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20/03/2015 | FRANCE | N°13/11540

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 20 mars 2015, 13/11540


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2015



N° 2015/256













Rôle N° 13/11540





SA [B]





C/



[N] [I]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Jérémie CAUCHI, avocat au barreau D'AIX-EN-
>PROVENCE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section E - en date du 22 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00016.







APPELANTE



SA [B], prise en la personne d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2015

N° 2015/256

Rôle N° 13/11540

SA [B]

C/

[N] [I]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jérémie CAUCHI, avocat au barreau D'AIX-EN-

PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section E - en date du 22 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/00016.

APPELANTE

SA [B], prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [E] [B] (PDG), demeurant [Adresse 2]

représentée par Monsieur [E] [B] PDG de la SA [B] et Me Géraldine LESTOURNELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [N] [I], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jérémie CAUCHI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Février 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2015.

Signé par Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [N] [I] a été engagé par la société [B] , le 1er Avril 1995 sans contrat de travail écrit en qualité de chef comptable ,pour une durée de travail initialement prévue de 40 heures par mois (selon les bulletins de salaires ) et portée à 60 heures mensuelles en 1996 ,moyennant une rémunération mensuelle brute de 2785€ .Il a été affecté à l'agence de [Localité 2] .

La société [B] ,qui emploie habituellement au moins 11 salariés ,ayant ouvert une autre agence à [Localité 1] , Monsieur [I] a été engagé en qualité de chef comptable ,sans contrat de travail écrit ,à compter du 1er Juin 2009 ,pour une durée de 20 heures par mois moyennant un salaire brut complémentaire de 887€ ;

A compter du mois de Juillet 2009 ,Monsieur [I] a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie prolongé jusqu'au 11 Septembre 2009 .

Le 16 Février 2012 ,Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de DIGNE LES BAINS aux fins de :

-Voir requalifier les contrats de travail à durée indéterminée à temps partiels non écrits en contrats à durée indéterminée à temps complet ,

-Constater la légitimité de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société [B] ,

-Requalifier la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

-Condamner la société [B] à lui verser les sommes suivantes :

*197 379,18€ à titre de rappel de salaire en conséquence de la requalification des contrats ,

*19 734€ pour les congés payés afférents ,

*69 768€ à titre de rappel de salaire pour la période du 1er Septembre 2009 au 31 Mars 2011,

*6978,80€ pour les congés payés afférents ,

*48 731,55€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

*20 884,95€ au titre de l'indemnité de préavis ,

*20 000€ au titre du préjudice moral ,

*20 000 à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la retraite supplémentaire cadre *3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Il a en outre sollicité la condamnation de l'employeur ,sous astreinte de 300€ par jour ,à compter du jugement à intervenir ,à régulariser le contrat retraite cadre ,article 83 AXA ,dans les termes et conditions ayant précédé la modification intervenue le 1er Janvier 2003 et à s'acquitter des cotisations avec intérêts afférentes à ladite régularisation .

Il a demandé à voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ainsi que la condamnation de l'employeur aux dépens .

Par jugement en date du 22 Avril 2013 , le conseil de prud'hommes a :

-Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-Condamné la société [B] à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :

-33 048 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

-76 745€ à titre de rappel de salaire pour la période du 1er Septembre 2009 au 31 Mars 2011,

*1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

-Débouté Monsieur [I] du surplus de ses demandes ;

-Laissé les dépens à la charge de l'employeur .

La société [B] a , le 3 Juin 2013 , interjeté régulièrement appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 16 Février 2015 ,oralement soutenues à l'audience , l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à la rupture du contrat de travail et au rappel de salaire ,de dire que la prise d'acte s'analyse en une démission et de débouter le salarié des demandes afférentes .

Il conclut à la confirmation du jugement pour le surplus ,à la condamnation de Monsieur [I] à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens .

Aux termes de ses dernières écritures en date du 16 Février 2015 ,oralement soutenues à l'audience, Monsieur [I] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a analysé la rupture du contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et son infirmation pour le surplus .

Il demande à voir :

-Requalifier les contrats de travail à durée indéterminée à temps partiels non écrits en contrats à durée indéterminée à temps complet ,

-Constater la légitimité de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la société [B] ,

-Requalifier la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

-Condamner la société [B] à lui verser les sommes suivantes :

*197 379,18€ à titre de rappel de salaire en conséquence de la requalification des contrats ,

*19 734€ pour les congés payés afférents ,

*69 768€ à titre de rappel de salaire pour la période du 1er Septembre 2009 au 31 Mars 2011,

*6978,80€ pour les congés payés afférents ,

*48 731,55€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,

*20 884,95€ au titre de l'indemnité de préavis ,

*20 000€ au titre du préjudice moral ,

*20 000 à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la retraite supplémentaire cadre *3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Il a en outre sollicité la condamnation de l'employeur ,sous astreinte de 300€ par jour ,à compter du jugement à intervenir ,à régulariser le contrat retraite cadre ,article 83 AXA ,dans les termes et conditions ayant précédé la modification intervenue le 1er Janvier 2003 et à s'acquitter des cotisations avec intérêts afférentes à ladite régularisation outre la condamnation de l'employeur aux dépens .

A l'audience ,Monsieur [I] a été invité à produire ,par note en délibéré ,au cours de la première semaine du mois de Mars 2015 ,les avis d'imposition pour les années 2011 à 2013 , la société [B] s'est engagée à communiquer les extraits du registre d'entrée du personnel .

Par fax en date du 27 Février 2015 ,le conseil de la société [B] a transmis à la cour ainsi qu'au conseil de Monsieur [I] les extraits du registre des entrées et sorties du personnel sur la période considérée ,extraits qui font apparaître que deux salariés exerçaient une activité de comptable au sein de l'entreprise au cours de la période considérée .

Par fax en date du 5 Mars 2015 ,le conseil de Monsieur [I] a transmis à la cour ainsi qu'au conseil de la société [B] la copie des déclarations ,préremplies par l'administration fiscale ,des revenus de Monsieur [I] pour les années 2010 et 2011 .

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature des contrats de travail

Monsieur [I] fait valoir que sur le fondement de l'article L3123-14 du code du travail ,à défaut d'écrit ,ou si le contrat de travail ne comporte pas la mention de la durée du travail de référence ,de sa répartition et du volume d'heures complémentaires ,le contrat est présumé avoir été conclu pour un horaire normal .

Il affirme que les seuls bulletins de salaire ne permettent pas de déterminer selon quelles modalités les heures de travail devaient s'exécuter ,quels jours étaient travaillés et qu'il était dès lors constamment au service de son employeur .

Il explique que son statut d'associé aux côtés de son épouse au sein de la société GESCO n'implique en rien l'exercice d'une activité salariée ,qu'eu égard au chiffre d'affaires réalisé par la société [B] (20 000 000€ ) , il ne pouvait exercer ses fonctions de chef comptable qu'à temps plein.

Il ajoute que les attestations produites par l'employeur établies par deux salariés de la société [B] ne sont pas précises et n'ont aucune valeur probante eu égard au lien de subordination.

La société [B] explique qu'elle commercialise l'ensemble des principales marques automobiles au sein de deux établissements ,l'un à [Localité 2] et le second à [Localité 1] et qu'elle a confié à un commissaire aux comptes ,Monsieur [O] ,la mission de contrôler les comptes de l'entreprise ;

Elle expose que Monsieur [O] ,qui intervenait en nom propre au sein de la société [B] ,exerçait parallèlement au sein de plusieurs sociétés ,la société d'expertise comptable GESCO et la société GESCO EXPERT ET AUDIT .

Elle affirme qu'à l'occasion de l'instance prud'homale ,elle a appris que Monsieur [I] était l'associé de Monsieur [O] au sein de la société GESCO et que cette situation est d'autant plus surprenante que Monsieur [O] ,commissaire aux comptes certifiait les comptes établis par son associé et que Monsieur [O] a mis fin à sa mission de commissaire aux comptes de façon concomitante à l'action prud'homale engagée par Monsieur [I].

Elle indique que suite à une procédure de contrôle fiscale dont elle a fait l'objet ,elle a engagé la responsabilité civile de Monsieur [O] en raison des fautes commises et que l'action est actuellement pendante devant une autre juridiction .

Elle affirme que les pièces qu'elle produit démontrent qu'elle n'était pas le seul employeur de Monsieur [I] ,que celui-ci n'a été occupé qu'à temps partiel au sein de la société ,qu'il avait des emplois multiples dont un au taux partiel de 23% ,puis de 37% et qu'il exerçait ailleurs au cours de son arrêt maladie au sein de la société [B]

******

Aux termes des dispositions de l'article L 3123-14 du Code du travail ,le contrat de travail du salarié à temps partiel doit être écrit et comporter certaines mentions ,de sorte que l'absence d'un écrit relatif au temps partiel a pour effet de faire présumer l'existence d'un contrat à temps complet .

Il incombe alors à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter ,par tous moyens , la preuve qu'il s'agit d'un contrat de travail à temps partiel et que le salarié n'a pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur .

En l'espèce , il résulte des explications des parties et de l'examen des pièces produites au débat et notamment les bulletins de salaire et la lettre plainte adressée par Monsieur [I] au Procureur de la République le 9 Juillet 2010 que Monsieur [I] réalisait sa mission de comptable au profit de deux établissements de la société [B] , percevait mensuellement deux salaires pour un volume horaire de travail mensuel de 80 heures et se considérait 'comme titulaire d'un contrat de travail indéterminée à temps partiel depuis le 1er Avril 1995 .

Il convient de considérer à ce stade que ces éléments matériels objectifs permettent de caractériser l'apparence de contrats de travail à temps partiel s'agissant de la durée exacte mensuelle convenue d'autant que Monsieur [I] n'a jamais prétendu ou fait valoir , depuis son embauche , avoir exécuté un volume d'heures plus important .

S'agissant du rythme de travail , la cour relève que Monsieur [I] se contente d'affirmer qu'il ne pouvait pas le prévoir, sans fournir lui-même la moindre indication sur ses plages horaires et les jours travaillés , ni d'explication sérieuse en réplique aux arguments de la société [B] sur les autres emplois qu'il occupait parallèlement .

Il résulte des attestations établies par deux salariés de la société [B] , dont le lien de subordination avec l'employeur ne suffit pas à leur faire perdre leur valeur probante ,que Monsieur [I] se présentait sur le site de [Localité 2] 2 ou 3 jours par semaine .

Par leur nature et leurs spécificités , il n'est pas contesté que l'accomplissement des missions de chef comptable n'implique pas obligatoirement la détermination de plages horaires et de jours précis de présence de sorte .

Il résulte des pièces produites par la société [B] et notamment le registre des entrées et sorties du personnel , le témoignage de Monsieur [Y] et les bulletins de salaire établis par la société Château ARNOUX PEINTURES concernant Monsieur [I] que celui-ci exerçait les fonctions de comptable au sein de la société MIDI AUTO depuis Octobre 1989 (dont il était toujours salarié au 30 Novembre 2012 ) et au sein de la société Château ARNOUX ( Novembre 1996 à Novembre 2010) .

La cour relève que Monsieur [I] ne formule aucune observation sur ces pièces .

Il y a lieu de constater que deux comptables travaillaient également pour le compte de la société [B] de façon concomitante à la période d'exécution du contrat de travail de Monsieur [I] au sein de cette société .

Il résulte de l'examen des pièces fournies en cours de délibéré par Monsieur [I] ,que les documents qu'il produit sont les formulaires préremplis par l'administration fiscale ,non complétés ,non datés et non signés par Monsieur [I] , de sorte qu'ils ne présentent aucune valeur probante sur le montant des revenus effectivement perçus par l'intéressé .

La cour relève en outre que ne figure pas parmi ces documents ,la déclaration des revenus 2009 dont la comparaison avec les années postérieures aurait présenté un intérêt certain à l'examen de ses prétentions .

Eu égard à l'ensemble de ces éléments , la cour estime que la société [B] démontre que la durée exacte mensuelle de travail accomplie par Monsieur [I] correspondait effectivement au temps partiel tel que rémunéré ,que le salarié a ,tout au long de la relation contractuelle , pu prévoir son rythme de travail sans être tenu de rester constamment à la disposition de son employeur .

En conséquence ,il y a lieu de débouter Monsieur [I] de ce chef de prétentions et des demandes y afférentes .

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs .

Sur le contrat retraite

Monsieur [I] explique que la société [B] a souscrit auprès de la compagnie UAP ,un plan collectif de supplément retraite dans le cadre de l'article 83 du code général des impôts et que ce plan prévoyait l'affiliation de la catégorie du personnel cadre .

Il indique que l'employeur a souscrit ,les 1er Juillet 1992 et 1er Juillet 1993 ,des affiliations individuelles au plan collectif et de manière unilatérale ,suivant contrat AXA du 1er Juillet 2003 ,modifié l'économie de ce supplément de retraite à des conditions moins avantageuses et ce ,sans consultation préalable du comité d'entreprise et à minima des intéressés eux-mêmes .

Il affirme que s'il a accepté de signer la modification de son contrat d'assurance retraite ,c'est en raison de l'état de dépendance dans lequel il se trouvait à l'égard de son employeur et à l'engagement de celui-ci de rétablir la situation antérieure à l'issue du contrôle fiscal .

Il ajoute qu'à supposer applicable à son égard le contrat souscrit en Juillet 2003 , l'employeur n'en a pas respecté les termes dans la mesure où les appels de cotisations et les bordereaux d'état récapitulatif de situation font apparaître des cotisations de l'ordre de 1% alors que les cotisations prévues contractuellement sont de 15 % .

La société [B] soutient que Monsieur [I] a signé la modification du contrat retraite ,qu'en sa qualité de comptable , il savait parfaitement ce qu'il signait ,qu'il n'a jamais contesté les termes de ce contrat ou formulé la moindre observation tout au long de sa période d'exécution .

*******

Aux termes des article 1134 et 1109 du code civil ,les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ,sauf à démontrer que le consentement de l'une des parties a été donné par erreur ,extorqué par violence ou surpris par dol .

Il est constant que Monsieur [I] a ,le 11 Novembre 2003 ,signé le contrat 'retraite entreprise article 83" après avoir mentionné lu et approuvé .

La cour relève que Monsieur [I] ne fait état , ni ne démontre , l'existence d'un vice du consentement au sens des dispositions légales sus-visées ,qu'il ne produit par ailleurs aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait subi une pression anormale du seul fait de son lien de dépendance avec la direction de la société .

S'agissant des conditions dans lesquelles ce contrat a été exécuté , la cour ne trouve dans aucune des pièces communiquées par Monsieur [I] les éléments permettant d'étayer ses prétentions relatives au montant des cotisations versées .

Il convient dès lors de débouter Monsieur [I] de ces chefs de demande et de confirmer le jugement déféré .

Sur la rupture des contrats de travail

Monsieur [I] expose ,qu'à l'issu de son arrêt maladie ,il s'est présenté sur son lieu de travail la 14 Septembre 2009 ,que son employeur lui a ordonné de ne plus se présenter tant que la visite médicale d'aptitude n'avait pas été effectuée et qu'il s'est représenté ensuite de la visite médicale de reprise le 28 Septembre 2009 .

Il explique qu'il n'a reçu entre le 14 Septembre 2009 et le 28 Septembre 2009 aucun courrier de son employeur relatifs aux raisons de son absence ou à une demande de communication de documents comptables ,ni de lettre d'avertissement contrairement aux affirmations de celui-ci .

Monsieur [I] indique qu'à son arrivée le 28 Septembre 2009 ,une vive discussion s'est engagée avec Monsieur [D] [B] au sujet de la politique de gestion de la société et des différentes anomalies comptables qu'il avait relevées dans le cadre de l'accomplissement de ses fonctions de comptable .

Il affirme que la société [B] a fait l'objet de plusieurs redressements fiscaux qui n'ont donné lieu à aucune sanction à son égard mais qui révèlent le caractère douteux des pratiques de gestion du gérant .

Il soutient qu'au cours de l'altercation survenue le 28 Septembre 2009 ,il a subi une agression verbale et a fait l'objet de menaces et d'intimidation ,faits pour lesquels il a déposé plainte entre les mains de Monsieur le Procureur de la République ,et qu'en l'état de ces menaces ,il ne se présentait plus sur son lieu de travail .

Il ajoute que par ailleurs et dans le même temps ,il a été affecté de différentes pathologies médicales qui ne se stabiliseront qu'à la fin de l'année 2011 ,ce qui le conduiront ,pendant un certain temps à laisser en suspend les différends rencontrés avec son employeur .

Il fait valoir que par courrier recommandé en date du 31 Mars 2011 ,il a notifié à son employeur qu'il prenait acte de la rupture des contrats de travail estimant que cette rupture n'était que la conséquence de son comportement blâmable et menaçant et du manquement à ses obligations contractuelles relatives au paiement des salaires et des cotisations sociales .

La société [B] explique que contrairement aux affirmation de Monsieur [I] ,celui-ci ne s'est pas présenté sur son lieu de travail ,que par courrier en date du 15 Septembre 2009 ,elle a demandé à Monsieur [I] de lui remettre des pièces comptables ,que le 18 Septembre 2009 , eu égard à l'absence de Monsieur [I] et au fait que le courrier précédent était resté sans effet ,elle lui a notifié un avertissement le 19 Septembre 2009 .

Elle affirme que Monsieur [I] ne s'est présenté sur son lieu de travail que le 28 Septembre 2009, qu'au cours d'une discussion qui s'est déroulée avec le représentant de la société ,Monsieur [I] a été invité à s'expliquer sur le fait qu'il n'ait pas fourni ses justificatifs d'absence et les documents comptables qui lui avaient été demandés à plusieurs reprises ainsi que sur divers manquements professionnels découverts lors de son absence et que celui-ci , furieux ,a préféré quitter l'entreprise ,sans avoir donner de réponse concrète ,en clamant 'qu'il n'avait plus rien à faire dans cette société' .

Elle relève que la plainte déposée par Monsieur [I] a été classée sans suite et que les pièces qu'elle produit démontrent que le salarié a bien reçu les lettres des 15 et 19 Septembre 2009 .

Elle soutient que Monsieur [I] ,auquel il appartient de démontrer les griefs qu'il impute à son employeur pour justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, ne produit aucun élément de nature à en établir la réalité .

Elle fait valoir que Monsieur [I] a quitté son poste le 28 Septembre 2009 ,n'a jamais adressé à son employeur un quelconque courrier ,une quelconque demande ni simplement ni par mise ne demeure de lui fournir un quelconque travail ,de sorte que la rupture du contrat des contrats de travail ,prise à l'initiative de Monsieur [I] , doit s'analyser en une démission .

*****

Selon l'article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il y a lieu de relever que l'employeur qui prend l'initiative de la rupture du contrat de travail, le rompt ou le considère comme rompu ,en dehors de toute manifestation de volonté expresse du salarié tendant à la rupture, doit engager la procédure de licenciement ;à défaut ,la rupture s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d'une démission.

En l'espèce ,il n'est produit ni lettre de démission , ni lettre de licenciement .

Il résulte des explications des parties ,des pièces produites et notamment ,le certificat délivré par la médecine du travail et la prise d'acte en date du 31 Mars 2011 ,que Monsieur [I] a été déclaré apte à reprendre ses fonctions le 25 Septembre 2009 ,que toute relation contractuelle a cessé à compter du 28 Septembre 2009 , que Monsieur [I] ne s'est pas manifesté auprès de son employeur avant la prise d'acte afin de solliciter du travail et ses salaires et ne produit aucun élément relatif à sa situation personnelle (arrêts maladie) et professionnelle depuis le 25 Septembre 2009 ,ni aucune pièce de nature à démontrer qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur entre le 25 Septembre 2009 et le 31 Mars 2011.

L'examen des lettres datées des 15 et 18 Septembre 2009 et de leur accusé de réception révèle que Monsieur [I] en a accusé réception , que la société [B] a ,dans le cadre du premier courrier ,invité Monsieur [I] à lui communiquer des documents comptables la concernant ,et dans le cadre du second ,demandé au salarié de justifier de sa situation au regard de son arrêt maladie ,précisant que le dernier arrêt maladie se terminait le 11 Septembre et qu'elle n'avait reçu aucune prolongation depuis cette date . La société [B] lui a ,in fine ,notifié un avertissement .

Il ressort du courrier en date du 8 Avril 2011 aux termes duquel la société [B] accuse réception de la prise d'acte , le certificat de travail établi par l'employeur le 31 Mars 2011 et les bulletins de salaire établis pour la période du 1er Octobre 2009 au 31 Mars 2011, que l'employeur a réfuté les faits survenus le 28 Septembre 2009 ,a indiqué que les conditions prévues par l'article L4131-1 du code du travail n'étaient pas réunies pour justifier un droit de retrait et que Monsieur [I] a été considéré comme benéficiaire de congés sans solde au cours de la période considérée .

La lecture de la prise d'acte de la rupture permet de constater que Monsieur [I] a fait référence aux propos qu'auraient tenus Monsieur [B] le 28 Septembre 2009 ,à la plainte déposée , a expliqué qu'il avait exerçait son droit de retrait en application de l'article L4131-3 du code du travail ,a 'observé qu'il n'avait pas reçu ses salaires et congés payés , ceci constituant une faute supplémentaire' .

La cour relève que les faits survenus le 28 Septembre 2009 tels que décrits par le salarié sont contestés par l'employeur et que les seuls éléments tirés de la procédure pénale ( plainte de Monsieur [I] et audition de ce dernier par les enquêteurs ) ne suffisent pas en établir la réalité et à justifier 'la mise en oeuvre d'un droit de retrait' au sens des dispositions sus-visées .

En considération de l'ensemble de ces éléments , la cour estime que la société [B] n'a jamais considéré le départ de Monsieur [I] comme une démission , que si les griefs invoqués par Monsieur [I] à l'appui de sa prise d'acte ne sont certes pas justifiés ,il appartenait à la société [B] , qui 'en a elle-même pris acte le 8 Avril 2011" ,tout en en contestant les motifs , d'engager une procédure de licenciement à compter de cette date .

Il convient en conséquence de qualifier la rupture des contrats de travail en un licenciemnt sans cause réelle et sérieuse , avec effet au 31 Mars 2011 , et de débouter Monsieur [I] de sa demande de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er Septembre 2009 et le 31 Mars 2011 ainsi que de sa demande à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral .

Tenant l'âge du salarié (57 ans ) au moment de la rupture, de son ancienneté (16 ans ) de son salaire moyen mensuel brut ( soit 3672 € ) ,de l'absence de justification de sa situation après la rupture , il y a lieu de lui allouer l'indemnisation suivante :

-25 704 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-11 016 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,

-1101,60€ € pour les congés payés afférents,

Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs .

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens .

La société [B] qui succombe principalement supportera les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel sans qu'il soit besoin de la condamner à verser à Monsieur [I] une indemnité de ce chef.

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs .

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt contradictoire , prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

-Infirme le jugement déféré en ses dispositions relatives au rappel de salaire et aux indemnités de rupture .

Statuant à nouveau sur ces points ,

-Déboute Monsieur [N] [I] de sa demande de rappel de salaire pour la période du 1er Septembre 2009 au 31 Mars 2011 ,

-Condamne la société [B] à payer à Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :

*25 704 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*11 016 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ,

*1101,60€ € pour les congés payés afférents,

-Confirme le jugement pour le surplus ,

Y ajoutant ,

-Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ,

-Condamne la société [B] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/11540
Date de la décision : 20/03/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/11540 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-20;13.11540 ?
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