COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 17 AVRIL 2015
N° 2015/325
Rôle N° 13/24899
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
C/
SA SECOMAT INGENIERIE INDUSTRIELLE
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS)
Grosse délivrée
le :
à :
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
SCP ROUSTAN - BERIDOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de Cour de Cassation en date du 20 Septembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° R11-21149.
APPELANTE
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Mme [F] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
SA SECOMAT INGENIERIE INDUSTRIELLE, demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP ROUSTAN - BERIDOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Marc BERIDOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS), demeurant [Adresse 2]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre
Madame Pascale MARTIN, Conseiller
Madame Annick CORONA, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2015.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2015.
Signé par Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M [W] a été embauché par la société SECOMAT INGENERIE INDUSTRIELLE le 1er juillet 1991 comme cadre.
Une procédure de licenciement pour faute grave a été entreprise à son encontre en juin 2002.
Les parties ont cependant, convenu d'un accord transactionnel le 4 juillet 2002 par lequel la société SECOMAT réglait à M [W] une indemnité transactionnelle forfaitaire de 40.000 € .
A l'occasion d'une vérification des cotisations sociales payées par la société SECOMAT, les services de l'URSSAF des Bouches du Rhône ont été conduits à relever certaines anomalies qui ont donné lieu à une lettre d'observations du 26 octobre 2004 pour un montant de 104 636 €.
La société SECOMAT était notamment informée de la réintégration dans l'assiette des cotisations, de la partie de l'indemnité transactionnelle payée à M [W] correspondant à son préavis, soit une régularisation de 7 923 €.
La commission de recours amiable de l'URSSAF, par décision du 27 juin 2005, a confirmé le redressement, s'agissant de la réintégration dans l'assiette des cotisations de la part de l'indemnité transactionnelle correspondant à l'indemnité de préavis, l'a infirmé sur d'autres points étrangers au présent litige et en conséquence a considéré que la société SECOMAT était redevable d'une somme totale de 86 293 € au titre des cotisations et majorations.
La société SECOMAT INGENERIE INDUSTRIELLE a saisi le 13 octobre 2005 le TASS des Bouches du Rhône pour contester les huit mises en demeure qui lui avaient été notifiées, la sommant de régler à l'URSSAF des Bouches du Rhône la somme de 115.096 € au titre de cotisations dues pour les années 2001, 2002, 2003 et 2004, suite à la lettre d'observation du 26 octobre 2004.
Par jugement du 23 janvier 2009, le TASS des Bouches du Rhône a partiellement validé le redressement opéré par l'URSSAF faisant droit à la contestation de la société SECOMAT, s'agissant de l'indemnité transactionnelle, au motif que, dans une hypothèse de faute grave où le salarié ne pouvait prétendre à une indemnité de préavis, il n'y avait pas lieu de considérer qu'une partie de l'indemnité représentait le préavis et en a, conséquence, infirmé le redressement opéré à hauteur de 17 490 € et validé les autres points du redressement, ramenant la somme due à l'URSSAF à 66.467 €.
Sur appel de l'URSSAF, limité aux dispositions relatives au point concernant la transaction, par arrêt du 11 mai 2011, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a retenu que l'indemnité transactionnelle versée au salarié à la suite de la rupture de son contrat de travail devait être analysée comme ayant le caractère de dommages et intérêts compensant le préjudice né de la rupture et ne devait donc pas être soumise aux cotisations et a confirmé le jugement du TASS.
Par arrêt du 20 septembre 2012 la cour de Cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, estimant qu'en annulant le redressement et en ne réintégrant pas le montant, à hauteur du préavis, de l'indemnité de licenciement, dans l'assiette des cotisations, la cour d'appel avait violé la loi et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.
La procédure évoquée devant la 14ème chambre de la cour d'appel a fait l'objet d'une radiation par arrêt du 19 décembre 2013, puis a été audiencée devant cette chambre.
L'URSSAF des Bouches du Rhône demande à la cour d'infirmer le jugement du TASS en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif à la réintégration dans l'assiette des cotisations de la part de l'indemnité transactionnelle correspondant au préavis.
Aux termes de ses écritures développées oralement à l'audience, la société SECOMAT INGENERIE INDUSTRIELLE conclut au débouté de l'URSSAF. Elle estime qu'il est nécessaire de vérifier si les conditions d'exonération totale de cotisations sont réunies au regard du montant de l'indemnité versée et des limites légales d'exonération. Elle fait valoir que :
- l'indemnité de 40 000 € versée à M [W] n'excède pas l'indemnité maximale à laquelle il pouvait prétendre au titre de l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois de salaire), et il ne peut donc être question de soumettre cette somme indemnitaire à cotisations sociales,
- que le salarié étant licencié pour faute grave, la transaction n'a jamais envisagé de rémunérer une prestation de travail non exécutée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
DISCUSSION
Au terme de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations pour le calcul des cotisations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail . Il en découle ainsi que l'assiette des cotisations n'est pas limitée au salaire proprement dit mais inclut tous les avantages en espèces ou en nature alloués en contrepartie d'une prestation fournie en relation avec le travail ou l'emploi occupé.
Les sommes versées lors ou après la rupture du contrat de travail ne sont pas toutes considérées de la même façon au regard de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, selon qu'elles ont la nature de salaire ou de dommages et intérêts réparant un préjudice autre que salarial.
En ce sens, l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L 122-8 du code du travail applicable à l'époque, a la nature d'un salaire et doit, à ce titre, être soumise à cotisations.
Une indemnité transactionnelle ne peut être exonérée de cotisations sociales que pour sa fraction représentative d'une indemnité.
Le protocole transactionnel concernant le salarié Mr [W] est en date du 4 juillet 2002.
Ce protocole rappelle que :
- une procédure de licenciement de Mr [W] avait été entreprise pour faute grave,
- le salarié contestait la gravité de ce qui lui était reproché,
- les parties s'étaient rapprochées pour, dans un souci d'apaisement, transiger'sur la base de concessions réciproques'.
- en contre partie des concessions consenties par la société SECOMAT, Monsieur [W] s'engageait à n'intenter contre la société SECOMAT aucune action en justice, au titre de la rupture du contrat de travail qui les liait et, en particulier, à ne réclamer aucune indemnité ni dommages et intérêts pour quelque cause que ce soit.
Les concessions réciproques ayant permis aux parties de transiger étaient nécessairement, pour l'employeur, l'abandon de la notion de faute grave reprochée au salarié, qui, si elle avait été maintenue était, de nature, à priver le salarié de toute indemnité, de quelque nature qu'elle soit.
Par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail fondée sur une cause autre que la faute grave impliquait le paiement au salarié d'une indemnité de préavis.
Il en ressort donc que les indemnités versées à Mr [W] à titre transactionnel doivent être analysées comme ayant, pour partie, le caractère d'une indemnité compensatrice de préavis, qui sont soumises à cotisations sociales et, pour partie, la nature de dommages et intérêts compensant le préjudice né de la rupture du contrat de travail, qui à ce titre ne sont pas soumises à cotisations.
C'est donc à bon droit que L'URSSAF a considéré comme devant être assujettie aux cotisations sociales la part de l'indemnité transactionnelle représentative du préavis.
Le redressement de l'URSSAF sera en conséquence validé et le jugement du TASS des Bouches du Rhône infirmé.
-Sur les dépens :
La société SECOMAT qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
Vu l'arrêt de la cour de Cassation du 20 septembre 2012,
INFIRME le jugement du tribunal de affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 23 janvier 2009,
VALIDE le redressement opéré par l'URSSAF des Bouches du Rhône le 10 janvier 2005, à hauteur de 17.490 €,
DÉBOUTE la société SECOMAT INGENERIE INDUSTRIELLE de ses demandes,
CONDAMNE la société SECOMAT INGENERIE INDUSTRIELLE aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT