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19/03/2015 | FRANCE | N°14/05963

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 19 mars 2015, 14/05963


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2015

DD

N° 2015/160













Rôle N° 14/05963







[H] [L] [S] [S] [O]





C/



[R] [Y]





















Grosse délivrée

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SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ





SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER








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Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00336.





APPELANTE





Madame [H] [L] [S] [O]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Tot...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2015

DD

N° 2015/160

Rôle N° 14/05963

[H] [L] [S] [S] [O]

C/

[R] [Y]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ

SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/00336.

APPELANTE

Madame [H] [L] [S] [O]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/004595 du 07/05/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ avocat au barreau d'Aix en Provence , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Philippe BOUFFLERS, avocat plaidant au barreau de NICE.

INTIME

Monsieur [R] [Y]

Avocat au Barreau de GRASSE,

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 2] (06)

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me David BERNARD de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN PETIT SCHMITTER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Monika MAHY-MA-SONGA, avocat plaidant au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS

Le 16 décembre 2011, Mme [H] [L] [S] [O] a fait assigner Me Alexandre MEYRONNET, avocat au barreau de Grasse, en responsabilité professionnelle en invoquant divers manquements qui auraient été commis dans le cadre de la procédure de divorce l'ayant opposé à son ex-mari.

Par jugement contradictoire en date du 25 février 2014, le tribunal de grande instance de Nice a :

- dit que Me [R] [Y] a commis une faute dans l'exécution de son mandat d'assistance en justice de Mme [H] [L] [S] [O] devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais que cette faute n'a généré aucun préjudice pour celle ci,

- débouté Mme [H] [L] [S] [O] de son action en responsabilité,

- débouté Me [R] [Y] de sa demande tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ses réserves quant à l'indemnisation qu'il envisage de réclamer à cette ancienne cliente au titre de l'acharnement qu'il lui reproche de lui faire subir,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et laissé à Mme [H] [L] [S] [O] les dépens.

Le tribunal énonce en ses motifs :

- que Mme [L] reproche à Me [Y] de ne pas avoir établi de conclusions ni communiqué des pièces essentielles devant la cour d'appel pour soutenir sa demande de prestation compensatoire et de ne s'être même pas présenté à l'audience, ce qui constitue une faute caractérisée engageant sa responsabilité, la cour d'appel ayant déploré expressément en ses motifs l'absence de production de justificatifs de la situation financière de l'épouse et de celle de l'enfant majeur pour laquelle il était également réclamé une contribution à son entretien,

alors que le mari est chirurgien-dentiste dans un quartier huppé du [Localité 1] à [Localité 2] et qu'elle-même avait des modestes ressources de l'ordre de 700 € par mois ;

- que la faute de l'avocat est caractérisée puisqu'il est constant qu'il avait reçu mandat d'assister en justice Mme [L] et qu'il n'a fait parvenir à la société civile professionnelle d'avoués en charge de la procédure d'appel, aucunes conclusions ni pièces pour le compte de l'appelante, seules les conclusions datées du 20 août 2007 d'un avocat qui avait précédé Me [Y] aux intérêts de Mme [L], étant visées à l'arrêt ;

- que cette faute de négligence n'a pu cependant causer aucun préjudice dans la mesure où la cour d'appel avait toutefois en sa possession des conclusions de 21 pages qui avaient été établies par Me [U], prédécesseur de précédé Me [Y] dans les intérêts de Mme [L] et les 200 pièces communiquées pour le compte de cette dernière ;

- que ces conclusions étaient très complètes et circonstanciées sur les situations financières respectives des deux époux et contrairement à ce qui est soutenu, il était déjà expressément mentionné à deux reprises que dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial le mari entendait revendiquer 90 % de la valeur de l'immeuble indivis des époux vendu 534'310 € et qu'il était demandé à la cour d'en tenir compte afin d'apprécier la disparité de patrimoines entre les époux après le divorce ;

- que s'il est regrettable que Me [Y] n'ait pas sollicité de sa cliente des pièces récentes, il n'en demeure pas moins que la production de ces éléments n'aurait pas été suffisante pour permettre l'octroi d'une prestation compensatoire compte tenu de la situation financière de son époux dont les déclarations fiscales faisaient apparaître des revenus notamment de 21'233 € en 2003 ou de 7700 € en 2006 et dont la sincérité ne pouvait être remise en cause en l'état de deux contrôles fiscaux du cabinet de chirurgien-dentiste de celui-ci lesquels n'ont donné lieu à aucun redressement fiscal sur le revenu ;

- que la cour a donc pris en considération les revenus de chacun des époux pour estimer, comme le tribunal avant elle, que la rupture du lien conjugal n'était pas de nature à créer une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ;

- que la réalité des difficultés financières du mari s'est d'ailleurs confirmée après le prononcé de l'arrêt du divorce puisque il a été déclaré en redressement judiciaire personnel par décision du tribunal de grande instance de Nice le 14 décembre 2009 ;

- qu'en conséquence Me [Y] n'a fait perdre à Mme [L] aucune chance d'obtenir une prestation compensatoire celle-ci étant inexistante ;

- et qu'en toute hypothèse si une telle prestation lui avait été effectivement accordée, la procédure de redressement judiciaire dont il a fait l'objet aurait en toute hypothèse grèvé les chances de recouvrement de celle-ci.

Par déclaration du 24 mars 2014, Mme [H] [L] [S] [O] a relevé appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 13 janvier 2015, Mme [L] demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1984 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

- constater que Me [R] [Y] a manqué à ses obligations de diligence et de conseil,

- dire Me [R] [Y] responsable du rejet dans le cadre de l'arrêt de la cour d'appel du 11 septembre 2008 de la demande de Mme [L],

- le condamner au paiement de la somme de 200.000 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de Mme [L] d'obtenir une prestation compensatoire,

- et le condamner au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens distraits.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 11 juillet 2014, Me [R] [Y] demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 1147 du code civil, et 700 du code de procédure civile, de :

- constater que Mme [H] [L] [S] [O] n'apporte pas la preuve d'un préjudice certain consistant dans une perte de chance sérieuse d'obtenir de la cour d'appel qui était saisie de sa demande de prestation compensatoire une décision plus favorable,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris et débouter Mme [H] [L] [S] [O] de l'ensemble de ses demandes, dès lors qu'en l'absence de préjudice certain en lien de causalité avec les fautes reprochées à Me [Y], la responsabilité professionnelle de cet avocat ne peut être retenue, et débouter Mme [L] de ses demandes en dommages-intérêts et pour frais irrépétibles,

- condamner reconventionnellement Mme [H] [L] [S] [O] à porter et payer à Me [R] [Y] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamner reconventionnellement Mme [H] [L] [S] [O] aux entiers dépens d'instance et d'appel, ceux d'appel distraits.

L'ordonnance de clôture est datée du 22 janvier 2015.

MOTIFS

Attendu que les motifs pertinents par ailleurs des premiers juges méconnaissent toutefois l'existence d'un alea affectant toute décision judiciaire dont il doit être tenu compte, de sorte que les chances de voir prospérer une procédure d'appel n'étaient point totalement nulles, contrairement à ce qui est soutenu ; qu'il est à relever de surcroît que si elles avaient été réellement nulles, Me [Y] n'aurait pas manqué d'en informer sa cliente et l'inviter à y renoncer;

Attendu que la négligence de cet avocat a donc causé la perte certaine d'une chance même faible d'obtenir gain de cause ; que le préjudice issu de cette perte de chance doit dès lors être réparé et le sera par l'octroi de la somme de quinze mille euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu en effet, s'agissant du moyen tiré de la procédure collective du mari, qu' il n'est pas établi qu'elle eût réduit à néant la possibilité pour Mme [L] de recouvrer sa créance de prestation compensatoire, compte tenu de la poursuite de l'activité de l'ex-époux ;

Attendu qu'il s'ensuit la réformation du jugement entrepris ;

Attendu que l'intimé succombant devra supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, et verser en équité la somme de 4000 € à l'appelante au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant lui-même prétendre au bénéfice de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant

Condamne Me [R] [Y] à payer à Mme [H] [L] la somme de quinze mille (15'000 €) à titre de dommages et intérêts, et celle de quatre mille euros (4000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 14/05963
Date de la décision : 19/03/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°14/05963 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-19;14.05963 ?
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