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19/03/2015 | FRANCE | N°13/15426

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 19 mars 2015, 13/15426


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2015



N°2015/194

Jonction avec RG N°13/16151



Rôle N° 13/15426



[U] [C]



C/



Société ARKEMA

CPAM DES [Localité 1]

FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE





Grosse délivrée le :





à :



Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLEr>


SCP AGUERA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON



Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE



FIVA





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Ju...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 19 MARS 2015

N°2015/194

Jonction avec RG N°13/16151

Rôle N° 13/15426

[U] [C]

C/

Société ARKEMA

CPAM DES [Localité 1]

FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée le :

à :

Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

SCP AGUERA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE

FIVA

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES DE HAUTE PROVENCE en date du 25 Juin 2013,enregistré au répertoire général sous le n°21100266.

APPELANT

Monsieur [U] [C], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES

Société ARKEMA, anciennement ELF ATOCHEM ATOFINA

Siège social : [Adresse 3], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP AGUERA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Elodie BOSSUOT-QUIN , avocat au barreau de LYON

CPAM DES [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau de DIGNE

FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, demeurant [Adresse 5]

non comparant

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Février 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2015

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [C], né le [Date naissance 1] 1933, a été embauché le 1er octobre 1950 par la société Péchiney, devenue ARKEMA, sur le site de [Localité 2] et il a pris sa retraite le 1er novembre 1993.

Le diagnostic de plaques pleurales bilatérales a été posé par certificat médical du 19 avril 2011.

La Caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de la maladie (tableau 30) le 2 août 2011 avec un taux d' IPP de 5% à compter du 20 avril 2011, avec versement d'un capital de 1.883,88 euros.

Monsieur [C] a engagé une procédure afin de mettre en cause la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 25 juin 2013, le Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence a retenu la faute inexcusable de la société Arkéma, venant aux droits des sociétés Elf Atochem et Atofina, anciens employeurs de Monsieur [C], a ordonné la majoration maximale du capital versé à la victime, a fixé à 12.000 euros le montant de l'indemnité réparant son préjudice physique et moral, ses autres demandes d'indemnisation étant rejetées, a dit que la Caisse primaire d'assurance maladie devra en faire l'avance, à charge pour elle de se faire rembourser par la société Arkéma, à l'exclusion de la majoration de la rente (sic...), a rejeté la demande d'Arkéma concluant à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle par la Caisse et a condamné la société Arkéma à payer à Monsieur [C] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire à l'exception de la somme relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [C] (procédure 13/15426) puis la Caisse Primaire d'assurance maladie (procédure 13/16151) ont fait appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience du 19 février 2015, Monsieur [C] a demandé à la Cour de confirmer le jugement sauf concernant le montant des indemnités qu'il a estimées insuffisantes.

Il a ainsi réclamé la somme 16.000 euros pour la souffrance physique, 30.000 euros pour la souffrance morale et 16.000 euros pour le préjudice d'agrément.

Il a demandé à la Cour de condamner société Arkéma à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie a demandé à la Cour d'infirmer le jugement en ce que le tribunal a dit qu'elle ne pourra pas récupérer auprès de la société Arkéma la majoration de rente (sic...), de condamner la société Arkéma à lui rembourser toute somme y compris la majoration de la rente (sic...) qu'elle serait amenée à verser au titre du complément d'indemnisation en cas de faute inexcusable et de la condamner à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie, la société ARKEMA a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de débouter l'appelant de ses demandes, subsidiairement de réduire les indemnisations, de lui déclarer inopposables les conséquences financières d'une éventuelle faute inexcusable et de débouter la CPAM de son action récursoire (articles L 452-2 et 452-3 du code de la sécurité sociale).

Par lettre datée du 6 août 2013 et reçue au greffe le 12 août 2013, le FIVA a pris note du recours de Monsieur [C], a informé la Cour qu'il avait été saisi d'une demande d'indemnisation, en cours d'instruction, et a demandé copie de l'arrêt à intervenir pour éviter une double indemnisation.

Le FIVA régulièrement convoqué par lettre recommandée reçue le 29 décembre 2014 n'a pas comparu à l'audience de plaidoirie.

L'ARS régulièrement avisée n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et en raison du lien de connexité qui existe entre les deux procédures 13/15426 et 13/16151, la Cour décide de procéder à leur jonction sous le n°13/15426.

Le FIVA, partie à la procédure, sera destinataire du présent arrêt « réputé contradictoire ».

Monsieur [C] a considéré que ses employeurs successifs, aux droits desquels vient la société Arkéma, avaient commis une faute inexcusable en l'exposant au danger que représentaient les poussières d'amiante pendant toute sa carrière professionnelle, soit du 1er octobre 1950 au 31 octobre 1993 sur le site de [Localité 2], danger dont ils avaient une parfaite connaissance sur le fondement du tableau 30 des maladies professionnelles et des textes en vigueur dès 1950-1951.

A tout le moins, il avait été exposé à un air insalubre en raison des poussières de toutes sortes, alors que les décrets de 1913 et 1948 obligeaient les employeurs à faire des contrôles et à prévoir des ventilations et des évacuations d'air adéquates ainsi que des moyens de protection individuelle (masques) pour garantir « un air dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers », ces textes ayant été repris dans l'article R232-10 du code du travail.

La société Arkéma a contesté toute faute inexcusable de la part des anciens employeurs de Monsieur [C] car ils ne pouvaient avoir eu conscience d'un danger pour la santé de leur salarié pendant la période où il avait travaillé.

Elle a fait valoir que les sociétés Atochem - Atofina n'avaient jamais relevé de la nomenclature des « industries de l'amiante » car elles n'avaient jamais produit ou transformé de l'amiante et ne l'avaient pas utilisée comme matière première, mais dans des matériaux permettant l'isolation et des équipements de protection contre la chaleur, qui contenaient alors de l'amiante.

A l'époque concernée, et sur le site de [Localité 2], « l'exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante était potentielle mais non avérée ».

En effet, si Monsieur [C] avait pu être exposé ponctuellement à l'amiante avant 1976 du fait de ses différentes fonctions entre 1950 et 1976, (chaudronnier jusqu'au 31 mars 1971 puis agent de planning jusqu'au 30 juin 1976 ), son affectation à partir du 1er juillet 1976 au poste de « chef de poste pompier » excluait toute exposition à l'amiante.

Elle a ajouté que les sociétés Elf Atochem et Atofina ne pouvaient pas avoir eu conscience que leurs salariés auraient été exposés à un danger lié à l'amiante, l'Etat n'ayant lui-même qu'imparfaitement réglementé l'utilisation de l'amiante dans le processus industriel, même par le décret du 17 août 1977.

Elle a rappelé qu'il n'existait aucun autre matériau similaire à l'amiante à cette époque, qu'elle avait recherché des produits de substitution et créé un « groupe amiante » pour le site de [Localité 2], ainsi qu'en témoignaient les compte-rendus des réunions des CHSCT (pièce MP2 à MP12), et elle a versé aux débats l'extrait d'une séance du CHSCT du 19 mai 1982 au cours duquel l'un de ses membres demandait même « d'utiliser l'amiante plutôt que la laine de verre » (pièce ACD4).

La Cour rappelle que la faute inexcusable de l'employeur ne se présume pas, et que, dans le cadre de l'application de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque le salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle entend mettre en cause la faute inexcusable de l'employeur, il doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute.

I- Sur l'exposition à l'amiante

Il convient de rappeler que l'amiante était connu depuis l'Antiquité pour ses qualités de résistance au feu et à la chaleur et qu'il n'existait aucun autre matériau présentant les mêmes qualités.

L'amiante était (et est encore, dans certains pays) extrait du sol, dans des mines réparties dans le monde entier y compris en France, jusqu'à la fin du 20ème siècle, époque à laquelle il a été progressivement et définitivement interdit (en 1997 pour la France).

Monsieur [C] a été embauché le 1er octobre 1950 par la société Péchiney, devenue Rhône Progil, puis Rhône Poulenc, puis Chloé Chimie, puis Atochem puis Atofina.

Ces sociétés oeuvraient dans le secteur de la « chimie de base ».

D'après les documents versés aux débats par les parties, la Cour ne peut que constater qu'elles n'ont jamais été mentionnées comme relevant du secteur des « industries de l'amiante » car elles n'avaient jamais produit ou transformé de l'amiante, ne l'avaient pas utilisé comme matière première, et ne l'utilisaient pas comme matériau principal de leurs activités.

Elles n'étaient que de simples utilisatrices car, pour les nécessités de leur exploitation, elles devaient utiliser des matériaux permettant une isolation efficace et des équipements de protection contre la chaleur et qui contenaient alors de l'amiante, notamment pour le calorifugage des tuyauteries et les joints des fours et appareils divers.

Telles étaient d'ailleurs les activités de Monsieur [C] jusqu'en juin 1976, ce qui a été confirmé par ses anciens collègues ayant travaillé avec lui en qualité d'agents de maintenance jusqu'en 1976 (atelier Carbure fermé en 1970 selon le docteur [E] ') : attestations de MM. [R], [Q] et [M].

Comme l'a expliqué lui-même Monsieur [C] au cours de l'enquête diligentée par la CPAM, la période d'exposition aux matériaux contenant de l'amiante (vêtements de protection contre la chaleur des fours, plaques et tresses pour les joints des fours) a pris fin le 30 juin 1976.

La pathologie dont souffre Monsieur [C] relève du tableau 30 des maladies professionnelles, dont il importe de rappeler qu'il n'existait pas avant août-septembre 1950.

En effet, le décret du 31 décembre 1946 portant application de la loi du 30 octobre 1946 sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles comportait en annexe un tableau répertoriant vingt-cinq maladies professionnelles, dont la dernière était la « silicose professionnelle » recouvrant les « maladies consécutives à l'inhalation des poussières siliceuses ou amiantifères », silicose dont l'indemnisation avait été prévue par une ordonnance du 2 août 1945.

Cet amalgame initial entre la silice et l'amiante s'explique par le fait que l'amiante est un « silicate minéral à structure fibreuse ».

Concernant cette 25 ème maladie, le tableau présentait la particularité de ne mentionner que les travaux d'extraction-broyage-manipulation de « minerais ou roches amiantifères », et de « cardage-filature-tissage de l'amiante ».

Ces travaux, limitativement énumérés s'inscrivaient dans un contexte professionnel très spécifique puisqu'impliquant un contact direct et constant avec l'amiante à l'état brut, résultant des conditions d'exploitation des mines rappelées plus haut.

Ce tableau est resté en vigueur jusqu'au décret du 31 août 1950 applicable à partir du 2 septembre 1950, qui a remanié les classifications antérieures, a modifié le tableau 25 relatif à la silicose professionnelle et a créé le tableau 30 nommé « asbestose professionnelle », le délai de prise en charge restant fixé à 5 ans.

Selon ce nouveau tableau 30, les maladies « engendrées par les poussières d'amiante », étaient des fibroses pulmonaires avec ou sans complications cardio-vasculaires et pulmonaires, identifiées sous le terme « asbestose », et les seuls « travaux susceptibles de provoquer les asbestoses professionnelles » étaient « notamment » les travaux de cardage-filature-tissage de l'amiante.

Force est de constater que, par comparaison avec le tableau 25 antérieur, ce nouveau tableau ne reprenait qu'une partie des travaux antérieurement visés puisqu'il excluait toutes les opérations d'extraction-broyage-manipulation de la roche amiante.

En revanche, par cette référence aux travaux de cardage-filature-tissage de l'amiante, le nouveau tableau 30 maintenait la caractéristique antérieure des travaux impliquant un contact direct avec l'amiante à l'état brut. L'adverbe « notamment » ne saurait permettre une extension à des travaux qui ne concernaient pas l'amiante à l'état brut, alors que, parallèllement, les rédacteurs du nouveau tableau 25 énumérait de manière extensive et détaillait plus complètement et plus largement qu'auparavent tous les travaux susceptibles de causer la silicose.

Selon les données de fait du dossier, il serait donc juridiquement erroné de dire que les travaux de manipulation de produits ou de matériaux contenant de l'amiante (plaques en fibro-ciment, matelas isolants, tresses pour joints), le port de combinaisons et gants protégeant du feu ou de la chaleur, et les autres travaux de (dé)calorifugeage ou flocage, auraient été concernés par ce tableau.

C'est en ce sens qu'il a été possible de dire que le tableau 30 de 1950 ne pouvait s'appliquer qu'aux « industries de l'amiante » et non pas aux entreprises qui n'étaient que de simples utilisatrices de matériaux à base d'amiante.

Ce tableau 30 est resté en vigueur jusqu'au décret du 17 décembre 1985 publié le 21 décembre 1985 concernant la partie Décret du code de la sécurité sociale et contenant en annexe II le nouveau tableau 30 qui a étendu tant la liste des MALADIES (Asbestose et ses complications;Lésions pleurales bénignes : Pleurésie exsudative ; Plaques pleurales plus ou moins calcifiées bilatérales, pariétales, diaphragmatiques ou médiastinales; Plaques péricardiques; Epaississements pleuraux bilatéraux; Mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde, quand la relation avec l'amiante est médicalement caractérisée; Autres tumeurs pleurales primitives; Cancers broncho-pulmonaires primitifs quand la relation avec l'amiante est médicalement caractérisée), que la « LISTE INDICATIVE DES PRINCIPAUX TRAVAUX SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER CES MALADIES » (travaux exposant à l'inhalation de poussières d'amiante, notamment :

- Extraction, manipulation et traitement de minerais et roches amiantifères ;

- Manipulation et utilisation de l'amiante brut dans les opérations de fabrication suivantes : amiante-ciment ; amiante-plastique ; amiante-textile ; amiante-caoutchouc ; cardage ;filature ; tissage et confection ; carton, papier et feutre d'amiante ; feuilles et joints en amiante ; garnitures de friction ; produits moulés et isolants ;

- Application, destruction et élimination de produits d'amiante ou à base d'amiante : amiante projeté ; calorifugeage au moyen de produits d'amiante ; maintenance et entretien de matériels, démolition, déflocage.).

C'est donc uniquement à partir du 21 décembre 1985 que le lien a été officialisé entre certains travaux (travaux de projection, de calorifugeage, de déflocage, de maintenance-entretien et démolition) et les pathologies pleurales et pulmonaires (plaques pleurales, épaississements pleuraux, mésothéliomes malins, tumeurs pleurales primitives et cancers broncho-pulmonaires primitifs).

Ce tableau a ensuite été modifié par le décret du 14 avril 2000 qui a retiré le cancer broncho-pulmonaire de la liste des maladies (cf. infra) et a étendu la liste des travaux en y ajoutant : « Travaux de pose et de dépose de calorifugeage contenant de l'amiante. Travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux et annexes revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante. Conduite de four. Travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante. ».

Et, dans cette-même période, un décret du 22 mai 1996 a créé le tableau 30 bis consacré un iquement au Cancer broncho-pulmonaire primitif (cf. supra) et à la liste (limitative) des travaux susceptibles de le provoquer, avec un délai de prise en charge de 35 ans (porté à 40 ans en avril 2000).

Pour ce qui concerne la période pendant laquelle Monsieur [C] a été en contact avec des matériaux composés d'amiante, soit du 1er octobre 1950 au 1er juillet 1976, telle qu'elle a été retenue par la Cour ci-dessus, l'employeur ne peut se voir reprocher de l'avoir exposé en toute connaissance de cause à un danger pour sa santé au regard des pathologies officialisées par décret, comme étant liées à une inhalation de poussières d'amiante, puisqu'il ne lui faisait effectuer aucun des travaux énumérés ni au tableau 25 de 1950, ni au tableau 30 dans sa version antérieure à décembre 1985-janvier 1986.

Monsieur [C] invoque, en second lieu, pour établir l'existence d'une faute inexcusable de son employeur, une exposition aux poussières en général et pendant toute sa carrière professionnelle.

II- Sur une exposition aux poussières, en général

Monsieur [C] a invoqué des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948 ainsi qu'un article R232-10 du code du travail relatifs à la nécessité de conserver l'air des lieux de travail dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers, de les ventiler et de fournir des masques de protection, le caractère impératif de ces obligations existant même sans constat préalable de l'inspection du travail.

La société Arkéma a contesté ces arguments en rappelant que l'Inspection du travail n'avait jamais dressé de procès-verbal et que Monsieur [C] n'apportait aucune preuve d'une faute inexcusable.

Les décrets des 10 juillet 1913 et 13 décembre 1948 invoqués par Monsieur [C] ont été codifiés par le décret du 15 novembre 1973 sous les articles R232-5, R232-5-1 et suivants du code du travail, (devenus depuis cette date les articles R4222-1 et suivants).

Ces textes prévoyaient que les poussières devaient être évacuées de sorte que l'air des ateliers soit renouvelé pour « rester dans l'état de propreté nécessaire à la santé des ouvriers »et que l'employeur devait prévoir le port de masques et de « dispositifs individuels appropriés » en cas d'impossibilité de mettre en place des équipements de protection collectifs.

Ces textes n'imposaient donc pas à l'employeur de réaliser des contrôles périodiques.

Par ailleurs, l'inspection du travail, qui pouvait être alerté par tout membre du CHSCT ou par tout représentant du personnel, disposait du pouvoir de constater un éventuel manquement à ces obligations, avant de délivrer des mises en demeure puis de dresser procès-verbal (articles 67,68 et 69 du livre II du code du travail et de la prévoyance sociale en vigueur en 1913 ; article L231-4 du code du travail créé par loi 73-4 du 2 janvier1973), et de saisir le juge des référés comme prévu par l'article L263-1 du code du travail,dans sa version en vigueur du 23 novembre1973 au 1er janvier 1994) qui a prévu que : « (') lorsqu'un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résulte de l'inobservation des dispositions des chapitres Ier, II et III du titre III du présent livre et des textes pris pour leur application, l'inspecteur du travail et de la main-d'oeuvre saisit le juge des référés pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser ce risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres.

Le juge peut également ordonner la fermeture temporaire d'un atelier ou chantier.

Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. ».

Il n'existe au dossier aucune demande du CHSCT ni aucune mention d'une intervention de l'inspecteur du travail et/ou du juge des référés, qui auraient permis à la Cour de constater la réalité de l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations relatives à l'assainissement de l'air, soit dans les locaux du site de Saint Auban en général, soit au poste de travail de Monsieur [C] en particulier.

Les attestations des trois collègues de travail de Monsieur [C] sont, par leur généralité, insuffisantes pour caractériser des fautes qui n'ont pas été constatées de manière objective et techniquement incontestable il y a plus de 20 ans (entre 1950 et 1993, fin de son activité).

Quant à la référence faite à un « stock d'amiante de 387 kilos », elle n'a aucune signification puisqu'il n'est donné aucune indication ni sur le volume que représenteraient ces plaques, bandes, bourrelets, tissus, tresses, etc..., ni sur leur condition de stockage ni sur leur état de conservation, ni dans quelles circonstances Monsieur [C] aurait été en contact avec ce stock d'amiante postérieurement à 1976, dans ses fonctions de « chef de poste pompier ».

Avant 1977, aucune faute inexcusable n'est caractérisée car l'employeur ne pouvait avoir conscience d'un danger pour ses salariés qui manipulaient des produits (tresses, plaques, etc...) composés d'amiante.

Les compte-rendus des réunions des CHSCT du site de Saint Auban dont la Cour a été destinataire montrent le souci réel et constant de s responsables de la société Atochem, notamment, d'éliminer les matériaux à base d'amiante mais également la difficulté qui se posait du remplacement des produits par d'autres matériaux pouvant garantir la même protection des ouvriers contre les risques plus graves de brûlures dues à la très forte chaleur des fours, et des risques d'incendie des installations dont il était toujours rappelé qu'elles étaient consacrées à des activités de chimie et non à des activités de production ou de transformation de l'amiante.

A ce point du raisonnement, la Cour ne saurait retenir l'argument de Monsieur [C] qui se réfère à des « décisions de principe de la Cour de cassation » concernant non pas des positions juridiques, mais des questions de pur fait concernant les industries de l'amiante qu'étaient les sociétés Eternit, Ferodo et autres.

Par ailleurs, et à titre surabondant, c'est à juste titre que la société Arkéma a fait valoir que, si la responsabilité des plus hautes autorités de l'Etat, comme le ministre du travail qui était destinataire de tous les comptes rendus du Comité Permanent Amiante (CPA) n'a pas été retenue, il était difficile de soutenir sérieusement que, dans la même période 1977 -1995, une société simple utilisatrice de matériaux isolants, étrangère aux travaux du CPA, pouvait avoir une totale conscience d'un danger pour ses ouvriers.

Ce Comité (1983-1995) se réunissait en effet régulièrement et les représentants de trois ministères en étaient membres (travail, santé et environnement).

Aucune pièce du dossier ne permet de dire que les fonctions occupées par Monsieur [C] à partir de juillet 1976 et en tout cas postérieurement au décret du 17 août 1977 l'auraient exposé à de la poussière d'amiante par des « ...travaux de transport, de manipulation, de traitement, de transformation, d'application et d'élimination de l'amiante et de tous produits ou objets susceptibles d'être à l'origine d'émission de fibres d'amiante. ».

En conséquence, la Cour constate que Monsieur [C] n'a pas rapporté la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel pouvait être exposé son salarié et qu'il n'aurait pris aucune mesure pour l'en préserver, ni avant 1976 ni entre 1976 et 1993.

Aucune faute inexcusable ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur.

La Cour infirme, avec toutes conséquences de droit, le jugement déféré et déboute Monsieur [C] et la Caisse Primaire d'assurance maladie de leurs demandes.

III- Sur l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie par la Caisse

La société Arkéma considère que la Caisse n'a pas justifié de l'existence d'un examen tomodensitométrique avant de prendre sa décision de reconnaissance de la maladie de Monsieur [C].

La Caisse a fait valoir qu'elle n'avait pas à joindre ce document au dossier présenté pour consultation à l'employeur dans le cadre de l'article R441-13 du code de la sécurité sociale.

La décision de la Caisse fait grief à la société Arkéma puisqu'elle a une incidence sur ses cotisations sociales.

La Cour rappelle que le tableau 30 des maladies professionnelles fait de l'examen tomodensitométrique une condition préalable à la reconnaissance de la maladie par l'organisme social.

Son absence rend cette décision inopposable à l'employeur.

La Cour constate qu'aucun des documents ne mentionne l'existence de cet examen et que la Caisse n'a pas davantage produit ce document dans la procédure.

La critique de la société Arkéma est fondée, la Cour infirme le jugement sur ce point également et fait droit à sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, avec toutes ses conséquences de droit.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Ordonne la jonction des procédures 13/15426 et 13/16151 sous le n°13/15426,

Infirme le jugement du Tribunal des Affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute Provence du 25 juin 2013,

Et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur [C] de son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, de ses demandes indemnitaires et de sa demande de majoration du capital versé par la Caisse Primaire d'assurance maladie,

Déclare inopposable à la société Arkéma la décision de la Caisse Primaire d'assurance maladie de prendre en charge la maladie de Monsieur [C] au titre du tableau 30 des maladies professionnelles,

Déboute la Caisse Primaire d'assurance maladie de toute action récursoire à l'encontre de la société Arkéma France,

Déboute Monsieur [C] et la Caisse Primaire d'assurance maladie de toutes leurs autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 13/15426
Date de la décision : 19/03/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°13/15426 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-19;13.15426 ?
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