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02/04/2015 | FRANCE | N°13/24469

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 02 avril 2015, 13/24469


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2015



N°2015/160













Rôle N° 13/24469







SAS INTER MUTUELLES TELEASSISTANCE





C/



[C] [Z]



MUTUELLE DE L'INDUSTRIE DU PETROLE (MIP)

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE



































Grosse délivrée

le :

à

:

Me Buvat

Me Guedj









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE en date du 20 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00157.





APPELANTE



SAS INTER MUTUELLES TELEASSISTANCE, IMT - [Adresse 1]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 02 AVRIL 2015

N°2015/160

Rôle N° 13/24469

SAS INTER MUTUELLES TELEASSISTANCE

C/

[C] [Z]

MUTUELLE DE L'INDUSTRIE DU PETROLE (MIP)

CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Buvat

Me Guedj

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE en date du 20 Novembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00157.

APPELANTE

SAS INTER MUTUELLES TELEASSISTANCE, IMT - [Adresse 1]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Corinne FRANÇOIS-MARTIN, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [C] [Z], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Françoise KALTENBACH de la SCP ALLAIN-KALTENBACH-PLAISANT & RAIMON, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE,

PARTIES INTERVENANTES

MUTUELLE DE L'INDUSTRIE DU PETROLE (MIP), [Adresse 2]

défaillante

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2015 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christiane BELIERES, Présidente, et Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

Madame Rachel ISABEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015. Le 19 Mars 2015 le délibéré a été prorogé au 02 Avril 2015.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2015.

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [Z], sociétaire de la Maif, a fait appel à la société Inter mutuelles téléassistance (IMT) pour installer un dispositif de télésurveillance à son domicile, le 9 décembre 2003. Ce dispositif comportait une sirène dissuasive en raison de sa puissance et de sa sonorité très agressive. Suite à une défaillance technique, M. [Z] a fait appel au service après-vente de la société IMT, qui est intervenu le 29 septembre 2008 conjointement avec un sous-traitant, la société Octavis. Durant l'intervention des techniciens, et alors que M. et Mme [Z] se trouvaient à leur domicile, la sirène fut déclenchée.

Imputant à cette intervention des troubles auditifs (acouphènes très intenses et quasi permanents au niveau de l'oreille gauche), M. [Z] a fait une déclaration de sinistre auprès de la Maif qui a missionné un expert, lequel a conclu que le déclenchement de la sirène avait aggravé l'état antérieur de M. [Z]. Ce dernier ayant refusé l'offre amiable d'indemnisation de son assureur, il a assigné, le 29 novembre 2011, la société IMT en réparation de son préjudice corporel.

Par jugement du 20 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Digne, retenant la responsabilité contractuelle de la société IMT, a

- condamné celle-ci à réparer l'intégralité des conséquences dommageables liées à son intervention chez M. [Z],

- rejeté la demande d'expertise judiciaire,

- condamné la société IMT à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

*Déficit fonctionnel temporaire : 483 €

* Souffrances endurées : 3 000 €

* Déficit fonctionnel permanent : 1 800 €

* Préjudice d'agrément : 2 000 €

* Frais divers et médicaux futurs : 8 306,60 €

- réservé les dépenses de la CPAM, de la Mutuelle et de la Maif, lesquelles n'avaient pas été attraites à la procédure,

- condamné la société IMT à verser à M. [Z] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 décembre 2013, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, la société IMT a formé un appel général contre cette décision et a conclu le 13 mars 2014. Le 11 février 2014, M. [Z] a formé un appel incident.

Prétentions et moyens des parties

Par ses dernières conclusions en date du 29 décembre 2014, la société IMT demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu à son encontre un manquement contractuel résultant des insuffisances de son intervention de maintenance du 29 septembre 2008,

- réformer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées,

- juger que ni IMT ni ses préposés n'ont commis de faute,

- condamner M. [Z] à lui verser la somme de 4 000 euros pour procédure abusive et 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société IMT conteste tant le principe de sa responsabilité, précisant que son matériel est conforme aux normes applicables et que son personnel a effectué les contrôles de l'installation prévus par la réglementation, que le lien de causalité entre son intervention et le préjudice. Elle soutient notamment qu'il appartenait à M. [Z], au besoin, de signaler ses problèmes de santé.

Par ses conclusions du 5 mai 2014, M. [Z] a sollicité la confirmation du jugement en ce qui concerne le principe de son droit à être totalement indemnisé de son préjudice par la société IMT et en ce qu'il lui a alloué les sommes de 3 000 euros et de 2000 euros respectivement pour les souffrances endurées et le préjudice d'agrément et en ce qui concerne l'indemnité qui lui a été accordée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais a demandé son infirmation pour le surplus.

Il demande à la cour de :

- condamner la société IMT à lui verser la somme de 10 860,50 euros en réparation de ses préjudices patrimoniaux et de 9 457,50 au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux,

- désigner un expert médical, aux frais avancés de la société IMT,

subsidairement,

- confirmer le jugement,

En tout état de cause, ajoutant au jugement, il demande de

- dire que l'évaluation initiale pourra être révisée à la hausse sous réserve pour lui de produire l'ensemble des justificatifs de l'aggravation de son préjudice patrimonial,

- condamner la société IMT à lui verser la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Z] soutient qu'il n'a pas été informé sur l'intensité de l'alarme installée, alors que les alarmes qui dépassent 90 dBA sont susceptibles de causer immédiatement des lésions auditives irréversibles et que la société IMT ne justifie pas que le matériel installé était le système CMI 800++ et non CRI 800+++.

La CPAM des Hautes Alpes, assignée à personne habilitée le 12 février 2014 a indiqué que ses débours liés à l'aggravation de l'état de santé de M. [Z] étaient de 232,76 euros représentant des dépenses de santé actuelles.

La Mutuelle de l'industrie du pétrole, assignée à personne habilitée le 7 mai 2014, a indiqué le 12 mai 2014 qu'elle n'interviendrait pas à la procédure.

L'arrêt sera réputé contradictoire par application de l'article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

Il est constant que la société IMT a installé, à la demande de M. [Z] et au domicile de celui-ci, un système de télésurveillance (CRI 800), le 9 décembre 2003, dont le principe était le déclenchement d'une alarme d'une intensité sonore telle qu'elle devait contraindre les personnes entrées par effraction à quitter les lieux. Le 25 octobre 2007, ce matériel a été changé pour une alarme CMI 800 GPRS (Domonial 800M), fonctionnant selon le même principe.

Les équipements installés ont fait l'objet au fil des ans de travaux de maintenance. Notamment, le 29 septembre 2008, la société IMT est intervenue et a dressé le compte rendu d'intervention du service après vente suivant : 'problème sur IR garage, remplacement IR - changement piles DO cuisine et garage - Essais OK'. Ce procès-verbal a été signé sans commentaire par M. [Z] Au cours de cette opération, la sirène intérieure a été déclenchée, ce qui, selon M. [Z], lui a causé des dommages auditifs.

La société IMT étant en lien contractuel avec M. [Z], sa responsabilité ne peut être recherchée que pour une violation des obligations résultant de son contrat de télésurveillance (pièce 1b). En l'espèce, aucune violation de ses obligations techniques n'est invoquée, mais il est soutenu qu'elle a violé ses devoirs contractuels de sécurité, de conseil, d'information et de renseignement à l'égard de ses clients.

S'il peut être admis que l'exécution du contrat de télésurveillance comporte une obligation accessoire de ne pas porter atteinte à la sécurité du co-contractant et un devoir de conseil, y compris s'agissant de la sécurité de celui-ci, ces obligations ne peuvent être que de moyens, de sorte que la responsabilité de la société IMT ne peut être engagée qu'en cas de démonstration d'une faute. Or, il n'est pas établi en l'espèce que la société IMT ait manqué à ses obligations.

En effet, M. [Z] a passé avec la société IMT un contrat pour l'installation d'une alarme sonore dont l'objet même était d'être d'une intensité telle qu'elle devait être insupportable et conduire à la fuite des intrus. M. [Z] ne pouvait donc ignorer l'importance du volume sonore qui serait émis, même s'il a pu en ignorer l'intensité exacte. Lors des faits, l'alarme en cause était installée depuis 1 an, de sorte qu'il est très probable, même si aucun élément ne permet d'en être certain, que M. [Z] avait déjà eu l'occasion d'entendre la sirène déclenchée par l'alarme. Il est, de même, fort probable qu'il ait entendu, au cours des années précédentes, l'alarme

antérieurement en place, dont rien ne permet de penser que son intensité était inférieure à celle installée en 2007. Si M. [Z] soutient que le personnel de maintenance, lors de la première installation, en 2003, lui avait fourni un casque anti-bruit, ce qui est contesté, il ne l'établit pas. Il n'établit pas non plus que cette proposition lui ait été faite lors des opérations de maintenance ultérieures durant lesquelles des essais étaient pratiqués, ni qu'il aurait sollicité auprès du personnel ce type de protection.

Par ailleurs, il résulte des documents produits (pièce 9 et 13 de la société), qui se rapportent bien à la centrale Domonial DO800M, sans que M. [Z] établisse qu'ils ne correspondent pas à la centrale installée chez lui, que celle-ci émettait un volume sonore de 90dB, ce matériel et la société ayant reçu une certification AFNOR et CNPP (marque NF et A2P- pièces 4 et 14 de la société). Or, il n'est pas prouvé par les pièces produites que l'exposition unique très limitée dans le temps, comme lors d'un essai de fonctionnement, à un niveau sonore de 90dB constitue un danger pour la santé d'une personne en bonne santé. Les documents fournis par M. [Z] sur ce point, dans la limite de leur fiabilité scientifique non attestée (pièce 31 et 32, page internet, la pièce 48 étant un document élaboré par M. [Z] lui-même), indiquent que les sons nocifs commencent au delà de 90 dB et ne mentionnent pas qu'une brève exposition ponctuelle à de tels sons soit de nature à engendrer un dommage pour une personne ne présentant pas de problème auditif.

Par ailleurs, M. [Z] ne peut reprocher à la société d'avoir déclenché l'alarme lors de l'opération de maintenance litigieuse. Si la norme R81, à laquelle se conformait la société IMT, n'impose pas expressément le déclenchement de l'alarme lors de toute opération de maintenance, elle ne l'interdit pas et M. [Z] ne justifie pas qu'il était inutile de le faire le 29 septembre 2008.

Au demeurant, le déclenchement de l'alarme n'interdisait pas aux occupants de la maison, gênés par le bruit, de quitter les lieux immédiatement afin d'éviter tout désagrément ou risque de dommage auditif. En effet, l'obligation contractuelle selon laquelle le client doit être présent lors des opérations de maintenance n'implique pas qu'il doive rester à l'intérieur de la maison au moment du déclenchement de la sirène.

Il résulte de ce qui précède, que les obligations contractuelles de la société IMT n'imposaient pas que, lors des opérations de maintenance effectuées au domicile de M. [Z] le 29 septembre 2008, le personnel prévienne celui-ci d'un danger particulier.

Il appartenait à M. [Z], qui présentait, selon l'expert, 'un lourd passé ORL', caractérisé par une mastoïdectomie gauche en 1943, plusieurs interventions sur les deux oreilles en 1973, 1975 et 1993 avec surdité gauche et acouphènes importants mais discontinus, d'en informer le personnel de la société IMT afin qu'ils prennent, le cas échéant, des précautions particulières, ou de prendre lui-même des mesures de protection adaptées à son état, afin de se prémunir contre toute éventuelle exposition sonore, potentiellement nocive pour lui.

Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner le préjudice invoqué par M. [Z] et son lien de causalité avec le déclenchement de la sirène, il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes qu'il a dirigées contre la société IMT, en l'absence de faute caractérisée à l'encontre de celle-ci. Pour la même raison, la demande d'expertise sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de la société IMT:

Il n'est pas établi que M. [Z] ait abusé de son droit d'agir en justice, aucune intention malveillante ou légèreté blâmable n'étant mise en évidence à son encontre, étant au demeurant observé que son action avait été déclarée bien fondée en première instance.

La demande de dommages et intérêts présentée par la société IMT sera donc rejetée.

Sur les demandes annexes :

M. [Z] succombant en appel, il sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera condamné à verser à la société IMT la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Rejette l'ensemble des demandes présentées par M. [Z],

- Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Inter mutuelles téléassistance,

- Condamne M. [Z] à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 13/24469
Date de la décision : 02/04/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°13/24469 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-02;13.24469 ?
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