La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2015 | FRANCE | N°14/22371

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 11 juin 2015, 14/22371


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2015



N° 2015/201













Rôle N° 14/22371







Compagnie d'assurances BANQUE POPULAIRE IARD





C/



S.A.S. PATRICK IMMOBILIER

Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES

SARL CCMP





Grosse délivrée

le :

à :

Me T. TROIN

Me S. MAYNARD

Me F. ASSUS-JUTTNER












>





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 17 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014R00057.





APPELANTE



Compagnie d'assurances BANQUE POPULAIRE IARD (SA)

immatriculée au RCS de NIORT sous le numéro 401 380 472...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2015

N° 2015/201

Rôle N° 14/22371

Compagnie d'assurances BANQUE POPULAIRE IARD

C/

S.A.S. PATRICK IMMOBILIER

Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES

SARL CCMP

Grosse délivrée

le :

à :

Me T. TROIN

Me S. MAYNARD

Me F. ASSUS-JUTTNER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 17 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014R00057.

APPELANTE

Compagnie d'assurances BANQUE POPULAIRE IARD (SA)

immatriculée au RCS de NIORT sous le numéro 401 380 472,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE constitué aux lieu et place de Me Jean-Claude BENSA, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

S.A.S. PATRICK IMMOBILIER

immatriculée au RCS de BOURGOIN-JALLIEU sous le n° 439 413 832, prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège [Adresse 4]

assignée à jour fixe le 11/12/2014 à domicile à la requête de la BANQUE POPULAIRE IARD

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Laurent JACQUEMOND-COLLET, avocat au barreau de LYON

Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES

[Adresse 2]

assignée à jour fixe le 12/12/2014 à personne habilité à la requête de la BANQUE POPULAIRE IARD

représentée et plaidant par Me Françoise ASSUS-JUTTNER de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocate au barreau de NICE, substituée par Me Firas RABHI de la SCP ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de NICE

SARL CCMP

immatriculée au RCS NICE sous le n° B 419 481 593,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]

assignée à jour fixe le 18/12/2014 à personne habilité à la requête de la BANQUE POPULAIRE IARD NIORT

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)

Mme Marie-José DURAND, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2015

ARRÊT

Réputé Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2015,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Par acte notarié en date du 15 octobre 2007, la société Patrick Immobilier a acquis une maison d'habitation et un terrain à [Adresse 5], à l'effet de réaliser un ensemble immobilier de dix villas, incluant la rénovation de la villa existante, dénommé 'la Baïssa'.

Elle a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre de réalisation avec la société CCMP le 28 mars 2008.

Elle a confié la réalisation des lots terrassement, gros-oeuvre, charpentes et couvertures, plomberie-sanitaires-VMC-climatisation, électricité, cloisons-doublages-plâtre, revêtements, menuiseries intérieures, peinture-nettoyage, ravalement de façade, VRD à la société CG Azur Bâtiment, selon actes d'engagements du 25 février 2009, ainsi que les travaux de rénovation de la villa 10 selon acte d'engagement du 10 septembre 2008, pour un montant total de 1 852 049€ TTC.

Par courrier en date du 21 avril 2010, la société CG Azur Bâtiment a avisé la société Patrick Immobilier de ce qu'elle résiliait tous les marchés conclus avec celle-ci concernant le chantier 'la Baïssa', suite à des difficultés financières.

La société CG Azur Bâtiment a fait l'objet d'une procédure collective et la clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif sera prononcée par décision du tribunal de commerce de Nice en date du 28 mai 2013.

Par décision en date du 15 juin 2010, le juge des référés du tribunal de commerce de Nice a ordonné une mesure d'expertise au contradictoire de la société CG Azur Bâtiment et de la société CCMP, la société Patrick Immobilier arguant des retards de la société CG Azur Bâtiment, ainsi que de malfaçons affectant les travaux réalisés, et reprochant également des manquements à la société CCMP.

L'expert, Monsieur [B], a clôturé son rapport le 10 janvier 2014, après que les opérations d'expertise aient été rendues opposables à la société Assurances Banque Populaire iard en tant qu'assureur de la société CG Azur Bâtiment et à la société Gan Assurances en tant qu'assureur de la société CCMP.

Par actes d'huissier en date des 26 et 28 février 2014, la société Patrick Immobilier a fait assigner la société Assurances Banque Populaire iard et la société Gan Assurance devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nice, à l'effet de les voir condamnées sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, au paiement d'une provision à valoir sur la réparation de ses divers chefs de préjudices incluant les frais afférents à la mesure d'expertise.

Par ordonnance en date du 6 mai 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce statuant au fond le 26 mai 2014, avec réserve des dépens.

Par acte d'huissier en date du 21 mai 2014, la société Patrick Immobilier a fait assigner la société CCMP devant le tribunal de commerce de Nice, sollicitant la jonction de cette instance avec la précédente et la condamnation de la société CCMP solidairement avec la société Assurances Banque Populaire iard et la société Gan Assurances à paiement de diverses sommes.

Par décision en date du 17 novembre 2014, le tribunal de commerce de Nice a :

- ordonné la jonction des instances,

- débouté la société CCMP et la société Assurances Banque Populaire iard de leurs demandes,

- constaté que la société Gan Assurances ne doit aucune garantie au titre de la police responsabilité décennale,

- condamné conjointement et solidairement la société CCMP et la société Assurances Banque Populaire iard à payer à la société Patrick Immobilier :

° la somme de 765 048,66 € au titre des chefs de réclamations vérifiés par l'expert judiciaire,

° la somme de 26 998,82 € au titre des sommes consignées pour les frais d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné conjointement et solidairement la société CCMP et la société Assurances Banque Populaire iard aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Patrick Immobilier la somme de 3000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Assurances Banque populaire iard a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 26 novembre 2014.

L'exécution provisoire assortissant la décision déférée a été aménagée partiellement par ordonnance du Premier Président de la cour d'appel en date du 30 janvier 2015, la société Assurances Banque Populaire iard étant autorisée à consigner à la Caisse des dépôts et des consignations, la somme de 400 000 € sur les sommes qu'elle a été condamnée à payer à la société Patrick Immobilier, et ce, avant le 1er mars 2015, pour garantir l'exécution des condamnations qui seraient prononcées par la cour d'appel au profit de la société Patrick Immobilier.

Suite à une autorisation d'assigner à jour fixe délivrée par ordonnance en date du 28 novembre 2014, la société Assurances Banque populaire iard a fait assigner devant la cour, la société Patrick Immobilier, la société Gan Assurances, la société CCMP par actes d'huissier en date des 11, 12, 18 décembre 2014, pour l'audience du 7 avril 2015.

Par ses dernières conclusions notifiées le 2 avril 2015, la société Assurances Banque Populaire iard demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants et 1382 et suivants du code civil :

- de réformer la décision déférée,

- de débouter la société Patrick Immobilier de toutes ses demandes,

Subsidiairement,

- de faire application des plafonds de garantie, soit 304 899 € pour le contrat responsabilité construction et 1 524 491 € dont 152 450 € pour les dommages immatériels pour le contrat responsabilité civile Multipro,

- de condamner in solidum les sociétés CCMP et Gan Assurances à relever la concluante de toutes éventuelles condamnations,

A titreinfiniment subsidiaire,

- de faire application des plafonds de garantie, soit 304 899 € pour le contrat responsabilité construction et 1 524 491 € dont 152 450 € pour les dommages immatériels pour le contrat responsabilité civile Multipro,

En tout état de cause,

- de condamner la société Patrick Immobilier aux dépens et au paiement de la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 19 février 2015, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, la société Patrick Immobilier a formé appel incident et demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants, 1792 et suivants du code civil, L 124-3 du code des assurances :

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société CCMP et la société Assurances Banque Populaire iard en sa qualité d'assureur de responsabilité civile de la société CG Azur Bâtiment,

- de réformer cette décision en ce qu'elle a rejeté les demandes de la concluante à l'encontre de la société Gan Assurances en sa qualité d'assureur décennal et responsabilité civile de la société CCMP,

- de la réformer en ce qu'elle a rejeté les demandes de la concluante à l'encontre de la société Assurances Banque Populaire iard en sa qualité d'assureur décennal,

- de la réformer s'agissant du montant des condamnations,

Statuant à nouveau,

- de condamner in solidum les sociétés CCMP, Assurances Banque Populaire iard et Gan Assurances à payer à la concluante :

° la somme de 765 048,66 € au titre des chefs de réclamation vérifiés par l'expert judiciaire, outre intérêts de droit,

° la somme de 2 017 638,55 € au titre des chefs de réclamation laissés à l'appréciation de la cour par l'expert judiciaire et parfaitement justifiés,

° la somme de 26 998,82 € au titre du remboursement des sommes que la concluante a consignées au titre des frais d'expertise et des dépens de la procédure ayant abouti à la nomination de l'expert judiciaire,

° la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner in solidum les sociétés CCMP, Assurances Banque Populaire iard et Gan Assurances au paiement des entiers dépens de l'instance, outre ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé.

La société Gan Assurances, par ses dernières conclusions notifiées le 1er avril 2015, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, demande à la cour au visa des articles 1134, 1964, 1382 du code civil, des articles L112-6, L113-1, L241-1 du code des assurances, des articles 1792 et suivants du code civil :

- de confirmer que la concluante ne doit aucune garantie dans le cadre du présent litige,

- en conséquence,

° de dire que la garantie responsabilité civile décennale de la concluante n'a pas vocation à s'appliquer faute de réception 'expresse et tacite',

° dans l'hypothèse où la réception tacite serait fixée à la date du 22 avril 2010,

de dire que l'ensemble des observations consignées par l'huissier dans le constat en date du 22 avril 2010, sont des réserves à la réception,

de dire que la société Patrick Immobilier a fait établir le 3 mars 2010 un procès-verbal de constat d'huissier listant l'ensemble des griefs et des désordres qu'elle a pu constater sur les villas 1, 2, 5, 6, 8 et 9,

de dire que l'ensemble des observations consignées par l'huissier dans le constat du 3 mars 2010 sont des réserves à la réception,

de dire que la garantie décennale n'est pas applicable aux vices faisant l'objet de réserves à la réception,

de dire qu'en l'état des procès-verbaux de constat d'huissier des 3 mars et 22 avril 2010, les désordres étaient parfaitement visibles à la réception,

de dire que la responsabilité décennale n'est pas applicable aux vices apparents à la réception,

° en conséquence, de débouter la société Patrick Immobilier ainsi que l'ensemble des autres parties dans la cause de toutes demandes de condamnation dirigée à l'encontre de la concluante sur le fondement de la garantie responsabilité civile décennale,

° de dire que le litige porte sur des travaux inachevés et sur une mauvaise exécution des travaux du fait d'une négligence ou d'un manquement aux règles de l'art,

° de dire que les dommages ne relèvent pas d'un élément incertain ou d'un aléa au sens de l'article 1964 du code civil, dans la mesure où ils proviennent de négligences et de manquements délibérés et inexcusables aux règles de l'art,

° de dire que pour être garantis les préjudices doivent être causés à autrui c'est-à-dire à des tiers, ce que n'est pas la société Patrick Immobilier à l'égard de la société CCMP,

° de dire que la garantie fondée sur la responsabilité civile que la société CCMP peut encourir en raison des préjudices causés à autrui, n'est pas mobilisable,

° de dire que les exclusions de garantie de la police responsabilité civile de la concluante sont opposables à la société Patrick Immobilier,

° de dire que le comportement de la société CCMP caractérise une négligence délibérée et inexcusable dans l'exécution de sa mission de conception et un défaut de surveillance et de coordination volontaire et inexcusable de sa part, ainsi qu'une inobservation inexcusable et/ou volontaire des règles de l'art qui, conformément à la police d'assurance souscrite auprès de la concluante, « ce qui rend impossible toute mobilisation des garanties de la police » de la concluante,

° de dire que le comportement de la société CCMP destiné à masquer la situation réelle au maître d'ouvrage, a été conscient et délibéré,

° de dire que ce comportement conscient et délibéré caractérise une faute dolosive, ce qui est au regard de l'article 5 des conditions générales et des dispositions d'ordre public de l'article L113-1 du code des assurances, aux termes duquel l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, rend impossible la mobilisation des garanties de la police responsabilité civile de la concluante,

° de dire qu'afin que la garantie de la concluante puisse éventuellement être mobilisée sur le fondement de la police responsabilité civile, il faut que les parties se prévalant de cette garantie démontrent la faute de l'assuré de la concluante et le lien de causalité entre cette faute et les préjudices allégués par la société Patrick Immobilier,

° de dire que la société Patrick Immobilier et la société Banque Populaire ne démontrent pas le lien de causalité pour chaque poste de préjudice allégué par la société Patrick Immobilier entre le comportement fautif de la société CCMP et chacun des préjudices allégués,

° de dire que la concluante ne saurait être tenue d'indemniser la société Patrick Immobilier de sommes pour lesquelles son assuré n'est pas à l'origine du préjudice,

° de dire que la concluante ne saurait être tenue d'avoir à relever la société Banque Populaire de sommes pour lesquelles son assuré n'est pas à l'origine du préjudice,

° de dire qu'en l'absence de toute démonstration du lien de causalité entre le comportement fautif de la société CCMP et chaque poste de préjudice allégué par la société Patrick Immobilier, la société Banque Populaire et la société Patrick Immobilier devront être déboutées de leurs demandes de condamnation dirigées contre la concluante,

° de prononcer la mise hors de cause de la concluante et de débouter la société Patrick Immobilier et la société Banque Populaire de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la concluante,

- de dire que la société Banque Populaire garantit les dommages matériels subis par les biens appartenant aux clients de la société CG Azur Bâtiment sur lesquels celle-ci intervient et qui lui sont confiés dans le cadre de ses activités professionnelles, ainsi que les dommages immatériels s'ils sont la conséquence des dommages matériels susvisés,

- de dire que l'expert judiciaire a mis en exergue l'existence de malfaçons imputables incontestablement à la société CG Azur Bâtiment dans la réalisation des travaux qui lui ont été confiés par la société Patrick Immobilier sur l'ouvrage de celle-ci, et qu'il a constaté le non respect des délais d'exécution des travaux par la société CG Assure Bâtiments qui résultent directement de la mauvaise exécution des travaux dont elle est la seule responsable,

- de dire en conséquence que la société Banque Populaire doit sa garantie contrairement à ce qu'elle prétend et de confirmer le jugement déféré sur ce point,

- à titre subsidiaire, en cas de condamnation à l'encontre de la concluante :

° de dire que la solidarité ne se présume pas,

° de dire qu'aucune stipulation contractuelle ou légale ne permet de faire application de la solidarité pour permettre aux parties de réclamer la totalité de la somme à l'une des parties à charge pour elle de se retourner contre les autres condamnées in solidum,

° de dire que la concluante ne saurait être tenue d'avoir à indemniser la société Patrick Immobilier et/ou la société Banque Populaire de sommes pour lesquelles son assuré n'est nullement responsable,

° de dire que la société Patrick Immobilier se plaint du non respect des délais d'exécution de la part de la société CG Azur Bâtiment, de l'existence de malfaçons de la part de celle-ci, ainsi que de manquements de la société CCMP dans l'établissement des documents et de paiements injustifiés,

° de distinguer les préjudices de la société Patrick Immobilier qui relèvent de la responsabilité de la société CG Azur Bâtiment, de ce qui relève de la responsabilité de la société CCMP,

° de dire que les préjudices de la société Patrick Immobilier ne sont pas justifiés, faute pour elle d'avoir fourni à l'expert judiciaire et alors qu'elle en avait la possibilité, les documents sollicités par celui-ci afin qu'il donne un avis éclairé permettant à la juridiction saisie de se prononcer,

° de dire que la garantie responsabilité civile de la concluante se limite à ce qui est prévu dans sa police si bien qu'elle ne saurait être condamnée sur des postes non couverts par celle-ci,

° dès lors, de dire que la concluante ne saurait être tenue d'indemniser la société Patrick Immobilier ou condamnée à relever la société Banque Populaire de sommes pour lesquelles son assuré n'est pas responsable,

° de dire que seules 'les garanties erreurs sans désordres et retards dans la réalisation des travaux' pourraient éventuellement s'appliquer,

° de dire qu'en ce qui concerne chacune de ces garanties, le plafond prévu par la police est de 76'500 €,

° de dire que si la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de la concluante, elle devra limiter cette condamnation à la somme de 153'000 €,

° de dire opposable la franchise contractuelle expressément prévue par la police d'assurance aux parties, tiers à cette police d'assurance,

° de limiter la condamnation de la concluante au plafond de garantie contractuellement prévu par la police d'assurance,

- en tout état de cause, de condamner tout succombant à verser à la concluante la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

outre aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.

La société CCMP assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat, tout comme en première instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera statué par décision réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile, la partie défaillante ayant été assignée à personne habilitée.

* Sur l'existence d'une réception :

L'article 1792-6 du code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves, qu'elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement, qu'elle est en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

Ce texte n'exclut pas la possibilité d'une réception tacite, sous réserve que soit rapportée la preuve par celui qui entend se prévaloir de la réception, d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage ;

l'absence d'achèvement des travaux est en revanche indifférent.

En l'espèce, il est constant qu'aucune réception expresse n'est intervenue entre les parties.

La société Patrick Immobilier soutient qu'une réception tacite des travaux a eu lieu de sa part le 22 avril 2010, date à laquelle elle a fait procéder à un procès-verbal de constat de l'état des travaux par huissier de justice.

Ce procès-verbal a été établi après convocation remise à la société CG Azur Bâtiment le 21 avril 2010 suite à la réception du courrier de celle-ci résiliant les marchés de travaux et indiquant que la dite résiliation valait solde de tous comptes entre les deux parties ;

l'objet mentionné dans la convocation était de constater l'état d'avancement des travaux du chantier au moment de la résiliation ;

l'huissier de justice a de même noté qu'il lui était demandé de dresser un constat contradictoire de l'état d'avancement du chantier à ce jour, suite à la résiliation de ses contrats par la société CG Azur Bâtiment.

La résiliation des marchés de travaux par la société CG Azur Bâtiment et la convocation adressée par le maître de l'ouvrage pour dresser un état des lieux sont toutefois insuffisantes à caractériser une volonté non équivoque de ce dernier de recevoir l'ouvrage, alors qu'antérieurement, la société Patrick Immobilier avait fait constater par huissier le 3 mars 2010, les malfaçons affectant les ouvrages réalisés, en indiquant être en litige avec l'entreprise de gros-oeuvre notamment concernant les différentes ouvertures qui n'étaient pas droites, ni d'équerre, et nécessitaient des reprises conséquentes, qu'elle avait avisé à la même date la société CCMP de ce que son suivi était insuffisant, de très nombreuses malfaçons étant apparues sans réaction de sa part ;

l'expertise judiciaire a confirmé la gravité des défauts de construction et la nécessité de la dépose et de la réfection de nombreux ouvrages pour y remédier, précisant notamment que les appuis de fenêtres, chapes, doublages/cloisons, menuiseries intérieures (hauteurs non conformes) et installations techniques devaient être démolies pour leur remise en conformité.

Il s'ensuit qu'en l'absence de réception expresse comme tacite, la responsabilité des intervenants à la construction ne peut être recherchée que sur le fondement contractuel, et que la garantie des assureurs ne peut être mobilisée au titre du volet responsabilité civile décennale.

La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a retenu l'existence d'une réception tacite avec réserves, mais confirmée par substitution de motifs en ce qu'elle a écarté l'application de la garantie décennale des assureurs.

* sur les demandes de la société Patrick Immobilier à l'encontre la société Assurances Banque Populaire iard au titre du contrat responsabilité civile :

Si la société Assurances Banque Populaire iard est recevable à soutenir qu'elle ne devrait pas sa garantie au titre du contrat responsabilité civile au motif de sa résiliation pour non paiement de prime le 23 mars 2010, s'agissant d'un moyen et non d'une demande dont au surplus le caractère nouveau invoqué par la société Patrick Immobilier, n'est étayé par aucune pièce, elle est en revanche mal fondée à le faire, dès lors qu'elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation.

En revanche, la société Assurances Banque Populaire iard est fondée à faire valoir que la garantie responsabilité civile souscrite par la société CG Azur Bâtiment ne couvre pas les dommages invoqués par la société Patrick Immobilier.

En effet, si les conditions générales du contrat précisent que, sous réserve des limites et exclusions prévues au contrat, sont garanties lors d'un sinistre, les conséquences pécuniaires (dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs ), de la responsabilité civile encourue vis à vis des tiers, tant pendant l'exercice de l'activité professionnelle déclarée de l'assuré ou l'exploitation de l'entreprise, qu'après réception des travaux ou livraison des produits, elles prévoient ensuite au chapitre 'ce que nous ne garantissons pas', 13ème point : 'les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, cause ou origine du dommage, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent '.

La société Patrick Immobilier doit en conséquence être déboutée de ses demandes à l'encontre de la société Assurances Banque Populaire iard, cette clause d'exclusion s'appliquant à ses demandes de réparation des désordres consécutifs aux défauts d'exécution de la société CG Azur Bâtiment, ainsi que des préjudices immatériels annexes.

La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a retenu la garantie de la société Assurances Banque Populaire iard.

* sur les demandes de la société Patrick Immobilier à l'encontre de la société CCMP et de la société Gan Assurances :

Les dispositions applicables au contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle souscrit par la société CCMP auprès de la société Gan Assurances définissent le tiers comme toute personne autre :

que l'assuré, son conjoint, leurs ascendants et descendants,

que ses préposés et salariés dans l'exercice de leurs fonctions,

que les personnes physiques occupant les fonctions de dirigeants statutaires, administrateurs, gérants ou associés lorsque l'assurance est souscrite au profit d'une personne morale ;

l'article 3 du titre I risque A des conventions spéciales précise que l'assuré est garanti contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber par suite de fautes, erreurs de fait ou de droit, omissions ou négligences commises par lui, par les personnes dont il est civilement responsable ou par ses sous-traitants exerçant sauf convention contraire, les mêmes missions et spécialités techniques que celles de l'assuré et entraînant à l'égard des tiers, 'y compris le maître d'ouvrage', des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis.

Il s'ensuit que font partie du champ de la garantie souscrite par la société CCMP auprès de la société Gan Assurances, la réparation des désordres affectant les ouvrages réalisés sous la maîtrise d'oeuvre de la société CCMP au profit de la société Patrick Immobilier, maître de l'ouvrage, sous réserve de démontrer les fautes du maître d'oeuvre et leur lien de causalité avec les dits dommages.

La société Gan Assurances est en conséquence mal fondée à soutenir que sa garantie ne s'appliquerait pas au profit du maître de l'ouvrage et qu'elle ne porterait que sur les erreurs sans désordre et les retards dans la réalisation des travaux.

Il résulte de l'expertise judiciaire les éléments suivants :

- villa 1 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' sur-épaisseurs des voiles béton au niveau des planchers de sorte que le produit initial prévu au CCTP ne pourra être appliqué et qu'il est nécessaire de reprendre la totalité des façades avec un enduit hydraulique en deux passes,

' absence d'isolation du plafond du garage réalisé en hourdi béton,

' apparition de fissures sur le béton,

' éclatements du béton sur la fixation des gonds des volets, traverses voilées sur les volets,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,

' absence d'isolation périphérique des fenêtres,

' absence de poignées de certaines fenêtres,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' croisement des gaines eau et électricité sur le plancher, sans qu'aucun pont ne soit fait,

' incohérence des repères trouvés sur les gaines d'électricité, absence de réservation en partie basse pour la GTL et en attente pour alimenter le tableau électrique,

' nécessité de vérifier les canalisations plomberie, alimentation et évacuation,

' spectre de moisissures constatés en plafond de la chambre R+1, nécessitant une révision de la toiture, le remaniage des tuiles et solins, le remplacement de la laine de verre et du placo ;

- villa 2 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' sur-épaisseurs des voiles béton au niveau des planchers de sorte que le produit initial prévu au CCTP ne pourra être appliqué et qu'il est nécessaire de reprendre la totalité des façades avec un enduit hydraulique en deux passes,

' absence d'isolation du plafond du garage réalisé en hourdi béton,

' éclatement du plâtre en plafond rez-de-chaussée,

' du fait de la modification du revêtement sur la structure des voiles béton, nécessité de déposer les gonds de volets et d'enlever la purge des chevilles existantes ; existence également de traverses voilées sur les volets,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' croisement des gaines eau et électricité sur le plancher, sans qu'aucun pont ne soit fait,

' incohérence des repères trouvés sur les gaines d'électricité, absence de réservation en partie basse pour la GTL et en attente pour alimenter le tableau électrique ;

- villa 3 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' absence d'isolation du plafond du garage réalisé en hourdi béton,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' porte des toilettes non posée,

' garde-corps balcon à reprendre, scellement et mise aux normes,

' absence d'étanchéité au sol sur le balcon qui surplombe le logement,

' manque d'isolation périphérique des fenêtres,

' incohérence des repères trouvés sur les gaines d'électricité, absence de réservation en partie basse pour la GTL et en attente pour alimenter le tableau électrique,

' nécessité de vérifier les canalisations plomberie, alimentation et évacuation,

' concernant les cloisons, nécessité de reprendre les caissons à l'étage ;

- villa 4 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' confortement du mur de soutènement avec mise en oeuvre d'un drainage conforme aux règles de l'art,

' fissures sur le tableau de la chambre du R+1 : reprises sur tableau avec un mortier inadapté, de sorte qu'il est nécessaire de purger et de reprendre la totalité du tableau,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,

' absence d'étanchéité au sol sur le balcon qui surplombe le logement,

' incohérence des repères trouvés sur les gaines d'électricité, absence de réservation en partie basse pour la GTL et en attente pour alimenter le tableau électrique,

' éclatements du béton sur la fixation des gonds des volets, traverses voilées sur les volets,

' erreur sur le sens de pose des faîtières (relevé également sur trois autres villas mais comptabilisé une seule fois) ;

- villa 5 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' absence d'isolation du plafond du garage réalisé en hourdi béton,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' nécessité de démolir le mur de soutènement pour mise en conformité avec mise en oeuvre d'un drainage conforme aux règles de l'art,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,

' absence d'isolation périphérique des fenêtres,

' croisement des gaines eau et électricité sur le plancher, sans qu'aucun pont ne soit fait,

' incohérence des repères trouvés sur les gaines d'électricité, absence de réservation en partie basse pour la GTL et en attente pour alimenter le tableau électrique,

' sur-épaisseurs des voiles béton au niveau des planchers de sorte que le produit initial prévu au CCTP ne pourra être appliqué et qu'il est nécessaire de reprendre la totalité des façades avec un enduit hydraulique en deux passes,

' apparition d'un grand nombre de taches sur la sous-couche de peinture, ce qui nécessité un traitement avec un fongicide de la totalité du support ;

- villa 6 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' absence d'isolation thermique au sol du garage,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' nécessité de démolir le mur de soutènement pour mise en conformité avec mise en oeuvre d'un drainage conforme aux règles de l'art,

' appuis de fenêtre cassé dans le garage et déformation du mur de soutènement,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,' éclatements du béton sur la fixation des gonds des volets, traverses voilées sur les volets,

' sur-épaisseurs des voiles béton au niveau des planchers de sorte que le produit initial prévu au CCTP ne pourra être appliqué et qu'il est nécessaire de reprendre la totalité des façades avec un enduit hydraulique en deux passes ;

- villa 7 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' absence d'isolation thermique au sol du garage,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' sur-épaisseurs des voiles béton au niveau des planchers de sorte que le produit initial prévu au CCTP ne pourra être appliqué et qu'il est nécessaire de reprendre la totalité des façades avec un enduit hydraulique en deux passes,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,

' nécessité de démolir le mur de soutènement pour mise en conformité avec mise en oeuvre d'un drainage conforme aux règles de l'art,

' éclatements du béton sur la fixation des gonds des volets, traverses voilées sur les volets,

' manque d'isolation périphérique des fenêtres ;

- villa 8 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' absence d'isolation thermique au sol du garage,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' sur-épaisseurs des voiles béton au niveau des planchers de sorte que le produit initial prévu au CCTP ne pourra être appliqué et qu'il est nécessaire de reprendre la totalité des façades avec un enduit hydraulique en deux passes,

' absence d'étanchéité au sol sur le balcon qui surplombe le logement,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,

' éclatements du béton sur la fixation des gonds des volets, traverses voilées sur les volets,

' manque d'isolation périphérique des fenêtres,

' nécessité de démolir le mur de soutènement pour mise en conformité avec mise en oeuvre d'un drainage conforme aux règles de l'art ;

- villa 9 :

' absence de nettoyage du pourtour de la maison,

' non conformité aux règles de l'art du doublage des cloisons, ainsi que de la pose des bandes calicot,

' nécessité de démolir le mur de soutènement pour mise en conformité avec mise en oeuvre d'un drainage conforme aux règles de l'art,

' absence d'isolation thermique en périphérie de la porte palière, écrasement du seuil,

' manque d'isolation périphérique des fenêtres,

' croisement des gaines eau et électricité sur le plancher, sans qu'aucun pont ne soit fait,

' incohérence des repères trouvés sur les gaines d'électricité, absence de réservation en partie basse pour la GTL et en attente pour alimenter le tableau électrique.

L'expert judiciaire a par ailleurs souligné que les chutes de plaques BA 13 mises bout à bout pour faire des cloisons neuves, les erreurs de qualité de plaques hydrofuge, l'absence de semelles dans les pièces humides, les décalages en plinthes pour les doublages, les tasseaux intermédiaires pour les doublages de grande hauteur, démontrent le défaut de surveillance des travaux par le maître d'oeuvre ;

que notamment les ponts thermiques consécutifs aux saignées réalisées dans les doublages pour le passage des ventilations primaires et gaines de VMC, l'étanchéité enterrée non terminée avant remblaiement, la pose des fenêtres avant réalisation des appuis et tableaux, démontrent l'absence de coordination et d'étude d'exécution par le maître d'oeuvre.

Il a également relevé que les comptes rendus de chantier établis par le maître d'oeuvre ne comportent aucune indication technique concernant la réalisation des travaux ou des ouvrages refusés, qu'aucune démolition ou réfection n'ont été sollicitées par le maître d'oeuvre, que les avancements ne sont pas donnés en pourcentage, qu'en l'absence de détail par lot, le chantier ne pouvait être dirigé conformément aux règles habituelles de la profession.

Il a constaté qu'aucun quantitatif détaillé en correspondance avec les travaux prévus au CCTP ne lui a été remis par le maître d'oeuvre, ni aucun document de situation mensuelle en cumulatif selon demande de l'entreprise et vérification par le maître d'oeuvre.

Il a estimé que suite à des oublis lors de l'établissement des CCTP et quantitatifs, des travaux supplémentaires ont dû être réglés par le maître d'ouvrage (travaux concernant les VRD, les murs de piscine, des soutènements de voirie, l'installation de fosses sceptiques).

Ces éléments qui ne sont contredits par aucune pièce contraire, mettent en évidence les fautes de conception, de surveillance et de coordination commises par la société CCMP, fautes qui, conjuguées aux défauts d'exécution commis par la société CG Azur Bâtiment, ont participé à la réalisation de l'entier préjudice de la société Patrick Immobilier lié à la nécessité de reprendre les malfaçons, de supporter un surcoût et des frais financiers consécutifs au retard de livraison induit par les malfaçons.

La société Gan Assurances ne peut toutefois soutenir que ces fautes seraient constitutives d'un comportement délibéré de son assuré et auraient supprimé tout aléa au contrat souscrit par la société CCMP, en l'absence de démonstration du caractère inéluctable des dommages et du caractère délibéré des négligences commises qui ne peut davantage se déduire des courriers adressés par le maître d'ouvrage à son maître d'oeuvre en cours de chantier l'interrogeant notamment sur les dimensions des menuiseries extérieures, sur les murs de soutènement, et attirant son attention sur la nécessité de vérifier les quantitatifs et les situations de travaux, la seule incompétence pouvant être à l'origine des fautes commises ;

elle ne démontre pas davantage la volonté de la société CCMP de rechercher les conséquences dommageables de ses fautes.

La société Gan Assurances est en conséquence mal fondée à se prévaloir de l'article

L 113-1 alinéa 2 du code des assurances, qui dispose que l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant de la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, le caractère dolosif ou intentionel des fautes commises n'étant pas établi.

Elle ne peut davantage invoquer l'application de l'article 9 des conventions spéciales de la police souscrite, excluant de la garantie les dommages résultant d'une inobservation volontaire ou inexcusable des règles de l'art, imputable à l'assuré, ainsi que les obligations de parachèvement incombant aux entrepreneurs dont l'assuré n'aurait pas imposé ni surveillé la réalisation lorsque cette mission lui incombe, et les conséquences en résultant ;

en effet, si ces clauses sont opposables à la société Patrick Immobilier s'agissant d'une garantie responsabilité civile professionnelle non obligatoire, la société Gan Assurances ne démontre pas que les malfaçons retenues relevaient des obligations de parachèvement, et l'absence de justification d'une définition contractuelle du caractère 'volontaire ou inexcusable' de l'inobservation des règles de l'art ne permet pas, en application de l'article L 113-1 du code des assurances, de faire application de la première exclusion dont la portée ne peut être déterminée.

La garantie de la société Gan Assurances doit en conséquence être retenue au titre de la police responsabilité civile professionnelle, étant relevé que la décision déférée n'a pas examiné l'application de cette police.

La société Gan Assurances est en revanche fondée à soutenir qu'elle est en droit d'opposer la franchise contractuelle et le plafond de garantie contractuellement prévus, dès lors qu'il s'agit d'une garantie non obligatoire.

L'expert judiciaire a chiffré le coût des reprises des malfaçons affectant les villas hors VRD à la somme de 198 200 € HT, et a écarté la somme sollicitée par la société Patrick Immobilier au titre des VRD, les pièces produites par celle-ci étant insuffisantes à justifier l'écart entre le montant du marché initial et le nouveau marché ;

il n'a pas pris en compte le trop payé allégué, faute de s'être vu remettre les situations mensuelles et les DQE d'origine ;

il a retenu qu'étaient imputables à la société CCMP du fait de ses manquements, un surcoût de 82 391,24 € HT et que pouvaient être mis en lien avec les malfaçons et les retards de livraison induits, le coût des fosses sceptiques (9839,43 € HT), des frais de gardiennage

(10 495,07 € HT + 6400 € HT), de taxe foncière (7147 € HT), de dossier d'autorisation de travaux de piscines (4000 € HT), des surcoûts de bureau de contrôle (1480 € HT), SPS (1315,60€ HT), d'attestation d'assurance au regard des nouveaux marchés et des reprises (1000€ HT), de maîtrise d'oeuvre (41 000 € HT), de reprise des plans d'architecte (20 500 € HT), de constat d'huissier (737,22 € HT) ;

il a enfin estimé que les frais financiers liés au retard de livraison pouvaient être évalués à la somme de 253 035 € HT et n'a pas retenu de manque à gagner du fait du retard de livraison, ni de surcoût pour une police dommages ouvrage, ni d'indemnisation de frais de déplacement.

La société Patrick Immobilier n'a pas produit dans le cadre de la présente instance d'autres pièces que celles qu'elle avait soumises à l'expert.

Comme celui-ci l'a exactement estimé, ces pièces sont insuffisantes pour permettre le chiffrage de la reprise des VRD, l'établissement de l'existence d'un trop versé de la part de la société Patrick Immobilier, comme de la réalité d'un manque à gagner lié au retard de livraison du programme immobilier, le sapiteur de l'expert judiciaire ayant à cet égard souligné à juste titre que rien ne permet d'affirmer que les manques à gagner justifiés pour trois villas seraient dus à une baisse du marché immobilier entre août 2009, date de livraison prévue, et août 2011, date de livraison effective ;

la preuve de la réalité d'un préjudice incombant à la société Patrick Immobilier, celle-ci doit de même être déboutée de ses demandes au titre d'un surcoût d'assurance dommages ouvrage, d'un préjudice lié à la reprise du chantier, de frais de déplacement ;

la société Patrick Immobilier ne peut enfin prétendre à une indemnisation du coût de la maîtrise d'ouvrage, non justifiée.

La réparation des divers préjudices subis par la société Patrick Immobilier doit en conséquence être fixée à la somme de 637 540,55 € HT, soit 765 048,66 € TTC, au paiement de laquelle doivent être condamnées in solidum la société CCMP et la société Gan Assurances, cette dernière sous réserve de la franchise et du plafond de garantie applicables, les fautes de la société CCMP ayant contribué à la réalisation des divers chefs de préjudices de la société Patrick Immobilier.

La société CCMP et la société Gan Assurances succombant en leurs prétentions, supporteront les dépens de première instance et d'appel, outre les frais d'expertise et les dépens des deux instances de référé, qui n'ont pas à faire l'objet d'une condamnation spécifique.

Il n'est pas inéquitable de les condamner en outre au paiement de la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de procédure exposés en première instance et en appel.

La société Gan Assurances sera déboutée en conséquence de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'équité ne justifie pas l'application de ce texte au profit de la société Assurances Banque Populaire iard.

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Infirme la décision du tribunal de commerce de Nice en date du 17 novembre 2014,

excepté en ce qu'elle a écarté la garantie de la SA Gan Assurances au titre de la police responsabilité décennale,

et en ce qu'elle a condamné la SARL CCMP au paiement de la somme de 765 048,66 € TTC à la SAS Patrick Immobilier, ainsi qu'au paiement des dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la SAS Patrick Immobilier de ses demandes à l'égard de la SA Assurances Banque Populaire iard.

Condamne la SA Gan Assurances à payer à la SAS Patrick Immobilier la somme de 765 048,66 € TTC sous déduction de la franchise contractuelle et dans la limite du plafond de garantie contractuel, in solidum avec la SARL CCMP.

Condamne in solidum la SARL CCMP et la SA Gan Assurances à payer à la SAS Patrick Immobilier la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties.

Condamne in solidum la SARL CCMP et la SA Gan Assurances aux dépens de la présente instance, ainsi qu'aux dépens des deux instances en référé incluant le coût de l'expertise.

Dit que la SA Gan Assurances sera tenue in solidum avec la SARL CCMP du paiement des dépens de première instance.

Dit que le greffe adressera une copie du présent arrêt à l'expert, Monsieur [W] [B].

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/22371
Date de la décision : 11/06/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°14/22371 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-06-11;14.22371 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award