COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2015
N° 2015/173
Rôle N° 13/19007
[Z] [O]
C/
SAS COMPTOIR MARSEILLAIS DE BOURSE
Grosse délivrée
le :
à :
Me F. BOULAN
Me S. GALLO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Juin 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/14960.
APPELANT
Monsieur [Z] [O]
intimé sur appel incident
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1] (62),
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Françoise BOULAN, avocate au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Silvio ROSSI-ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMEE
SAS COMPTOIR MARSEILLAIS DE BOURSE,
[Adresse 1]
représentée et plaidant par Me Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Antoine D'AMALRIC de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Mars 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-François BANCAL, Président
Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)
Mme Marie-José DURAND, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2015,
Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige :
La société Comptoir marseillais de bourse, locataire d'un immeuble situé à [Adresse 3], a confié à Monsieur [O] une mission de maîtrise d'oeuvre pour l'aménagement intérieur de cet immeuble.
Un litige est survenu entre la société Comptoir marseillais de bourse, Monsieur [G] chargé des lots gros-oeuvre, maçonnerie, placo-plâtre, électricité, plomberie, menuiseries - PVC et Monsieur [O], de sorte qu'une mesure d'expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille par décision en date du 14 mars 2008.
L'expert, Monsieur [K], a clôturé son rapport le 6 juillet 2009.
Par acte d'huissier en date du 30 novembre 2010, Monsieur [O] a fait assigner la société Comptoir marseillais de bourse devant le tribunal de grande instance de Marseille, à l'effet de la voir condamnée au paiement de la somme de 15 936,70 € au titre du solde de ses honoraires, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'émission de ses trois factures en date des 10 octobre et 21 novembre 2007, outre au paiement de dommages intérêts pour résistance abusive.
La société Comptoir marseillais de bourse a argué de l'irrecevabilité des demandes de Monsieur [O] faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes, et a conclu subsidiairement au débouté de Monsieur [O] de ses demandes.
Par décision en date du 27 juin 2013, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [O], faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes conformément à la clause contractuelle,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- laissé les dépens à la charge de Monsieur [O].
Monsieur [O] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 27 septembre 2013.
Par ses dernières conclusions notifiées le 10 mars 2014, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [O] demande à la cour au visa des articles 1134, 1157 et 1315 du code civil, 1476, 1482 alinéa 2, 1484, 1446, 1458 de l'ancien code de procédure civile, 1484, 1489, 1491, 1492, 1447 et 1448 du code de procédure civile :
- d'infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
- de dire recevables les demandes du concluant,
- de condamner la société Comptoir marseillais de bourse à lui payer :
° la somme de 15 936,70 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'émission des trois factures en date des 10 octobre et 21 novembre 2007, au titre du solde de ses honoraires,
° la somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance et procédure abusives,
- de débouter la société Comptoir marseillais de bourse de son appel incident,
- de condamner la société Comptoir marseillais de bourse aux dépens de l'instance avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières écritures notifiées le 10 janvier 2014, auxquelles il est renvoyé pour
l'exposé des moyens et des prétentions, la société Comptoir marseillais de bourse demande à la cour au visa des articles 1147 du code civil, 515 du code de procédure civile :
- de dire que la demande de nullité de la clause contractuelle est une demande nouvelle en appel et comme telle, irrecevable,
- subsidiairement, de constater que la clause d'amiable composition n'est pas une clause compromissoire,
- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré la demande irrecevable,
- de dire que Monsieur [O] a manqué à son devoir de conseil et ne s'est pas montré très diligent lors de la réalisation du chantier,
- de constater que Monsieur [O] n'a pas su tenir les délais, l'enveloppe financière et qu'il n'a manifestement pas exercé de mission de direction des travaux, ni d'assistance aux opérations de réception qui lui était dévolue et qu'il facture,
- de faire droit à l'exception d'inexécution soulevée par la concluante,
- de débouter en conséquence Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Monsieur [O] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure est en date du 10 mars 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [O] :
Le contrat conclu entre les parties comprend la clause suivante à l'article 9 intitulé 'contestations' :
'Avant toute autre action, les parties conviennent de recourir à l'arbitrage du Conseil régional de l'Ordre des architectes qui interviendra en qualité d'amiable compositeur.
Le présent contrat est soumis à la juridiction des tribunaux de Marseille.'
Ce contrat n'est pas daté, mais son exécution est intervenue avant le 1er mai 2011, date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à l'arbitrage résultant du décret du 13 janvier 2011, dès lors que les opérations de réception ont eu lieu le 7 novembre 2007 au vu des indications relevées par l'expert judiciaire dans son rapport ;
il est donc soumis aux dispositions antérieures à ce décret.
L'article 1442 ancien du code de procédure civile dispose que la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat.
Il résulte par ailleurs de l'article 1448 ancien du dit code qu'en présence d'une convention d'arbitrage, la juridiction de l'Etat qui aurait été saisie, doit se déclarer incompétente, sauf si la convention est manifestement nulle.
La clause insérée dans la convention liant les parties fait à la fois référence au recours à l'arbitrage et à la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.
Eu égard à la mention de cette compétence et à l'utilisation des termes 'avant toute autre action', qui sont incompatibles avec la procédure d'arbitrage, la clause doit s'interpréter conformément à l'article 1157 du code civil, comme ayant institué une procédure de conciliation préalable auprès du Conseil régional de l'Ordre des architectes, et non comme une clause compromissoire, étant souligné que l'analyse de la clause faite par l'Ordre ne saurait s'imposer à la cour.
Le bien fondé du moyen tiré de la nullité de la clause compromissoire invoqué par Monsieur [O] en cause d'appel et recevable en tant que tel, n'a donc pas lieu d'être examiné.
Monsieur [O] justifie par ailleurs par la production du courrier que lui a adressé le Conseil régional de l'ordre des architectes le 11 avril 2008, qu'il avait saisi celui-ci préalablement à l'engagement de la procédure devant le tribunal de grande instance de Marseille, et qu'il lui a été opposé un refus de saisine par suite d'une analyse erronée de la clause litigieuse.
Il s'ensuit que la société Comptoir marseillais de bourse ne peut utilement opposer à Monsieur [O] la fin de non recevoir tirée de l'absence de saisine préalable du Conseil régional de l'ordre des architectes et que la demande de Monsieur [O] doit être déclarée recevable.
La décision déférée sera donc infirmée.
* Sur le bien fondé des demandes de Monsieur [O] :
Monsieur [O] sollicite paiement de trois factures :
- une facture du 10 octobre 2007 d'un montant de 4963,40 € TTC, relative à la direction de l'exécution des contrats de travaux,
- une facture du 21 novembre 2007 d'un montant de 4784 € TTC, relative à la direction de l'exécution des contrats de travaux,
- une facture du 21 novembre 2007 d'un montant de 6189,30 € TTC, relative au dossier de projet de conception générale.
Le contrat conclu entre les parties prévoyait que les honoraires de Monsieur [O] seraient calculés sur la base de 11,50 % du montant HT des travaux, avec réajustement en fonction du montant réel des travaux si, lors de la passation des marchés de travaux avec les entreprises, ce montant s'avérait supérieur au montant estimé, soit 300 325 € HT et que le maître d'ouvrage acceptait ces dépassements.
La société Comptoir marseillais de bourse ne conteste pas ne pas s'être acquittée de ces sommes.
Elle ne peut utilement opposer à Monsieur [O] le fait qu'il n'aurait pas rempli complètement sa mission de suivi du chantier et de gestion du paiement des entreprises, ni davantage le fait qu'il n'aurait pas achevé cette mission faute d'avoir procédé aux opérations de réception, d'avoir émis des réserves alors qu'il l'aurait fallu et de justifier avoir effectué des diligences pour obtenir la levée des réserves.
En effet, elle ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations et il résulte de l'expertise judiciaire, les éléments suivants relevés par Monsieur [K] :
les comptes rendus de réunions de chantier montrent que Monsieur [O] a été vigilant dans le suivi du chantier et a assuré sa mission dans toutes les phases d'exécution des travaux malgré les difficultés rencontrées, eu égard notamment au retard occasionné par la délivrance tardive du permis de stationnement, puis par le retard dans l'élaboration des plans de structure pour la réalisation des reprises en sous-oeuvre et de la gaine ascenseur, et enfin par la validation tardive des dispositions techniques de la part du bureau de contrôle ;
les factures visées par Monsieur [O] relatives aux travaux de Monsieur [G] pour un montant de 295 211,17 € TTC et réglées par le maître d'ouvrage, sont conformes à la réalité et à la valeur des travaux effectivement exécutés ;
le montant total des travaux exécutés s'élève à la somme de 446 586,73 € HT, ce qui correspond aux travaux commandés par le maître d'ouvrage, exécutés par les différentes entreprises sur la base de factures dûment vérifiées et visées par Monsieur [O] ; ce montant ne tient pas compte des travaux non facturés, des retenues de garantie non libérées et des retenues diverses au titre des inachèvements, notamment ceux imputables à Monsieur [G];
les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 7 novembre 2007, ces réserves ont été réitérées dans un procès-verbal de réunion de chantier établi par Monsieur [O] le 19 décembre 2007, concernant notamment les lots de Monsieur [G], après que celui-ci ait interrompu l'exécution et la finition de ses travaux ;
Monsieur [G] a refusé de revenir sur le chantier en raison d'un litige financier avec le maître d'ouvrage, Monsieur [G] n'acceptant pas de consentir à un rabais sollicité par ce dernier à hauteur de 30 122,15 € TTC en compensation du retard pris par ses travaux ;
au regard des clauses contractuelles, les pénalités de retard susceptibles d'être appliquées à Monsieur [G] pouvaient être fixées à la somme de 11 380,05 € TTC et il restait dû à cette entreprise, la somme de 30 044,89 € TTC au regard des factures émises, si les travaux avaient été achevés par celui-ci ;
les griefs de la société Comptoir marseillais de bourse à l'encontre de Monsieur [G] étaient fondés, mais il s'agissait de défauts de finition et d'inachèvements, qui auraient dû être solutionnés si Monsieur [G] avait accepté de lever les réserves, et notamment les dispositions peu opportunes relatives au positionnement de certains interrupteurs non relevées en cours de chantier par Monsieur [O], mais mentionnés au titre des réserves.
Il s'ensuit que Monsieur [O] a accompli l'intégralité de sa mission, tant concernant le suivi du chantier, la validation des situations de travaux, que l'assistance aux opérations de réception et de levée des réserves.
La société Comptoir marseillais de bourse ne peut davantage fonder son refus de paiement sur l'existence de fautes qui auraient été commises par Monsieur [O] dans l'exécution de sa mission.
En effet, si l'expert judiciaire a relevé que Monsieur [O] avait déposé tardivement les demandes d'autorisations administratives (15 mai 2007) par rapport à la date de passation des marchés ( 21 mai 2007), et qu'il avait été trop optimiste en établissant un délai d'exécution de 17 semaines pour réaliser des travaux de plus de 400 000 € au surplus pendant la période estivale, il a également souligné le long délai d'instruction et la délivrance tardive par l'administration de l'autorisation de stationnement, aucun élément ne permettant par ailleurs de retenir que Monsieur [O] aurait manqué à son obligation de conseil sur ce point ;
Monsieur [K] a de même relevé que si la masse des travaux a été augmentée par rapport à l'estimation initiale, une première fois au stade de la concrétisation des marchés puis en cours de chantier, passant de 300 325 € HT à 400 306,99 € HT puis à 446 586,73 € HT, cela est résulté de l'élaboration du projet selon le programme défini par le maître de l'ouvrage, qui a accepté la signature des marchés intégrant l'augmentation ;
également, que si le chantier a connu un retard significatif, la date initiale de fin de chantier ayant été fixée au 14 septembre 2007, le retard concernait principalement les travaux de Monsieur [G], et que Monsieur [O] a pris les dispositions les mieux adaptées au coup par coup pour tenter d'organiser l'avancement des travaux et limiter les conséquences préjudiciables du retard.
Aucune faute susceptible par sa gravité, de fonder une exception d'inexécution n'est donc établie à l'encontre de Monsieur [O].
La société Comptoir marseillais de bourse sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 15 936,70 € au titre des honoraires restant dus à Monsieur [O] ;
en application de l'article 1153 du code civil, cette somme ne peut porter intérêts qu'à compter de la mise en demeure adressée par celui-ci le 20 décembre 2007, que produit la société Comptoir marseillais de bourse, et non à compter de la date des factures comme sollicité.
Monsieur [O] doit par ailleurs être débouté de sa demande de dommages intérêts, faute de justifier de la réalité d'un préjudice consécutif au refus de paiement de la société Comptoir marseillais de bourse, et distinct de celui lié au retard de paiement.
* Sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile:
La société Comptoir marseillais de bourse succombant en ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel, et sera déboutée en conséquence de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
il n'est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 4000 €.
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme la décision du tribunal de grande instance de Marseille en date du 27 juin 2013.
Statuant à nouveau,
Dit que la clause insérée à l'article 9 du contrat liant la société Comptoir marseillais de bourse doit s'interpréter comme instituant une conciliation préalable.
Déclare recevable et bien fondée la demande en paiement du solde de ses honoraires formée par Monsieur [Z] [O] à l'encontre de la SARL Comptoir marseillais de bourse.
Condamne la SARL Comptoir marseillais de bourse à payer à Monsieur [Z] [O] la somme de 15 936,70 € au titre du solde de ses honoraires, avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2007.
Déboute Monsieur [Z] [O] de sa demande de dommages intérêts.
Condamne la SARL Comptoir marseillais de bourse aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d'appel, ainsi qu'à payer à Monsieur [Z] [O] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la SARL Comptoir marseillais de bourse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que le greffe adressera une copie du présent arrêt à l'expert, Monsieur [I] [K].
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT