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24/04/2015 | FRANCE | N°14/10448

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 24 avril 2015, 14/10448


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 24 AVRIL 2015



N° 2015/1015













Rôle N° 14/10448





Association CGEA DE [Localité 1] DELEGATION UNEDIC-AGS





C/



[U] [X]

SELARL [H] EN LA PERSONNE DE ME [H] COMM.EXECUTION DU PLAN DE LA STE AGINTIS

SELARL [H] PRISE EN LA PERSONNE DE ME BAULAND MDTAIRE AD HOC DE LA STE AGINTIS













Grosse délivrée

le :
>à :

Me Frédéric LACROIX



Me Arnaud CLERC



Me ANDREU Julie



Me Hugues PELISSIER



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGU...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 AVRIL 2015

N° 2015/1015

Rôle N° 14/10448

Association CGEA DE [Localité 1] DELEGATION UNEDIC-AGS

C/

[U] [X]

SELARL [H] EN LA PERSONNE DE ME [H] COMM.EXECUTION DU PLAN DE LA STE AGINTIS

SELARL [H] PRISE EN LA PERSONNE DE ME BAULAND MDTAIRE AD HOC DE LA STE AGINTIS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Frédéric LACROIX

Me Arnaud CLERC

Me ANDREU Julie

Me Hugues PELISSIER

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES - section - en date du 24 Avril 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/00711.

APPELANTE

Association CGEA DE [Localité 1] DELEGATION UNEDIC-AGS Ayant pour avocat Me [Q] [Z], inscrit au Barreau d'AIX, domicilié [Adresse 2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 149, Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [U] [X], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne assisté de Me ANDREU Julie avocat au barreau de Marseille

SELARL [H] EN LA PERSONNE DE ME [H] COMM.EXECUTION DU PLAN DE LA STE AGINTIS, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Hugues PELISSIER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Dominique CHAPELLON-LIEDHART, avocat au barreau de LYON

SELARL [H] PRISE EN LA PERSONNE DE ME BAULAND MDTAIRE AD HOC DE LA STE AGINTIS, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Hugues PELISSIER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Dominique CHAPELLON-LIEDHART, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Mme Priscille LAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Monsieur [U] [X] a été employé par la Société Industrielle de Tuyauteries d'Usine et de Bâtiment (ci-après Situb), créée en 1964 et devenue société Agentis, à compter du 1er janvier 2001, dans l'établissement de [Localité 2], du 5 juillet 1968 au 25 août 2004, en qualité de tuyauteur.

La société Agintis a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 11 mars 2004, suivi d'un jugement du 27 mai 2004 arrêtant le plan de cession au profit de la société Foselev-Agintis à compter du 1er juin 2004 et désignant Me [C] [H] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés à compter du 27 mai 2004 et Me [C] [H] en a été désigné le mandataire ad hoc par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon du 23 novembre 2004.

La société Situb, qui avait pour objet la construction, l'installation et l'entretien d'usines ainsi que les travaux industriels de terrassement et de canalisations et était spécialisée dans la tuyauterie industrielle, a été inscrite, par arrêté 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA), et ce depuis sa création.

Le 19 juin 2013, Monsieur [U] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille à l'encontre de la société Agintis , de Maître [H], commissaire à l'exécution du plan de celle-ci, également désigné en qualité de mandataire ad hoc, et de l'AGS-CGEA de [Localité 1] pour réclamer la réparation des préjudices résultant de son exposition à l'amiante.

Par jugement du 24 avril 2014, le conseil de prud'hommes, après avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par l'Ags, a :

- condamné la société Agintis à payer à la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice d'anxiété,

- déclaré cette décision opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 1],

- débouté Monsieur [U] [X] du surplus de ses demandes,

sans statuer sur les dépens.

L'AGS-CGEA de [Localité 1] a relevé appel de cette décision le 23 mai 2013.

Prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses écritures déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à plusieurs des instances inscrites au rôle, l'AGS-CGEA de [Localité 1] demande à la cour, infirmant le jugement, de :

à titre liminaire

- se déclarer incompétente au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale en ce qui concerne les salariés ayant bénéficié de l'ACAATA,

- déclarer irrecevables les actions des salariés ayant bénéficié de L'ACAATA sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998,

vu l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 2015,

- dire et juger que l'indemnisation du préjudice d'anxiété est réservée aux salariés remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel,

- dire et juger que l'indemnisation du préjudice d'anxiété est réservée aux salariés d'une société classée ACAATA,

- dire et juger que certains salariés ne remplissent peut être pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel, la société Agintis n'étant pas classée ACAATA,

sur le fond

* sur le préjudice d'anxiété

- à titre principal, sur les éléments de ce préjudice, rejeter la demande relative au préjudice d'anxiété, les intimés ne rapportant pas la preuve d'un préjudice d'anxiété personnel, direct, certain et légitime et bénéficiant déjà d'une indemnisation dans le cadre de l'ACAATA au titre du préjudice d'anxiété,

- dire et juger que l'exécution d'un contrat de travail au sein de la société Agintis ne crée pas de préjudice d'anxiété,

- en conséquence, les débouter de leurs demandes,

- à titre subsidiaire, sur la faute de l'employeur, dire et juger que la société Agintis étant née postérieurement à l'interdiction de l'utilisation de l'amiante, elle n'a jamais exposé ses salariés à ce matériau,

- débouter les salariés de leurs demandes d'indemnisation fondées sur une obligation de sécurité de résultat,

- dire et juger que la démonstration de la violation d'une règle par la société Agintis incombe aux demandeurs,

- les débouter de leurs demandes faute de démontrer la faute de la société Agintis et le lien de causalité en rapport avec le préjudice de'anxiété,

- à titre plus subsidiaire, dire et juger qu'ils ne démontrent pas individuellement avoir été victimes de la violation d'une règle de protection à l'amiante,,

- à titre encore plus subsidiaire, dire et juger qu'en tout état de cause, les éléments du dossier démontrent l'absence de faute commise par la société Agintis au titre d'une obligation de résultat,

* sur l'absence d'opposabilité des créances à l'AGS

vu l'arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 2014,

- dire et juger que les créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ne sont pas opposables à l'AGS comme n'entrant pas dans les périodes de garantie des créances en application de l'article L. 3253-8 du code du travail,

- dire et juger que les salariés n'apportent pas la preuve d'avoir été anxieux avant l'ouverture de la procédure collective de la société,

- dire et juger que les créances au titre du préjudice d'anxiété sont nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société et ne sont donc pas garanties par l'AGS,

- dire et juger que le préjudice d'anxiété ne peut pas être né avant la procédure collective de la société, certains des salariés ayant poursuivi leur activité au-delà de l'arrêté ACAATA sans jamais revendiquer aucune anxiété,

- en conséquence, déclarer les créances d'anxiété non susceptibles de garantie,

vu l'article 1150 du code civil,

- à titre subsidiaire, dire et juger que les préjudices n'étant pas prévisibles lors des manquements reprochés, ceux-ci ne sauraient être indemnisés,

- à titre plus subsidiaire, dire et juger que le montant des dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété seront réduit à plus justes proportions,

- dire et juger s'il y a lieu à fixation que celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale qui ne peut concerner que les sommes dues en exécution du contrat de travail, les astreintes et sommes dues au titre de l'article du code de procédure civile étant exclues de la garantie,

- dire et juger que les intérêts ont nécessairement été arrêtés au jour de la procédure collective en application des dispositions de l'article 622-28 du code de commerce sans avoir pu courir avant mise en demeure régulière au sens de l'article 153 du code civil et qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS est nécessairement plafonnée conformément aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux frais de l'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge CGEA,

- condamner les salariés aux dépens.

Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à plusieurs des instances inscrites au rôle, la société Agintis et Maître [H], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent à la cour, infirmant le jugement déféré, de débouter les salariés de leurs demandes et de les condamner solidairement à leur verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils font valoir que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que la société Agintis avait commis une faute et violé son obligation de résultat, les salariés ne rapportant pas la preuve de la contamination dont ils auraient été victime, le seul fait qu'ils aient travaillé dans une entreprise inscrite au titre de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 sur la liste établie par arrêté ministériel et ouvrant droit au bénéfice du régime de l'ACAATA ne pouvant caractériser à leur égard la violation d'une obligation de sécurité,

- en tout état de cause, aucun d'entre d'entre eux ne démonte réunir les conditions fixées par la jurisprudence, à savoir celles de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et de l'arrêté ministériel,

- la reconnaissance de l'ACAATA n'exclut pas la nécessité pour chacun d'entre eux de rapporter la preuve du préjudice et du quantum sollicité, la somme allouée par le juge du premier degré n'étant nullement justifiée.

Par ses écritures déposées et plaidées à l'audience, communes à plusieurs des affaires inscrites au rôle concernant la société Agintis, Monsieur [U] [X], demande à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil, modifiant ses réclamations initiales, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que les demandeurs ont été exposés à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société Agintis et subissent des préjudices qu'il convient de réparer et, par la voie d'un appel incident, de :

- porter sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Agintis à la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans ses conditions d'existence,

- déclarer le jugement opposable au CGEA-AGS dans les conditions prévues par les articles L 3253-6 et suivants du code du travail,

- dire que le CGEA-AGS garantira les créances dans les conditions de l'article L 3253-15 du code du travail et qu'il devra avancer les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire,

- condamner le CGEA-AGS à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, il fait valoir que :

- la juridiction prud'homale est compétente dans la mesure où il ne demande pas l'indemnisation d'une maladie professionnelle mais d'un préjudice d'anxiété, né de la conscience du risque d'apparition à plus ou moins brève échéance d'une pathologie mortelle en conséquence de son exposition à l'amiante,

- en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, quelle qu'en soit la date de conclusion, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat,

- le seul fait d'exposer un salarié à un danger sans appliquer les mesures de protection nécessaires imposées par l'article L 4121-1 du code du travail constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur, et ce, indépendamment de la mise en oeuvre du dispositif légal de l'ACAATA,

- la société Situb était spécialisée dans la construction, l'installation et l'entretien d'usines ainsi que dans les travaux industriels de terrassement et de canalisations imposant l'utilisation de l'amiante comme calorifuge des tuyaux, de sorte que les travaux réalisés par chaque salarié a entraîné un contact permanent avec l'amiante et elle a, ainsi que la société Agintis qui a poursuivi son activité, manqué à son obligation de sécurité de résultat en omettant de mettre en place des mesures de protection collective et individuelle efficaces et d'informer et de former ses salariés relativement à l'amiante, et ce en connaissance de la dangerosité de ce matériau, en violation de la législation applicable (loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, décret du 11 mars 1894 pris pour l'application de cette loi, décrets du 13 décembre 1948 et du 17 août 1977),

- il n'a pas à établir une exposition personnelle à l'amiante, son préjudice d'anxiété étant caractérisé par le seul fait d'avoir travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998,

- il est donc fondé à réclamer à la société Agintis l'indemnisation de ce préjudice, incluant le nécessaire bouleversement dans ses conditions d'existence, dont il doit être tenu compte dans le cadre de l'évaluation de l'indemnisation du préjudice d'anxiété qu'il subit,

- son préjudice d'anxiété qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante est constitué par les troubles psychologiques qu'engendrent la connaissance de ce risque et est né le 19 mars 2001, date de publication de l'arrêté ministériel d'inscription de la société Situb, dont elle est issue, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA), soit avant l'ouverture de la procédure collective de la société Agintis ,

- l'AGS doit donc garantir sa créance étant rappelé qu'il n'avait pas à la déclarer conformément à l'article L 622-24 du code de commerce et qu'il n'est pas justifié que le mandataire l'a personnellement informé de la date de dépôt du relevé des créances.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de donner acte à Monsieur [U] [X] de ce qu'il ne maintient pas en cause d'appel sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice distinct lié au bouleversement de ses conditions d'existence.

Sur l'exception d'incompétence :

Aux termes de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

En l'espèce, que Monsieur [U] [X] ait ou non bénéficié du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, information qui ne résulte pas du dossier, dès lors que sa demande en réparation d'un préjudice lié à son exposition à l'amiante est fondée sur l'inexécution par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail et que ni son droit au bénéfice du dispositif susvisé, ni le montant de l'allocation de cessation anticipée d'activité, ne sont contestés, le litige relève de la compétence de la juridiction prud'homale.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a implicitement écarté cette exception.

Sur les fins de non recevoir :

Sur l'irrecevabilité tirée de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 :

L'article 41 de la loi n° 98 - 1194 du 23 décembre 1998 créant un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, prévoit le versement aux salariés ou anciens salariés d'une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions.

Il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de cette allocation n'est pas fondé à obtenir de l'employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d'une perte de revenus résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal.

Monsieur [U] [X], dont il a été vu supra qu'il n'est pas établi qu'il ait été bénéficiaire de ce dispositif, est recevable à réclamer réparation d'un préjudice extra-patrimonial qui résulterait de la violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat qui pesait sur lui lequel n'est pas indemnisé au titre de l'ACAATA.

La décision sera confirmée en ce sens.

Sur l'irrecevabilité tirée du défaut de justification par le salarié qu'il remplit les conditions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et de l'arrêté ministériel pris pour son application :

Le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi

n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y était fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve par le fait de l'employeur, sauf à celui-ci à démontrer l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, peu important la nature de l'exposition, fonctionnelle ou environnementale, qu'il a subie, qu'il ait fait l'objet d'une surveillance médicale ou non et qu'il ait ou non adhéré à ce régime légal.

En l'espèce, la société Situb a été inscrite par arrêté du 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA), et ce, depuis sa création sans précision de date d'échéance.

Il n'est pas utilement contesté que la société Agintis qui a repris l'activité de tuyauterie industrielle de la société Situb ainsi que son personnel doit répondre de cette inscription et est donc tenue d'indemniser les salariés qui justifieraient d'un préjudice d'anxiété au titre de leur période d'activité au sein de la société Situb.

Monsieur [U] [X] établit par la production d'un certificat de travail en date du 8 septembre 2004, émanant de la société Agintis et de l'attestation de M. [W] [D], ancien collègue de travail, non utilement contestés, qu'il a été embauché par la société Situb le 5 juillet 1968 et a travaillé dans l'établissement de [Localité 2], jusqu'au 25 août 2004.

Sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété souffert au titre de son emploi pour la société Situb devenue Agintis est donc recevable au regard des textes susvisés.

Cette fin de non recevoir nouvelle en cause d'appel sera rejetée.

Sur le fond :

Sur la réparation du préjudice d'anxiété :

En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Contrairement à l'argumentation soutenue par le liquidateur et l'AGS, cette obligation ne résulte pas de l'ancien article L.230-2 du code du travail issu de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991, mais du contrat de travail.

D'ailleurs, l'ancien article 233-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à cette loi, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs.

Au surplus, bien avant le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels avait fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel, et le décret d'application du 11 mars 1894 imposait notamment que 'les locaux soient largement aérés... évacués au dessus de l'atelier au fur et à mesure de leur production avec une ventilation aspirante énergique... et que l'air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvrier'.

En l'état de ces dispositions, le dommage allégué par le salarié n'était pas imprévisible pour l'employeur lors de la conclusion du contrat de travail.

L'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité. Elle n'est donc pas contraire aux dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel, ni au principe de séparation des pouvoirs.

La société Situb, devenue Agintis , a été inscrite, par arrêté du du 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante depuis sa création, soit 1964 et cette inscription couvre la période échue à ce jour.

Il résulte des documents précédemment visés que Monsieur [U] [X] a été employé par la société Situb, devenue société Agintis , dans l'établissement de [Localité 2] du 5 juillet 1968 au 25 août 2004, en qualité de tuyauteur.

Il a donc été exposé à l'amiante.

Pour s'exonérer de sa responsabilité, la société Agintis se borne à indiquer que le seul fait d'avoir travaillé dans une entreprise inscrite ne saurait caractériser la violation de l'obligation de sécurité de résultat par l'employeur à l'égard du salarié et ne fournit ni explications ni pièces sur le traitement et le conditionnement des déchets d'amiante ni sur l'information et les formations prodiguées aux salariés en prévention des risques ou sur la nature des protections individuelles mises à la disposition des salariés ni si elles étaient en nombre suffisant. Elle ne rapporte pas plus la preuve de ce que chaque salarié a été personnellement sensibilisé au risque de l'amiante et à la nécessité de respecter scrupuleusement toutes les précautions mises en place ou recommandées. Pour sa part, l'AGS soutient, sans plus d'éléments à l'appui, que les règles légales ont été respectées puisqu'il n'apparaît pas que l'inspection du travail ait dressé quelque procès-verbal que ce soit concernant la société.

Ainsi, il n'est pas démontré que l'employeur a pris toutes les mesures nécessaires sur le site de [Localité 2] pendant l'ensemble de la période contractuelle, notamment celles prévues par le décret du 17 août 1977 (prélèvements atmosphériques périodiques, port des équipements individuels de protection, vérification des installations et des appareils de protection collective, information individuelle du salarié, absence de contre-indication et surveillance médicale) ; il n'est pas plus justifié de l'existence d'une cause étrangère non imputable à l'employeur, lequel ne s'exonère pas de sa responsabilité.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est avéré.

Le salarié est donc fondé à réclamer la réparation de son préjudice d'anxiété lequel, par nature unique et indivisible, comprend l'ensemble des troubles psychologiques induits par l'exposition au risque.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la société Agintis était responsable du préjudice d'anxiété subi par le salarié et, eu égard aux éléments de l'espèce (nature des fonctions occupées, durée d'exposition au risque, attestation produite) a exactement réparé ce préjudice incluant le bouleversement dans ses conditions d'existence par l'allocation de la somme de 12 000 euros.

Sur la garantie de l'AGS

En application des articles L.3253-6 et L. 3253-8 -1° du code du travail, l'AGS couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition à un risque crée par l'amiante, est constitué par l'ensemble des troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par le salarié.

Ce préjudice est né à la date à laquelle celui-ci a eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'activité de la société Situb devenue société Agintis sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA, soit au plus tôt le 19 mars 2001, à une date nécessairement antérieure à l'ouverture de la procédure collective, ladite société ayant été placée en redressement judiciaire le 11 mars 2004, étant précisé que la circonstance qu'il a poursuivi son activité au sein de la société Agintis après la publication de cet arrêté n'est pas suffisante à elle seule à établir qu'il n'aurait eu connaissance du risque que postérieurement.

Dès lors, la créance du salarié est garantie par l'AGS, étant observé qu'aucune demande n'a été formulée au titre des intérêts.

Le jugement sera encore confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité ne commande pas d'allouer à Monsieur [U] [X], à la charge du CGEA, délégation régionale de l'AGS de [Localité 1], une indemnité au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La demande de la société Agintis et de Me [C] [H], ès qualités, formée au même titre, sera rejetée.

Les entiers dépens de l'instance seront inscrits en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,

Donne acte à Monsieur [U] [X] de ce qu'il ne maintient pas en cause d'appel sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice distinct lié au bouleversement de ses conditions d'existence,

Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut de justification par Monsieur [U] [X] de ce qu'il remplit les conditions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et de l'arrêté ministériel pris pour son application,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [U] [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Déboute la société Agintis et Me [C] [H] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société de leur demande au même titre,

Dit que les dépens de l'instance seront inscrits au passif de la société Agintis en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/10448
Date de la décision : 24/04/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-24;14.10448 ?
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