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27/03/2015 | FRANCE | N°12/23095

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 27 mars 2015, 12/23095


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 27 MARS 2015



N° 2015/













Rôle N° 12/23095





[F] [I]





C/



CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PERSONNEL DES ENTREPRISES

PORT AUTONOME DE [2]

Société INTRAMAR

BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE



























Grosse délivrée

le :

à :
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Me Frédéric MARCOUYEUX





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 22 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 09/138...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 27 MARS 2015

N° 2015/

Rôle N° 12/23095

[F] [I]

C/

CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PERSONNEL DES ENTREPRISES

PORT AUTONOME DE [2]

Société INTRAMAR

BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Cyril MICHEL

Me Frédéric MARCOUYEUX

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 22 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 09/1384.

APPELANT

Monsieur [F] [I], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Emilie MILLION-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES DU PERSONNEL DES ENTREPRISES, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

PORT [1], demeurant [Adresse 2]

ni comparant, ni représenté

Société INTRAMAR, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2015.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2015.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Mme Priscille LAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

M. [F] [I] a travaillé en qualité de docker professionnel intermittent pour le compte de diverses entreprises de manutention sur le port de [2] du 1er mai 1963 au 3 août 2001.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 20 avril 2009 aux fins de réparation de divers préjudices résultant selon lui de son exposition à l'amiante à l'encontre :

- du Grand Port maritime de [2] (ci-après GPMM), établissement public de l'Etat,

- de la société Industrielle de Trafic Maritime (ci-après Intramar) ,

- de la Caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention du Port [2] (ci-après CCCP) à titre personnel et aux droits du Service Auxiliaire de la manutention (SAM).

Par jugement de départage en date du 22 novembre 2012, mentionnant en outre et par erreur dans l'exposé du litige la société Coopérative de Manutention (ci-après Socoma), la société Somotrans, le BCMO et l'AGS du Sud-Est, le conseil de prud'hommes de Marseille, après s'être déclaré incompétent pour connaître des demandes dirigées à l'encontre de la CCCP, a :

- rejeté les exceptions d'incompétence au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale et au profit du FIVA,

- déclaré recevable l'intervention forcée délivrée à l'encontre du BCMO mais non fondée et l'a mis hors de cause,

- constaté que le demandeur s'est désisté de ses demandes à l'encontre du GPMM, déclaré ce désistement parfait et dit qu'il mettait fin à l'instance entre les parties,

- débouté M. [F] [I] de toutes ses demandes,

- mis la société Intramar hors de cause,

- a condamné M. [F] [I] aux dépens.

Celui-ci a interjeté appel de cette décision le 6 décembre 2012.

Prétentions et moyens des parties :

' M. [F] [I], qui ne maintient pas en cause d'appel de demande en indemnisation d'un préjudice économique, a fait déposer et soutenir oralement à l'audience des conclusions écrites, communes à plusieurs des affaires du rôle, dans lesquelles il demande à la cour de :

- lui donner acte de son désistement à l'encontre du BCMO, de la CCCP et du GPMM,

avant dire droit, en tant que de besoin,

- vu l'article 11 du code de procédure civile, ordonner aux sociétés intimées la production de leurs DADS entre 1977 et 1993,

- vu l'article 138 du même code, ordonner à la CCCP la production des DADS des sociétés Intramar, Upa et Somotrans entre 1977 et 1993,

dans tous les cas :

au visa des articles 1147 et 353 du code civil, L.1221-1 du code du travail,

du bénéfice de l'ACAATA qui lui a été accordée,

de la présomption d'exposition des dockers chez leurs employeurs tirée de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 2014 n° 13-10644, de :

- constater qu'il a été employé par la société Intramar, qu'elle n'a pas respecté les dispositions du décret n° 77-949 du 17 août 1977 et qu'elle l'a exposé aux poussières d'amiante sans protection,

en conséquence, infirmant le jugement déféré,

- déclarer la société Intramar responsable des préjudices qu'il subit,

- condamner la société Intramar à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant directement de la violation de son obligation de sécurité de résultat ainsi que celle de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'anxiété, outre celle de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Il fait principalement valoir qu'il a travaillé en qualité d'ouvrier docker sur le port de [3], pour le compte et sous la subordination de diverses entreprises de manutention (les acconiers) dont la société Intramar, du 1er mai 1963 au 3 août 2001 ; qu'il était soumis au statut prévu par la loi du 6 septembre 1947 modifiée et codifiée en 1978 sous les articles L. 511-2 et suivants du code des ports maritimes, antérieur à la loi du 9 juin 1992, et se trouvait donc employé sous la forme d'un contrat à durée déterminée par l'acconier qui disposait d'un véritable pouvoir de direction à son égard et devait assurer sa sécurité ; que celui-ci était par ailleurs tenu d'adhérer à la CCCP et avait pour obligation de l'y déclarer ; qu'il a bénéficié de l'ACAATA à partir du 1er avril 2001 ce qui entraîne une présomption d'exposition à l'amiante dans la cadre de son activité au bénéfice de ses différents employeurs acconiers; que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur sa réclamation ; que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat ; que parmi les acconiers ayant réalisé la majorité des déchargements d'amiante figure notamment la société Intramar, mentionnée sur la liste établie par la direction générale du port de [2] dans une lettre adressée au ministère de l'équipement et des transports le 21 décembre 1999 ; que même s'il est susceptible de justifier de ses relations contractuelles avec cette société par la communication d'attestations émanant notamment d'anciens collègues, valables et probantes, il appartient à la cour, eu égard à l'impasse probatoire dans laquelle il se trouve, de procéder à l'aménagement de la charge de la preuve par analogie avec la jurisprudence de la Cour de cassation concernant les victimes d'une contamination d'origine transfusionnelle ayant subi des transfusions sanguines multiples en considérant que le seul fait pour un docker, par ailleurs bénéficiaire de l'ACAATA, d'avoir travaillé sur le port de [2] pendant la période visée à l'arrêté suffit à caractériser l'existence du préjudice subi, en raison de l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'apporter tant la preuve de sa relation de travail avec l'une ou l'autre société du fait des modalités d'organisation du travail de l'époque que celle de son exposition à l'amiante sans aucune protection, fait non mentionné sur les documents en sa possession et dont seul l'employeur détient la preuve ; qu'il convient en conséquence d'imputer à la société mise en cause la charge de prouver qu'elle ne l'a pas employé, ni exposé à l'amiante sans protection ; que la cour pourra ordonner si nécessaire, avant dire droit, à celle-ci de produire les DADS entre 1977 et 1993 et, à défaut, en tirer les conséquences voire enjoindre à la CCCP de les communiquer ; que, dans le cadre de son activité pour le compte de la société Intramar , sans protection efficace, en méconnaissance de la législation applicable (loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, décret du 10 juillet 1913 modifié le 13 décembre 1948, le 6 mars 1961 et le 15 novembre 1973, décret du 17 août 1977) et que ce faisant, l'employeur - qui ne pouvait ignorer les dangers de l'amiante - a délibérément maintenu ses salariés dans l'ignorance de la dangerosité des particules d'amiante et du risque mortel qu'il représentait, les privant ainsi d'une chance de s'y soustraire, et n'a pas respecté son obligation de sécurité de résultat ce qui lui fait nécessairement subir un préjudice qu'il convient d'indemniser ; que l'indemnisation du préjudice autonome d'anxiété est ouverte à tout salarié ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, étant précisé que la déclaration d'une maladie liée à l'amiante ne fait pas obstacle à la réparation pour la période antérieure à celle-ci ; qu'il n'existe aucune corrélation entre la durée d'exposition et la probabilité de développer une pathologie, en sorte que le préjudice d'anxiété doit être indemnisé de manière forfaitaire et équivalente pour l'ensemble des demandeurs ; que la prescription n'a pas couru tant que son droit ne lui a pas été révélé et que la publication de l'arrêté du 7 juillet 2000 ayant classé le port de [2] comme 'établissement amiante' a été le premier élément générateur de son anxiété.

' Dans ses écritures déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à plusieurs affaires inscrites au rôle, la société Intramar, concluant à la confirmation du jugement, soulève à titre liminaire l'incompétence rationae materiae de la juridiction prud'homale au motif que l'anxiété alléguée est une pathologie trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de docker et demande à la cour de renvoyer les salariés à mieux se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, en application des articles L. 451-1 et L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale et L. 1411-4 al. 2 du code du travail, et au visa de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le cas échéant après qu'ils aient sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de leur pathologie auprès du service compétent, à savoir la caisse d'assurance maladie.

Subsidiairement sur le fond, elle demande le rejet de l'ensemble des demandes formées par l'appelant qui ne justifie nullement de sa qualité d'employeur à son égard, ni même qu'il ait été exposé de son fait à l'amiante. Elle sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en compensation de ses frais irrépétibles.

Elle fait valoir que les salariés ont eu de multiples employeurs, que les arrêtés portant liste des ports dans lesquels les personnels peuvent bénéficier de l'ACAATA ne suffisent pas à justifier de sa qualité d'employeur ni de ce qu'elle les aurait exposés au risque et que les salariés ne démontrent pas avoir travaillé pour elle, ou alors à de très rares occasions ; que les attestations qu'ils produisent ont été établies pour les besoins de la cause, qu'elles sont imprécises et sans valeur probante ; qu'ils ne démontrent pas avoir été exposés à l'amiante par la société Intramar, ni qu'elle a commis une faute, ni qu'il existe un lien de causalité entre cette prétendue faute et le préjudice allégué, d'autant que l'amiante a représenté une part infime des marchandises manutentionnées sur l'ensemble du port de [2] (moins de 0.1 % des volumes hors liquides répartis sur plus de quatre-vingts entreprises employant des dockers) et que les acconiers ne peuvent être considérés comme des professionnels, voire des utilisateurs de l'amiante, aucune entreprise de manutention n'étant visée dans les listes établies par décret relatives aux entreprises et établissements où étaient fabriqué ou traité de l'amiante ; que si la cour venait à retenir sa qualité d'employeur, elle justifie d'un cas de force majeure exonératoire de responsabilité, en ce qu'elle n'était nullement renseignée sur le risque auquel elle pouvait exposer ses salariés alors qu'elle s'était entourée de l'ensemble des institutions ayant pour mission de l'alerter qui étaient invitées à chacune des réunions du CHSCT, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un rappel à la loi ni d'une injonction et encore moins d'une sanction en raison d'un défaut dans la prise en compte et la gestion d'un risque professionnel, qu'elle avait l'obligation réglementaire de manutentionner les navires, et qu'en tout état de cause, aucune mesure utile ne pouvait être prise en l'état d'un travail en plein air et de l'absence de moyen utile de protection individuelle à l'époque des faits.

A titre infiniment subsidiaire, la société Intramar soutient que le préjudice d'anxiété allégué n'est pas indemnisable ni justifié, en l'état d'absence de preuve tant d'un suivi spécifique aux allocataires ACAATA que de comportement à risque (tabagisme...). Enfin, elle demande à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

' Aux termes de ses écritures développées à la barre, le BCMO, exposant que le Conseil d'Etat l'a, dans une décision de principe, qualifié de 'section professionnelle du service départemental de la main d'oeuvre', demande à la cour de constater qu'il n'a pas la personnalité juridique et ne peut donc faire l'objet d'aucune condamnation, qu'il n'est pas l'employeur des ouvriers dockers et qu'aucune demande de condamnation n'est formulée à son encontre, et en conséquence, de déclarer irrecevable la demande formulée par la société Somotrans à l'encontre du BCMO pour lui faire reconnaître la qualité d'employeur.

' Le GPMM, régulièrement convoqué, n'a pas comparu et n'était pas représenté à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de donner acte à M. [F] [I] de ce qu'il se désiste en appel de ses demandes en indemnisation à l'encontre du BCMO, d'ailleurs mentionné et appelé dans la cause par erreur, et de la CCCP, étant précisé que son désistement à l'encontre du GPMM a déjà été acté par le premier juge qui l'a déclaré parfait, et de constater qu'il ne reprend pas devant la cour sa demande au titre de la réparation d'un préjudice économique.

Sur l'exception d'incompétence :

Selon l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce code entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

En l'espèce, dès lors que les demandes en réparation d'un préjudice extra-patrimonial formées par M. [F] [I] sont fondées sur l'inexécution par le ou les employeurs de l'obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail qui les aurait liés, que le préjudice d'anxiété ne correspond pas à une maladie professionnelle répertoriée mais à l'inquiétude de déclencher à tout moment une maladie professionnelle en rapport avec une exposition à l'amiante, et que ni le droit au bénéfice du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ni le montant de l'allocation de cessation anticipée d'activité, dont il a été attributaire à compter du 1er avril 2001, ne sont contestés, la juridiction prud'homale est compétente pour connaître du litige et le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur le fond :

M. [F] [I], se prévalant du fait qu'il a été admis au bénéfice de l'ACAATA, invoque une impasse probatoire devant conduire selon lui et par analogie avec la jurisprudence sur la contamination transfusionnelle à faire peser la charge de la preuve sur les sociétés en cause tant de leur absence de qualité d'employeur que du fait qu'elles ne l'ont pas exposé à l'inhalation de poussières d'amiante. Cependant, il doit être relevé que :

- il ne conteste pas avoir reçu, en contrepartie de son activité de docker auprès de chacune des sociétés pour lesquelles il dit avoir travaillé des bulletins de salaire qu'il lui appartenait de conserver ;

- ne produit aucun élément de nature à établir que la manutention a constitué une part significative de l'activité de ces sociétés au cours de la période pendant laquelle il a été employé sur le port de laquelle on pourrait déduire qu'il a été nécessairement exposé à l'amiante par leur fait, étant observé que si l'intégralité du site du port est concernée par le classement ACAATA, il reconnaît lui-même que, bien que quatre-vingts acconiers exerçaient une activité sur ce site, il a fait le choix de n'agir que contre une d'entre-elles (alors même que cinq sont visées dans la lettre du directeur du Port du 21 décembre 1999, rédigée en termes hypothétiques, dont il se prévaut et d'autres encore dans les attestations produites), reconnaissant ainsi que le seul fait pour une entreprise de manutention d'avoir exercé une activité dans un port classé au cours de la période de classement ne suffit pas à établir qu'elle a nécessairement exposé ses salariés à l'inhalation de fibres ou de poussières d'amiante.

En conséquence, il appartient à M. [F] [I] de justifier tout à la fois de l'existence d'une relation de travail avec les sociétés de manutention portuaire attraites dans la cause et de ce qu'il a été exposé à l'amiante par leur fait.

Sur la qualité d'employeur de la société Intramar à l'égard de M. [F] [I] :

La loi du 6 septembre 1947 a défini un statut de docker et a réduit la fonction des organismes antérieurs, comme le BCMO qui a été chargé d'identifier et de classer les ouvriers dockers, d'organiser et de contrôler l'embauche dans le port au service des différentes sociétés manutentionnaires, de répartir numériquement le travail entre les ouvriers, d'effectuer la paie à la journée, d'établir les certificats de travail et les bulletins de salaire quand ils existaient et de régler les cotisations aux organismes sociaux pour le compte des entreprises de manutention..

Cette organisation a affecté le recrutement et les embauches journalières, mais n'a pas supprimé les entreprises de manutention portuaire ; les chefs d'équipe de ces entreprises fixaient, eux-mêmes, le nombre de dockers et leurs qualifications nécessaires aux déchargements, les taches de affectées à chacun sur les navires, donnaient les instructions sur les opérations à entreprendre, surveillaient le déroulement de celles-ci et fournissaient également des matériels (tracteurs, chariots élévateurs, auto grues, transporteurs et norias).

Ainsi, si la loi de 1947 a réduit l'étendue des attributions patronales dans la relation de travail, elle n'a pas supprimé totalement celle-ci ; la loi du 9 juin 1992 a modifié le régime de travail dans les ports maritimes, en autorisant le recrutement de dockers par des entreprises de manutention portuaire grâce à des contrat de travail de droit commun.

Selon l'attestation établie le 15 juin 2010 par le Syndicat des Entrepreneurs de Manutention Portuaire, il existait environ quatre-vingts sociétés manutentionnaires sur le port de [2], entre 1957 et 1993.

Pour faire la preuve de l'existence d'une relation de travail avec la société Intramar, M. [F] [I] communique exclusivement :

- le certificat de travail établi par la Caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention des ports [2], le 27 juillet 2000, indiquant que celui-ci a été inscrit le 1er mai 1963 et radié le 29 avril 1993, sans préciser les sociétés qui l'ont employé et donc insuffisant à établir l'existence d'un lien contractuel avec l'ensemble des acconiers, nonobstant les termes de l'attestation rédigée par le directeur de la CCCP le 1er septembre 2010,

- trois attestations, datées des 26 et 27 novembre 2008, établies par d'autres dockers professionnels (MM. [N] [J], [Q] [W] et [M] [H]) certifiant, particulièrement brièvement, qu'ils ont travaillé ensemble, 'dans les années 1974 à 1993" (1), 'de 1973 à 1993" (2), et 'dans les années 1973 à 1993" (3), pour les entreprises Intramar et Somotrans (sans plus de précision quant aux périodes d'emploi dans chacune de ces sociétés) et qu'ils ont été ainsi amenés à manipuler de l'amiante en vrac ou dans des sacs de jute sans protection individuelle ni collective et sans avoir été avertis des dangers de l'amiante.

Ces attestations, limitées à trois, qui ne visent que deux sociétés alors qu'il résulte du certificat de travail qu'il a exercé la profession de docker intermittent sur le GPMM durant près de trente ans et qui ne sont corroborées par aucun de ses bulletins de salaire qu'il lui appartenait pourtant de conserver sont particulièrement imprécises et rédigées en termes similaires, voire quasiment identiques, ce qui permet de retenir qu'elles ont été pré-établies. Elles apparaissent ainsi dépourvues de toute sincérité et, en conséquence, de toute valeur probante, et ne peuvent suffire à établir l'existence d'une relation de travail, même occasionnelle, entre M. [F] [I] et la société Intramar et, a fortiori d'une exposition habituelle à l'amiante du fait de celle-ci, étant de plus observé qu'aucun texte ne fait obligation aux entreprises concernées, voire à la CCCP de conserver les DADS sur une période aussi longue.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [I] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la réparation d'un préjudice d'anxiété. En l'absence d'exposition fautive à l'amiante établie, il sera également débouté de sa demande nouvelle au titre de l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de la seule violation par la société Intramar de son obligation de sécurité de résultat.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les demandes sur ce fondement seront rejetées et M. [F] [I], qui succombe, supportera les entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt réputé contradictoire,

DONNE ACTE à M. [F] [I] de ce qu'il se désiste de ses demandes à l'égard de la Caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention et du Bureau central de la main d'oeuvre,

CONSTATE qu'il ne reprend pas devant la cour sa demande au titre de la réparation d'un préjudice économique,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [F] [I] de sa demande nouvelle au titre de l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de la seule violation par la société Intramar de son obligation de sécurité de résultat,

REJETTE toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [F] [I] aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/23095
Date de la décision : 27/03/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-27;12.23095 ?
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