COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 10 SEPTEMBRE 2015
N° 2015/364
Rôle N° 14/14454
Compagnie d'assurances COVEA RISKS
C/
[W] [E] épouse [E]
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-
RHÔNE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Allio
Me Guedj
Me Dureuil
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de TARASCON en date du 05 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11-13-0005.
APPELANTE
Compagnie d'assurances COVEA RISKS, [Adresse 1]
représentée par Me Michel ALLIO, avocat au barreau de TARASCON
INTIMEES
Madame [W] [E] épouse [E]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/9422 du 15/09/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Eric BELLAICHE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aurélie PAPAZIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHÔNE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 3]
représentée par Me Christian DUREUIL de l'AARPI LEX CAUSA CHRISIAN DUREUIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Juin 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Rachel ISABEY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christiane BELIERES, Présidente
Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller
Madame Rachel ISABEY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Septembre 2015,
Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 26 janvier 2013 Mme [E] a fait une chute dans la station [Établissement 1] à [Localité 2], exploitée par la société Argedis, assurée auprès de la société Covéa Risks et a été blessée.
Par acte des 11 et 13 juin 2013 elle a fait assigner la société Covéa Risks devant le tribunal de grande instance de Tarascon pour qu'elle soit déclarée tenue à la réparation intégrale du préjudice corporel subi et a appelé en cause la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) des Bouches-du-Rhône, en sa qualité de tiers payeur.
Par jugement du 5 juin 2014 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction a :
- déclaré la société Argedis responsable de l'accident sur le fondement de l'article 1384 du code civil du fait de la présence de carburant sur le lieu de la chute
- condamné la société Covéa Risks en sa qualité d'assureur à en réparer les conséquences dommageables
- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [D]
- condamné la société Covéa Risks à payer à Mme [E] une provision de 2 500 €
- réservé les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles.
Par acte du 22 juillet 2014, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la société Covéa Risks a interjeté appel général de cette décision.
MOYENS DES PARTIES
La société Covéa Risks demande dans ses conclusions du 9 septembre 2014 de débouter Mme [E] de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'aucune preuve n'est apportée de la position anormale ou d'un mauvais état d'une chose appartenant à son assuré. Elle prétend que les pièces versées aux débats par la victime contiennent des contradictions sur l'endroit de la chute (îlot carburant ou piste des véhicules) et que les photographies révèlent la présence non pas de tâches de gasoil récentes mais de tâches sèches et non glissantes. Elle fait enfin valoir que la chute de la victime peut avoir été causée par le fait qu'elle portait des sabots et par des capacités de motricité diminuées par un état médical antérieur.
Mme [E] demande dans ses conclusions du 22 septembre 2014 de confirmer la décision et de condamner la société Covéa Risks au paiement de la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle a glissé sur une flaque de carburant qui se trouvait au sol sur la piste de la station service.
La Cpam des Bouches-du-Rhône demande dans ses conclusions du 30 septembre 2014 de condamner la société Covéa Risks à titre provisionnel au remboursement de la somme de 11 641,82 € correspondant à des prestations en nature, au paiement de la somme de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre l'indemnité forfaitaire de 1 028 € et de condamner tous succombants aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité
En application de l'article 1384 alinéa 1 du code civil la victime doit, pour engager la responsabilité du gardien de la chose, établir l'intervention matérielle de la chose dans la réalisation du dommage et son rôle causal. S'agissant d'une chose inerte, la preuve doit être rapportée qu'elle présentait un caractère anormal ou qu'elle était en mauvais état.
La matérialité de la chute de Mme [E] dans l'enceinte de la station service n'est pas contestée.
Le constat amiable d'accident établi contradictoirement en mentionne les circonstances suivantes : 'se rendant à l'arrière de son véhicule pour procéder au remplissage de carburant Madame [E] a glissé sur l'îlot de carburant. Lors de sa chute Madame se blessa. Nous avons appelé les pompiers'. Il doit être considéré que le terme 'îlot carburant' désigne l'ouvrage sur lequel sont implantés les appareils de distribution du carburant et non une flaque de carburant.
Dans une attestation du 16 avril 2013, Mme [P], belle fille de la victime, a indiqué : 'Mme [E] est descendue de la voiture afin de régler le carburant avant de se servir, quand elle est revenue vers l'arrière de la voiture, côté droit à la hauteur du bouchon de réservoir, Mme [E] à ce moment là a glissé sur une plaque de gasoil, il y en avait plusieurs, elle m'a appelée en frappant à la voiture (...). Les vidéos de la station service prouvent qu'il y avait bien du carburant répandu vers les pompes'. Il ressort de cette attestation que Mme [E] a dû frapper sur le véhicule pour prévenir sa belle fille de sa chute, de sorte que cette dernière, si elle était présente à proximité, n'a pour autant pas assisté précisément à la chute.
Les photographies extraites de la vidéo surveillance de la station service ne permettent pas de visualiser précisément l'îlot litigieux sur lequel se serait produit la chute ni la chute elle même, de sorte que la présence de tâches ou de flaques de carburant à cet endroit n'est pas démontrée objectivement. Par ailleurs si l'examen des clichés révèle la présence de flaques sur la piste à gauche du véhicule, alors que la chute s'est produite à droite, rien ne permet d'établir qu'il s'agit de carburant ou d'autre liquide glissant.
Le rôle actif du sol de la station service n'est donc pas suffisamment établi, le dommage subi par Mme [E] pouvant aussi trouver son origine dans une inattention de sa part.
La décision sera donc infirmée en toutes ses dispositions et Mme [E] sera déboutée de toutes ses demandes.
Les réclamations de la Cpam seront rejetées en l'absence de responsabilité engagée de la société Argedis, assurée de société Covéa Risks.
Sur les demandes annexes
Mme [E] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
- Infirme le jugement.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Déboute Mme [E] de l'ensemble de ses demandes.
- Déboute la Cpam de ses demandes.
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
- Condamne Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile en ce qui concerne la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.
Le greffierLe président