COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 11 SEPTEMBRE 2015
N° 2015/629
Rôle N° 13/24412
[I] [B] épouse [N]
C/
[W] [Q]
[T] [M]
CHAMBRE NATIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE
SCP LILAMAND TOSELLO
Grosse délivrée
le :
à : Me Philippe SAMAK
Me Thierry GIORGIO
Me Paul GUEDJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00592.
APPELANTE
Madame [I] [B] épouse [N] [X]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2] (Tchécoslovaquie), demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Philippe SAMAK, avocat au barreau de NICE, assisté de Me Agnès DAMOUR, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Maître [W] [Q], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Thierry GIORGIO, avocat au barreau de NICE
Maître [T] [M], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Benoît GOULESQUE-MONAUX, avocat au barreau de PARIS
CHAMBRE NATIONALE DES HUISSIERS DE JUSTICE Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Benoît GOULESQUE-MONAUX, avocat au barreau de PARIS
SCP LILAMAND TOSELLO Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Benoît GOULESQUE-MONAUX, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Juin 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise BEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président
Madame Françoise BEL, Conseiller (rédacteur)
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2015,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par arrêt de la Cour d'assises des bouches du Rhône du 27 février 2004 statuant sur intérêts civils Madame [I] [B] épouse Mayeroffer, a été condamnée à payer aux consorts [C] la somme de 60.000 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.
Le 15 avril 2004 à 16 heures les consorts [C] ont fait pratiquer une saisie conservatoire de biens placés dans un coffre-fort situé dans les locaux de la BNP Paribas à [Localité 1] et ont fait apposer les scellés le 16 avril suivant sur le fondement d'une ordonnance du juge de l'exécution du 29 mars 2004 pour garantie de la somme de 4.000.000 euros, dénoncée à la débitrice saisie le 16 avril.
Par procès-verbal du 18 mai 2004 dénoncé à la débitrice saisie le même jour, le Trésor Public a pratiqué une saisie des biens détenus dans un coffre-fort pour avoir payement de 1.528.07,03 euros en exécution d'un rôle rendu exécutoire, avis donné à Maître [Q] le 24 mai 2004 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Par procès-verbal du 18 mai 2004 dénoncé à la débitrice saisie le 19 mai 2004 les consorts [C] ont fait pratiquer la saisie des biens placés dans un coffre-fort pour recouvrement des sommes allouées par l'arrêt du 27 février 2004, le procès-verbal portant mention de la déclaration de la banque selon laquelle il existe une saisie du même jour à la requête du Trésor Public de [Localité 1] pour un montant de 1.528.07,03 euros.
Un procès-verbal d'ouverture de coffre-fort avec inventaire des biens saisis, un procès-verbal de saisie de droits d'associé ou valeurs mobilières, un procès-verbal de saisie d'espèces composées de francs et devises étrangères, ont été dressés le 10 juin 2004 pour recouvrement des sommes allouées aux consorts [C], signifiés à la débitrice saisie le 16 juin 2004.
Un certificat de non-contestation a été délivré par le greffe du juge de l'exécution suite à la dénonce du procès-verbal de saisie d'espèces et de saisie de droits d'associé ou valeurs mobilières.
Les formalités pour la vente ont été accomplies selon signification d'un avis de vente le 6 décembre 2004, signifié à personne le 6 décembre suivant, procès-verbal d'accomplissement des formalités de publicité d'une vente le 6 décembre 2004 signifié le même jour.
Un procès-verbal d'opposition-jonction a été dressé pour payement de la somme de 3859,92 euros à la requête du syndicat des copropriétaires 'Le Soleiadou' en exécution d'une ordonnance de référé du 18 novembre 2004.
Un procès-verbal de saisie conservatoire a été dressé entre les mains de Me [Q] à la requête du Trésor public le 13 mai 2009 pour le montant de 1.876.07,03 euros( en partie illisible), Me [Q] déclarant ne détenir que 53.528,22 euros.
Par jugement dont appel du 16 décembre 2013 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a reçu la SCP LILAMAND TOSELLO et Me [T] [M] en leur intervention volontaire, débouté Mme [B] de toutes ses demandes et laissé à la charge de chacune des parties les frais engagés ainsi que les dépens,
rejetant le moyen tiré de la disproportion de la mesure d'exécution de saisie des biens dans le coffre-fort le 10 juin 2004 poursuivie alors que l'huissier a constaté la présence de deux lingots d'or dans le coffre, et du caractère abusif de la saisie, la contestation fondée sur l'absence de titre du Trésor Public, le juge de l'exécution n'ayant pas à se prononcer sur les droits à saisie de cette administration,
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 20 mars 2014 par Mme [I] [B] et tendant à voir la Cour réformer le jugement entrepris,
Vu les articles L.111-7 du code des procédures civiles d'exécution ,118, 120 et 121 du décret du 31 juillet 1992 codifiés en les articles R-221-41 à 44 du code des procédures civiles d'exécution et R.221-20 alinéa 4 dudit code, Vu l'article 1382 du code civil,
Condamner in solidum la Chambre Nationale des huissiers de Justice et Maître [W] [Q] et la SCP LILLAMAND TOSELLO à verser à Madame [B] la somme de 300.000 € à titre de provision à valoir sur le préjudice subi,
Désigner un expert,
Subsidiairement les condamner sous la même solidarité à verser 600.000 € à titre de dommages et intérêts.
Condamner dès à présent et in solidum les requis et intervenants à l'exception de Maître [M] verser à Madame [B] la somme de 7.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre celle de 1 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, les condamner aux dépens d'instance et d'appel,
Soutenant le caractère fautif des saisies opérées, les ventes poursuivies n'étant ni justifiées par le titre des consorts [C] ni nécessaires dans leur totalité ni adéquates,
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Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 13 avril 2015 par Me [W] [Q] huissier de justice, tendant à voir la cour déclarer Mme [B] irrecevable sur le fondement de l'article 122 du Code de procédure civile, comme étant dépourvue du droit d'agir pour n'avoir pas mis en cause les créanciers poursuivant, à savoir les consorts [C], voir retenir la fin de non-recevoir invoquée,
Subsidiairement, sur le fond, voir déclarer irrecevable Mme [B] sur le fondement de l'article 146 alinéa 2ème du Code de procédure civile,
En toutes hypothèses,
En tant que de besoin, condamner la Chambre Nationale des Huissiers de Justice à relever et garantir Maître [W] [Q] des condamnations prononcées à son encontre,
Condamner Mme [B] au paiement de la somme de1 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral occasionné à Maître [W] [Q], ès-qualité, condamner Mme [I] [B] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile , ainsi qu'en tous les dépens de l'instance de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
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Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 7 mai 2014 par la Chambre Nationale des huissiers de justice, la SCP LILAMAND-TOSELLO , Maître [T] [M] aux fins de voir la Cour
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [I] [N] [X] née [B] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice; en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à expertise ;
Prononcer la mise hors de cause de la SCP LILAMAND-TOSELLO ou, à tout le moins, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [I] [N] [X] née [B] des demandes qu'elle forme à son encontre ;
Condamner Madame [I] [N] [X] née [B] à verser à la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, à la SCP LILAMAND-TOSELLO et à Maître [T] [M] la somme de 5000 € chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ,
faisant valoir que
- les créances dont Maître [W] [Q] poursuivait le recouvrement s'élevaient au moment de la vente à 1.591.946,95€;
- les mesures d'exécution pratiquées étaient donc adéquates et nullement disproportionnées et seuls les créanciers peuvent être recherchés;
- la SCP LILAMAND-TOSELLO n'est pas concernée par le caractère proportionné ou non des saisies litigieuses, étant simplement chargée des opérations de vente ;
- la SCP LILAMAND-TOSELLO a parfaitement exécuté les obligations lui incombant dans le cadre de cette vente ;
- qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de Maître [T] [M] ;
- les biens contenus dans le coffre-fort litigieux ont déjà fait l'objet d'estimations par des experts à l'époque de la vente ;
Constater enfin que Madame [I] [N] [X] née [B] ne démontre pas l'existence du moindre préjudice ;
Vu l'ordonnance de clôture du 26 mai 2015,
MOTIFS
1.Sur la fin de non-recevoir pour défaut de droit d'agir par défaut de mise en cause des consorts [C] et du Trésor Public:
Me [Q] soutient en cause d'appel que l'action engagée est irrecevable à raison du défaut de mise en cause des créanciers poursuivants, les consorts [C] et le Trésor Public.
L'appelante réplique que la responsabilité de l'huissier de nature quasi-délictuelle est autonome.
Aux termes de l'article L122-2 du Code des procédures civiles d'exécution, l' huissier de justice chargée de l'exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution.
C'est donc en vertu de pouvoirs propres de l' huissier de justice dans la conduite des opérations de vente des biens saisis dans le coffre-fort ouvert au nom de la débitrice saisie que Mme [B] recherche la responsabilité de l'huissier de justice.
Il en résulte que Mme [B] n'avait pas à mettre en cause les créanciers poursuivants et que l'action est recevable.
La fin de non-recevoir est rejetée.
2.Sur la responsabilité :
Me [Q] a poursuivi la vente pour recouvrement d'une créance de 60.000 euros en principal outre les intérêts et frais à la requête des consorts [C] ainsi que pour recouvrement d'une créance du Trésor Public de [Localité 1] de 1.528.07,03 euros fondée sur des titres exécutoires selon procès-verbal de saisie du 18 mai 2004 faisant opposition jonction , cette saisie ayant la nature d'une saisie vente et non pas d' une saisie conservatoire nécessitant un acte de conversion comme soutenu à tort par l'appelante; l'huissier faisant opposition n'avait pas à dresser un nouvel inventaire en l'absence de biens non-compris dans la saisie initiale.
La décision de procéder à la vente des biens saisis dans le coffre-fort pour le recouvrement des créances est fondée, même en présence d'une saisie d'espèces et devises et de lingots d'or à l'ouverture du coffre, et en l'absence de toute contestation élevée par Mme [B] contre les actes d'exécution pratiqués et régulièrement notifiés à sa personne, eu égard au montant des créances à recouvrer, à l'existence d'autres créanciers de la débitrice saisie.
Mme [B] ne justifiant pas non plus avoir notifié à l'huissier poursuivant un sursis à exécution des poursuites du Trésor Public qu'elle aurait obtenu et dont elle ne justifie pas, le seul courrier du 12 juillet 2004 de son conseil à l'administration fiscale n'ayant pas la nature d'une telle décision, il s'ensuit que l'opposition jonction formée par le Trésor Public permettait à l'huissier instrumentaire de poursuivre les opérations pour l'intégralité des créances.
Le créancier premier saisissant poursuivant seul la vente aux termes de l'article R221-43 in fine, les opposants pouvant participer à la distribution des deniers, il s'en suit que l'ensemble des opérations poursuivies à la requête des seuls consorts [C] est régulière.
La partie intimée justifie ensuite par ses productions de la régularité des opérations de vente opérées par la SCP LILAMAND TOSELLO et la recherche de valeur des biens saisis, comprenant les lingots, au moyens d' expertises et d'avis de valeur et de l'accomplissement des publicités et de la vente.
Elle justifie par le procès-verbal de vente après saisie des biens adjugés comprenant les deux lingots d'or, en date du 15 décembre 2004, de la vente des biens saisis pour un montant total de 173.645 euros , avant frais et débours, et par un bordereau d'établissements bancaires et de la Banque de France du 15 juin 2004 d'une contre-valeur des devises de 46.105,05 euros.
Ces montants sont insuffisants à la date de la vente, pour permettre le désintéressement des créanciers de Mme [B].
La partie intimée justifie d'une réquisition de vente volontaire pour des biens vendus le jour de la vente des biens saisis dans le coffre-fort , notamment des bijoux, sacs.., dont l'appelante allègue à tort la disparition, l'huissier instrumentaire n'ayant pas à lui rendre compte du sort des biens qui ne lui ont pas appartenu.
Dans ces conditions Mme [B] ne peut soutenir avec succès une insuffisance fautive du prix d'adjudication, la vente aux enchères publiques présentant par elle-même un aléa sur le prix de réalisation des biens mis en vente.
Mme [B] n'établissant pas l'existence d'une faute commise par l'huissier de justice instrumentaire en pratiquant des actes de saisie disproportionnés et inutiles présentant le caractère d'une erreur inexcusable, d'une faute grossière, d'une négligence fautive ou d'une intention de nuire , c'est exactement que le premier juge a débouté la demanderesse de l'intégralité de ses demandes.
Mme [B] soutient une violation du secret professionnel par l'administration fiscale par la production d'un courrier adressé à son conseil; cette administration n'étant pas partie à l'instance la prétention à voir juger un comportement fautif est en voie de rejet.
Le jugement est confirmé.
Il n'y a lieu à mettre hors de cause la SCP LILAMAND TOSELLO, des demandes étant formées contre elle par Mme [B] du chef de l'organisation de la vente aux enchères publiques que la SCP d' huissiers de justice était chargé de mettre en oeuvre.
La demande en dommages intérêts formée par Maître [W] [Q] est rejetée en l'absence de tout moyen au soutien de la demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause des consorts [C] et du Trésor Public,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Mme [I] [B] à payer à Maître [W] [Q] la somme de 2500 euros, à la SCP LILAMAND TOSELLO, à Maître [T] [M], à Chambre Nationale des Huissiers de Justice la somme de 2000 euros chacun,
Rejette toute demande autre ou plus ample,
Condamne Mme [I] [B] aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,