COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 AVRIL 2015
N° 2015/331
Rôle N° 15/00613
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES P ROVENCE
C/
SARL CHATEAURENARD DE VALORI
Grosse délivrée
le :
à : Me Lise TRUPHEME
la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 05 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00051.
APPELANTE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Lise TRUPHEME, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE
INTIMEE
SARL CHATEAURENARD DE VALORI Pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jérôme VEYRAT-GIRARD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier COLENO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président (rédacteur)
Madame Françoise BEL, Conseiller
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2015,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement d'orientation dont appel du 5 janvier 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarascon a rejeté la demande de validation de la procédure de saisie immobilière engagée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE contre la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALORI en vertu de la copie exécutoire d'un acte notarié du 25 mai 2007 portant vente et crédits de trésorerie pour une durée de 24 mois de montants de 2.170.000 € destinés à l'acquisition du foncier d'un programme immobilier et de 300.000 € destinés au financement des travaux, faute par le créancier de justifier de sa créance par un décompte détaillé propre à permettre au juge d'en fixer le montant en présence d'une contestation, outre l'absence de tableau d'amortissement dans l'acte notarié de prêt.
Vu la remise faite au greffe le 30 janvier 2015 des assignations à jour fixe délivrées sur autorisation du 22 janvier 2015,
Vu les dernières conclusions déposées par RPVA le 24 février 2015 par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE, appelante, tendant à l'infirmation de cette décision et demandant à la Cour :
-de juger que le juge de l'exécution est compétent pour fixer la créance, qu'elle rapporte la preuve de l'existence et du montant de sa créance, de la fixer à 536.891,84 € outre intérêts de retard au taux variable T4M + 3%+3%,
-de juger que les demandes de restitution fondées sur une contestation de l'existence du taux d'intérêts variable de chaque crédit de trésorerie mentionné dans l'acte notarié du 25 mai 2007 sont irrecevables comme prescrites depuis le 25 mai 2012,
-de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer sollicitée postérieurement à la défense au fond tenant à l'irrecevabilité de l'action faute de justification du montant de la créance,
-de statuer ce que de droit sur la demande d'autorisation de vente amiable et de juger que l'immeuble ne saurait être vendu à un prix inférieur à 406.500 €,
soutenant notamment :
que s'agissant d'ouvertures de crédit en compte courant, il ne pouvait y avoir de tableau d'amortissement et que le mode de calcul des intérêts est bien précisé tant dans le corps de l'acte que dans l'annexe, selon les montants des utilisations effectives, perçus mensuellement en valeur du trimestre échu,
que le point de départ de la contestation du taux d'intérêt conventionnel est la date de la convention, ici le 25 mai 2007, la contestation élevée pour la première fois par conclusions du 2 avril 2014, au-delà du délai de 5 ans, étant tardive,
que les montants dus en toutes leurs composantes résultent des décomptes et relevés de compte produits, que s'agissant d'ouvertures de crédit en compte courant, il ne peut pas y avoir de capital restant dû mais un solde débiteur,
que les deux erreurs matérielles affectant le libellé des intérêts -leurs dates- au décompte du commandement ne touchaient pas le montant du solde débiteur,
que le T4M ou taux moyen mensuel du marché monétaire, moyenne arithmétique mensuelle de l'EONIA (Euro overNight Index Average) publié tous les jours, existe bien et est expressément mentionné dans l'acte notarié,
qu'elle a accepté à titre commercial de compenser les sous-comptes, alors que la compensation n'est pas prévue par la convention, et accepte à nouveau de compenser la somme de 43.538,11 € correspondant au préjudice invoqué, ce qui ramène sa créance à 536.891,84 € au 17 juillet 2013,
Vu les dernières conclusions déposées le 23 février 2015 par la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALORI tendant à titre principal à la confirmation du jugement dont appel, demandant subsidiairement à la Cour :
-sur la fixation de la créance, de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive à intervenir dans l'instance engagée au fond le 18 mars 2014 devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, ou de fixer le montant de la créance à 580.429,95 € outre intérêts dont à déduire 43.538,11 € et 172.220,14 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2012, le solde portant intérêts à 6% à compter du 30 janvier 2012 suivant décompte à fournir par la banque,
-de l'autoriser à poursuivre la vente amiable des lots n°2, 105 et 202 aux prix minimum respectivement de 130.000 €, 35.000 € et 130.000 €,
-dans la négative de fixer les mises à prix respectivement à 80.000 €, 30.000 € et 80.000 €,
soutenant notamment :
que la dernière pièce produite retraçant le compte depuis l'origine est totalement erronée et repose sur un taux d'intérêts qui n'existe pas,
que c'est fautivement que la banque a fait fonctionner le prêt en deux comptes, un débitant des agios et l'autre séparé recevant les fonds des acquéreurs du programme immobilier, percevant ainsi des agios indus et par surcroît calculés sur un taux non contractuel et excessif,
que la prescription n'est pas encourue pour le fonctionnement du compte, que la banque a renoncé à s'en prévaloir,
que l'acte ne fait pas référence au taux EONIA,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE soutient à bon droit que la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure qui, aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, doit à peine d'irrecevabilité être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, et que celle prise par la S.A.R.L. CHATEAURENARD d'une action qu'elle a intentée le 18 mars 2014 devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, mais pour des causes qui pré-existaient au dépôt de ses conclusions au fond en première instance, en l'occurrence le fonctionnement de ses comptes bancaires et la validité du taux d'intérêts appliqué, est irrecevable ;
Attendu qu'aux termes de l'article L213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ;
que les contestations de la créance ressortissent en conséquence à la compétence du juge de l'exécution ;
Attendu que la contestation de la créance tirée d'un défaut de compensation des soldes débiteurs des utilisations des ouvertures de crédit en compte-courant avec les sommes créditrices issues des ventes de l'immeuble par fractions est dépourvue d'objet dès lors que la banque a accepté d'y procéder et d'opérer les déductions d'agios qui en découlaient et ce, pour l'intégralité des montants auxquels prétendait la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALORI, et en dernier lieu pour la somme de 43.538,11 € ;
Attendu, sur la contestation du taux d'intérêt appliqué, que la prescription est une fin de non-recevoir qui peut donc être proposée en tout état de cause par application des dispositions des articles 122 et 123 du code de procédure civile ;
que rien ne démontre que la banque y aurait renoncé, ce à quoi ne suffit pas le fait qu'elle ne s'en soit pas prévalue en première instance ;
que le Crédit Agricole, qui y est donc recevable, soutient à bon droit que l'exception de nullité de la clause d'intérêts stipulée au contrat du 25 mai 2007 est prescrite, faute d'avoir été soulevée avant l'instance ouverte devant le juge de l'exécution par assignation du 7 janvier 2014, soit plus de cinq ans après la signature de l'acte ;
que la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI qui prétend que le taux « T4M » n'aurait pas existé dès avant l'époque où l'acte a été signé, n'explique pas et ne justifie pas que, professionnel des affaires s'engageant sur une ouverture de crédit de près de deux millions et demi d'euros, elle aurait pu l'ignorer alors, et n'est donc pas fondée à prétendre que le point de départ du délai de prescription devrait être reculé ;
Attendu qu'il est vrai, comme elle le soutient, que la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI ne se prévaut pas expressément d'une nullité de la clause, et n'en demande pas le prononcé des conséquences, qui seraient l'application du taux légal ;
mais qu'elle n'est pas fondée en sa contestation de ce qu'elle désigne comme portant sur l'exacte application des clauses contractuelles pour le calcul de la créance dont elle ne conteste pas l'existence mais l'exactitude de son calcul ;
qu'en effet, l'inexistence alléguée du taux « T4M » n'est pas autrement démontrée par la société, que par l'affirmation dans ses conclusions qu'il n'est pas contestable que le taux T4M n'existait plus dès avant la signature de l'acte de prêt, ce qui n'est pas une démonstration, et dans ses pièces que par un document joint à sa lettre en pièce n°9 qui est un article puisé sur internet intitulé « l'EONIA et son ancêtre le T4M » ;
que cet article dit en effet précisément le contraire, à savoir que le T4M continue d'exister malgré la disparition le 1er janvier 1999 de la cotation par la BANQUE DE FRANCE du TMP (taux moyen pondéré) sur lequel il était fondé, TMP qui est remplacé par l'EONIA ou TEMPE en français, lui-même calculé pour l'ensemble de la zone EURO par la BANQUE CENTRALE EUROPEENNE et à partir duquel le T4M est désormais calculé et publié par l'Association Française des Banques ;
qu'au jour de l'acte, le T4M existait donc bien, calculé depuis le 1er janvier 1999 sur la base de l'EONIA ou TEMPE, taux quotidien dont il est la moyenne mensuelle ;
Attendu par conséquent que sont privées de fondement les prétentions de la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI qui tendent à recalculer la dette en tenant pour zéro le terme T4M de l'intérêt contractuel pour ne retenir que les pourcentages qui y sont ajoutés, c'est-à-dire (T4M) +3% pour le taux ordinaire, puis (T4M) +3%+3% pour le taux majoré après l'échéance contractuelle au terme des deux ans de la durée de l'ouverture de crédit ;
que c'est donc sans fondement que la société prétend voir retrancher de la créance résultant du relevé de compte produit par la banque (sa pièce n°12) la somme de 172.220,14 € calculée à partir de ses tableaux n°4 et 5, c'est-à-dire avec un taux de référence (T4M) ramené à zéro, et voir appliquer un taux limité à 6% sur le solde ;
Attendu par conséquent qu'il doit être fait droit aux demandes de la banque, intégralement justifiées en ce qui concerne le montant de la créance ;
Attendu qu'il résulte des motifs qui précèdent qu'il est vainement contesté que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE justifie être munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies ;
que le jugement est réformé ;
Attendu que la demande d'autorisation de vente amiable avait été présentée en première instance et est recevable ;
Attendu que la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI justifie, ce qui n'est pas discuté, multiplier les diligences afin de parvenir à la vente amiable des derniers lots de son programme ;
qu'il convient de faire droit à la demande d'autorisation de vente amiable aux conditions avancées, qui apparaissent justifiées en l'état de la mévente persistante du programme immobilier, et alors qu'inversement, la banque ne justifie pas du montant des exigences, pourtant précisément chiffrées mais seulement globalement, qu'elle entend voir imposer ;
Attendu que le dossier de la procédure est pour le surplus renvoyé au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TARASCON en vue de la taxation des frais de poursuite et de la fixation de la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée conformément aux dispositions de l'article R322-21 du code des procédures civiles d'exécution, tous éléments sur lesquels la Cour n'est pas en mesure de prononcer ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement dont appel et, statuant à nouveau,
Déclare la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI irrecevable en sa demande de sursis à statuer ;
Déclare la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI mal fondée en ses contestations de la créance et l'en déboute ;
Juge que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE justifie être munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies ;
Valide en conséquence la procédure de saisie immobilière engagée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE contre la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI ;
Mentionne que la saisie immobilière est poursuivie pour recouvrement d'une créance de 536.891,84 € (CINQ CENT TRENTE SIX MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT ONZE EUROS QUATRE-VINGT QUATRE CENTIMES) outre intérêts de retard au taux variable T4M + 3%+3% à compter du 17 juillet 2013 ;
Autorise la vente amiable des lots saisis n°2, 105 et 202 de l'immeuble ;
Fixe à 130.000 €, 35.000 € et 130.000 € net vendeur respectivement le prix en deçà duquel chacun des lots lots n°2, 105 et 202 de la vente visés à l'assignation ne pourra être vendu ;
Renvoie le dossier de la procédure au juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TARASCON en vue de la taxation des frais de poursuite et de la fixation de la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée conformément aux dispositions de l'article R322-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples;
Condamne la S.A.R.L. CHATEAURENARD DE VALAURI aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,