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08/09/2015 | FRANCE | N°14/00069

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 08 septembre 2015, 14/00069


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2015



N° 2015/ 388













Rôle N° 14/00069







[T] [Q]





C/



SARL A.C.





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Thierry BENSAUDE



Me Yves BRUGIERE









Décision déférée à la Cour :



Jugement du

Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03254.





APPELANTE



Madame [T] [Q]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry BENSAUDE, avocat au barreau de GRASSE





INTIMEE



SARL A.C. agissant pour suites ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2015

N° 2015/ 388

Rôle N° 14/00069

[T] [Q]

C/

SARL A.C.

Grosse délivrée

le :

à :

Me Thierry BENSAUDE

Me Yves BRUGIERE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03254.

APPELANTE

Madame [T] [Q]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry BENSAUDE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SARL A.C. agissant pour suites et diligences de son représentant légal en exercice, Monsieur [V] [Z], demeurant es-qualité audit siège,, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Yves BRUGIERE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique BEBON, Présidente

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2015,

Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 17 septembre 2007, Madame [K] épouse [Q] a donné en location à usage commercial pour 11 ans et 6 mois à la SARL Auto Casse A.C., un terrain avec hangar situé [Adresse 3], à usage exclusif de négoce de pièces automobiles et tous métaux, prestations de réparations automobiles, chantier de démolition de véhicules, transport, gardiennage, dépannage et toutes activités similaires.

Un incendie s'est déclaré dans les lieux dans la nuit du 13 au 14 décembre 2007 qui a ravagé le hangar mais sans détruire les locaux administratifs.

Par arrêté en date du 7 mars 2008, le Maire de la ville de [Localité 1] a interdit l'accès notamment à la parcelle constituant les lieux loués au regard du risque d'effondrement de l'entrepôt.

Par ordonnance du 20 mars 2009, une expertise a été ordonnée, confiée à Monsieur [O] qui a conclu à l'origine volontaire de l'incendie.

Avec l'autorisation de la bailleresse, la SARL A.C. a procédé au démantèlement du hangar aux fins de sécurisation du site et le 27 mai 2011, un arrêté d'abrogation du précédent arrêté a été pris par la ville de [Localité 1].

Le 20 juin 2012, la SARL A.C. a fait assigner Madame [Q] aux fins de reconstruction du hangar, diminution du montant du loyer et restitution d'une partie de celui-ci outre une demande à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

Par jugement du 12 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nice a condamné Madame [Q] a procéder à la reconstruction du bâtiment, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à restituer à la locataire la somme de 40'320 euros à titre de réduction du loyer arrêtée au 31 décembre 2013, ordonné pour le futur une réduction de 20 % du montant du loyer jusqu'à reconstruction du hangar.

Madame [Q] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions signifiées le 20 février 2014, l'appelante conclut à l'infirmation du jugement et en tout état de cause, à la résiliation du bail aux torts de la locataire, au débouté de celle-ci de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [Q] fait valoir que le preneur a commis des fautes qui ont contribué à l'incendie et rappelle qu'en application de l'article 1733 du code civil, celui-ci en répond.

Elle indique ainsi que :

- le local était ouvert et facilement accessible lorsque l'incendie s'est déclaré ;

- la société exerçait son activité en toute illégalité pour n'avoir pas obtenu les autorisations administratives requises ;

- les règles de sécurité lui imposaient de créer une retenue d'eau de 60 m³ pour faciliter la lutte contre l'incendie ;

Madame [Q] fait également reproche au premier juge de ne pas avoir répondu à sa demande de résiliation du bail commercial pour faute en application de l'article 1184 du code civil relativement au multiples infractions aux conditions du bail, peu important de savoir si elles ont contribué ou non à la survenance de l'incendie, à savoir :

- l'activité exercée sans autorisation préfectorale ;

- la nécessité de créer une réserve d'eau de 60 m³ ;

- la non-justification d'une assurance ;

- la poursuite de l'activité au mépris d'une interdiction administrative notifiée par arrêté du 7 mars 2008 et un nouvel incendie dont le bailleur n'a pas été informé ;

- des constructions illicites sans autorisation du bailleur.

Par conclusions notifiées le 10 mars 2014, la SARL A.C. conclut au débouté de Madame [Q] de ses demandes et formant appel incident, sollicite la reconstruction du hangar sous astreinte de 200 euros par jour de retard, l'autorisation de ne régler que 20 % du montant du loyer jusqu'à la reconstruction du hangar et la condamnation de la bailleresse à lui restituer 80% des loyers perçus depuis le sinistre, soit la somme de 165'760 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance. Elle sollicite également la condamnation de Madame [Q] au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La locataire répond que les griefs qui lui sont adressés par Madame [Q] sont non fondés au regard du rapport d'expertise et explique que les lieux étaient normalement sécurisés avec une grande barrière métallique fermée par une serrure, celle-ci et la porte ayant été forcées.

Elle indique n'avoir pris les locaux à bail qu'à compter du 17 septembre 2007 et n'avoir été immatriculée au registre du commerce que le 14 janvier 2008, de sorte qu'elle n'a pas eu le temps de démarrer son activité avant la survenance du sinistre.

La SARL A.C. fait notamment valoir que la présence d'une réserve d'eau n'était requise que dans le cadre des prescriptions de l'arrêté préfectoral du 17 juillet 1984, relativement à la sécurité d'un chantier de démolition automobile, activité qu'elle n'a pas eu le temps de démarrer, indiquant s'être livrée à une activité d'entreposage de véhicules sans aucune opération de démontage. Elle ajoute qu'au regard du caractère volontaire de l'incendie, la présence d'une réserve d'eau n'en aurait pas modifié les conséquences, considérant par ailleurs que cette exigence de la présence d'une réserve d'eau est une obligation incombant au bailleur au titre de son obligation de délivrance.

La SARL A.C. se prévaut des dispositions de l'article 1733 du code civil pour solliciter la reconstruction du hangar à la charge de la bailleresse, rappelant l'origine volontaire de l'incendie et qu'en application de l'article 1719-3 du même code, le bailleur doit lui assurer la jouissance paisible des lieux.

Concernant la demande de résiliation du bail sollicitée par Madame [Q], la SARL A.C. relève l'absence de mise en demeure d'avoir à se conformer aux conditions du bail.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. La responsabilité de l'incendie :

Madame [Q] considère que le preneur ne peut être dégagé de sa responsabilité lorsqu'il a commis des fautes qui ont contribué à l'incendie et procède à l'énumération de prétendues fautes au nombre desquelles, l'absence d'autorisation administrative pour l'exercice de l'activité du locataire, sans aucun lien avec la survenance de l'incendie ainsi que l'a pertinemment relevé le premier juge qui a par ailleurs parfaitement répondu, par une motivation adoptée par la cour, aux moyens développés par Madame [Q] et tenant à la facilité d'accès au local et à l'absence de réserve d'eau.

Dès lors, en l'absence de négligence de la part du locataire, celui-ci est exonéré de la présomption de responsabilité que fait peser sur lui l'article 1733 du code civil, la preuve étant rapportée que l'incendie est arrivé par force majeure.

2. La résiliation du bail :

Madame [Q] sollicite le prononcé de la résiliation du bail sur le fondement de l'article 1184 du code civil en invoquant diverses fautes commises par le locataire.

Concernant la non-justification d'une assurance, il est constant que l'expertise s'est déroulée au contradictoire de la société THELEM, assureur de la locataire, laquelle si besoin était, en justifie par la production de son contrat d'assurance.

Les constructions illicites sans autorisation du bailleur alléguées par Madame [Q] qui ne produit aucun justificatif de leur existence, seraient constituées par la présence d'Algécos si l'on se réfère à son mémoire déposé devant le tribunal administratif à l'appui d'une requête dont elle s'est par suite désistée.

Si la SARL A.C. justifie de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés en janvier 2008, par contre elle ne justifie pas d'une autorisation préfectorale d'exploitation concernant les installations classées pour la protection de l'environnement, autorisation dont bénéficiait son prédécesseur dans les lieux.

La SARL A.C. soutient qu'elle ne constitue pas une installation classée nécessitant une telle autorisation, contrairement aux indications de l'expert, en ce qu'elle n'a exercé dans les lieux qu'une activité de remisage de véhicules à moteur et non de démolition de véhicules, circonstance indifférente, l'autorisation dont s'agit étant nécessairement préalable au démarrage de cette activité prévue au bail et qui comporte un certain nombre d'exigence dont la nécessité de créer sur place une réserve d'eau de 60 m³ en raison notamment des opérations de découpage des véhicules au chalumeau, de présence de liquide inflammable et de dépôts de pneumatiques.

La SARL A.C. indique avoir, dans une lettre datée du 13 décembre 2007 produite à l'expert, adressée au service des installations classées de la préfecture des Alpes Maritimes en vue de la reprise de l'agrément de démolition automobile, précisé que l'absence d'une réserve d'eau de 60 m3 était compensée par une citerne de capacité équivalente qu'elle indique n'avoir pas eu le temps de mettre en place.

L'expert indique que dans l'attestation de conformité réalisée par la société ECOPASS le 21 novembre 2007, la SARL A.C. avait l'obligation, dans le cadre de son exploitation commerciale, de détenir une réserve d'eau pour compenser l'absence de points d'eau à proximité immédiate du site.

Il n'est justifié à ce jour ni de l'autorisation préfectorale, ni de la présence de cette citerne.

Dans la mesure où la réserve d'eau est expressément exigée au regard de la nature de l'activité commerciale exercée par le locataire, celui-ci, dont le bail indique qu'il devra satisfaire à toutes les charges de ville, règlement sanitaire, de voirie, d'hygiène, de salubrité ou de police, ainsi qu'à celles qui pourraient être imposées par tout plan d'urbanisme ou d'aménagement, ne peut considérer qu'il s'agit d'une obligation incombant au bailleur au titre de son obligation de délivrance.

Enfin, il est constant que la SARL A.C. a poursuivi son activité dans les lieux au mépris d'une interdiction administrative notifiée par arrêté du 7 mars 2008 ainsi que son gérant l'a indiqué à l'expert.

Ces derniers éléments constituent un manquement de la locataire aux conditions du bail, manquement justifiant que soit prononcée la résiliation du bail en application de l'article 1184 du code civil.

3. La diminution du prix :

Aux termes de l'article 1722 du code civil, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

Il en résulte que le locataire ne peut demander la reconstruction du hangar détruit, le jugement étant réformé de ce chef.

La diminution du prix sollicitée par la SARL A.C. s'inscrit dans les disposions ci-dessus visées concernant l'absence de destruction totale des lieux, le locataire pouvant en outre, sur le fondement de ce même texte, prétendre à une diminution de loyer alors qu'il a procédé à ses frais à la remise en état des lieux loués.

Le loyer annuel prévu par le bail s'établit à la somme de 33 600 euros, soit 2 800 euros par mois.

La SARL A.C. n'ayant pu exercer qu'une partie de son activité telle que prévue au bail, il y a lieu de réduire le montant du loyer de 60% à compter du mois de janvier 2009 jusqu'à la libération des lieux, et de condamner Madame [Q] à restituer à la SARL A.C. la somme de 124 320 euros arrêtée à février 2015.

Les parties supporteront la charge des frais irrépétibles engagés par elles au cours de l'instance en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Réforme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Prononce la résiliation du bail aux torts de la SARL A.C. ;

Déboute la SARL A.C. de sa demande de reconstruction du hangar ;

Ordonne la réduction du montant du loyer de 60% à compter du mois de janvier 2009 jusqu'à la libération des lieux ;

Condamne en conséquence Madame [Q] à restituer à la SARL A.C. la somme de

124 320 euros arrêtée à février 2015 ;

Dit que chacune des parties supportera la charge des frais irrépétibles engagés par elle au cours de l'instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fait masse des entiers dépens, dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties et ceux d'appel recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/00069
Date de la décision : 08/09/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°14/00069 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-09-08;14.00069 ?
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