COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 17 AVRIL 2015
N° 2015/ 236
Rôle N° 12/21443
[K] [L]
C/
M° [N] [V], Mandataire ad'hoc de la S.A.R.L HDI
AGS - CGEA DE [Localité 2] - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST
Grosse délivrée le :
à :
-Me Gaelle KERISIT, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 01 Septembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 10/688.
APPELANT
Monsieur [K] [L], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Gaelle KERISIT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Alexandrine ARSENTO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
M° [N] [V], Mandataire ad'hoc de la S.A.R.L HDI, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Bénédicte CHABAS, avocat au barreau de MARSEILLE
AGS - CGEA DE [Localité 2] - UNEDIC AGS - DELEGATION REGIONALE SUD-EST, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Mars 2015 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller qui a rapporté
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2015.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2015.
Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS,PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugements du 8 juillet et du 2 septembre 2009, le tribunal de commerce de MARSEILLE prononçait le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de la SARL HAUT DEBIT INTERNATIONAL (HDI), ayant pour activité principale 'autres activités de télécommunication' et désignait Maître [N] [V], ès qualités de liquidateur.
Monsieur [K] [L] était convoqué par Maître [N] [V], ès qualités de liquidateur de la SARL HDI à un entretien préalable fixé le 11 septembre 2009 puis licencié par courrier du 15 septembre 2009 pour motif économique.
C'est dans ce contexte que suivant requête présentée au bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Marseille le 8 janvier 2010, Monsieur [K] [L] a demandé le paiement de ses salaires à compter du mois de janvier 2009 jusqu'au mois d'octobre 2009, du préavis, des congés payés sur salaire, de dommages et intérêts au titre du préjudice subi, outre la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 1er septembre 2010, le conseil de prud'hommes de Marseille a notamment débouté Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes liées 'à l'établissement de son statut de salarié', a confirmé l'ordonnance de référé rendue le 15 avril 2010, a déclaré le jugement opposable au CGEA dans les limites de sa garantie légale, et a mis les éventuels dépens à la charge de Monsieur [K] [L].
Monsieur [L] a régulièrement relevé appel de cette décision le 27 septembre 2010.
Par arrêt du 11 avril 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné, à la demande des parties, le retrait de l'affaire du rang des affaires en cours.
Par jugement du 12 novembre 2012, le tribunal de commerce de Marseille prononçait la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif de la SARL HAUT DEBIT INTERNATIONAL.
Par courrier daté du même jour adressé à la cour, Monsieur [K] [L] sollicitait la remise au rôle de l'affaire.
Par ordonnance du 14 février 2014, le tribunal de commerce de Marseille désignait Maître [N] [V] en qualité de mandataire ad hoc dans le cadre de la procédure pendante devant le conseil de prud'hommes de Marseille ainsi que dans le cadre des recours éventuels.
A l'audience du 10 mars 2015, à laquelle l'affaire a été appelée après un renvoi, Monsieur [L] conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de constater l'existence d'un contrat de travail, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL HAUT DEBIT INTERNATIONAL aux sommes suivantes :
- 36000€ à titre des salaires pour les mois de janvier à octobre 2009,
- 2500€ au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 13500€ au titre de l'indemnité de préavis,
- 1350€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 2700€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 10 000€ au titre de l'indemnisation de son préjudice financier suite au non paiement des salaires,
- 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
de déclarer la décision opposable au CGEA de Marseille.
Maître [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL HAUT DEBIT INTERNATIONAL, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de Monsieur [L] et demande à la cour de dire que le caractère fictif du contrat de travail allégué par l'appelant est établi, de dire que celui-ci ne justifie pas de l'existence d'un lien de subordination.
A titre subsidiaire, il demande à la cour, dans l'hypothèse où celle-ci devait infirmer le jugement et reconnaître le statut de salarié à Monsieur [L], de dire que le contrat de travail n'est pas opposable à la société HDI.
A titre infiniment subsidiaire, il demande à la cour, si celle-ci reconnaissait le statut de salarié à Monsieur [L] et déclarait le contrat de travail opposable à la société HDI, de statuer 'ce que de droit' sur les demandes de rappel de salaire, d'indemnité de préavis et de licenciement, de débouter Monsieur [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier et de déclarer la décision opposable au CGEA.
Il réclame en outre la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA de Marseille demande à la cour de dire que le contrat de travail dont se prévaut Monsieur [L] est nul et sans effet, de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, en tout état de cause de dire qu'il ne bénéficie pas du statut de salarié en l'absence de tout lien de subordination et en conséquence de mettre hors de cause l'AGS CGEA.
Très subsidiairement, si le statut de salarié était reconnu à Monsieur [L], il demande à la cour de dire que le rappel de salaire doit être fixé à la somme de 34875€, de rejeter les demandes d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts et d'article 700 du code de procédure civile.
Il réclame la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes, aux écritures déposées et oralement reprises par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes liées à l'existence d'un contrat de travail
Attendu en l'espèce que l'appelant produit à l'appui de ses demandes :
- un contrat de travail à durée indéterminée signé par Monsieur [K] [L] et Monsieur [M] [R], gérant de la SARL HDI, en date du 15 novembre 2008 aux termes duquel Monsieur [L] est engagé en qualité de responsable technique et commercial à compter du 15 novembre 2008 moyennant le versement d'un salaire brut mensuel de 4500€;
- des bulletins de salaire des mois de janvier au mois de juin 2009 portant mention d'un salaire mensuel brut de 4500€ et d'un salaire mensuel net de 3817.04€,
- une lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2009 adressée à la société HDI aux termes de laquelle il réclame le paiement de ses salaires des mois de janvier à juin 2009 ;
- une attestation de Monsieur [U] [G], technicien garagiste, en date du 7 avril 2012 ainsi rédigée ' j'atteste par la présente que Monsieur [K] [L] a travaillé avec nous sur les chantiers graniou de la ville de [Localité 2] pour le compte de la SARL HDI pour les mois de mars et une partie d'avril 2009 sous l'autorité de Monsieur [M] [R], gérant de l'entreprise';
- ses relevés de carrière établis par l'AGIRC et l' ARCCO portant mention d'une période travaillée au sein de la société HAUT DEBIT INTERNATIONAL du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2008 ;
Attendu que ces éléments pris dans leur ensemble constituent un faisceau d'indices créant l'apparence d'un contrat de travail ;
Attendu que c'est à bon droit que Monsieur [L] fait valoir qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à ceux qui invoquent son caractère fictif d'en rapporter la preuve;
Attendu que pour démontrer le caractère fictif du contrat de travail, Maître [N] [V], ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL HAUT DEBIT INTERNATIONAL et le CGEA de [Localité 2] produisent un courrier électronique et un procès verbal de plainte du gérant de la société HDI, Monsieur [M] [R], qui établissent que la validité du contrat de travail en date du 5 novembre 2008 a été démentie par le signataire même du-dit contrat ; qu'en effet dans un courrier électronique en date du 28 août 2009, Monsieur [M] [R] indiquait à Maître [N] [V] ' Monsieur [K] [L] n'a jamais été salarié de l'entreprise, SARL MBR est un sous traitant et sans contrat de travail..dont il est le gérant' ; que dans un procès verbal de plainte en date du 25 septembre 2009, Monsieur [M] [R] confirmait n'avoir pas valablement donné son consentement au contrat du 5 novembre 2008, en ces termes : ' Lors d'une soirée courant mars 2009 , Monsieur [K] [L] m' a fait boire plus que de raison et lorsque j'ai repris mes esprits je me suis rendu compte que j'avais signé un contrat de travail à durée indéterminée à son nom. Il m'avait déjà demandé auparavant de l'embaucher mais je me refusais à le faire à cause de ses soucis de justice' ;
Attendu que les intimés produisent également :
- l'extrait KBIS de la société HDI dont il résulte que cette société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 21 novembre 2008, soit après la signature du contrat du 5 novembre 2008, lequel comporte pourtant le numéro d'immatriculation de la société ;
- la déclaration préalable à l'embauche de Monsieur [K] [L] effectuée le 20 juillet 2009, soit 8 mois après la signature du contrat alors que la société HDI était déjà en redressement judiciaire ;
Attendu que c'est à bon droit que les intimés relèvent que l'attestation de Monsieur [U] précitée est contredite par les courriers électroniques versés aux débats par Monsieur [L] dont il résulte qu'il ne se comportait pas à l'égard de Monsieur [R] comme un salarié travaillant sous l'autorité de celui-ci ; que notamment dans un courrier électronique du 28 décembre 2008, il écrivait à Monsieur [R] : ' Bonjour [M], nous ne pourrons utiliser les adresses email en HDI car nous n'avons rien fait dans ce domaine. [F] a proposé des solutions qui ont des coûts financiers, vous n'avez pas encore donné suite. Alors pour le moment nous ne pourrons utiliser que les adresses email prévues sur les cartes de visite. Mes maîtres mots seront Loyauté, respect et responsabilité ceci engendre la confiance. Nous travaillerons maintenant automatiquement avec des emails afin de bien structurer cette entreprise. ' ;
Attendu que les intimés démontrent encore que devant le conseil de prud'homme Monsieur [L] a réclamé ses salaires pour la période du 14 avril 2009 au 23 juin 2009 alors qu'il était en détention à la maison d'arrêt de [Localité 1] pour n'avoir pas respecté l'interdiction de gérer ; que l'appelant, qui ne réclame plus en cause d'appel, lesdits salaires, n'explique pas pourquoi les bulletins de salaire versés aux débats mentionnent cette période comme une période travaillée ;
Attendu que ces éléments pris dans leur ensemble établissent le caractère fictif du contrat de travail ;
Attendu que c'est vainement que l'appelant conteste ce caractère fictif sans toutefois produire aucun élément établissant la réalité des fonctions de responsable technique et commercial qu'il invoque, ni l'existence d'un lien de subordination;
Attendu compte tenu de ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire d'examiner d'autres moyens, qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes ;
Attendu que le Conseil de Prud'hommes ne pouvait pas confirmer l'ordonnance de référé du 15 avril 2010 n'étant pas juge d'appel ; Que sa formulation doit s'entendre comme une reprises à son compte du dispositif de l'ordonnance de référé qui a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et dit n'y avoir lieu à référé ;
Attendu que le présent arrêt doit être déclaré opposable au CGEA-AGS de Marseille dans les limites des plafonds légaux et réglementaires ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Attendu que l'appelant qui succombe doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que l'équité commande qu'il soit condamné à payer à Maître [V], ès qualités de mandataire had hoc de la société HDI la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au CGEA de [Localité 2] la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et de condamner Monsieur [K] [L] qui succombe aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise a disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant
Condamne Monsieur [K] [L] à payer à Maître [N] [V], ès qualités de mandataire had hoc de la SARL HAUT DEBIT INTERNATIONAL, la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Monsieur [K] [L] à payer au CGEA de Marseille la somme de 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur [K] [L] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT