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22/04/2015 | FRANCE | N°12/20872

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 22 avril 2015, 12/20872


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 22 AVRIL 2015



N° 2015/ 190













Rôle N° 12/20872







SA ALPAGRI

SCA ALPESUD





C/



[O] [B]

SCP [V]. [R] & [F] [P]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me LESTOURNELLE

Me CLEMENT

SELARL ALLEMAND











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MANOSQUE en date du 02 Octobre 2012 .





APPELANTES



SA ALPAGRI,

dont le siége social est [Adresse 1]



représentée par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE





Société ALPESUD,

SCA dont le siége social est [Adresse 1]



représentée par...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 22 AVRIL 2015

N° 2015/ 190

Rôle N° 12/20872

SA ALPAGRI

SCA ALPESUD

C/

[O] [B]

SCP [V]. [R] & [F] [P]

Grosse délivrée

le :

à :

Me LESTOURNELLE

Me CLEMENT

SELARL ALLEMAND

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MANOSQUE en date du 02 Octobre 2012 .

APPELANTES

SA ALPAGRI,

dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

Société ALPESUD,

SCA dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me Christian LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [O] [B],

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1], de nationalité française,demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jean-didier CLEMENT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SCP [V]. [R] & [F] [P]

mission conduite par Maître [F] [P] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [O] [B],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Gilbert ALLEMAND de la SELARL ALLEMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Céline PIAT

avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président rapporteur

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2015

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2015,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL [O] [B], avait pour objet social l'activité de vente d'engrais, de produits phytosanitaires, de semences, de matériel pour l'élevage, la jardinerie, la graineterie.

Le capital social originel était détenu à 99,96 % par Monsieur [O] [B] , gérant, son épouse, Madame [L] [S] détenant la part restante.

Par acte sous seing privé du 25 juillet 2002, Monsieur [B] a cédé 75 % du capital social de cette société à la Société ALPAGRI moyennant le prix de 182 885,45.

Une option d'achat au bénéfice de la Société ALPAGRI concernant les 25 % de parts demeurés entre les mains de Monsieur [O] [B] a été consentie, mais l'option n'a jamais été levée.

Monsieur [B] a démissionné de la gérance et le 30 novembre 2007, Monsieur [H] [E], administrateur de la SA ALPAGRI, associé majoritaire, l'a remplacé.

Par jugement du tribunal de commerce de Manosque du 22 janvier 2008, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte sur déclaration de cessation des paiements, à l'égard de la société [O] [B].

La date de cessation des paiements a été fixée provisoirement au 15 décembre 2007.

Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 8 avril 2008, Maître [P] étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.

L'état des créances actualisé a fait apparaître un passif total admis d'un montant de 480 649,44 € , soit 4242, 07 € à titre super privilégié, 104 441, 90 € à titre privilégié et 371 965, 47 € à titre chirographaire.

Par ordonnance en date du 28 octobre 2009, le juge-commissaire a désigné Monsieur [A] [Z], expert-comptable avec pour mission, notamment de se prononcer sur la régularité de la comptabilité de la SARL [O] [B].

Celui-ci a déposé un rapport au vu duquel Maître [P], considérant qu'il existait des fautes de gestion, a saisi le tribunal de commerce de Manosque sur le fondement de l'article L.651-2 du Code de Commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 à l'encontre de Messieurs [E] et [B] ainsi que des sociétés ALPAGRI et ALPESUD.

par jugement en date du 2 octobre 2012, le tribunal de commerce de Manosque a débouté M. [O] [B], M. [H] [E] et les sociétés ALPESUD et ALPAGRI de leurs divers moyens d'irrecevabilité, débouté M. [O] [B] de sa demande de sursis à statuer, débouté Maître [P] liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL [O] [B] de ses demandes formulées à l'encontre de M. [E] [H] déclaré, les sociétés ALPESUD et ALPAGRI, dirigeants de fait de la SARL [O] [B], dit que M. [O] [B] et les sociétés ALPESUD et ALPAGRI ont commis des fautes engageant leur responsabilité et qu'en application de l'article L.652-1 du Code de Commerce, ils doivent supporter une partie de l'insuffisance d'actif de la SARL [O] [B], condamné solidairement M. [O] [B] et les sociétés ALPESUD et ALPAGRI à payer à Maître [P] liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL [O] [B], la somme de 230 000 €, condamné M. [O] [B], la SCA ALPESUD et la SA ALPAGRI à payer à Maître [P] liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL [O] [B], chacun la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, rejeté les autres demandes et statuer sur les dépens.

Les sociétés ALPAGRI et ALPESUD ont interjeté appel de cette décision, par déclaration du 6 novembre 2012.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 23 février 2015 par lesquelles elles demandent à la cour d'ordonner le sursis à statuer, en raison de ce que la procédure pénale concernant M. [O] [B] aura une influence certaine sur le litige, de juger irrecevables les demandes formulées par Maître [P] à rencontre de la société ALPAGRI et de la société ALPESUD , de juger que l'acte délivré à la société ALPAGRI et à la société ALPESUD ne vaut pas assignation au regard des textes applicables dans la loi de sauvegarde et dans les décrets d'application, en conséquence de le dire nul et de nul effet, subsidiairement au fond, de juger qu'il n'est pas établi que la société ALPAGRI et la société ALPESUD ont dirigé de fait la société liquidée, de juger qu'en toute hypothèse aucune faute de gestion n'est démontrée et qu'aucun lien de causalité n'est établi entre l'insuffisance d'actif et les faits reprochés , de statuer ce que de droit sur la demande formulée par Maître [P] à rencontre de Monsieur [O] [B] et de condamner Maître [P] aux entiers dépens distraits au profit de la SCP LESTOURNELLE sous son affirmation de droit.

Les appelantes font valoir que dès sa prise de fonction en qualité de gérant, Monsieur [H] [E] a découvert une situation de trésorerie extrêmement tendue ainsi qu'une baisse du chiffre d'affaires pour l'exercice 2007, de plus de 50 % par rapport à l'exercice 2006, mais également des facturations douteuses ; qu'après retraitement du résultat qui apparaissait au bilan de 2006 sous forme d'un bénéfice de 13 528 €, il a été mis en évidence une perte de l'ordre de 100 000 € ; que dès le 22 décembre 2007 a été déposée une déclaration de cessation des paiements ; qu'une plainte pénale a été déposée pour faux en écriture privée et abus de confiance visant Monsieur [B].

Vu les conclusions déposées et notifiées le 27 février 2015, par lesquelles Maître [P] demande à la cour de rejeter la demande de sursis à statuer formée par les sociétés ALPAGRI et ALPESUD, vu les dispositions de l'article L 651-2 du Code de Commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 et l'article R.651-2 du Code de Commerce dans sa rédaction antérieure au décret du 12 Février 2009, confirmer le jugement dont appel et condamner les appelants à lui payer la somme de 3000 €, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Maître [P] souligne que la cession de parts du 25 juillet 2002 par Monsieur [B] à ALPAGRI s'est accompagnée d'une limitation importante des pouvoirs du gérant, imposée par l'associé majoritaire.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 4 mars 2015 par Monsieur [O] [B] par lesquelles il demande à la cour de prononcer l'irrecevabilité de la demande et d'annuler l'assignation et le jugement dont appel, subsidiairement, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision sur l'instance pénale, d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'action engagée par Maître [P] suite à la disparition du stock de la société [O] [B], très subsidiairement d'infirmer le jugement, de constater qu'il n'était plus le dirigeant de l'entreprise dans les faits, à compter de 2002 et en droit à compter du 1er août 2007, de constater qu'il n'était plus le dirigeant de l'entreprise, tant en droit qu'en fait au moment de la cessation des paiements fixée au 15 décembre 2007, de juger qu'il n'a commis aucune faute ayant contribué au passif de la SARL [O] [B] ; que les fautes de gestion ont été commises par la société ALPAGRI et la société ALPESUD, de rejeter les demandes de Maître [P] dirigées contre lui et de condamner celles-ci aux dépens.

Vu les conclusions du parquet général en date du 15 janvier 2015, par lesquelles il déclare s'en rapporter à la décision de la cour.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 mars 2015.

SUR CE, LA COUR,

1. Monsieur [B] ainsi que les sociétés appelantes font valoir que la citation à comparaitre devant le tribunal de commerce de Manosque, délivrée à la diligence du greffier le 2 novembre 2010, ne contient pas la mention que le dirigeant social doit se présenter en personne, pour son audition.

Mais, par une ordonnance du 21 octobre 2010, jointe à l'assignation signifiée aux appelantes et à M. [B], le président du tribunal de commerce, a prescrit que sur le fondement de l'article R.651-2 du Code de Commerce, les personnes et sociétés mises en cause soient convoquées  « à la diligence du greffier, un mois au moins avant leur audition, par acte d'huissier de justice ou dans les formes prévues à l'article R.631-4 » en vue de « comparaître en personne en chambre du conseil du tribunal de commerce de MANOSQUE 04100 , le mardi 14 Décembre 2010 à 15heures, pour être entendus et présenter leurs observations suite à la requête déposée par Me ALLEMAND Gilbert pour Me [P] [F], es qualité ».

De ce chef, la convocation est donc régulière. 

2. Les appelants font valoir que le tribunal a été irrégulièrement saisi par le mandataire judiciaire par voie de requête, car il aurait dû procéder par voie d'assignation.

Mais, ainsi que le soutient Me [P], au visa des dispositions du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi de sauvegarde de 2005, antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008, puisque la procédure a été ouverte le 8 avril 2008, l'article R.651-2 du Code de Commerce, alors applicable, disposait que « Pour l'application de l'article L.651-2, le ou les dirigeants mis en cause sont convoqués, à la diligence du greffier, un mois avant leur audition, par acte d'huissier de justice ou dans les formes prévues à l'article R.631-4. ».

Ainsi, l'assignation délivrée à la requête du greffier, indissociable de la requête du mandataire judiciaire signifiée par le même acte, a saisi valablement le tribunal, les destinataires ayant, en effet, été pleinement informés des poursuites engagées à leur encontre.

Le moyen sera donc écarté.

3. Les appelantes font valoir que le rapport du juge-commissaire, prévu par l'article R 662-12 du Code de commerce, ne leur a pas été communiqué ; qu'elles n'ont donc pas pu conclure et assurer une véritable défense conforme à l'article 6 de la CEDH, argument repris par Monsieur [B] qui considère qu'a également été violé l'article 16 du code de procédure civile.

Mais, la Cour de Cassation a déjà jugé que « c'est à bon droit et sans violer les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme ni l'article 544 du code civil que la cour d'appel, qui a annulé le jugement pour avoir été rendu sans que le juge-commissaire ait été entendu en son rapport et constaté que cette irrégularité n'affectait pas l'acte introductif d'instance, a énoncé qu'aucun texte ne lui faisant obligation de se décider au vu du rapport du juge-commissaire, elle se trouvait saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel et devait statuer sur le fond des demandes » ( Ch. cciale, 22 mai 2013, 12-18.823).

En tout état de cause, selon l'article 457 du code de procédure civile le jugement a la force probante d'un acte authentique.

Or, en l'espèce, et alors que l'article R.662-12 n'exige aucune forme particulière pour ce rapport, le jugement critiqué mentionne : « Madame le juge-commissaire présent à l'audience a été entendue en son rapport », ce qui suffit à établir la régularité de la procédure, dès lors que les parties ont pu assurer leur défense en connaissance de cause.

4. Monsieur [B] fait valoir que la citation à comparaître mentionne que l'audience se tiendrait en chambre du conseil alors que l'article R. 653-2 du code de commerce ne comporte plus aucune référence à la chambre du conseil. Les appelantes ajoutent que selon l'article L 662-3 du Code de commerce , la publicité des débats est de droit ; qu'or, la convocation délivrée ne comporte aucune référence à ce principe, ce qui est cause de nullité de la saisine du tribunal.

Mais, le vice affectant la citation n'a constitué qu'un vice de forme , de sorte qu'il appartient aux appelants de prouver le grief qu'il leur a causé , ce qu'ils ne font pas, ceci alors que même si la convocation mentionnait la tenue d'une audience en chambre du conseil, le jugement énonce que « à la demande de Maître Allemand, la porte de la chambre du conseil a été ouverte pour rendre les débats publics », ce dont il s'évince que le principe de publicité des débats a été respecté.

5. Les appelantes, qui sollicitent le sursis à statuer, font valoir que sur la plainte pénale qu'elles ont déposée, le juge d'instruction de Digne a renvoyé Monsieur [O] [B], gérant de la SARL [O] [B], devant le tribunal correctionnel pour avoir présenté aux associés des comptes annuels non sincères, en augmentant fictivement le bénéfice des exercices comptables 2005, 2006 et 2007 par des factures correspondant à des travaux non encore réalisés ou pour lesquelles aucune commande n'avait été passée , pour avoir, à la même époque falsifié des factures au nom du client GENOSE par leur inscription en comptabilité, au préjudice des actionnaires, pour avoir, par l'emploi de man'uvres frauduleuses, obtenu frauduleusement le remboursement de son compte courant d'associé, pour avoir tenté de tromper ALPAGRI en la déterminant à lui racheter ses parts sociales en lui présentant des comptes annuels inexacts et pour avoir commis le délit de banqueroute en tenant une comptabilité irrégulière et augmenté frauduleusement le passif de la SARL [O] [B] ; que l'affaire sera jugée le 25 juin 2015; que le sort des poursuites pénales engagées à l'encontre de M. [B] aura une influence déterminante sur le litige dont la cour est présentement saisie.

Mais, Me [P] reproche aux deux sociétés appelantes, prises en leur qualité de dirigeants de fait de la société [O] [B] d'avoir dépossédé celle-ci d'une partie de ses actifs, ce qui se serait traduit pour la débitrice par une perte de chiffre d'affaires et d'avoir poursuivi, de manière abusive, l'exploitation déficitaire de cette société, pour la conduire à la cessation des paiements.

Ces griefs sont distincts des faits visés dans la poursuite pénale dont fait l'objet Monsieur [B], étant ici observé que, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif.

De la même manière, M. [B] ne peut prendre argument de cette situation pour s'associer à la demande de sursis à statuer des sociétés appelantes sous le prétexte que certaines pièces du dossier pénal pourront éclairer la cour sur les responsabilités respectives des parties.

Il ne peut davantage soutenir que le sursis à statuer est nécessaire afin de permettre l'identification des auteurs d'un important vol de marchandises commis dans le magasin le 20 décembre 2007, ceci dans le but de recouvrer des actifs supplémentaires.

En effet, aucune plainte n'a été déposée à ce jour même si Monsieur [B] appelle instamment de ses v'ux le dépôt d'une telle plainte par Me [P].

En définitive, la disposition de l'article 4 du code de procédure pénale, selon laquelle « la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient », trouve parfaitement à s'appliquer au cas présent tant la décision à intervenir au pénal est peu susceptible d'exercer une véritable influence sur la solution du procès civil en cours.

La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.

6. Me [P] ne conteste pas la décision du tribunal qui a considéré qu'aucune faute de gestion ne pouvait être retenue à l'encontre de Monsieur [E], qui a succédé comme gérant à Monsieur [B] le 29 octobre 2007, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'appesantir sur les développements consacrés à cette question par les sociétés appelantes dans leurs conclusions.

7. Monsieur [B] fait valoir qu'entre le 25 juillet 2002, date de la cession de 75 % de ses parts à la société ALPAGRI et le 1e août 2007, quoiqu'ayant conservé le titre de gérant, il n'a pas exercé ses pouvoirs, car dès 2002, ALPAGRI a décidé de la politique commerciale de la SARL [O] [B] et pris l'ensemble des décisions devenant la dirigeante de cette société ; que cette situation est parfaitement illustrée par la résolution prise par l'assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2002, dans les termes suivants : « l'assemblée générale décide d'apporter une limitation aux pouvoirs du gérant, à savoir que celui-ci devra solliciter une autorisation préalable de la collectivité des associés, consultés par écrits ou réunis en assemblée générale à cet effet pour toute réalisation d'investissements supérieurs à une valeur de 3000 € hors-taxes (') ; Toutes commandes fermes d'achat pour un montant supérieur à 10 000 € hors-taxes ; la conclusion de tout bail, la réalisation d'emprunt, l'embauche et le licenciement de salariés, sauf en cas d'urgence caractérisée ou bien pour pourvoir à des remplacements » ; que, dans les faits, il a été soumis à un lien de subordination « psychologique » et ne pouvait donc pas s'opposer aux décisions des dirigeants de la société ALPAGRI qui ont, petit à petit accentué la subordination en limitant la trésorerie et en utilisant comme moyen de chantage le fait qu'il existait une option d'achat sur les titres restants qui risquait de ne pas être levée ; que des courriers internes démontrent que le groupe société ALPESUD exposait les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en 'uvre pour y parvenir ; que l'ancien directeur de la société ALPESUD Monsieur [H] [I] en atteste ; qu'il existait des contrôles fréquents sur site ; qu'il devait adresser des comptes rendus hebdomadaires de l'activité commerciale et un rapport de caisse mensuel ; que le fait qu'il n'a été considéré que comme un salarié, résulte encore d'un courrier du 26 août 2002, dans lequel il est écrit : « le but de cette première approche est d'apporter à la structure [B] notre savoir-faire en termes de clientèle grand public pour améliorer le magasin déjà connu et fortement apprécié. L'enjeu est d'optimiser la rentabilité au mètre carré » ; que dans une note qui lui a été adressée le 17 octobre 2002, il est écrit : « il est donc important que [O] [B] soit dégagé des soucis logistiques et [Établissement 2] en se déchargeant sur [T] et [G]. Le chiffre d'affaires n'est pas à la hauteur de nos espérances. Il reste deux mois et demi pour boucler le bilan. Il faut conforter nos positions. La réussite ne peut passer que par un travail d'équipe entre les deux sociétés ; nos administrateurs attendent une rentabilité de leurs investissements » ; que dans un courrier du 4 février 2003, il est écrit : « il est urgent de nous faire parvenir votre fichier client afin de pouvoir déterminer qui fait quoi chez les agriculteurs. Il est également urgent de fournir à [M] [K] vos tarifs COFNA qui nous sont essentiels pour mieux revoir l'environnement concurrentiel. Nous comptons sur vous pour mettre rapidement en 'uvre les différents points demandés » ; que dans un courrier du 3 avril 2003 il est écrit : « je suis particulièrement déçu de l'organisation du [Établissement 2]. Malgré nos recommandations, continuité de commandes ailleurs qu'à LISADIS et le plus chez un de nos concurrents. LISADIS est notre fournisseur privilégié et vous devez suivre la politique d'achat et donc sélectionner des fournisseurs d'ALPAGRI. Le magasin de [Localité 2] doit décoller comme les autres magasins et avoir le même taux de croissance et [G] est l'animateur de tout le réseau ALPAGRI et est là pour conseiller tous les magasins, ces recommandations doivent être suivies » ; que dans un courrier du 15 mai 2003, il est écrit par l'associé majoritaire : « nous constatons que nos recommandations n'ont pas été suivies d'effet. Nous ne pouvons rester les bras croisés devant une telle situation et des solutions doivent être mises en place au plus tard le 1er septembre » ; que le 12 décembre 2003 il a été écrit : « la société [B] fait partie d'ALPAGRI en conséquence la même politique d'achat doit être respectée dans l'ensemble des magasins [Établissement 2]. [U] [G] est l'animateur du réseau et gère en tant que tel les fournisseurs de l'ensemble des magasins et fera respecter la même méthodologie de commandes. À compter de ce jour, je demande solennellement au magasin de [Localité 2] de ne plus butiner aux fournisseurs ce qui est une perte de temps et d'énergie. [D] [N] continuera à passer les commandes aux fournisseurs privilégiés d'ALPAGRI et nous comptons sur lui pour développer [Localité 2] avec succès, fort de son expérience plus que positive à [Localité 3] » ; que dans un courrier du 22 juin 2005 il est encore écrit par l'associé majoritaire : « tous les devis devront passer par [X]. Une rencontre hebdomadaire avec [U] [G] sera faite le vendredi matin à la SA [B] afin de faire le point de la semaine. Pour cela, [O] [B] devra remplir une fiche de suivi d'activité hebdomadaire qui sera transmise ».

Mais, si la teneur de ces délibérations, pièces et courriers n'est pas contestée en soi par les sociétés appelantes, qui en font cependant une autre lecture, il demeure que M. [B] a choisi de conserver la gérance entre 2002 et 2007.

Il doit donc assumer la responsabilité inhérente à son pouvoir de direction, dès lors que l'immixtion extérieure dont il fait état ne l'a pas privé de tout pouvoir de gestion dans la société en matière d'établissement des comptes sociaux, puisqu'il est appelé à répondre devant le tribunal correctionnel de diverses infractions relatives à la présentation des comptes et bilans, après 2002.

En outre, il s'évince des courriers de reproche de l'associé majoritaire que son autonomie de gestion était mal perçue, ce qui montre que, quoique bridée, elle existait réellement.

8. Les sociétés appelantes opposent à l'action exercée par Me [P] le fait que seuls les dirigeants personnes physiques peuvent être poursuivis en application de l'article L. 653-1 du code de commerce.

Mais, l'article L.653-1 du Code de Commerce ne vaut que pour la faillite personnelle et les autres mesures d'interdiction, alors que l'article L.651-1 du Code de Commerce, ici applicable, ne prévoit pas d'exception quant à la responsabilité des personnes morales dirigeantes.

9. Les sociétés ALPAGRI et ALPESUD contestent avoir exercé une direction de fait sur la débitrice. Ils font valoir qu'en 2002, la volonté des dirigeants de la société ALPAGRI était de développer l'activité de jardinerie en réorganisant les locaux ainsi que les sources d'approvisionnement du magasin, mais également d'accroître le chiffre d'affaires de l'activité bâtiment et matériel d'élevage ; que la société ALPAGRI était un partenaire jouissant d'une certaine notoriété dans le département des ALPES DE HAUTE PROVENCE, possédant huit magasins grand public « [Établissement 1] » ; que le fait d'appartenir à un groupe de sociétés, d'avoir une communauté de clientèle et une imbrication d'intérêts résultant d'une interdépendance des engagements commerciaux n'entraîne pas la qualification de dirigeant de fait aux sociétés du groupe, pas plus que la mise en 'uvre d'une politique commerciale commune entre les entités ; que l'assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2002 de la SARL [O] [B] a été convoquée pour obtenir l'agrément de cession au profit d'ALPAGRI, hors la présence de cette dernière ; que Monsieur [O] [B] et son épouse ont ensuite disposé que le gérant aurait des pouvoirs limités ; que les autres délibérations prises par cette assemblée générale ont été favorables à M. [B] ; que, concrètement, Monsieur [O] [B] a pris seul les décisions de gestion pour la SARL [O] [B] ; que, quelques semaines avant l'entrée au capital d'ALPAGRI, la famille [B] avait fait augmenter les loyers du magasin ; que Monsieur [O] [B] a licencié Monsieur [Y] sans en référer à la société ALPAGRI ; qu'il a aussi embauché des monteurs sur les chantiers dans les mêmes conditions ; qu'ALPAGRI n'est jamais intervenue dans la politique d'embauche et de licenciement, ni sur les comptes bancaires ; qu'un investissement de 30 000 € de travaux de réaménagement a été réalisé sans accord préalable d'ALPAGRI ou d'ALPESUD ; qu'il n'y a pas eu transfert de chiffre d'affaires de la SARL [O] [B], au profit du groupe ALPESUD, mais baisse d'activité sur quatre années s'expliquant par la vive concurrence et le manque d'approvisionnement ; que la comparaison des évolutions du chiffre d'affaires du groupe ALPESUD et de la SARL [O] [B] permet de constater l'absence d'augmentation du chiffre d'affaires d'ALPESUD.

Mais, contrairement à ce qu'elles soutiennent, ces deux sociétés ont accompli des actes de direction allant bien au-delà d'une politique de groupe, caractérisés par des instructions permanentes données au gérant de droit.

En effet, ayant acquis 75% du capital social de la Société [O], elles sont à l'origine d'une grande partie des décisions appliquées.

Ainsi, dans son rapport, l'expert [Z], indique: « A compter de l'entrée dans le capital du Groupe ALPESUD, la SARL [O] [B] a été tenue de suivre les directives du groupe en matière de gestion. Je dispose de divers courriers internes au sein desquels, le Groupe ALPESUD expose les objectifs à atteindre et les moyens pour y parvenir et impose son personnel et ses contrôles sur site. Monsieur [B] était par ailleurs tenu d'adresser des comptes rendus hebdomadaires de l'activité commerciale et un rapport de caisse mensuel (suivi de caisse, fréquentation, panier moyen, tableau de caisse, clients facturés, tableau de suivi des objectifs de vente, histogramme ventes). La mise en place de ces procédures « Groupe » a engendré des coûts importants pour la société (réaménagement du magasin, surcoût de masse salariale qui passe de 14% en moyenne avant la cession à 31% en 2005, 27% en 2006 et 29 % en 2007, élargissement de la gamme».

Cette appréciation est en parfaite adéquation avec les pièces énumérées au point 7, lesquelles illustrent le résultat de la délibération de l'assemblée générale du 22 juillet 2002 qui fait apparaitre que la cession était indubitablement conditionnée par l'abandon d'un grand nombre de prérogatives de direction du dirigeant, peu important que le procès-verbal de cette assemblée générale n'at pas été publié, ce qui n'a d'incidence que vis-à-vis des tiers.

Il s'en conclut que les sociétés du groupe ALPESUD exerçaient une gestion de fait dont elles doivent répondre, comme M. [B].

10. La première faute de gestion que Maître [P] reproche à M. [B] est relative à son absence de réaction devant la perte d'une partie du capital social, ceci au visa de l'expertise de M. [Z], qui a dit dans son rapport : « Ainsi avec un capital social de 166 K€, il s'avère que les capitaux propres de la société étaient inférieurs à la moitié du capital social dès l'exercice 2005 et que la procédure juridique a mettre en 'uvre dans une telle situation aurait dû être appliquée ».

Mais, la perte de plus de la moitié du capital social ayant été constatée sur le bilan au 31 décembre 2005, l'article L. 233-42 du code de commerce autorisait la reconstitution du capital social jusqu'au 31 décembre 2007, soit à une date où Monsieur [B] avait déjà démissionné de la gérance, qui était désormais entre les mains de M. [E].

De plus, au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce, une faute de gestion ne peut être prise en compte qu'autant qu'elle a contribué à l'insuffisance d'actif, lien qui n'est pas démontré en l'espèce.

11. Le second reproche visant Monsieur [B] concerne les anomalies affectant la comptabilité telles l'absence de dépréciation du fonds de commerce (111), l'absence de dépréciation des stocks (112) et les décalages produits dans les résultats par suite de la facturation GENOSE (113).

111. Selon le rapport de l'expert [Z], le fonds de commerce inscrit au bilan de la société a été apporté pour une valeur de 152 K€ en juin 1992 en échange de parts sociales.

Or, à la fin d'exercice 2004 le résultat d'exploitation a enregistré une perte de plus de 60 k€ ce qui a affecté la valeur du fonds de commerce.

Cela est si vrai que la société mère a enregistré dans ses comptes sociaux 2004/2005 une dépréciation sur les titres SARL [O] [B] qu'elle détient à hauteur de plus de 40 000 € et cette information a été transmise par la société ALPAGRI à Monsieur [B] par courrier en date du 16 mai 2005 soit plus de 40 jours avant l'assemblée générale d'approbation des comptes sociaux 2004 de la SARL [B] [O].

Pour autant, ceci n'a pas entrainé une dépréciation du fonds de commerce dans les comptes de la société.

En définitive, cette valeur a affecté les comptes du bilan et donné de celui-ci une image fausse, ce qui a contribué à la poursuite de l'exploitation durant laquelle le passif n'a fait qu'augmenter.

Il existe donc un lien de causalité entre une telle faute et l'insuffisance d'actif.

112. Monsieur [B] conteste le grief pris de l'absence de dépréciation du stock, faisant valoir qu'il est imprécis et que les inventaires ont été systématiquement réalisés par la société d'ALPAGRI qui a vidé la société [B] de toute substance en lui prenant son stock et sa clientèle.

Mais l'exigence de sincérité du bilan imposait la prise en compte de valeurs non artificiellement augmentées.

Or, l'expert [Z] note dans son rapport que les stocks de la société n'ont jamais fait l'objet d'aucune dépréciation, alors que dans ce secteur d'activité, la société LISALP, filiale du groupe ALPESUD a constaté des provisions représentant respectivement 3.4% et 2.7% pour les exercices 2007/2008 et 2008/2009 et que sur les mêmes périodes, la société ALPAGRI a constaté des provisions de 9.6% et 10%.

En soi ces constatations suffisent à mettre en évidence l'anomalie de la comptabilité de la SARL [O] [B], dont l'étude des ratios montre au surplus un stock en forte croissance de 2001 à 2004,par rapport au chiffre d'affaires, ce qui confirme que les stocks auraient dû être dépréciés.

Cette situation procède à l'évidence d'un calcul délibéré la part de Monsieur [B], car il a déclaré à l'expert que concernant la dépréciation du stock, le comptable proposait un chiffrage après inventaire, alors que cet expert a constaté que la dépréciation proposée par le comptable n'a jamais été prise en compte dans les états financiers de la société.

La situation est parfaitement comparable à celle qui a été vue au point précédent, quant à l'incidence de la comptabilisation d'une valeur non sincère, étant ici observé que la question n'est pas celle de l'évaluation du stock physique après inventaire, dont M. [B] affirme qu'elle était faite par ALPAGRI, mais des correctifs comptables à appliquer, ce qui relevait de sa responsabilité.

Le lien de causalité entre la faute de gestion et l'insuffisance d'actif est donc établie.

113. En décembre 2005, le client GENOSE a accepté deux devis pour un montant total de 123 K€ HT. La décision a alors été prise de constater le produit de cette vente sur l'exercice 2005 bien que les travaux aient été réalisés en 2006 et 2007.

Devant l'expert, M. [B] a ainsi justifié cette décision : « le fonds de roulement toujours absent, le compte fournisseurs devenant trop important, aucune communication entre ma direction et mes banques, je me retrouve seul devant une situation que je ne maîtrise pas mais je dois de toute façon gérer. ALPAGRI ne me transfère toujours pas ses clients et m'augmente les charges de structure (masse salariale). C'est alors que la vente de GENOSE arrive et que nous prenons la solution d'avancer la vente sur le bilan pour améliorer le résultat et sauver l'entreprise en attendant notre rendez-vous de 2006 ».

L'expert considère qu'il s'agit là d'une anomalie comptable et rappelle le principe selon lequel tout produit et toute charge doit être rattaché à l'exercice auquel son fait générateur se rapporte, indépendamment de la date de facturation.

Au vu des éléments qui lui ont été communiqués il a rétabli les comptes en partant du principe que le chantier avait commencé en octobre 2006 pour se terminer en juin 2007 et a conclu que le produit constaté d'avance au 31 décembre 2006 était de 71 K€, constatation cependant tempérée par le fait que l'impact de la comptabilisation d'un produit en 2005 a été compensée par la charge des travaux effectués en 2006.

En revanche, une nouvelle facture à établir de 120 K€ a été comptabilisée au 31 décembre 2006, concernant le chantier GENOSE, dont M. [B] indique, sans l'établir, qu'elle devait correspondre à une deuxième tranche de travaux dont il pensait qu'elle se déroulerait comme la première.

Le fait est que sa comptabilisation est intervenue sans devis signé, l'expert considérant ici que cette écriture n'avait pas lieu d'être et qu'elle a permis d'enregistrer un produit fictif qui a bonifié l'exercice 2006 de 120 K€.

Il s'agit donc encore, d'un artifice comptable, affectant la sincérité des comptes, qui a permis de faire perdurer l'exploitation (déficitaire de 54 K€ au 31 décembre 2006 et de 135 K€ lors de l'exercice clôturé au 31 décembre 2007) et d'aggraver ainsi le passif, les capitaux propres de la société étant, quant à eux, inférieurs à la moitié du capital social dès l'exercice 2005.

12. Au titre des fautes de gestion, Me [P] reproche à la société ALPAGRI de s'être substituée à la SARL [B] pour le règlement du compte-courant de Monsieur [B] en 2006 et aux sociétés ALPESUD et ALPAGRI d'avoir procédé à des transferts d'actifs au préjudice de la débitrice.

121. S'agissant du premier point, il n'est pas établi en quoi ce paiement, qui a déchargé la débitrice d'une dette, a contribué à l'aggravation du passif.

122. En revanche, le second grief est établi, le rapport de l'expert [Z] et d'autres éléments prouvant les transferts d'actifs qui se sont traduits par une perte de chiffre d'affaires pour la SARL [O] [B] au profit du Groupe ALPESUD.

Ainsi, dans une lettre du 7 février 2003, Monsieur [I], représentant de la société ALPESUD a sollicité Monsieur [B] en ces termes (pièce n°13) : « Il est urgent de nous faire parvenir votre fichier clients afin de pouvoir déterminer qui fait quoi chez les agriculteurs. Notre cible est avant tout de prendre des parts de marché chez les autres concurrents ('). Dès réception de ce fichier, [M] [K] organisera une réunion avec vous et les responsables de [Localité 2] pour déterminer les règles du jeu ».

Dans un « compte rendu du magasin [B] » en date du 14 novembre 2006, (pièce n°15) Monsieur [G] a confirmé ce transfert dans ces termes : « transfert de la clientèle des agriculteurs vers le dépôt ALPESUD, donc des ventes magasins perdues ».

Monsieur [B] a lui-même écrit une lettre explicite à ce sujet à Monsieur [W], Président d'ALPRAGRI le 29 mai 2006 lui indiquant que « La notion d'unité et d'équipe doit être de nouveau bien expliquée» et chiffrant le transfert de chiffre d'affaires sur le dépôt d'ALPESUD de [Localité 2] à 255 552,25 euros en 2002, de 203 424, 82 euros en 2003, de 193 128, 43 euros en 2004 et de 140 736, 99 euros en 2005, (pièce n°14).

Cette lettre est demeurée sans réponse.

Les explications qui ont été données à l'expert à ce sujet par les sociétés du groupe ALPESUD ne lui sont pas apparues probantes et devant a cour les appelantes ne produisent aucun élément permettant d'écarter les preuves de ces transferts d'actifs, si ce n'est des chiffres susceptibles de plusieurs interprétations, ce dont il se déduit qu'en procédant ainsi, les sociétés appelantes, ont commis une faute de gestion qui a contribué à l'aggravation du passif de la débitrice, la privant des recettes attendues en contrepartie des charges qu'elle avait exposées, étant observé qu'est sans portée le moyen pris par elles ce que l'augmentation du passif est imputable à la gestion de Monsieur [B] seulement, car leur implication dans la gestion est contemporain de leur prise de participation dans le capital social.

13. L'état des créances actualisé fait apparaître un passif total admis d'un montant de 480 649,44 € ( 4 242, 07 € à titre super privilégié ; 104 441, 90 € à titre privilégié et 371 965, 47 € à titre chirographaire), tandis que le montant des actifs réalisés est de 49 321, 92 €, comme mentionné sur la fiche comptable produite (pièce n°21).

Quant au règlement effectué pour un montant total de 58 446, 65 € par la Commune PUY ST PIERRE au CREDIT AGRICOLE dans le cadre des lois DAILLY, comme affirmé par les sociétés appelantes, il ne résulte d'aucune pièce, Me [P] indiquant qu'il n'y a pas eu de déclaration de créance rectificative déposée par le CREDIT AGRICOLE.

Me [P] fait aussi valoir, sans être sérieusement contredite, que ni l'administrateur judiciaire, ni Monsieur [H] [E], gérant de la SARL [O] [B] ne lui ont communiqué d'éléments concernant les encaissements compte clients entre le 22 janvier 2008 et le 8 avril 2008, de sorte qu'il ne peut être soutenu que la trésorerie de la société a été abondée pendant la période d'observation.

Au vu de ces chiffres, il existe donc, de manière certaine, un passif excédant l'actif.

14. Me [P] est fondée à faire valoir que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L.651-2, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif ; qu'en l'espèce, les actes de gestion des deux sociétés appelantes et de Monsieur [B] sont directement à l'origine de la déconfiture de la SARL [O] [B], même s'il est vrai que les raisons de la défaillance de l'entreprise ont été multiples comme l'a relevé l'expert, du fait de circonstances conjoncturelles en raison de la vive concurrence des grandes enseignes et des grandes surfaces.

Sur le principe, le jugement doit donc être confirmé, l'insuffisance d'actif existant dès la mise en place des premiers artifices comptables destinés à la masquer.

Mais, la responsabilité des dirigeants étant tempérée par ce qui vient d'être dit, il convient de ramener la condamnation à la somme de 50 000 € par dirigeant, sans solidarité entre eux, dès lors qu'il s'est agi de fautes conjuguées, commises par des auteurs dont les intérêts étaient parfois antagonistes, dues au fait que le groupe ALPASUD a pesé dans la gestion de tout le poids de sa participation dans le capital social de la débitrice et de ce que Monsieur [B], poursuivait à l'évidence l'objectif de se désengager aux meilleures conditions financières, fut-ce au prix d'artifices comptables.

Chacun des appelants sera condamné à payer la somme de 1000 € à Me [P], au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ils seront condamnés conjointement aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Rejetant tous autres moyens et exceptions,

Reçoit les demandes de Me [P],

Rejette la demande de sursis à statuer,

Confirme le jugement entrepris, sauf à ramener le montant de la condamnation prononcée au profit de Me [P] à l'encontre de chacun des dirigeants, à la somme de 50 000 €, sans solidarité,

En conséquence, condamne Monsieur [O] [B], la SA ALPAGRI et la SCA ALPESUD chacun, à payer à Me [P] la somme de 50 000 € au titre de leur contribution à l'insuffisance d'actif de la SARL [O] [B],

Rejette toute autre demande,

Condamne Monsieur [O] [B], la SA ALPAGRI et la SCA ALPESUD chacun, à payer à Me [P] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne conjointement aux dépens.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/20872
Date de la décision : 22/04/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/20872 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-22;12.20872 ?
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