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24/04/2015 | FRANCE | N°13/09636

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 24 avril 2015, 13/09636


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 24 AVRIL 2015



N°2015/ 262















Rôle N° 13/09636







SA SLTP





C/



[D] [K] [O] [J]









































Grosse délivrée le :

à :



- Me Patrice PASCAL (TARASCON)



- Me François MA

IRIN (TARASCON)



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section I - en date du 10 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/413.





APPELANTE



SA SLTP, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Patrice PASCAL, avo...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 24 AVRIL 2015

N°2015/ 262

Rôle N° 13/09636

SA SLTP

C/

[D] [K] [O] [J]

Grosse délivrée le :

à :

- Me Patrice PASCAL (TARASCON)

- Me François MAIRIN (TARASCON)

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section I - en date du 10 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/413.

APPELANTE

SA SLTP, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrice PASCAL, avocat au barreau de TARASCON

INTIME

Monsieur [D] [K] [O] [J]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/7022 du 04/07/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Karine JAPAVAIRE, avocat au barreau de NIMES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence VALETTE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [K] [O] [J] a été engagé par la société anonyme Saint-Louisienne de Travaux Publics ci après désignée la société SLTP, dont le siège est à [Localité 2], par contrat à durée indéterminée du 14 décembre 2005 avec effet à compter du 4 janvier 2006, en qualité de conducteur d'engins (ouvrier N II P2 coefficient 140), moyennant une rémunération comprenant un salaire mensuel brut de 1 665,65 euros, une prime journalière d'entretien de 6,20 euros, une indemnité journalière de repas de 8,60 euros, et des indemnités de petits déplacements pour se rendre sur chantier.

Ce contrat prévoit que :

- sauf nécessité de dérogation particulière, les horaires de travail applicables dans l'entreprise sont les suivants : du lundi au jeudi : 8H/12H - 13H/17H et le vendredi : 8H/12H - 13H/16H,

- les heures RTT sont prises selon le calendrier établi suivants les besoins de l'entreprise,

- le salarié 'devra s'entendre avec la direction de la société quant aux dates de prises des congés et ceci dans l'intérêt même de la société. En règle générale la prise des congés devra correspondre aux périodes de fermetures de l'entreprise'.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des ouvriers des Travaux Publics.

A la suite d'un accident de la circulation, M. [O] [J] a été en arrêt de travail pour maladie du 3 mars 2007 au 7 janvier 2009.

Il a fait l'objet d'une visite de reprise le 6 janvier 2009 à l'issue de laquelle le médecin du travail, le docteur [Q], l'a déclaré 'Apte à la reprise avec les recommandations suivantes : pas de port de charges. limiter le plus possible les engins à vibrations importantes : mipelle (catégorie 1) et compacteur (catégorie 7). A placer préférentiellement sur pelle à chenille (catégorie 2) et chargeur (catégorie 4). A revoir dans 15 jrs le 29/01/09 pour nouvelle réevaluation clinique par le médecin du travail.'.

Le 28 janvier 2009, le médecin du travail, le docteur [Q], l'a revu et l'a déclaré 'Apte à la reprise avec les restrictions suivantes : pas de port de charges. limiter le plus possible les engins à vibrations importantes : inapte aux engins catégorie 1 (mini pelle + petit compacteur) inapte au petit compacteur catégorie 1, apte au grand compacteur catégorie 7. A placer préférentiellement sur pelle à chenille (catégorie 2) et chargeur (catégorie 4)et grand compacteur catégorie 7. A revoir le 20 mars pour réevaluation clinique par le médecin du travail.'.

Le 20 mars 2009, le médecin du travail, le docteur [Q], l'a déclaré 'Apte à la reprise avec les restrictions suivantes : pas de port de charges. limiter le plus possible les engins à vibrations importantes : inapte aux engins catégorie 1 (mini pelle + petit compacteur), apte au grand compacteur catégorie 7. A placer sur pelle à chenille (catégorie 2) et chargeur (catégorie 4)et grand compacteur catégorie 7. A revoir dans deux mois.

Le 12 juin 2009 (visite de reprise après arrêt maladie), le médecin du travail, le docteur [N], l'a déclaré 'Apte avec restriction : pas de conduite des engins de catégorie 1. A placer préférentiellement sur pelle à chenille, chargeur, grand compacteur, éviter la conduite de la pelle à pneu Pas de port de charges A revoir dans 3 mois.

Le 3 septembre 2009 (visite de reprise après accident du travail), le médecin du travail, le docteur [P], l'a déclaré 'Apte avec restriction : pas de conduite des engins de catégorie 1. A affecter sur pelle à chenille, chargeur, grand compacteur, la conduite de la pelle à pneu devant n'être qu'occasionnelle Pas de port de charges A revoir dans 3 mois.

Une étude de l'exposition des travailleurs aux risques dus aux vibrations a été effectuée au sein de la société SLTP par l'ASTBTP, en présence des docteurs [Q] et [P], médecins du travail, et de salariés de l'entreprise M. [A], chef d'atelier , M. [T], comptable, et M. [F], chauffeur qui a procédé aux essais, pour comparer les vibrations émises par deux engins différents dans des situations similaires, une pelle à pneu de 11 tonnes et une pelle à chenille de 31 tonnes.

Le 2 novembre 2009 (visite de reprise après arrêt maladie), le médecin du travail, le docteur [P], dans une première version de ses conclusions, le déclarait 'Apte avec aménagement de poste,

suite à l'étude de poste en date du 27 octobre 2009,

pas de conduite des engins de catégorie 1

A affecter en priorité sur la pelle à chenille de 31 tonnes et grand compacteur, la conduite de la pelle à pneu et du tracto-pelle avec BRH devant n'être qu'occasionnelle soit une demi-journée par semaine

Pas de port de charges

Serait apte à un poste de chauffeur PL après formation.'

En dernier lieu, ce médecin rajoutait que M. [O] [J] était 'apte à la conduite d'engin cat 4" et que 'la conduite du tracto pelle avec BRH' devait comme celle de la pelle à pneu n'être qu'occasionnelle soit une demi journée par semaine.

M. [O] [J] a saisi l'inspection du travail par courrier du 11 décembre 2009 pour contester cet avis du médecin du travail du 2 novembre 2009 au motif qu'il 'laisse entendre qu'il peut travailler toute la semaine sur le tracto-pelle sans BR'.

Par décision du 11 février 2010, l'inspecteur du travail a déclaré M. [O] [J] 'apte à l'essai à la conduite exclusive de la pelle à chenille et du gros compacteur sans équipement BRH. La conduite de tout autre engin générant des vibrations d'un niveau supérieur et de tout engin équipé d'un dispositif BRH est interdite', et a prévu que M. [O] [J]ferait dans tous les cas l'objet d'une nouvelle visite médicale dans un délai d'un mois à compter de sa décision.

Le 23 mars 2010, le médecin du travail, le docteur [P], le déclarait 'Apte avec aménagement de poste,

suite à l'avis de l'inspecteur du travail en date du 11/02/2010

étude de poste en date du 27 octobre 2009,

inapte à la conduite de la pelle à pneu et du tracto-pelle, doit être exempté de BRH

pas de conduite des engins de catégorie 1

Apte à la conduite de la pelle à chenille et du gros compacteur

Pas de port de charges lourdes sup à 15 kgs

Visite à prévoir : 2011/03 (périodique)'.

Par lettre recommandée du 1er avril 2010, M. [O] [J] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable le 13 avril 2010.

Le 9 avril 2010, M. [O] [J] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 24 mars 2010 à 14 heures 45, accident dont il a rédigé les circonstances et a précisé qu'il s'agissait d'un accident avec arrêt de travail. Il a signé cette déclaration d'accident du travail. L'assurance maladie a notifié à M. [O] [J] le 23 juin 2010 qu'elle prenait en charge cet accident du travail du 24 mars 2010.

Après entretien préalable le 13 avril 2010, M. [O] [J] a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2010 pour faute grave.

Le 20 août 2010, M. [O] [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arles pour contester son licenciement et demander à l'encontre de son employeur le règlement des diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement de départage du 10 avril 2013, le conseil de prud'hommes d'Arles a statué dans ces termes :

CONDAMNE la SA SLTP à payer à Monsieur [D] [K] [O] [J] la somme de 963,50 euros à titre de rappel de salaire suite à des arrêts pour chômage intempéries, outre la somme de 96,35 euros à titre d'incidence de congés payés.

DIT que le licenciement de Monsieur [D] [K] [O] [J] est nul suite à une discrimination en raison de son état de santé.

CONDAMNE la SA SLTP à payer à Monsieur [D] [K] [O] [J] les sommes de :

- 22.000 euros à titre de dommages et intérêts suite à la nullité du licenciement.

- 3.803,08 euros à titre d'indemnités de préavis, outre la somme de 380,03 euros à titre d'incidence de congés payés.

- 760,04 euros à titre d'indemnité de licenciement.

DÉBOUTE Monsieur [D] [K] [O] [J] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la SA SLTP à payer à Monsieur [D] [K] [O] [J] la somme de 400 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la SA SLTP aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 2 mai 2013 et reçue au greffe de la cour d'appel le 3 mai 2013, la société SLTP a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société SLTP demande de :

DIRE et JUGER qu'en aucune manière le licenciement en cause ne peut justifier les prétentions à hauteur de 12 mois de salaire et que seules les dispositions de l'article 1235-3 du code du travail trouvent application,

INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :

- alloué un rappel de salaire de 963,50 €,

- retenu un comportement discriminatoire de la concluante au préjudice deM. [O] [J],

- considéré que le licenciement notifié à ce dernier par LRAR du 19 avril 2010 pour faute grave n'était pas fondé et a alloué à l'intimé 22.000,00 € à titre de dommages et intérêts suite à la nullité du licenciement, 3.803,08 € à titre d'indemnité de préavis, 380,03 € à titre d'incidence congés payés et 760,04€ à titre d'indemnité de licenciement,

STATUANT à nouveau de ces chefs, DEBOUTER l'intimé de ses prétentions tendant à voir élever les condamnations ci-dessus

DIRE et JUGER que le licenciement repose effectivement sur une faute grave,

STATUANT sur l'appel incident de l'intimé, le DEBOUTER de ses prétentions au titre de :

- indemnité de congés payés afférant à la période de congés sans solde,

- l'incidence congés payés sur ces deux sommes,

- dommages-intérêts à hauteur de 5.000,00 € au titre de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

- dommages-intérêts à hauteur de 10.000,00 € pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

INFIRMER également la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la concluante à payer à l'intimé la somme de 400,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER l'intimé à payer à la concluante la somme de 4.000,00 € par application de ce texte,

LE CONDAMNER aux entiers dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, M. [O] [J] demande de :

Débouter la SA SLTP de son appel principal comme étant sans fondement,

Recevoir l'appel incident de M. [O] [J] comme étant régulier en la forme et juste au fond

DIRE ET JUGER y avoir lieu à rappels de salaire afférent à la période de congé sans solde illicitement imposé et de salaire au titre des « heures d'absence chômage intempéries' indûment prélevées au mois de janvier 2010.

DIRE ET JUGER que la Société SLTP a fautivement exécuté le contrat de travail.

DIRE ET JUGER que le licenciement litigieux est nul et subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse .

En conséquence :

CONDAMNER la SA SLTP au paiement des sommes suivantes :

- 546,61 € à titre de salaire afférent à la période de « congé sans solde » illicitement impose au mois de janvier 2009,

- 54,66 € à titre d'incidence congés payes sur rappel précité,

- 963,50 € à titre de rappel de salaire afférent aux « heures d'absence chômage intempéries » indûment prélevées au mois de janvier 2010,

- 96,35 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité,

- 4.126,94 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 412,69 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

- 1.822,74 € à titre d'indemnité légale de licenciement.

CONDAMNER en outre la SA SLTP au paiement des sommes suivantes :

- 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 10.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

A titre principal

- 35.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, en raison de la violation des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail.

A titre subsidiaire du dernier chef

- 30 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

En tout état de cause

- 2500,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la Société défenderesse aux éventuels dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire au titre des congés sans solde de janvier 2009

La demande de M. [O] [J] porte sur la somme de 546,61 euros (outre congés payés) prélevée en janvier 2009 pour heures d'absence pour congés payés (et non 601,27 comme indiqué par erreur dans une partie de sa motivation).

Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte ; en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des périodes de chomâge-intempéries en janvier 2010

En janvier 2010, M. [O] [J] a été en situation de chomâge-intempéries non pas sur une période continue mais sur trois périodes (8, 13 et 14 et du 20 au 29), de sorte que la différence entre le nombre d'heures déclarées et le nombre d'heures indemnisées s'explique par l'application de l'heure de carence instituée par l'article D. 5424-12 du code du travail.

Contrairement à ce que soutient le salarié, l'état d'intempérie sur le chantier où il travaillait en janvier 2010 est établi ; il n'a pas été le seul salarié à être concerné par ces intempéries et il a signé des documents intitulés 'documents personnels d'intempéries' les 20 et 21 janvier.

Contrairement à ce que soutient M. [O] [J], la réponse de son employeur à l'inspection du travail ne confirme pas que la mesure de chomâge-intempérie le concernant n'était pas justifiée. L'employeur n'était pas tenu de l'affecter sur le seul poste similiaire au sien, poste se trouvant sur un autre chantier non affecté par les intempéries, dans la mesure où ce poste était alors occupé par un intérimaire en cours de mission. L'inspecteur du travail ne dit pas le contraire.

La demande de M. [O] [J] n'est donc pas justifiée.

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité

M. [O] [J] fait valoir que son employeur a eu une 'attitude discrimatoire lors de la mise en place du chomâge intempérie' en janvier 2010. Il en veut pour preuve qu'il a été placé en intempérie du 20 au 29 janvier 2010 alors que des salariés intérimaires et d'autres salariés continuaient de travailler à cette période, et qu'ils occupaient des postes similaires.

L'employeur répond utilement que le seul salarié dont la situation peut être comparée à celle de M. [O] [J], est M. [V], autre conducteur d'engins, que ce dernier a également été en chomâge-intempérie sur le chantier en cause certes un peu moins longtemps que M. [O] [J] mais parce qu'il n'avait pas de restrictions médicales à la conduite de certains engins de chantier, étant rappelé qu'aux termes de l'article L. 5424-8 du code du travail, sont considérées comme intempéries, les conditions atmosphériques et les innondations lorsqu'elles rendent dangereux ou impossible l'accomplissement du travail eu égard à la santé, à la sécurité des salariés, mais aussi à la nature ou à la technique du travail accompli.

Ce premier manquement n'est pas établi.

M. [O] [J] fait valoir également que son employeur a eu un comportement fautif et a manqué à son obligation de sécurité en le contraignant à travailler sur des engins incompatibles avec son état de santé. Il n'est absolument pas précis sur ces manquements et fait référence aux courriers qu'il a adressés 'en vue de faire respecter les restrictions de la médecine du travail et pour dénoncer ses conditions de travail' ainsi qu'aux courriers et interventions de l'inspection du travail. Il ajoute qu'en dépit des recommandations de l'inspecteur du travail de février 2010, son employeur persistait à l'affecter à la conduite d'autres engins que la pelle à chenille.

Il ressort de l'examen de l'ensemble des pièces produites et spécialement des avis médicaux à compter du 6 janvier 2009 et de la décision de l'inspection du travail du 11 février 2010 (reproduits dans l'exposé du litige, qui sont évolutifs), des courriers de M. [O] [J] en date des 16 juin, 7 septembre 2009 et 11 décembre 2009, des courriers de l'inspection du travail en date des 2 juillet, 25 septembre et 23 octobre 2009, des courriers de l'employeur et des'fiches journalières de travail' remplies par le salarié, qu'aucun manquement de l'employeur par rapport aux avis de la médecine du travail ou de l'inspection du travail n'est établi.

Seule la conduite des engins de catégorie 1 dont mini-pelle et petit compacteur (même si le 6 janvier 2009, le médecin du travail confond à l'évidence le grand et le petit compacteur) a été proscrite sans nuance depuis le 6 janvier 2009. M. [O] [J] n'a pas été affecté à la conduite de cette catégorie d'engins.

Jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail du 11 février 2010 puis l'avis du médecin du travail du 23 mars 2010, la conduite d'une pelle à pneu n'était pas interdite mais devait rester occasionnelle et l'est restée puisque M. [O] [J] n'a travaillé sur un tel engin qu'au cours du mois de septembre 2009. Contrairement à ce que soutient M. [O] [J], le seul fait que l'employeur lui ait notifié le 22 septembre 2009 qu'il le dispensait de tout travail à compter du 23 septembre faute d'avoir d'autre engin à lui faire conduire que des pelles à pneus, n'est pas de nature à remettre en cause les prescriptions et avis médicaux alors en vigueur et à établir que l'employeur aurait manqué à ses obligations auparavant. Il ressort du courrier de l'employeur qu'il prend cette décision 'dans l'attente de l'étude de poste' que le médecin du travail proposait alors de faire réaliser dans les prochains jours, et qu'il applique ainsi un principe de précaution en matière de santé et de sécurité de son salarié. Il a également fait application de ce principe de précaution en novembre 2009 et le 10 mars 2010, en maintenant chaque fois l'ensemble de la rémunération du salarié (salaire et accessoires -panier et déplacement-) montrant par là même le souci de préserver sa santé et sa sécurité sans nuire à ses intérêts financiers.

Au mois de novembre et décembre 2009 et après une formation pour cela, M. [O] [J] a été affecté pendant 10 jours à la conduite d'un tracto pelle dont il n'est pas mentionné, ni même allégué par le salarié, qu'il était équipé d'un brise roche hydraulique.

A compter du 5 janvier 2010, M. [O] [J] a exclusivement conduit une pelle à chenille (peu importe qu'elle fasse ou pas 31 tonnes et ce tant au regard de l'avis médical du 2 novembre 2009 qui ne pose pas d'exigence stricte à ce sujet, que de la décision de l'inspecteur du travail du 11 février 2010 qui n'en pose aucune).

Enfin, le 24 mars 2010, M. [O] [J] était affecté à la conduite d'un compacteur pour laquelle il était déclaré apte.

M. [O] [J] ne justifie donc pas que son employeur n'a pas respecté les recommandations des médecins du travail et de l'inspecteur du travail.

Les premiers juges ont, par des motifs pertinents, écarté le moyen de M. [O] [J] tiré de ce qu'il aurait été régulièrement en arrêt de travail du fait du non respect des avis de la médecine du travail.

En cause d'appel, M. [O] [J] soutient que l'accident du travail du 24 mars 2010 serait la conséquence inévitable des manquements de son employeur.

Indépendamment du fait qu'aucun manquement de l'employeur dans le respect des recommandations des médecins du travail et de l'inspection du travail n'est établi, force est de constater que les circonstances de l'accident du travail que M. [O] [J] a déclaré et signé lui-même non pas le 24 mars 2010 mais le 9 avril 2010, soit seize jours après, ne sont pas convaincantes. M. [O] [J] déclare avoir été victime de cet accident le 24 mars 2010 à 14 heures 45 et précise que son horaire de travail était ce jour là de 7 heures 30 à 12 heures et de 13 heures à 17 heures. Il détaille les circonstances de cet accident de la manière suivante : 'le 24 mars 2010, j'ai été victime d'un accident de travail dû à un choc émotionnel. J'étais sur le chantier, mon compacteur V4 était en panne. A 7 reprises j'ai appelé mon employeur pour lui signaler ce problème Aucune directive ne m'a été donnée et aucun responsable n'est intervenu après 6 heures d'attente stressantes, j'ai ressenti des sueurs froides des palpitations à la poitrine et été pris d'un malaise. J'ai alerté le délégué du personnel pour me rendre chez mon médecin.'. Cette version ne coïncide pas avec la fiche journalière remplie ce jour là par M. [O] [J] lui-même qui note avoir appelé pour la première fois le contrôleur de travaux à 10 heures 39, soit bien moins de six heures avant le malaise qu'il déclare avoir fait à 14 heures 45, étant précisé que M. [R] atteste que le 24 mars 2010, après lui avoir demandé d'avertir le chef qu'il ne se sentait pas bien et qu'il allait chez le médecin, M. [O] [J] a quitté le chantier de [Localité 1] à 14 heures 50. De plus, dans son courrier adressé au contrôleur du travail le lendemain, 25 mars 2010, M. [O] [J] a donné encore une version différente et contradictoire avec sa déclaration d'accident du travail en expliquant avoir téléphoné à plusieurs reprises après la panne et que 'tout cela sait passer entre 10h00 et 16h00". Enfin, M. [O] [J] ne produit pas l'arrêt de travail correspondant.

Dans ces conditions, cet accident du travail déclaré par le salarié, même pris en charge en tant que tel par la sécurité sociale le 23 juin 2010, n'est pas de nature à établir un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Le certificat médical du docteur [M] en date du 19 mai 2010, ne fait que rapporter les doléances de M. [O] [J] sur l'existence de difficultés relationnelles avec son employeur utilisant même à ce sujet le conditionnel (il aurait été ....) et n'atteste pas que l'état psychique du salarié (dont il dit qu'il a nécessité un traitement et une surveillance) a une quelconque origine professionnelle.

Aussi convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] [J] de ses demandes de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 19 avril 2010 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

'Je fais suite à notre entretien préalable le 13 Avril 2010.

Vos observations ne m'ont pas convaincu.

Par conséquent, je me trouve contraint par la présente lettre recommandée avec accusé de réception de vous notifier votre licenciement pour faute grave sanctionnant les faits ci-après :

- Le 2 mars 2010, vous avez refusé d'effectuer seulement une demi-heure de travail supplémentaire qui vous était demandée par votre chef de chantier, M [U] afin d'effectuer des travaux de sécurité après 17 heures.

Vous conduisiez la pelle, votre poste était indispensable.

En conséquence les travaux n'ont pu être réalisés.

Les 9 autres personnes présentes sur ce chantier, parfaitement volontaires pour effectuer cette demi-heure supplémentaire, ont dû immédiatement arrêter le travail du fait de votre refus.

- Le 16 mars 2010, M [F], chauffeur de pelle travaillant en équipe avec vous, s'est plaint de provocations incessantes de votre part en vue manifestement de générer un conflit.

- Le 18 mars 2010, votre chef de chantier a une nouvelle fois fait part à la direction de l'ambiance que vous faisiez régner sur le chantier « Réseau de transfert E. U. à [Localité 2]» durant toute la journée depuis le démarrage de ce chantier le 22 Février 2010.

- La même doléance, dès le lendemain, était une nouvelle fois formulée par M [F] quant à votre comportement vis-à-vis de vos collègues de travail.

Cette attitude comportait un véritable danger pour eux.

- Enfin, le 24 mars 2010, sur le chantier de la [Localité 1], vous avez demandé à l'un de vos collègues de travail d'informer votre chef de chantier, alors en réunion, que vous quittiez votre poste de travail pour vous rendre chez votre médecin car vous ne vous sentiez pas bien.

Vous avez donc quitté le chantier à 14 H 50 mais ne vous êtes manifestement pas rendu chez le médecin car vous vous êtes présenté aux alentours de 16 heures sur votre précédent chantier « Réseau de transfert E. U. à [Localité 2]» pour protester auprès du chef de chantier, vous l'avez même pris en photo.

Un tel comportement caractérise un manquement évident à la discipline, occasionne une grave perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise et ce de manière manifestement délibérée.

La présente lettre valide la mise à pied conservatoire notifiée par la convocation à entretien préalable'.

Comme en première instance, M. [O] [J] soulève en premier lieu la nullité de son licenciement au motif qu'il serait motivé par son état de santé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail. Subsidiairement, que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [O] [J] invoque les éléments suivants :

- que la relation contractuelle s'est dégradée eu égard au comportement fautif de la société SLTP qui s'est abstenue de respecter les prescriptions du médecin du travail et a persisté à l'affecter sur des engins incompatibles avec son état de santé,

- que son licenciement prononcé alors qu'il était en arrêt de travail pour accident du travail, constitue une mesure de rétorsion en réponse à ses nombreuses sollicitations et dénonciations des conditions de travail qui lui étaient imposées en parfaite méconnaissance des préconisations du médecin du travail,

- qu'en dépit de ses demandes réitérées, la société SLTP s'est abstenue de l'affecter à un poste de conduite de pelle à chenilles comme le recommandait le médecin du travail,

- qu'en raison des manquements de son employeur, il a été contraint de suspendre son contrat de travail à plusieurs reprises pour cause d'accident du travail et maladie,

- que les motifs invoqués par son employeur pour le licencier ne sont pas établis et ne sont pas la véritable cause du licenciement mais des motifs fantaisistes pour évincer à bon compte un salarié dont l'état de santé indisposait.

Pour étayer ses affirmations, M. [O] [J] produit notamment des courriers qu'il a adressés à son employeur et à l'inspection du travail, des courriers de son employeur, des attestations de paiement d'indemnités journalières, des fiches journalières de travail, sa déclaration d'un accident du travail survenu le 24 mars 2010 et la notification en date du 23 juin 2010 de la prise en charge par la sécurité sociale de cet accident du travail.

M. [O] [J] présente ainsi des éléments pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre.

L'employeur fait valoir que le licenciement de M. [O] [J] repose sur une série de fautes graves et est étranger à toute discrimination.

Il produit des documents afférents aux intempéries de janvier 2010 dont des saisies de déclaration d'arrêt de travail pour intempérie et un relevé établi par la CNETP, établissant ainsi qu'il a déjà été dit plus avant, que M. [O] [J] n'a subi aucun traitement discriminatoire à ce sujet.

Il démontre qu'il a respecté les prescriptions des médecins du travail et de l'inspection du travail, n'a pas manqué à ses obligations en terme de sécurité et qu'au contraire ses choix d'affectation ou exceptionnellement de dispense de travail concernant ce salarié ont toujours été guidés par le souci de préserver la santé et la sécurité de ce dernier et de respecter les prescriptions des médecins du travail et de l'inspection du travail.

Ainsi qu'il a été jugé plus avant, les premiers juges ont, par des motifs pertinents, écarté le moyen de M. [O] [J] tiré de ce qu'il aurait été régulièrement en arrêt de travail du fait du non respect des avis de la médecine du travail. De plus, indépendamment des observations déjà faites au sujet de l'accident du travail du 24 mars 2010, force est de constater que M. [O] [J] ne l'a déclaré que le 9 avril 2010, soit postérieurement à l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable qui date du 1er avril et dont il a accusé réception le 2 avril.

L'employeur rapporte la preuve que le licenciement repose en réalité sur des faits graves tenant au comportement de M. [O] [J].

Il produit des attestations de six salariés de l'entreprise.

Ces attestations comportent l'ensemble des mentions prescrites par l'article 202 du code de procédure civile. Sur chacune il est bien indiqué qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales ; le seul fait que cette indication (placée avant la relation des faits) soit dactylographiée n'est pas de nature à affecter la recevabilité et la portée de l'attestation qui pour le reste est écrite de la main de son auteur et signée par lui, étant rappelé que les règles de forme prescrites par l'article 202 ne sont pas prescrites à peine de nullité.

C'est par des motifs purement dubitatifs que les premiers juges ont refusé d'accorder un quelconque crédit à ces attestations. La preuve étant libre en matière prud'homale, le seul fait que des attestations émanent de salariés de l'entreprise, n'est pas en soi de nature à mettre en cause leur teneur.

De même, le fait que ces attestations datent du mois de mars 2010 -entre le 19 et le 25 mars- n'est pas en soi de nature à les rendre suspectes et à remettre en cause le bien fondé du licenciement, étant observé que ce mois de mars est celui au cours duquel ont eu lieu les faits en cause.

M. [O] [J] a porté plainte pour dénonciation calomnieuse contre deux des personnes ayant attesté dans le cadre de la présente instance prud'homale, MM [X] et [G] mais cette plainte a été classée sans suite au motif que l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée. M. [O] [J] a ensuite attrait les mêmes personnes devant la juridiction de proximité de Tarascon qui l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts formée à leur encontre pour fausses attestations.

L'essentiel des attestations produites par l'employeur mettent en cause le comportement professionnel de M. [O] [J].

M. [G], conducteur de travaux, atteste que les chefs de chantier et d'équipe qui travaillent sous sa responsabilité rencontrent systématiquement des problèmes de comportement avec M. [O] [J] et cela quels que soient les équipes et les chantiers : refus de communiquer normalement avec les autres ouvriers y compris lorsque cela concerne la sécurité, remarques désobligeantes, remise en cause systématique des directives et du mode de travail programmé, prise régulière de photos du personnel et des chantiers pendant les heures de travail en conduisant son engin ou en interrompant une phase de travail pour cela, que cette attitude provoque énervement et même altercation, et perturbe le fonctionnement des équipes et des chantiers. Ce témoin précise en avoir fait part à sa direction à plusieurs reprises. Il ajoute que M. [E], chef d'équipe leur a demandé de ne plus travailler avec M. [O] [J] pour des raisons de sécurité et de comportement. Il témoigne du refus de M. [O] [J] de travailler, même occasionnellement, au-delà de l'horaire normal de travail et du fait que ce refus a bloqué une phase de chantier le 2 mars 2010.

S'agissant de ces faits du 2 mars 2010, l'employeur produit également le rapport journalier de chantier sur lequel le chef de chantier a mentionné les observations suivantes : 'l'entreprise de rabattement de nappe nous a demandé de faire une tranchée pour les câbles et le tuyau de refoulement en fin de journée et le chauffeur de pelle Mr [O] a refusé d'effectuer les travaux en sécurité après 17 H'.

M. [F], chauffeur d'engin qui a travaillé avec M. [O] [J] sur le chantier des réseaux de transfert à [Localité 2], explique que M. [O] [J] a eu un comportement déplacé à son égard à plusieurs reprises, fait tout pour imposer son rythme de travail sur le chantier quitte à ralentir l'exécution de certaines tâches, veut que tout passe par le chef de chantier, n'écoute pas les directives du chef d'équipe (M. [E]) et des poseurs, qu'il n'est pas possible de travailler en équipe de cette façon car ce sont les poseurs de canalisation qui dirigent les tâches et qui guident la pelle dans la tranchée puisque celle-ci travaille en aveugle, et que s'il n'y a pas une bonne communication ça porte préjudice à la sécurité du chantier, les ouvriers travaillant dans des tranchées profondes étant très vulnérables surtout quand la pelle travaille en aveugle. Il ajoute que M. [O] [J] travaille la porte fenêtre et le pare brise fermés, l'autoradio en marche et que de ce fait il ne peut pas entendre les ouvriers qui sont dans la tranchée et qu'il n'a pas en visuel, que ce comportement est dangereux pour la sécurité du personnel et que les poseurs qui travaillent au fond de la tranchée ne se sentent pas en sécurité.

Il témoigne être venu le 16 mars 2010, donner un coup de main à l'équipe de poseurs pour retransmettre leurs directives à la surface parce que comme la tranchée était trop profonde, M. [O] ne pouvait pas les voir et les entendre, que ce dernier est sorti de sa pelle et lui a dit 'dégage de là, t'es pas chef, t'es un con, t'as rien à faire là', que le ton est monté et qu'il a fallu que M. [U] intervienne pour les séparer et désamorcer la situation. M. [U], chef de chantier, confirme que ce 16 mars, M. [O] [J] 'a insulté [F] en le traitant de con parce qu'il lui donnait un coup de main pour guider la pelle dans une tranchée afin d'améliorer la sécurité du personnel qui travaille au fond'.

M.[E], maçon, témoigne que 'sur le chantier avec monsieur [O] il ne veut pas m'écouter. Il fait ce qu'il veut et ne s'occupe pas de nous au fond de la tranchée. Le jeudi 18 mars je me suis énervé contre lui car j'avais trop peur qu'il me fasse mal avec le godet de la pelle et il me parle trop mal. J'ai demandé à mon patron de changer le chauffeur de la pelle car celui la s'en fout de nous et ça va mal se finir. Je ne veux plus travailler avec lui'.

M. [U], chef de chantier qui précise que M. [O] [J] est sous ses ordres depuis le 22 février 2010, dénonce son mauvais comportement à l'encontre des autres ouvriers (réflexions, imprudence), le fait qu'il n'accepte pas de recevoir de directives qui ne viennent pas directement de lui ce qui pose problème lorsqu'il s'absente du chantier, le fait qu'il refuse d'écouter les directives du personnel qui travaille dans les tranchées ce qui est, selon lui, contraire à la sécurité et aux façons habituelles de travailler, le fait que pendant qu'il conduit la pelle, il n'arrête pas de (nous) prendre des photos avec son téléphone portable. Il dit avoir demandé à son patron de faire rapidement quelque chose à ce sujet et craindre que si M. [O] [J] continue de cette façon il pousse quelqu'un à bout et que ça finisse en bagarre sur le chantier. Il témoigne que le jeudi 18 mars 2010, lorsque M. (nom difficilement lisible), un manoeuvre qui travaille dans une tranchée lui demande d'amener des matériaux avec la pelle mécanique pour faire du remblaiement, M. [O] lui a répondu ' tu es chef maintenant ' J'ai pas d'ordres à recevoir d'un manoeuvre, adresse toi à ton chef' et que le travail en équipe s'en est trouvé perturbé.

Sur le rapport journalier de chantier du 18 mars 2010, figurent les observations suivantes 'URGENT pour la direction Une mauvaise ambiance et beaucoup de conflit durant toutes les journées depuis le démarrage du chantier par rapport au chauffeur de pelle Mr [O] [K]'.

S'agissant des faits du 24 mars 2010, l'employeur produit l'attestation de M. [R], conducteur d'engin, qui témoigne qu'après lui avoir demandé d'avertir le chef qu'il ne se sentait pas bien et qu'il allait chez le médecin, M. [O] [J] a quitté le chantier de [Localité 1] à 14 heures 50, et celle de M. [U], chef de chantier qui témoigne qu'il a vu M. [O] [J] arriver sur le chantier les réseaux de transfert à [Localité 2] le mercredi 24 mars 2010 à 16 heures environ, pour prendre des photos et voir qui conduisait la pelle hitachi 2x210, 'il était très énervé car un autre chauffeur conduisait cette pelle, je n'ai pas compris pourquoi il se mettait dans cet état, j'ai du lui demander de partir du chantier parce qu'il commençait à mettre la zizanie'. Il verse au débat la preuve via le site Michelin, que la distance entre [Localité 1] et [Localité 2] est de 78 km et le temps de trajet de 1h01. C'est donc à juste titre que l'employeur reproche à M. [O] [J] de ne pas avoir quitté le chantier sur lequel il était affecté pour se rendre directement chez son médecin comme il l'avait annoncé à un autre salarié.

M. [X], chauffeur de poids-lourd, confirme le mauvais comportement de M. [O] [J] sur le chantier tant en terme de relations avec les autres employés qu'en terme de sécurité (mauvais chargement des camions par surcharge et/ou mauvaise répartition). Il déplore lui avoir parlé en vain à plusieurs reprises des problèmes de chargement des camions.

L'ensemble des griefs visés dans la lettre de licenciement dont la mise en danger de collègues de travail, est établi.

Un tel comportement de la part de M. [O] [J] constituait à l'évidence un manquement grave à ses obligations contractuelles et rendait impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Il est ainsi démontré que les éléments invoqués par M. [O] [J] sont, soit pas sérieux soit justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que, contrairement à ce qu'a estimé le juge du fond, l'employeur démontre que sa décision de licencier M. [O] [J] résulte d'éléments objectifs, graves et étrangers à toute discrimination.

En réformation du jugement, il convient de dire que le licenciement de M. [O] [J] pour faute grave est justifié

Sur les incidences indemnitaires de la rupture

Eu égard à la solution donnée au litige, M. [O] [J] doit être débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de ses demandes d'indemnités compensatrice de préavis et de licenciement.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Eu égard à la situation économique de M. [O] [J], il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société SLTP, et ce tant en première instance qu'en cause d'appel.

Le jugement doit être infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de l'employeur.

Les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de M. [O] [J].

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a débouté M. [D] [K] [O] [J] de sa demande de rappel de salaire pour la période de congés sans solde et de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et pour non respect de l'obligation de sécurité ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Déboute M. [D] [K] [O] [J] de sa demande de rappel de salaire afférent aux heures de chômage intempérie de janvier 2010,

Déboute M. [D] [K] [O] [J] de sa demande tendant à voir reconnaître que son licenciement est nul pour cause de discrimination et de ses demandes subséquentes,

Dit que le licenciement de M. [D] [K] [O] [J] pour faute grave est justifié,

Déboute en conséquence M. [D] [K] [O] [J] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement,

Déboute la société SLTP de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,

Condamne M. [D] [K] [O] [J] aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces dépens seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/09636
Date de la décision : 24/04/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/09636 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-24;13.09636 ?
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