réouverture des débats, qu'il lui était impossible compte tenu de son âge, de son état de santé et de son éloignement, de se présenter à l'audience, que le Crédit Agricole ne lui a pas communiqué ses pièces de sorte que le principe de contradiction des débats n'a pas été respecté,
que sa demande d'autorisation de vente amiable aurait dû être prise en compte,
que le premier incident de paiement est apparu à l'échéance du crédit relais (deux prêts ont été contractés, l'un suivant acte sous seing privé du 19 juin 2001 pour l'acquisition du terrain, l'autre notarié du 14 février 2002 pour le financement des travaux de construction, ensuite prorogés mais dont la consolidation en prêts à moyen terme a été refusée), et que le Crédit Agricole ne démontre pas avoir interrompu la prescription biennale de l'article L137-2 depuis l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 20 septembre 2012, ce que le premier juge aurait dû soulever d'office,
que selon l'évaluation qu'il produit, le bien a en l'état une valeur de 1.700.000 €,
Vu les dernières conclusions déposées le 17 juin 2015 par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ÎLE DE FRANCE tendant :
-à titre principal à l'irrecevabilité par application de l'article R311-5 du code des procédures civiles d'exécution des demandes formées pour la première fois en cause d'appel,
-à titre subsidiaire au rejet de la demande d'autorisation de vente amiable faute de répondre aux dispositions des articles R322-20 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
-à titre très subsidiaire au rejet de l'intégralité des demandes de l'appelant sur la prescription,
-dans tous les cas à la confirmation du jugement dont appel,
soutenant notamment :
que M.[S] a bénéficié d'un délai de deux mois pour préparer sa défense et a un avocat, celui qui intervient -et qui avait suivi les procédures antérieures-,
qu'aucun mandat de vente ni estimation du bien n'est produit, qu'aucun prix minimum n'est précisé,
que conformément à l'article 2247 du code civil, le juge ne peut soulever d'office le moyen de la prescription, que l'action fondée sur un jugement se prescrit par dix ans,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que [S] [S], né le [Date naissance 1] 1935, dont l'épouse est décédée le [Date décès 1] 2012, demeurant à [Adresse 3]) a été assigné pour l'audience d'orientation du 20 mars 2015 par acte d'huissier du 12 janvier 2015 qui lui a été délivré en personne ;
que la régularité de l'acte n'est pas discutée, et qu'il contient le rappel des textes de procédure applicables à cette audience, spécialement sur le principe de représentation obligatoire et la possibilité pour la partie saisie de demander une autorisation de vente amiable oralement à l'audience ;
que l'appelant a donc disposé d'un délai de deux mois et huit jours pour préparer sa défense ;
qu'il ne justifie pas des difficultés qu'il aurait rencontrées auprès d'un avocat ;
que la circonstance que l'un des titres de poursuites soit une décision de justice et en l'occurrence un arrêt de cour d'appel du 20 septembre 2012 sur lequel le pourvoi inscrit par les époux [S] a donné lieu à une ordonnance de radiation le 24 octobre 2013, conduit à retenir que l'appelant n'est pas ignorant des choses de la procédure et de la défense en justice ;
Attendu que la télécopie datée du 19 mars 2015 dont se prévaut l'appelant, assortie d'un journal de FAX faisant apparaître deux envois, l'un du 20 mars 2015 à 2 heures 25 adressé au numéro XXXXXXXXXX (OK), l'autre du 22 mars à 23 heures 37 adressé au numéro XXXXXXXXXX (OK), réitéré à 23 heures 39, s'exprimait textuellement ainsi : « la procédure à [Localité 3], à plus de 900 km de mon domicile, ne m'a pas permis de préparer ma défense considérant : la maison de [Localité 4] inachevée n'est pas habitable - mon âge 80 ans - mon état de santé (traitement de longue durée). Aussi, je suis au regret de ne pouvoir me présenter à l'audience d'orientation ni de me faire représenter par un avocat. Cependant, la possibilité étant offerte par l'assignation -art.R322-17- je sollicite d'être autorisé de vendre le bien saisi à l'amiable...je fais valoriser le bien...j'ai demandé à l'agence immobilière de vous communiquer directement sa proposition de vente par FAX à votre secrétariat ...je vous serais obligé de bien vouloir prendre ma demande en considération (...)
P.J.certificat médical 28.10.2014 »
que le certificat médical produit indique que « Monsieur ATRATOFF [S] souffre de troubles dépressifs pour lesquels il est en traitement » ;
Attendu que ces documents figurent au dossier du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan en double exemplaire, marqués parvenus au service des ventes le 23 mars 2015, ainsi que l'avis de valeur établi par une agence immobilière de [Adresse 4] ;
mais attendu d'une part que la correspondance ci-dessus ne contient pas demande de renvoi et n'évoque ni des difficultés rencontrées pour faire assurer sa défense par un avocat, ni la perspective de la désignation d'un avocat par la partie ;
que les termes du certificat médical ne traduisent pas l'existence d'un état de santé entravant l'exercice des droits de la défense ;
et attendu d'autre part que la partie saisie avait été régulièrement informée par l'énoncé complet dans l'assignation des textes régissant la représentation obligatoire, le risque associé au défaut de comparution, ainsi que du texte de l'article R322-17 qu'elle cite, du fait qu'elle était dispensée du ministère d'avocat pour demander une autorisation de vente amiable et que cette demande pouvait être formulée verbalement à l'audience ;
que la demande ne peut de la sorte s'entendre que comme une excuse au défaut de comparution et une demande d'autorisation de vente amiable qui est tardive et irrégulière faute d'avoir été présentée à l'audience, et oralement ;
que c'est en conséquence à juste titre que le premier juge non seulement n'en a pas tiré de conséquence mais en outre n'en a pas fait état dans sa décision dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il en ait eu connaissance lors des débats à l'audience ;
Attendu que l'appelant qui n'avait pas constitué avocat ne prétend pas avoir sollicité communication des pièces adverses dont la liste est annexée à l'assignation et se prévaut vainement d'un manquement au principe de contradiction des débats ;
Attendu, sur l'exigibilité de la créance, que lors de l'audience d'orientation, le juge de l'exécution est tenu en vertu de l'article R322-15 du code des procédures civiles d'exécution, outre de statuer sur les éventuelles contestations et demandes incidentes, de vérifier que sont réunies les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 du code des procédures civiles d'exécution, et à ce titre notamment que le créancier est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ;
que le défaut de comparution du débiteur ne le décharge pas de son office et qu'en vertu de l'article 472 du code de procédure civile, il lui incombe de ne faire droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ;
Attendu qu'en principe et aux termes de l'article 2247 du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription, même résultant d'une disposition d'ordre public ;
que si l'article L141-4 du code de la consommation, à admettre que les prêts litigieux relèvent des dispositions du code de la consommation, édicte que le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, et donc l'article L137-2 du code de la consommation dont l'appelant prétend se prévaloir, il ne lui en fait pas l'obligation ;
Attendu qu'il s'ensuit que l'appelant n'est pas fondé à faire grief au premier juge de n'avoir pas soulevé la prescription, et d'autant moins dans les termes où il prétend le faire devant la Cour où il se prévaut d'une prescription biennale de l'article L137-2 faute d'acte interruptif de prescription entre le 21 septembre 2012, date de l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, et le 6 octobre 2014, date de la délivrance du commandement valant saisie immobilière, qui ne fait pas apparaître un indice apparent d'accomplissement d'une prescription propre à mobiliser l'office du juge ;
Attendu qu'aux termes de l'article R311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ;
qu'il suit de ces dispositions que la banque est fondée à soutenir que tant la contestation tirée d'une prescription de l'action que la demande d'autorisation de vente amiable sont irrecevables devant la Cour faute d'avoir été formées à l'audience d'orientation ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare [S] [S] irrecevables en ses contestations et demandes incidentes ;
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [S] [S] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE la somme de 2.500 € ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples;
Condamne [S] [S] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,