COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 18 JUIN 2015
N°2015/498
Rôle N° 13/12442
[D] [S]
C/
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
CARSAT SUD-EST
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me Albert HINI, avocat au barreau
de MARSEILLE
Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau
de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 08 Avril 2013,enregistré au répertoire général sous le n° 21105263.
APPELANT
Monsieur [D] [S], demeurant [Adresse 3]
comparant en personne, assisté de Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marion CECERE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Benjamin CARDELLA, avocat au barreau de MARSEILLE
CARSAT SUD-EST, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Benjamin CARDELLA, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Martine MATHIEU-GALLI, Conseiller
Madame Florence DELORD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Farida ABBOU.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2015
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Farida ABBOU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [S] [D] a, par courrier du 21 novembre 2005, déposé une demande de régularisation de cotisations prescrites certifiant sur l honneur avoir été employé en qualité de manutentionnaire par la société Gallovin pour les périodes suivantes:
-Du 1er juillet au 15 août 1966,
-Du 1er juillet au 31 juillet 1967,
-Du 1er juillet au 31 août 1968,
Monsieur [S] [D] a fourni à l'appui de sa demande deux attestations émanant de Mrs [O] et [J] attestant que Monsieur [S] [D] avait travaillé pour la société Gallovin au cours des périodes susvisées.
Alors âgé de 57 ans Monsieur [S] [D] a dés lors procédé au rachat de 10 trimestres de cotisations.
Après vérification et contrôle l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et la CARSAT ont par courrier du 21 décembre 2010, et du 8 juin2011 avisé Monsieur [S] [D] qu'elles procédaient à l'annulation du rachat compte tenu de l'usage de fausses attestations, le trop perçu s'élevant à la somme de 45.183,34€.
Par courrier du 5 juillet 2011 Monsieur [S] [D] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'une action en responsabilité dirigée contre l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales au motif qu'il contestait la décision de la commission de recours amiable confirmant l'annulation de ses droits à la retraite.
Par courrier du 28 octobre 2011 Monsieur [S] [D] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône d'une action en responsabilité dirigée contre la CARSAT en contestant la décision de la commission de recours amiable de cette caisse confirmant l'annulation de ses droits à la retraite et la suspension du paiement de la pension ainsi que la demande de remboursement de la somme de 44.280,34€.
Monsieur [S] [D] a par ailleurs formé devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône un recours à l'encontre d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, qui a fait l'objet d'une décision explicite de rejet le 27 avril 2011 et recours le 5 juillet 2011.
Par jugement en date du 8 avril 2013 le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône a :
-Prononcé la jonction des procédures,
-Rejeté le recours de Monsieur [S] [D],
-Condamné Monsieur [S] [D] à payer à la Carsat Sud Est la somme de 44.280,34€,
-Condamné Monsieur [S] [D] à payer tant à la Carsat qu' à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales chacune la somme de 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Monsieur [S] [D] a interjeté appel de ce jugement dont il sollicite réformation.
Il demande à la cour de:
-Annuler le jugement rendu le 13 avril 2013,
-Constaté la nullité de la procédure de contrôle à posteriori,
-Constater la prescription des demandes formulées par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et la CARSAT,
-Annuler les décisions de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales en date du 21 décembre 2010 et du 27 avril 2011 et de la CARSAT en date du 8 juin 2011 et 5 juillet 2011 et 9 septembre 2011,
-Ordonner que la CARSAT rétablisse dans ses droits à la retraite tels qu'ils lui ont été attribuées le 1 février 2008,
-Condamner in solidum l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches du Rhône et la CARSAT à lui verser en réparation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral la somme de 15.000 € outre de la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que :
-La procédure est irrégulière au motif que les enquêteurs n'étaient pas agrémentés, que les décisions des organismes sont dépourvues de motivations et qu'en violation de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme Monsieur [S] [D] n'a pas été en mesure d'exercer ses droits de défense,
-Le principe d'intangibilité des retraites liquidées a été violé,
-La demande de trop perçu est prescrite en application de l'article L355-3 du code de la sécurité sociale.
L'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches du Rhône et la CARSAT Sud Est concluent à la confirmation du jugement entrepris et au rejet des demandes de Monsieur [S] [D].
La CARSAT demande à la cour de condamner Monsieur [S] [D] à lui payer la somme de 44.280,34 €.
La CARSAT et l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sollicitent chacune l'allocation de la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Pour plus ample exposé du litige, des faits, de la procédure et des moyens des parties il y a lieu de se référer au jugement critiqué et aux écritures développées oralement à l'audience.
SUR CE
Sur la régularité de la procédure de contrôle
Attendu que l'enquête a été menée par Mrs [Y] et [M] et par Mme [L] dont Monsieur [S] [D] met en cause leur habilitation ;
Attendu qu'il ressort des pièces versées aux débats par les intimées que Mr [M] a été agrée le 12 janvier 2005 pour l'exercice des missions de contrôle visées à l'article 1 de l'arrêté du 30 juillet 2004, que Mr [Y] a été agrée le 22 octobre 2009 et que Mme [L] a été agréée le 30 septembre 2009 avec prestation de serment devant le tribunal de grande instance de Montpellier le 26 novembre 2009 ;
Attendu que sur le moyen tiré du défaut de motivation des décisions des organismes il convient de relever que les décisions des commissions de recours amiable tant de la CARSAT que de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont motivées comme faisant expressément référence à la fraude et à la production de témoignages de complaisance et aux textes légaux en la matière ;
Attendu qu'au demeurant l'article 1 de la loi de 1979 invoquée pour justifier l'obligation de motivation vise les décisions rendues par les administrations et ne vise pas les décisions rendues par les organismes de sécurité sociale ;
Attendu que sur le moyen tiré de la violation du droit au procès équitable il convient de rappeler que ce principe ne s'applique pas aux recours gracieux, les commissions de recours amiable n'étant pas des juridictions mais seulement une émanation du Conseil d'administration chargée de se prononcer sur les recours gracieux ;
Attendu concernant le principe du contradictoire la Cour rappelle que les enquêtes faites par des agents assermentés de la Caisse (dont les procès verbaux font foi jusqu'à preuve contraire) sont des procédures administratives non contentieuses qui ne sont pas soumises aux principes habituels que doivent respecter les procès contentieux ;
Attendu par ailleurs qu'en ce qui concerne la violation de l'article 25 de la loi du 12 avril 2000 qui énonce que 'les décision s'ordonnant le reversement des prestations sociales indûment perçues ....indiquent les voies et délais de recours ouverts à l'assuré ainsi que les conditions et les délais dans lesquels l'assuré peut présenter ses observations écrites ou orales, l'assuré pouvant dans ce cas se faire assister d'un conseil...'il convient de relever que la décision de la CARSAT mentionne les délais et voies de recours et que Monsieur [S] [D] a pu faire valoir ses observations devant la commission de recours amiable ;
Sur le fond
Attendu que l'article L351-2 du code de la sécurité sociale fixe le principe selon lequel la durée d'assurance correspond aux périodes cotisées ;
Attendu que la loi Fillon du 21 août 2003 portant réforme des retraites octroie à compter du 1er janvier 2004 le bénéfice d'une retraite aux assurés âgées de 56 à 59 ans réunissant des conditions de durée d'assurance équivalentes non cotisées, des durées d'assurance cotisées, et une date de début d'activité ;
Attendu que les assurés dont le relevé de carrière ne satisfait pas l'ensemble des conditions mais qui ont travaillé aux périodes considérées vont pouvoir compléter la durée prise en compte au moment de la liquidation de leur retraite, en recourant au dispositif de régularisation de cotisations arriérées lorsque des périodes ont été travaillées sans donner lieu à paiement de cotisations ;
Attendu que l'article R 351-11 du code de la sécurité sociale autorise à effectuer des versements rétroactifs de cotisations pour régulariser des périodes d'activité salariée n'ayant pas donné lieu à cotisations en temps opportun en vue de parfaire les droits à pension de retraite ;
Attendu que toutefois cette opération est subordonnée à la condition de faire la preuve de l'activité salariée revendiquée ;
Attendu que la circulaire de 1975 a allégé les modes de preuve et prévoit :
'Toutefois, afin de ne pas pénaliser les salariés dont les employeurs ont disparu ou refusent d'effectuer la régularisation qui leur incombe, il convient d'admettre à titre exceptionnel les demandes et les versements de cotisations arriérées émanant de salariés. Dans ce cas le salarié devra fournir la preuve de son activité pendant la période considérée.' ;
Attendu ainsi que les organismes de sécurité sociale ont accepté les déclarations sur l'honneur en l'absence de tout élément matériel permettant d'accréditer la réalité de l'activité salariée ;
Attendu que fin 2008 du fait du nombre important de dossiers de régularisation de cotisations prescrites et des risques de fraudes, la Caisse Nationale d'Assurance vieillesse a alerté les pouvoirs publics et une mission de contrôle a été confiée à l'Inspection Générale des Finances et à l'Inspection Générale des Affaires Sociales,
Attendu que Monsieur [S] [D] n'ayant justifié des périodes alléguées que par des attestations, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et la Carsat ont diligenté une enquête ,
Attendu que les deux attestations produites par Monsieur [S] [D] sont rédigées à l'identique, Monsieur [S] [D] ayant reconnu les avoir lui même dictées aux témoin dont un, Mr [O], est son beau frère ;
Attendu qu'il ressort de l'audition de Mr [J] que ce dernier ignore tout de l'activité dont il a pourtant attesté, et reconnaît ne jamais avoir vu Monsieur [S] [D] y travailler ;
Attendu que le témoin [O] déclare également tout ignorer de l'entreprise Gallovin, et du travail allégué par Monsieur [S] [D] ;
Attendu que l'établissement d'une attestation implique nécessairement que le témoin a personnellement assisté aux faits qu'il rapporte ;
Attendu qu'il est établi que Monsieur [S] [D], en sollicitant les attestations de deux témoins de complaisance qui n'étaient pas en mesure d'attester des faits invoqués a commis une fraude manifeste ;
Sur le moyen tiré du principe d'intangibilité des retraites et de la prescription
Attendu que compte tenu de la fraude retenue le principe d'intangibilité des retraites posé par l'article R351-10 du code de la sécurité sociale de même que la prescription biennale applicable à l'action intentée parc les organismes payeurs en recouvrement de prestations ne peuvent trouver application ;
Sur la régularisation a posteriori de la demande de rachat
Attendu que Monsieur [S] [D] verse en cause d'appel de nouvelles attestations qui émaneraient de témoins oculaires l'ayant vu travailler à l'époque des faits ;
Attendu cependant que la fraude corrompant tout empêche Monsieur [S] [D] de régulariser sa situation ;
Attendu en effet que la fraude dont s'est rendue coupable Monsieur [S] [D] entache d'irrégularité la demande de rachat et ne peut lui permettre de rectifier ladite irrégularité ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement entrepris sera confirmé et Monsieur [S] [D] débouté de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement contradictoirement,
Déclare l'appel recevable en la forme,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute Monsieur [S] [D] de ses demandes,
Le condamne à payer tant à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches du Rhône qu'à la CARSAT Sud Est la somme de 1.000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile .
Le GREFFIERLe PRÉSIDENT