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22/05/2015 | FRANCE | N°13/24991

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 22 mai 2015, 13/24991


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 22 MAI 2015



N° 2015/408













Rôle N° 13/24991





[C] [X]





C/



SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF















Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-laurent BUQUET, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Jean Luc HIRSCH, avocat

au barreau de PARIS



Me Isabelle BOUSQUET-BELLET, avocat au barreau de MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en da...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 22 MAI 2015

N° 2015/408

Rôle N° 13/24991

[C] [X]

C/

SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-laurent BUQUET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS

Me Isabelle BOUSQUET-BELLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 18 Décembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/3502.

APPELANT

Monsieur [C] [X], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jean-laurent BUQUET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SNCF MOBILITES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Isabelle BOUSQUET-BELLET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Avril 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2015.

Signé par Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [C] [X] a été engagé par la SNCF nouvellement dénommée SNCF MOBILITÉS, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er Juillet 1974 en qualité de cadre permanent.

Au dernier état de la relation contractuelle ,Monsieur [X] occupait les fonctions de cadre administratif, qualification H du statut des relations collectives entre la SNCF MOBILITES et son personnel ,au sein de la Caisse de Prévoyance de SNCF MOBILITES ,qui jusqu'en 2007 était rattachée à SNCF MOBILITÉS .

Par lettre en date du 20 Avril 2005 ,la SNCF a notifié à Monsieur [X] que sa mise à la retraite interviendrait au 1er Décembre 2005 ,date à laquelle il remplirait ,conformément à l'article 2 du décret du 9 Janvier 1954 portant règlement d'administration publique ,la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue par l'article 7 du règlement des retraites de SNCF ,soit 55 ans pour les agents sédentaires ayant comptabilisé 25 années de service et pouvant bénéficier d'une pension de retraite normale .

Par courrier en date du 4 Novembre 2005 ,Monsieur [X] s'est vu notifier le montant de sa pension de retraite trimestrielle d'un montant de 7907,07€ .

Le 13 Juillet 2010 ,Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille de diverses demandes dont celle tendant à voir annuler sa mise à la retraite d'office .

Par décision en date du 3 Décembre 2012 ,le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire pour défaut de diligences des parties ,affaire réintroduite par voie de conclusions déposées par Monsieur [X] le 3 Décembre 2012 .

Monsieur [X] a demandé à voir :

-Dire que sa mise à la retraite d'office à compter du 1er Décembre 2005 constitue une mesure individuelle discriminatoire contraire à l'article L1132-1 du code du travail .

A titre principal ,

-Ordonner sa réintégration dans l'entreprise SNCF ou au sein de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel ,venant aux droits de celle-ci avec effet rétroactif et ce sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir .

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer les sommes suivantes :

* 125 396,03€ (somme arrêtée au 31 Août 2013 ) à titre d'indemnité pour perte de revenus correspondant à la différence entre la pension de retraite perçue et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était resté dans son emploi ,outre une indemnité égale à la différence entre la pension perçue et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était demeuré dans son emploi à compter du 1er Septembre 2013 jusqu'à la date de sa réintégration .

*10 000€ au titre du préjudice moral et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir .

A titre subsidiaire ,s'il n'était pas fait droit à sa demande de réintégration ,

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer les sommes suivantes :

* 125 396,03€ (somme arrêtée au 31 Août 2013 ) à titre d'indemnité pour perte de revenus correspondant à la différence entre la pension de retraite perçue et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était resté dans son emploi

A titre infiniment subsidiaire ,

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer les sommes suivantes :

*82 623,85€ à titre de dommages et intérêts représentant la différence entre la pension de retraite perçue depuis le 1er Décembre 2005 et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était resté dans son emploi jusqu'à ses 60 ans (9 Octobre 2010 ).

*10 000€ au titre du préjudice moral et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir .

En tout état de cause ,

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens .

La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel a soulevé ,in limine litis ,l'irrecevabilité des demandes de Monsieur [X] liée au principe de l'adage UNA VIA ELECTA ,une action en paiement d'allocations de retour à l'emploi étant pendante devant la juridiction civile ainsi qu'une fin de non-recevoir liée à l'absence de lien contractuel entre Monsieur [X] et la CPR .

Par jugement en date du 18 Décembre 2013 , le conseil de prud'hommes a :

-Dit que les demandes de Monsieur [X] sont infondées et abusives ,

-Déclaré Monsieur [X] irrecevable en son action vu le principe UNA VIA ELECTA ,

-Déclaré la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel hors de cause au regard du défaut d'intérêt à agir de Monsieur [X] à son égard ,

-Débouté Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes ,

-Condamné Monsieur [X] à payer :

*la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à la SNCF ,

*la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel,

-Débouté les parties du surplus de leurs demandes ,

-Condamné Monsieur [X] aux dépens .

Monsieur [X] a ,le 31 Décembre 2013 , interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 20 Avril 2015 ,oralement soutenues à l'audience l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

-Dire que ses demandes sont recevables ,

-Dire que sa mise à la retraite d'office à compter du 1er Décembre 2005 constitue une mesure individuelle discriminatoire contraire à l'article L1132-1 du code du travail .

A titre principal ,

-Ordonner sa réintégration dans l'entreprise SNCF ou au sein de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel ,venant aux droits de celle-ci avec effet rétroactif et ce sous astreinte de 150€ par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir .

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer les sommes suivantes :

* 148 560 € (somme arrêtée au 30 Avril 2015 ) à titre d'indemnité pour perte de revenus correspondant à la différence entre la pension de retraite perçue et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était resté dans son emploi ,outre une indemnité égale à la différence entre la pension perçue et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était demeuré dans son emploi à compter du 1er Mai 2015 jusqu'à la date de sa réintégration effective .

*10 000€ au titre du préjudice moral et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir .

A titre subsidiaire ,s'il n'était pas fait droit à sa demande de réintégration ,

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer les sommes suivantes :

*148 560,81€ (somme arrêtée au 30 Avril 2015 ) à titre d'indemnité pour perte de revenus correspondant à la différence entre la pension de retraite perçue et la rémunération qu'il aurait

dû percevoir s'il était resté dans son emploi

A titre infiniment subsidiaire ,

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer les sommes suivantes :

*82 623,85€ à titre de dommages et intérêts représentant la différence entre la pension de retraite perçue depuis le 1er Décembre 2005 et la rémunération qu'il aurait dû percevoir s'il était resté dans son emploi jusqu'à ses 60 ans (9 Octobre 2010 ).

*10 000€ au titre du préjudice moral et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir .

En tout état de cause ,

-Condamner solidairement la SNCF et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel à lui payer la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens .

Aux termes de ses dernières écritures en date du 20 Avril 2015 ,oralement soutenues à l'audience, la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ,au débouté de Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes ,à la condamnation de celui-ci à lui payer la somme de 5000€ à titre de procédure abusive et celle de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens .

Aux termes de ses dernières écritures en date du 20 Avril 2015 ,oralement soutenues à l'audience, la SNCF MOBILITES conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ,au débouté de Monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes et à la condamnation de celui-ci à lui verser la somme de 4500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Elle entend en outre voir constater l'abus de droit du salarié dans l'exercice de son droit à réintégration et indemnisation .

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes

&-Sur l'autorité de la chose jugée

Il résulte des dispositions de l'article 1351 du code civil que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ,il faut que la chose demandée soit la même ,que la demande soit fondée sur la même cause ,que la demande soit entre les mêmes et formées par elles en la même qualité .

En l'espèce ,la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel expose que Monsieur [X] a engagé plusieurs actions devant les juridictions civiles ainsi:

-Le 9 Mai 2006 ,il a saisi le tribunal d'instance de Marseille aux fins de se voir allouer les allocations de retour à l'emploi arrêtées au 30 Avril 2006 ,demande à laquelle il a été fait droit par jugement du 25 Mars 2008 .

-Par arrêt en date du 26 Mars 2010 ,la cour d'appel d'Aix en Provence a infirmé cette décision ,laquelle a ,elle-même été infirmée par la cour de cassation .

-Aux termes de l' arrêt en date du 25 Janvier 2012 ,la cour de cassation a considéré que ,du fait de sa mise à la retraite ,Monsieur [X] a été involontairement prive d'emploi au sens de la convention UNEDIC du 1er Janvier 2004 ,de sorte qu'il avait vocation à bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi .

-Le 12 Novembre 2012 ,il a saisi le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 37 212,57€ à titre d'allocation de retour à l'emploi pour la période du 1er Mai 2006 au 9 Décembre 2008 .

-Par décision en date du 10 Juin 2014 ,le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour .

Elle affirme que si les instances engagées devant la juridiction civile et la juridiction sociale

la demande de sursis à statuer n'aurait pas été accueillie et qu'il est incontestable que les deux procédures tendent aux mêmes fins .

Monsieur [X] explique qu'il a agi ,au civil ,à l'encontre de la SNCF dans la mesure où celle-ci gère son propre régime d'assurance chômage (service du SATRAPE) ,qu'il ne l'a donc pas assigné en sa qualité d'employeur mais de gestionnaire de l'assurance chômage .

Il affirme que cette action n'a pas le même objet ,ni la même cause que celle introduite devant la juridiction prud'homale , saisie d'un litige relatif à la rupture de son contrat de travail l'opposant à la SNCF en sa qualité de salarié .

Il fait valoir que le statut de demandeur d'emploi est parfaitement compatible avec l'annulation de la décision de mise à la retraite et qu'en tout état de cause la juridiction civile n'ayant pas statué, il ne serait être fait droit à la demande d'irrecevabilité en raison d'une prétendue autorité de la chose jugée .

******

Il résulte de l'examen des décisions rendues par les juridictions civiles que les demandes présentées par Monsieur [X] sont fondées sur un droit à prétendre à l'allocation d'aide au retour à l'emploi ,que la SNCF et la CRP ont été assignées non pas en leur qualité d'employeur mais en leur qualité de gestionnaire de l'assurance chômage .

Nonobstant la décision de sursis à statuer rendue le 10 Juin 2014 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille ,laquelle ne lie pas la cour ,il y a lieu de considérer que les instances civiles et sociales n'ont ni le même objet , ni le même fondement et que les parties assignées n'ont pas la même qualité .

En conséquence ,il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée de ce chef et de déclarer recevables les demandes de Monsieur [X] .

&-Sur l'intérêt à agir à l'égard de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel

La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel fait valoir que jusqu'à la publication du décret du 7 Mai 2007 ,la gestion de la prévoyance et de la retraite était assurée par une branche interne de la SNCF, dont les salariés peuvent ,depuis le 1er Janvier 2008 ,poursuivre leur activité au sein de la CPR, dans le cadre de conventions de mise à disposition individualisées .

Elle indique que le poste occupé en dernier lieu par Monsieur [X] était celui de cadre administratif de direction au sein de la CPR alors établissement de la SNCF et qu'il était placé en situation de mise à disposition par la SNCF qui demeure l'employeur .

Elle expose que ce cadre de mise à disposition est conforme à l'article L8241-2 du code du travail , au protocole sur les conséquences sociales de l'institution de prévoyance et de retraite du personnel et à la convention cadre relative à la mise à disposition des agents SNCF auprès de la CRP signée le 29 Novembre 2007 .

Aux termes de ses écritures ,la SNCF MOBILITES ne conteste pas sa qualité d'employeur de Monsieur [X] .

Monsieur [X] soutient qu'en vertu de l'article L1224-1 du code du travail relatif à la modification de la situation juridique de l'employeur ,tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise .

Il expose que par voie de conséquence ,si l'annulation de la décision de sa mise à la retraite d'office est prononcée ,il serait réputé n'avoir jamais été mis à la retraite et bénéficiera du transfert de son contrat auprès de la CPR .

******

Il résulte des pièces produites par la CPR et notamment le protocole d'accord du 16 Juillet 2007 ,que cette entité a été instituée à compter du 30 Juin 2007 par le décret du 7 Mai 2007, que dotée de la personnalité morale ,elle se substitue aux caisses de prévoyance et de retraite de la SNCF qui étaient un service de la SNCF simplement doté de l'autonomie financière .

La lecture de ce protocole et de la convention collective permet de constater que la SNCF n'a subi aucune transformation juridique du fait de la création de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de sorte que la référence aux dispositions de l'article L1224-1 du code du travail est inopérante .

Il n'est pas contesté par Monsieur [X] qu'il a été embauché par la SNCF ,qu'il a été mis à la disposition de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel au profit de laquelle il a effectué ses missions et que cette structure ne disposait pas de la personnalité morale jusqu'à la publication du décret du 7 Mai 2007 .

La cour relève que les bulletins de salaire sont établis par la SNCF, laquelle ne conteste pas sa qualité d'employeur .

A la date de la mise à disposition de Monsieur [X] , celle-ci était régie par les dispositions de l'article L8241-2 du code du travail relatif aux opérations de prêt de main d'oeuvre à but non lucratif dont il résulte que le contrat de travail liant le salarié à son entreprise d'origine est maintenu .

Eu égard à l'ensemble de ces éléments ,il y a lieu de considérer que le seul employeur de Monsieur [X] est la SNCF nouvellement nommée SNCF MOBILITÉS et qu'en conséquence ,la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel doit être mise hors de cause.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef .

Sur la décision de mise à la retraite

Monsieur [X] fait valoir qu'il ne conteste pas la légalité de la règle statutaire autorisant la mise à la retraite d'office des personnels de la SNCF mais uniquement sa mise en application au regard de son cas particulier lié à la discrimination .

Il expose que sa demande est fondée sur les dispositions des articles L1132-1 et L1133-2 du code du travail ,lesquelles ont repris le principe général du droit communautaire de non-discrimination en fonction de l'âge ,l'article 6 de la directive communautaire N°2000/78/CE ,l'article 26 du pacte international relatif au droit civil et politique ,la charte sociale européenne ,l'article 13 du traité instituant la communauté européenne .

Il évoque la jurisprudence de la Cour de Cassation et de la Cour d'Appel de Paris .

Il affirme que la décision de mise à la retraite d'office qui lui a été notifiée a pour seul motif son âge et que dès lors la discrimination est caractérisée .

Il soutient qu'il appartient à la SNCF et à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de démontrer la différence de traitement fondée sur l'âge a été objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif d'une part et que les moyens de réaliser cet objectif ont été appropriés et nécessaires d'autre part.

Il indique que la SNCF ne rapporte pas la preuve d'un objectif légitime ,qu'elle ne démontre pas avoir eu des difficultés économiques justifiant de devoir supprimer des emplois et que sa mise à la retraite était nécessaire et appropriée pour la réalisation de l'objectif qu'elle avance .

Il fait valoir qu'il résulte de l'aveu même de la SNCF que cette mise à la retraite a porté atteinte à ses droits dans la mesure où elle affirme que cette atteinte n'est pas importante eu égard à la rémunération qu'il a perçue depuis son départ .

La SNCF MOBILITÉS rappelle que le régime spécial des retraites des agents SNCF est issu d'une loi du 21 Juillet 1909 modifiée par la loi du 28 Décembre 1911 puis par un décret du 9 Janvier 1954 lequel prévoit en son article 2 que l'admission à la retraite pour ancienneté des agents peut être prononcée d'office lorsque se trouve remplie la double condition d'âge et d'ancienneté de service prévue par la dite réglementation .

Elle explique que sur cette base ,le règlement des retraites du personnel de la SNCF a été homologué par les décisions ministérielles et constitue ,ce faisant ,un acte administratif et réglementaire dont les règles ont été reprises par le règlement du personnel RH 0360 .

Elle soutient que ce dispositif a été validé par le Conseil d'Etat .

Elle expose qu'à la date de la décision de mise à la retraite notifiée à Monsieur [X] ( soit le 1er Décembre 2005 ) ,les dispositions des articles L1132-1 et L1133-2 du code du travail n'étaient pas opposables à la SNCF .

Elle indique qu'au 1er Décembre 2005 ,était applicable l'article L122-45 du code du travail aux termes duquel les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un intérêt objectif légitime ,notamment de politique de l'emploi ,et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires .

Elle explique qu'à la différence de l'article L200-1 du code du travail qui prévoyait expressément que sont soumis aux dispositions du Livre II du code du travail ,les établissements industriels et commerciaux (EPIC) ,tels que la SNCF ,l'article L120-1 de ce code afférent au champ d'application du titre II du Livre 1er ,qui régit les règles propres au contrat de travail en général ,et les discriminations en particulier, demeurait ,quant à lui ,muet quant à l'inclusion des EPIC dans le champ d'application de cette partie du code du travail .

Elle cite un arrêt du Conseil d'Etat lequel a considéré que dans le silence de la loi ,le code du travail ne s'applique pas dans les entreprises publiques ainsi que des décisions de la Cour de Cassation du 21 Juin 1995 et du 23 Janvier 2007 allant dans le même sens .

Elle affirme que cette interprétation résulte des travaux de la commission supérieure de recodification qui indiquait dans son rapport 2006 : 'la mise en conformité avec la hiérarchie des normes a conduit la commission à intégrer les entreprises à statut dans le champ d'application des dispositions du code du travail relatives aux discriminations et à l'égalité professionnelle dont elles étaient jusqu'ici exclues'.

Elle indique que l'article L1131-1 du code du travail qui dispose désormais, depuis le 1er Mai 2008 ,que 'les dispositions du présent titre sont applicables aux employeurs de droit privé et au personnel des personnes publiques employés dans des conditions de droit privé' ,n'était donc pas applicable à la situation de Monsieur [X] devant être regardée au 1er Décembre 2005 .

Elle ajoute qu'en tout état de cause ,il appartient à Monsieur [X] de ramener la preuve de ce qu'il aurait subi ,à titre personnel une discrimination ,par comparaison aux autres agents remplissant les mêmes conditions de mise à la retraite d'office .

Elle soutient que la légitimité des décisions de mise à la retraite d'office résulte des dispositions de l'article 2 du décret du 9 Janvier 1954 et que ces mesures répondent à l'objectif d'adapter ses effectifs à l'évolution du contexte dans lequel elle se situait et de réduire les charges financières liées au nombre de ses agents ,et donc à un objectif légitime de politique de l'emploi ou du marché du travail .

Elle affirme que Monsieur [X] ne peut sérieusement contester que la mesure individuelle le concernant répondait effectivement à la date à laquelle elle a été prise ,à cet objectif général global et constant d'adaptation de la masse salariale de la SNCF en fonction de l'évolution de son organisation alors qu'il n'établit pas qu'elle aurait été prise pour un autre raison .

Elle ajoute que cette mesure n'a ,par ailleurs ,nullement porté une atteinte disproportionnée à ses droits dans la mesure où Monsieur [X] perçoit une retraite sur la base d'un taux de pension de 15% plus élevé que le taux plein du régime général d'assurance vieillesse ,la pension étant calculée sur la base de la rémunération afférente au grade occupé par l'agent lors des six mois précédant la cessation des fonctions ,contrairement au régime général des retraites fondé sur le salaire moyen des 10 meilleures années .

La caisse de prévoyance et de retraite développe des moyens et arguments identiques .

******

Il est constant que la mise à la retraite d'office d'un agent SNCF doit s'apprécier par référence aux textes applicables à la date à laquelle elle a été effective .

Le principe de l'interdiction des discriminations ,notamment dues à l'âge , dans les relations entre employeur et salarié posé par les dispositions de l'article L 1132-1 ,était dans sa version issue de la loi du 11 Février 2005 ,prévu par l'article L122-45 du code du travail inséré au titre II du Livre I de ce code .

Il résulte de la combinaison de l'article L120-1 du code du travail en vigueur au jour de la mise à la retraite de l'agent et de l'article L 200-1 du même code, issu de l'ordonnance du 12 Mars 2007 applicable à compter du 1er Mars 2008 ,que les dispositions de l'article L122-45 n'étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics jusqu'à l'entrée en vigueur de ce dernier texte.

La décision de mise à la retraite d'office notifiée à Monsieur [X] a pour fondement la loi du 21 Juillet 1909 qui prévoit que tout agent aura droit à une pension de retraite lorsqu'il aura accompli 25 ans d'affiliation et atteint 55 ans d'âge ,la loi du 28 Décembre 1911 ,le décret du 9 Août 1953 lequel motive le régime spécial des départs à la retraite des agents par l'évolution démographique de la nation et ses effets sur l'accroissement de la charge des services de l'Etat entraînant une augmentation des finances publiques ainsi que le décret du 9 Janvier 1954 , portant règlement d'administration publique pour l'application du décret du 9 Août 1953, lequel prévoit en son article 2 que la retraite d'office d'un agent peut être prononcée d'office lorsque se trouve remplie la double condition d'âge et l'ancienneté de services requise par la dite réglementation .

La décision querellée a également pour cadre contractuel l'article 7 du règlement de retraites de la SNCF RH0828 ,l'article 43 du référentiel ressources humaines RH0360 ,l'article 10 du règlement RH 0043 et l'article 3 du statut du personnel RH 01 ,dispositions elles-mêmes fondées sur les textes législatifs et réglementaires .

Aux termes des dispositions des directives 2000/78/CE ,une discrimination directe se produit lorsqu'une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est dans une situation comparable , les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées ,dans le cadre du droit national ,par un objectif légitime , notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi ,du marché du travail et de la formation professionnelle ,et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires .

En l'espèce , il est établi que les textes législatifs et réglementaires sur la base desquels la décision de mise à la retraite d'office de Monsieur [X] a été prononcée a été validée par le Conseil d'Etat lequel a considéré que 'les dites dispositions ,ont eu pour objet ,lors de leur édicton ,de permettre à la SNCF de limiter la charge financière liée au nombre de ses agents, que nonobstant les changements intervenus depuis 1954 et affectant notamment le contexte démographique ,économique et social ,ceux-ci n'ont pas eu un caractère de bouleversement tel qu'ils rendraient l'objet initial des dispositions contestées caduc au point de priver celles-ci de leur fondement juridique et que ces dispositions qui s'appliquent à tous les agents relevant de la même catégorie ne méconnaissent pas le principe d'égalité ...'.

Il y a lieu de relever que le conseil d'Etat , saisi à plusieurs reprises d'une demande d'abrogation du décret du 9 Janvier 1954 , a considéré que les textes servant de fondement à la décision de mise à la retraite d'office n'étaient pas incompatibles avec les engagements internationaux de l'Etat français .

Si à la date de la mise à la retraite effective de Monsieur [X] ,soit le 1er Décembre 2005 , les directives 2000/78/CE du 27 Novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail étaient en vigueur, elles ne l'étaient pas à la date de promulgation et de mise en application des textes sus-visés .

En considération de ces éléments ,la cour estime que la différence de traitement fondée sur l'âge dont se prévaut Monsieur [X] ,telle qu'elle résulte des dispositions légales et réglementaires reprises par les clauses contractuelles est objectivement et raisonnablement justifiée ,dans le cadre national , par un objectif légitime lié au contexte démographique , économique et social validé à plusieurs reprises par le Conseil d'Etat .

Dès lors que la SNCF a ainsi mis en application , les dispositions légales relatives à la retraite de ses agents ,dans un objectif de politique sociale , il ne peut lui être imposé de justifier que la mise en oeuvre de ces dispositions à l'égard d'un salarié remplissant les conditions légales d'une mise à la retraite répond aux objectifs poursuivis .

Monsieur [X] ne conteste pas avoir réuni les conditions légales de sa mise à la retraite ,ni ne prétend que la rupture de son contrat de travail aurait un autre motif que celui résultant des textes sus-visés .

Il résulte des pièces produites par la SNCF que sur les 47 agents mis à la disposition de la caisse de prévoyance de Marseille ,ayant atteint en 2005 ,l'âge de 55 ans et justifiant de 25 années de services, seuls trois d'entre eux ont vu leur départ différé jusqu'à 56 ans ,de sorte que Monsieur [X] ne peut se prévaloir d'une discrimination individuelle dans la mise en oeuvre du dispositif de mise à la retraite.

Il résulte de ces mêmes éléments que la mise à la retraite de Monsieur [X] constitue , dans le contexte de flexibilité de l'emploi décrit précédemment , un moyen approprié pour la SNCF pour réaliser cet objectif légitime .

Monsieur [X] ne démontre pas ,par ailleurs ,que ce moyen soit disproportionné ou déraisonnable ,qu'il est en effet acquis que Monsieur [X] bénéficie d'une pension de retraite calculée sur un taux de 65,43% et sur une base de rémunération correspondant à celle perçue lors des six mois précédent la cessation de son activité ,pension complétée par les allocations d'aide de retour à l'emploi .

En conséquence ,il y a lieu de considérer que la mise à la retraite d'office notifiée à Monsieur [X] constitue pour la SNCF un moyen approprié et nécessaire pour réaliser son objectif légitime conformément à l'esprit des directives 2000/78/CE et au sens des dispositions légales applicables à la date de la mesure .

Monsieur [X] sera ,dès lors ,débouté de l'ensemble de ses demandes .

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

Monsieur [X] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel , sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sans qu'il ne soit besoin de le condamner à verser aux intimées une somme supplémentaire à celle qui leur a été allouée à ce titre en première instance .

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs .

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

-Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la mise hors de cause de la la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel ,aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile .

-L'Infirme pour le surplus ,

Statuant à nouveau et y ajoutant ,

-Dit que les demandes présentées par Monsieur [X] sont recevables ,

-Déboute Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes ,

-Déboute la SNCF MOBILITES et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel .

-Condamne Monsieur [X] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/24991
Date de la décision : 22/05/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/24991 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-22;13.24991 ?
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