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24/04/2015 | FRANCE | N°13/09350

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 24 avril 2015, 13/09350


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 24 AVRIL 2015



N°2015/ 253















Rôle N° 13/09350







SARL CALL MEDI CALL





C/



[U] [W]

























Grosse délivrée le :



à :



-Me Frédéric CALINAUD, avocat au barreau de PARIS



- Me Mickael NAKACHE, avocat au barreau de MARSE

ILLE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 10 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/970.





APPELANTE



SARL CALL MEDI CALL, demeurant...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 24 AVRIL 2015

N°2015/ 253

Rôle N° 13/09350

SARL CALL MEDI CALL

C/

[U] [W]

Grosse délivrée le :

à :

-Me Frédéric CALINAUD, avocat au barreau de PARIS

- Me Mickael NAKACHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 10 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/970.

APPELANTE

SARL CALL MEDI CALL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédéric CALINAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [U] [W], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mickael NAKACHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine VINDREAU, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2015

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[U] [W] a été engagée le 29 mai 2006 en qualité d'agent télémarketing, catégorie employée, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée intermittent, par la société CALL MEDI CALL dont l'activité mentionnée sur l'extrait du registre du commerce et des sociétés en octobre 2010, était celle de 'télémarketing de santé' et de 'communication marketing consulting'.

Aux termes de l'article 3 de son contrat de travail, madame [W] est chargée, notamment, 'de contacter des professionnels de la santé en vue de réaliser : de la vente suite à enquête, des études, de diffuser des informations en vue de répondre à un questionnaire et toutes autres opérations se rapprochant de l'activité de l'entreprise, en tenant compte de ces attributions.'

L'article 5 de ce même contrat indique que la salariée doit exercer son activité pendant une durée minimale de sept heures sur l'année, l'entreprise se réservant la possibilité de lui demander, avec son accord, d'effectuer des heures excédant cette durée, dans la limite de 1600 heures par an.

Est mentionné à l'article 6 que la première période de travail est fixée le 29 mai 2006.

' Les périodes de travail ultérieures seront précisées au salarié dans un délai de 5 jours calendaires précédant le premier jour de travail'.

L'article 7 précise que pendant les périodes de travail, la salariée effectue un minimum de 7 heures par semaine, à raison de 3 heures au moins par jour travaillé sur 5 jours ouvrés.

Selon l'article 8, en dehors de ces périodes de travail, le contrat est suspendu et la salariée a toute latitude pour occuper un autre emploi.

Est enfin indiqué à l'article 9 que la rémunération est calculée sur une base horaire brute de 9,41€.

Pendant la période allant de juin 2006 à février 2009, madame [W] a ainsi travaillé pendant 26 mois, pour un salaire mensuel net moyen de 450,79 € soit un salaire brut de 585 €.

Elle était parallèlement étudiante à L'IEG d'Aix-Marseille.

A compter de février 2009, il ne lui a plus été proposé de travail.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d'étude Syntec.

Convoquée le 3 octobre 2009 à un entretien préalable fixé au 16 novembre, [U] [W] a été licenciée pour motif économique par courrier du 25 janvier 2010.

*

Le 19 mars 2010, comme d'autres salariés également licenciés, madame [W] a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE pour demander notamment la requalification de son contrat de travail à durée indéterminée intermittent en un contrat à durée indéterminée à temps complet, un rappel de salaires et des indemnités de rupture.

Par jugement de départage en date du 10 avril 2013, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE a :

- prononcé, à compter du 29 mai 2006, la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

- condamné la société CALL MEDI CALL à payer à madame [W]:

- 23 769,46 € de rappel de salaire,

- dit infondé le licenciement économique notifié à madame [W] le 25 janvier 2010,

- condamné la société CALL MEDI CALL à payer à madame [W], en derniers ou quittance :

- 8.200 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.730 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 363,93 € d'indemnité de licenciement,

- constaté que la lettre de licenciement n'est pas signée,

- condamné la société CALL MEDI CALL à payer à madame [W] la somme de 1.365 € de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- débouté madame [W] sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements,

- débouté madame [W] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure du fait du défaut de remise des documents sociaux de rupture,

- dit la société CALL MEDI CALL infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société CALL MEDI CALL à payer à madame [W] 1.500 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les créances qui sont de nature indemnitaire produiront intérêt à compter de la présente décision et que celles qui sont de nature salariale produiront intérêt à compter de la demande,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du présent jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

- condamné la société CALL MEDI CALL aux dépens.

*

La SARL CALL MEDI CALL a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués ,la SARL CALL MEDI CALL demande de :

- juger que le contrat de travail à durée indéterminée intermittent de madame [W] ne souffre d'aucune contestation possible,

- juger que le licenciement pour motif économique de madame [W] est parfaitement fondé,

- infirmer purement et simplement l'intégralité du jugement rendu par le conseil de d'hommes de Marseille sauf pour les demandes dont le salarié a été débouté,

- condamner madame [W] à verser à la Société la somme de 3.000 € au titre de l'article du code de procédure civile ,

- condamner madame [W] aux entiers dépens.

En réplique, au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [U] [W] demande de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail intermittent en contrat à durée indéterminée à temps complet avec rappels de salaires ,

- confirmer le jugement dont appel en qu'il a jugé la procédure de licenciement irrégulière ,

- réformer le jugement :

- condamner la société CALL MEDI CALL au paiement des sommes suivantes:

-15.000 € à titre de dommage intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

- 30 538,80 € au titre de rappels de salaire après requalification du contrat à temps complet

- 3 053,88 € au titre des congés payés sur salaire

- 3.529,57 € à titre d'indemnité de préavis

- 352,95 € au titre des congés payés sur préavis

- 1 302,88 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 1.820 € de dommages intérêts (non-respect de l'ordre des licenciements)

- 1.820 € de dommages intérêts (lettre de licenciement non-signée et absence d'adresse de la mairie)

- 1.820 € de dommages intérêts (absence de mention de la priorité de réembauchage)

- 1.820 € de dommages intérêts (absence de consultation des représentants du personnel)

-1.820 € de dommages intérêts (absence de mention relative au DIF et à la portabilité de la prévoyance)

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l'introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir, et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société CALL MEDI CALL en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification

Selon les dispositions de l'article L 3123-31 du Code du travail, 'Dans les entreprises pour lesquelles une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord. qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées'.

En l'espèce, le recours aux contrats à durée indéterminée intermittents est expressément autorisé par les dispositions de la convention collective des bureaux d'études techniques applicables à la société, l'accord du 16 décembre 1991, étendu par l'arrêté du 27 avril 1992, conclu dans la branche des bureaux d'études techniques, prévoyant le recours au travail intermittent pour le personnel chargé d'activités d'études de marché et de sondage ou 'les chargés d'enquête'.

Il est constant que lorsque la convention collective ne prévoit pas l'utilisation de contrat de travail intermittent ou lorsque l'employeur utilise ce type de contrat de travail pour des emplois non prévus expressément par la convention collective , les contrats intermittents doivent être requalifiés en contrats à durée indéterminée à temps complet.

La société appelante verse aux débats de nombreuses pièces relatives à son activité d'enquête (notamment différents contrats de prestations de service et factures mentionnant son activité d'enquête) et soutient que son activité de vente n'était qu'accessoire à son activité principale d'enquête.

Elle produit des scenarii téléphoniques à destination de ses salariés qui indiquent le canevas de questions à poser lors des enquêtes.

La SARL CALL MEDI CALL considère ainsi que le recours aux contrats à durée indéterminée intermittents et plus spécifiquement le contrat conclu avec madame [W] était parfaitement valable et reflétait la réalité de la nature de l'activité de cette salariée qui par nature, relevait principalement d'une activité d'enquête.

Madame [W] affirme que contrairement à ce que soutient l'employeur, elle n'a jamais réalisé d'enquête et à toujours été employée à vendre des médicaments, ce comme la plupart des autres salariés.

Elle ajoute que d'ailleurs, son contrat de travail mentionne qu'elle était chargée , notamment de la 'vente suite à enquête ... et toutes opérations se rapprochant de l'activité de l'entreprise...'.

Elle produit divers documents ( témoignages , argumentaires de vente, facture...) tendant à démontrer qu'elle assumait la fonction de vendeur à distance.

Comme en attestent plusieurs anciens employés de la société (mesdames [Y], [X], [P] , [C]...) mais aussi monsieur [N], le chef de plateau, les employés du site de [Localité 1] vendaient à des pharmacies des médicaments par téléphone.

Ainsi madame [Y] témoigne ' Les étudiants embauchés par la société étaient en charge exclusivement de la vente de médicaments par téléphone, auprès des pharmacies situées dans la France entière. Une part extrêmement minoritaire des étudiants étaient charge de sondages mais il ne s'agissait que de missions ponctuelles.'

Monsieur [N] : ' je dirigeais plus de cinquante personnes ,agents télémarketing qui avaient pour mission de vendre des médicaments à des pharmacies'.

La SARL CALL MEDI CALL souligne que ce dernier a fait l'objet d'un licenciement et considère en conséquence que son témoignage doit être pris avec prudence.

Pour autant aucune des salariées sus mentionnées n'est ou n'a été en litige avec la société.

La SARL CALL MEDI CALL conteste en outre l'affirmation de la salariée selon laquelle elle se tenait constamment à sa disposition.

Les articles L.3123-31 et suivants du code du travail en cadrant le recours au contrat intermittent imposent que celui-ci mentionne les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes.

Il résulte du contrat de travail signé par madame [W] qu'après la première période de travail définie comme fixée au 29 mai 2006, aucune autre période n'est spécifiée et que la répartition des heures de travail est à tout le moins imprécise puisque la salariée ne connaît pas ses horaires précis ni même les jours de travail à l'intérieur d'une semaine travaillée.

La SARL CALL MEDI CALL soutient que la salariée recherchait un contrat de travail 'flexible qu'il pouvait ainsi combiner avec son statut d'étudiant'.

Pour autant, l'employeur ne justifie en rien du respect du délai de prévenance de 5 jours prévu au contrat de travail ni que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

Madame [Y] atteste que '... nos supérieurs nous appelaient toujours la veille pour le lendemain. En cas de refus ou d'indisponibilité, les supérieurs nous précisaient que nous nous exposions à ne plus nous proposer de missions à l'avenir', ce qui est confirmé par les autres anciens salariés dont l'intimé produit les témoignages.

S'évince que c'est à bon droit que les premiers juges ont requalifié le contrat du salarié en contrat à durée indéterminée à temps plein, le recours au contrat à durée indéterminée intermittent n'étant pas autorisé pour l'activité de vente par téléphone , étant par ailleurs établi que la salariée était à la disposition permanente de son employeur.

C'est également à bon droit que le conseil de prud'hommes a retenu que 'nonobstant le jugement rendu par le tribunal de police de Paris ( dont l'employeur se prévaut) qui avait à évaluer une éventuelle faute pénale différente de la faute civile, il est incontestable que la recours au contrat de travail intermittent est irrégulier'.

MadameTHERY s'est vu allouer en première instance, à titre de rappel de salaire la somme sollicitée calculée sur la base d'un salaire net.

En cause d'appel, elle demande cette fois la somme de 30 538,80 € outre congés payés afférents, somme calculée à partir du salaire brut.

Ce mode de calcul n'est pas en soit, critiqué par l'appelante.

La SARL CALL MEDI CALL sera dès lors en réformation du jugement déféré, condamnée à payer à madame [W] la somme de 30 538,80 € outre celle de 3 053,88 € de congés payés afférents .

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement en date du 25 janvier 2010 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :

'Nous vous avons exposé lors de notre entretien préalable du 16 novembre 2009, au cours duquel nous vous avons remis la documentation établie par les ASSEDIC sur la convention de reclassement personnalisé, les raisons pour lesquelles nous envisagions votre licenciement pour motif économique- Nous vous les rappelons ci-après. Notre activité est devenue quasi inexistante sur notre bureau marseillais. Nous rencontrons des difficultés à développer notre activité sur la région des Bouches-du-Rhône et donc à vous confier des enquêtes.

Afin d'éviter votre licenciement, nous vous avons proposé un poste de reclassement: un poste d'agent télémarketing- chargé d'enquête, en contrat de travail intermittent à garantie annuelle sur notre siège social parisien situé [Adresse 3], vos conditions contractuelles actuelles restant inchangées; mais vous avez expressément refusé cette offre.

Compte tenu de ces éléments et après application des critères d'ordre des licenciements, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique.

Le délai de 21 jours pour accepter la CRP et me retourner votre demande signée étant dépassé, je vous informe que votre licenciement prendra effet à la date de la première présentation de ce courrier, etc. ..».

L'intimée soutient que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, que la société ne démontre pas la réalité des difficultés économiques rencontrées et qu'enfin l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En application des dispositions des articles L.1233-3 et 1233-16 du code du travail , la lettre de licenciement doit énoncer tant la cause économique que son incidence sur l'emploi du salarié.

Force est de constater que la SARL CALL MEDI CALL a envoyé une lettre de licenciement identique à plusieurs de ses salariés.

Les premiers juges ont relevé que dans la lettre de rupture la SARL CALL MEDI CALL ne donnait aucune précision sur les difficultés économiques et sur leur impact prévisible sur le poste de la salariée.

De plus, même à supposer que les éléments constitutifs du motif économique aient été réunis, le licenciement ne serait justifié que si l'employeur avait sérieusement, mais vainement, tenté de reclasser la salariée.

Comme relevé par les premiers juges, contrairement à ce qu'indique la société dans la lettre de licenciement, 'il ne résulte d'aucun des éléments qu'elle verse aux débats qu'elle ait loyalement chercher à reclasser la salariée , que celle-ci ait refusé le poste proposé , et qu'elle lui ait proposé une CRP'.

Le licenciement de madame [W] doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé.

Sur la régularité de la procédure

En première instance, madame [W] sollicitait des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure en raison du défaut de signature de la lettre de licenciement d'une part, du défaut de remise des documents sociaux.

C'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que le retard ou le défaut de remise de documents sociaux ne constituaient pas une irrégularité de la procédure de licenciement .

Il est constant que la lettre de la lettre de licenciement n'est pas signée.

Cependant, l' indemnité pour irrégularité de procédure prévue à l'article L.1235-2 du code du travail ne peut se cumuler avec celle de l'article L.1235-3.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué à madame [W] une indemnité de ce chef.

En cause d'appel, madame [W] fait en outre valoir que plusieurs salariés ont été licenciés pour motif économique le même jour, comme cela ressort des pièces versées aux débats, et que les représentants du personnel n'ont jamais été informés ou consultés.

L'employeur ne répond pas sur ce point.

Quelle que soit l'importance du licenciement collectif, chaque salarié peut obtenir des dommages et intérêts en fonction de son préjudice lorsque les procédures prévues aux articles L.1233-8 et suivants du code du travail n'ont pas été respectées.

Ces dommages et intérêts peuvent se cumuler le cas échéant avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SARL CALL MEDI CALL sera condamnée à verser à madame [W] la somme de 100 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaires

L'article L.1235-3 applicable en l'espèce dispose que le juge octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.

Tenant à l'ancienneté de la salariée, à son âge, et à sa rémunération brute mensuelle reconstituée de 1 820 €, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 12 000 € , de telle sorte que le jugement doit être réformé sur ce point.

La SARL CALL MEDI CALL devra lui verser la somme de 3 529,57 € ( 3 640 € moins la somme de 110,43 € versée dans le cadre du solde de tout compte) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 352,95 € de congés payés afférents .

En application de la convention collective applicable, l'indemnité de licenciement à laquelle madame [W]a droit est égale à 0,25 mois de salaire par année d'ancienneté.

La SARL CALL MEDI CALL devra en conséquence lui verser , déduction faite de la somme déjà versée de 441,12 €, la somme de 1 302,88 €.

Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges , un salarié est en droit de contester l'ordre des licenciements alors même qu'il n'a pas usé de la faculté de demander l'indication des critères retenus par l'employeur avant la saisine de la juridiction prud'homale.

En l'espèce, néanmoins, en demandant une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié demande implicitement la réparation du préjudice résultant d'un licenciement prononcé en violation de l'ordre des licenciements; il ne peut dès lors lui être alloué en plus de l'indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi du fait de la perte de son emploi, des dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.

Pour la première fois en cause d'appel, madame [W] présente des demandes de dommages et intérêts pour absence de mentions relatives au DIF, à la portabilité de la prévoyance et à la priorité de réembauche.

A la rupture du contrat de travail , l'employeur doit informer le salarié de l'ensemble de ses droits relatifs à la portabilité et la prévoyance et lui remettre tous documents utiles .L'absence d'information sur le dispositif de portabilité cause nécessairement un préjudice au salarié.

L'employeur doit en outre informer le salarié dans la lettre lui notifiant son licenciement ( sauf faute lourde), de ses droits en matière de DIF, notamment la possibilité de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétence , de validation des acquis de l'expérience ou d'une formation.

Force est de constater que la lettre de licenciement ne fait aucune mention aux droits de la salarié sur ces points.

Madame[W] sera indemnisée de son nécessaire préjudice à hauteur de 250 €.

La lettre de licenciement , en violation des dispositions de l'article L.1233-16 du code du travail, ne fait pas plus référence à la priorité de réembauche.

Madame [W] sera indemnisée de son nécessaire préjudice à hauteur de 250 €.

Sur les autres demandes des parties

Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail ( indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaire) portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer.

En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.

Les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.

L'équité en la cause commande de confirmer le jugement sur l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la société à payer à madame [W] la somme de 1000 € sur ce même fondement en cause d'appel et de la débouter de sa demande de ce chef.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions du décret du 8 mars 2001.

La SARL CALL MEDI CALL, qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme le jugement de départage déféré rendu le 10 avril 2013 par le conseil de prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a requalifié le contrat de travail intermittent de madame [W] en un contrat à durée indéterminée à temps complet, dit que le licenciement économique était infondé, débouté madame [W] de ses demandes de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements, ainsi que sur l'article 700 et les dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL CALL MEDI CALL à payer à [U] [W], les sommes suivantes :

- 30 538,80 € au titre de rappels de salaire après requalification du contrat à temps complet

- 3 053,88 € au titre des congés payés sur salaire

-12.000 € à titre de dommage intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

- 3.529,57 € à titre d'indemnité de préavis, déduction faite de la somme déjà versée

- 352,95 € au titre des congés payés sur préavis

-1.302,88 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, déduction faite de la somme déjà versée

- 250 € de dommages intérêts (absence de mention de la priorité de réembauche)

- 100 € de dommages intérêts (absence de consultation des représentants du personnel)

- 250 € de dommages intérêts (absence de mention relative au DIF et à la portabilité de la prévoyance)

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les sommes dues en exécution du contrat de travail portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire,

Dit que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Rejette toute autre demande,

Condamne la SARL CALL MEDI CALL aux dépens d'appel,

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/09350
Date de la décision : 24/04/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-24;13.09350 ?
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