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09/09/2015 | FRANCE | N°13/24842

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 09 septembre 2015, 13/24842


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2015



N°2015/ 595





Rôle N° 13/24842







[D] [E]





C/



SAS MANPOWER FRANCE

SAS CCM

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE



Grosse délivrée

le :



à :



Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Laurence FOURNIE-GATIER, a

vocat au barreau de PARIS



Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE



CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE











Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2015

N°2015/ 595

Rôle N° 13/24842

[D] [E]

C/

SAS MANPOWER FRANCE

SAS CCM

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Laurence FOURNIE-GATIER, avocat au barreau de PARIS

Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 28 Août 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21203266.

APPELANT

Monsieur [D] [E]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/001992 du 20/02/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Nicole GASIOR, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Makram RIAHI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES

SAS MANPOWER FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurence FOURNIER - GATIER, avocat au barreau de PARIS

SAS CCM, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me David INNOCENTI, avocat au barreau de MARSEILLE

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Mme [C] [T] (Inspectrice Juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant Antenne de [Localité 2] - CS 433 - 13417 MARSEILLE CEDEX 08

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2015

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M.[E] a fait appel d'un jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 28 août 2013 qui l'a débouté de son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable commise par son employeur, la société MANPOWER, comme étant à l'origine de l'accident du travail (brûlures) dont il avait été victime le 13 juin 2007 sur son lieu de travail, la SAS CCM dont le siège social est à [Localité 1] (Ain).

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 10 juin 2015, a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de reconnaître la faute inexcusable de son employeur, d'ordonner la majoration de la rente ou du capital, d'ordonner une expertise médicale et de condamner la société Manpower à lui payer la somme de 15000 euros à titre de provision et la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SAS Manpower a demandé à la Cour de confirmer le jugement et de rejeter les demandes de l'appelant.

Subsidiairement, elle a demandé à être garantie par la société CCM à hauteur de 50%.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SAS CCM a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de rejeter les demandes de l'appelant et de le condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle a demandé à être garantie par la société Manpower à hauteur de 50%.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie a déclaré ne pas avoir d'observations à présenter quant à la faute inexcusable de l'employeur, et, si elle était reconnue, de condamner l'employeur à lui rembourser les sommes dont elle aurait à faire l'avance.

La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

La Cour rappelle que la faute inexcusable de l'employeur ne se présume pas, et que, dans le cadre de l'application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque le salarié, victime d'un accident du travail (ou d'une maladie professionnelle) entend mettre en cause la faute inexcusable de l'employeur, il doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute, la présomption instaurée par l'article L 4154- 3 du code du travail en faveur des salariés intérimaires étant limitée aux travaux présentant un risque particulier nécessitant une formation à la sécurité renforcée.

*********

M.[E] a expliqué qu'en cette fin de journée de travail il avait commencé normalement le nettoyage des diverses machines et appareils, notamment dans la cabine de peinture, et qu'alors qu'il passait le produit sur le convoyeur, il s'était produit un court-circuit provoquant une explosion du bidon qu'il tenait.

Il a fait valoir l'absence de formation préalable à la sécurité et la dangerosité du produit qui lui avait été remis, du méthyléthylcétone (MEK).

Il a reproché à la société utilisatrice CCM d'avoir commis une faute inexcusable en lui confiant un travail dangereux sans formation préalable à la sécurité et sans protection particulière, la société Manpower, entreprise intérimaire étant présumée responsable du fait de la dangerosité du poste et du produit utilisé.

La société Manpower a contesté le principe de la présomption de responsabilité en faisant valoir que la mission confiée à M.[E] n'entrait pas dans la catégorie des activités dangereuses et que l'article L4154-3 du code de la sécurité sociale n'était pas applicable.

La société CCM a fait valoir le même argument en ajoutant qu'à l'issue de l'enquête de gendarmerie, aucun court-circuit n'avait été évoqué comme cause de l'accident.

Pendant les débats oraux du 10 juin 2015 devant la Cour, la société CCM a précisé sa position en expliquant que la seule explication plausible était l'inflammation puis l'explosion du bidon suite à une projection massive sur des parties chaudes du compartiment voisin. Elle a insisté sur le fait que le produit de nettoyage n'était pas dangereux s'il était utilisé avec un chiffon comme préconisé sur les instructions techniques que connaissait parfaitement M.[E], que la machine qu'il nettoyait n'avait pas été endommagée et qu'elle avait recommencé à fonctionner normalement dès le lendemain matin sans aucune réparation, ce qui aurait été impossible si l'explosion s'était produite sur cette machine.

En réponse à cette argumentaire très précis, l'appelant a déclaré maintenir que c'était bien la machine qui avait explosé suite à un court-circuit pendant qu'il la nettoyait avec un produit très dangereux.

*********

Il résulte des éléments de fait du dossier que M.[E] travaillait au sein de la société CCM depuis le début du mois de mars 2007, qu'il avait été affecté au poste d'opérateur sur la cabine de peinture de la chaîne 6 consistant à faire « divers travaux sur chaîne, positionnement de pièces sur supports, travaux sur robots, etc..; » et qu'après son travail il assurait le nettoyage des machines avec une raclette et un chiffon qu'il devait imbiber de MEK, suivant en cela les indications qui lui avaient été données en début de mission et qu'il avait toujours respectées.

Le travail mentionné sur son contrat de mission ne correspondait pas à un poste à risque.

Il était équipé d'une combinaison antipoussières, de gants et de lunettes de protection.

Quant à l'utilisation du MEK, elle ne suffit pas à qualifier le poste de dangereux dans la mesure où, manipulé avec les précautions d'usage, le produit qui est décrit comme un dégraissant très volatil ne présente aucun danger.

Il résulte des éléments de fait du dossier que le travail confié à M.[E] ne présentait pas de risques particuliers et que la présomption instaurée par l'article L4154-3 du code de la sécurité sociale ne trouve pas à s'appliquer.

*********

Il appartient à celui qui entend reprocher à son employeur une faute inexcusable comme ayant été à l'origine de son accident du travail de rapporter la preuve de cette faute.

Les données techniques fournies tant pendant l'enquête de gendarmerie que dans la présente procédure ne permettent pas de retenir la thèse du court-circuit car il a été établi qu'avant le nettoyage de la cabine de peinture de la chaîne 6 celle-ci n'était plus sous tension électrique.

En revanche, il ressort de la fiche technique du MEK qu'il s'agit d'un produit hautement inflammable s'il est en contact avec une flamme ou une partie chaude.

D'après les photos versées aux débats, la machine appelée « convoyeur » se présente comme un bloc posé au sol, et d'où partent des tuyaux ou gaines de petite section et de couleur rouge ou bleue.

Le registre d'incidents versé aux débats montre qu'il n'y a eu aucune réparation à faire après l'accident et que la machine a fonctionné normalement dès le lendemain matin, ce qui confirme la thèse selon laquelle cette machine ne s'était pas enflammée et n'avait pas subi d'explosion.

Dès lors, la thèse de M.[E] est mise à néant: l'accident n'a pas eu pour origine un dysfonctionnement quelconque de la machine appartenant à la société CCM.

Dès lors, les blessures et brûlures subies par la victime ne peuvent provenir que de l'explosion du bidon lui-même suite à l'inflamation du MEK qu'il contenait. Le MEK ne pouvant s'enflammer seul, du moins la victime n'en n'a pas apporté la démonstration donc la preuve, cela signifie que le bidon était débouché et que le liquide a été en contact avec une surface ou un corps ou avec une autre substance quelconque qui l'a enflammé.

Dans son procès-verbal d'audition, M.[E] a expliqué qu'il tenait le chiffon de la main droite et le bidon ouvert de la main gauche.

Par ailleurs des collègues de travail attendaient, devant la porte ouverte et en discutant, qu'il ait fini son nettoyage (voir attestations).

Ils ont vu sa combinaison de travail s'enflammer.

L'une des possibilités est celle qui résulterait des déclarations faites par le responsable de l'entreprise, M.[Q], pendant l'enquête de gendarmerie: la victime lui aurait avoué « avoir fait une bétise pour aller vite dans la manipulation, en versant directement le bidon de solvant sur le convoyeur » ou encore celle qui a été plus complètement détaillée par la société CCM par sa lettre à l'inspection du travail du 7 septembre 2007 ainsi qu'au cours des débats (écoulement du MEK dans le « box » voisin contenant des infrarouges).

Les causes exactes de l'accident ne peuvent résulter ni d'un court-circuit ni d'un dysfonctionnement de la machine, ni d'un ordre émanant de l'un quelconque des autres salariés de l'entreprise utilisatrice (ou de Manpower).

Il n'est pas démontré que la société Manpower ou la société CCM avaient ou auraient dû avoir conscience de l'exposer à un danger pour sa santé, et qu'elles n'auraient pris aucune mesure pour l'en préserver.

La Cour retient de l'ensemble de ces éléments de fait que M.[E] n'a pas rapporté la preuve de la faute inexcusable de l'une ou l'autre des sociétés intimées, et confirme le jugement déféré.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement en matière de sécurité sociale,

Confirme le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 28 août 2013,

Déboute M.[E] de toutes ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Et la présente décision a été signée par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 13/24842
Date de la décision : 09/09/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°13/24842 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-09;13.24842 ?
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