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12/03/2015 | FRANCE | N°12/12386

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 12 mars 2015, 12/12386


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 12 MARS 2015



N° 2015/ 109













Rôle N° 12/12386







[E] [F]

[N] [Z]

SARL RISTOR FRANCE MARSEILLE

SARL INTERNATIONAL TRADING





C/



SPA DE LONGHI APPLIANCES SRL





















Grosse délivrée

le :

à :





Me Denis REBUFAT

Me COSTA


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 14 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F03883.





APPELANTS



Maître [F] [E],

pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE INTERNATIONAL TRADING, SARL -

assigné en intervention...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 12 MARS 2015

N° 2015/ 109

Rôle N° 12/12386

[E] [F]

[N] [Z]

SARL RISTOR FRANCE MARSEILLE

SARL INTERNATIONAL TRADING

C/

SPA DE LONGHI APPLIANCES SRL

Grosse délivrée

le :

à :

Me Denis REBUFAT

Me COSTA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 14 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F03883.

APPELANTS

Maître [F] [E],

pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIETE INTERNATIONAL TRADING, SARL -

assigné en intervention forcée

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [N] [Z]

pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL RISTOR France

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL RISTOR FRANCE MARSEILLE,

dont le siége social est [Adresse 4]

représentée par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE

SARL INTERNATIONAL TRADING,

dont le siége social est [Adresse 5]

représentée par Me Denis REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SPA DE LONGHI APPLIANCES SRL

Venant aux droits de la société ARIETE SpA,

dont le siége social est [Adresse 1] (ITALIE)

représentée par Me Véronique COSTA, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée par Me Sophie SEGOND, avocat au barreau de PARIS,

substituée par Me Sarah GIAMMATTEO avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Février 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mars 2015,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société ARIETE Spa, aux droits de laquelle vient la société DE LONGHI APPLIANCES SRL, est une société de droit italien qui fabrique une gamme de cafetières « expresso », notamment.

Le 27 avril 2007, la société RISTOR FRANCE, la société INTERNATIONAL TRADING et la société DE LONGHI en Italie, ont signé des accords.

L'accord concernant la société RISTOR FRANCE prévoyait : «Le CONCEDANT OU FOURNISSEUR dont l'activité est la production de machines à café espresso et des capsules de café captives, a agréé le principe de concéder la distribution exclusive de sa gamme de produits CAPRICCI présents et à venir, sous le concept machines à café et capsules captives, sur le territoire suivant : France (Dom Tom Corse inclus), Benelux (Pays Bas), Belgique, le Maroc, Israël, la Roumanie au CONCESSIONNAIRE OU DISTRIBUTEUR (') Un contrat de distribution exclusive est en cours de signature ».

L'accord concernant la société INTERNATIONAL TRADING prévoyait : «Le CONCEDANT OU FOURNISSEUR dont l'activité est la production de machines à café espresso et des capsules de café captives, a agréé le principe de concéder la distribution exclusive de sa gamme de produits CAPRICCI présents et à venir, sous le concept machines à café et capsules captives, sur le territoire suivant : l'Algérie, la Tunisie au CONCESSIONNAIRE OU DISTRIBUTEUR ('). Un contrat de distribution exclusive est en cours de signature »

Des livraisons de machines à café sont intervenues à partir du mois de mai 2007.

Une dernière livraison de produits ARIETE a été faite à la société RISTOR FRANCE le 19 mars 2008, mais au motif d'une dette impayée, la société DE LONGHI a mis en jeu la garantie bancaire donnée par ses clientes et a ainsi obtenu le paiement de la somme de 30.000 € pour le compte de la société INTERNATIONAL TRADING.

La société DE LONGHI a ensuite réclamé le règlement de ses factures impayées.

Les sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE ont alors invoqué les défectuosités de nombreuses machines.

Par acte en date du 14 août 2008, les sociétés RISTOR FRANCE et INTERNATIONAL TRADING ont assigné la société DE LONGHI devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins que cette dernière soit condamnée à reprendre les machines à café de la marque ARIETE et que soient annulées les factures correspondantes.

Par jugement du 29 juin 2009, le tribunal a ordonné une expertise, à la suite de quoi, l'expert [M] a déposé un rapport en date du 28 juin 2010.

A la suite d'un jugement du 3 janvier 2011, M. [M] a déposé un rapport complémentaire le 28 mai 2011, dans lequel il a conclu : « Sur la base des essais réalisés par échantillonnage, l'expert confirme que 60% des machines restituées présentent des dysfonctionnements qui rendent les machines inutilisables. Le taux de panne estimé sur les machines vendues est au minimum de 11%. Ces pannes se produisent généralement après un faible temps de fonctionnement, elles sont la conséquence de défauts de conception ou de fabrication ».

Par jugement en date du 14 mai 2012, le tribunal de commerce de MARSEILLE a débouté les sociétés clientes, aujourd'hui appelantes, de l'intégralité de leurs demandes.

Par arrêt en date du 16 janvier 2014, cette chambre a « dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise, dit qu'en livrant des machines affectées dans une proportion de 11% de désordres empêchant leur utilisation et leur vente, la Société DE LONGHI APPLIANCE a provoqué l'arrêt du processus de conclusion d'accords de distribution entre elle et les sociétés RISTOR et INTERNATIONAL TRADING, dit qu'en vendant à un tiers le stock de machines détenues par un entrepositaire, la société qui a donné l'ordre de vente a privé la société DE LONGHI APPLIANCES du bénéfice de la revente de celles qui étaient en état de fonctionnement et de l'opportunité de réparer celles qui étaient défectueuses, dit en conséquence, sans préjudice de l'appréciation de l'obligation à la dette de la société RISTOR et de l'indemnisation du préjudice complémentaire, que les appelantes peuvent en toute hypothèse prétendre à une minoration de 11 % du prix de la totalité des machines livrées déduction faite de la valeur de celles qui ont effectivement été retournées et de celles qu'elle détiendrait encore, enjoint en tant que de besoin aux appelantes de faire retour à leur frais avancés à la Société DE LONGHI APPLIANCES des machines qui se trouveraient encore en leur possession et de se ménager la preuve de la consistance et valeur exactes des retours, enjoint aux parties de présenter le décompte exact et documenté des montants dus dans un délai de 6 semaines à compter du prononcé du présent arrêt ».

La cour ayant sursis à statuer sur le surplus , l'affaire a été renvoyée à l'audience du 21 mai 2014 à 8H40.

Par ailleurs, par jugement en date du 18 mars 2013, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé le redressement judiciaire de la société INTERNATIONAL TRADING. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 17 avril 2013. Me [F] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 30 juin 2014, le tribunal de commerce de MARSEILLE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL RISTOR FRANCE. Maître [N] [Z] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire de la SARL RISTOR FRANCE.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2015.

Les appelantes ayant conclu la veille de l'ordonnance de clôture et l'intimée ayant déposé des conclusions en réponse après cette ordonnance, afin de permettre l'échange contradictoire et avant l'ouverture des débats le conseiller de la mise en état a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture, l'admission des conclusions de l'intimée et la clôture est intervenue aussitôt, le 4 février 2015.

Vu les conclusions déposées et signifiées le 20 janvier 2015 par les appelantes par lesquelles elles demandent à la cour de recevoir Me [Z] en son intervention volontaire en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL RISTOR FRANCE, d'homologuer le rapport d'expertise judiciaire, de constater que dans son arrêt du 16 janvier 2014 la cour d'appel a retenu la responsabilité incombant à la société DE LONGHI venant au droits de la Société ARIETE dans la rupture de leur relation contractuelle, de constater, en effet que la société ARIETE et la société DE LONGHI APPLIANCES ont commis des fautes en livrant des machines présentant un taux de défectuosité importante et en refusant de livrer des capsules « captives », de dire que la créance de la société DE LONGHI sur la société INTERNATIONAL TRADING doit être fixée à la somme de 23.088,12 €, de dire que la créance de la société DE LONGHI sur la société RISTOR FRANCE doit être fixée à la somme de 115.759,26 euros, de juger que la Société DE LONGHI est responsable du préjudice découlant de l'impossibilité de restituer les machines et d'obtenir les avoirs sur factures correspondantes, en conséquence, de condamner la Société DE LONGHI à payer à la Société RISTOR FRANCE la somme de 115.759,26 € à titre de dommages et intérêts et à la société INTERNATIONAL TRADING la somme de 23.088,12 € à titre de dommages et intérêts, d'ordonner la compensation des dettes réciproques, outre la somme de 100.000 €, somme dépensée en pure perte pour la mise en place du réseau, de juger que la Société DE LONGHI est responsable du préjudice des sociétés RISTOR FRANCE et INTERNATIONAL TRADING sur la période comprise entre 2007 et 2013, la condamner, en conséquence, à payer la somme de 7.500.000 euros (sept millions cinq cents mille euros) à titre de dommages et intérêts à la société RISTOR FRANCE en réparation du préjudice correspondant au gain dont elle a été privée de manière évidente et certaine et 8.126.000 € (huit millions cent vingt-six mille €) à titre de dommages et intérêts à la société INTERNATIONAL TRADING en réparation correspondant au gain dont elle a été privée de manière évidente et certaine de condamner encore la société DE LONGHI APPLIANCES in solidum à titre subsidiaire à verser à la société RISTOR FRANCE MARSEILLE la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure distraits au profit de Maître Denis REBUFAT avocat à Marseille.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 29 janvier 2015 par la société DE LONGHI APPLIANCESS Srl par lesquelles celle-ci demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 14 mai 2012, en ce qu'il a débouté les sociétés INTERNATIONAL TRADING, représentée par Maître [E] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et RISTOR FRANCE de l'ensemble de leurs demandes, jugé que la responsabilité contractuelle de la société DE LONGHI pour son refus de livrer les commandes aux sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE n'est nullement établie compte tenu de l'exception d'inexécution soulevée par la société DE LONGHI, de constater que les préjudices financiers invoqués par les sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE au titre des machines défectueuses ne sont pas prouvés, de rejeter les demandes de condamnation des sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE, au titre de dommages et intérêts pour le préjudice allégué du fait du non-aboutissement des négociations avec la société DE LONGHI, de réformer le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau de constater que les sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE ne produisent pas un décompte détaillé et documenté des machines ARIETE retournées ou à retourner, de juger que la société DE LONGHI a livré aux sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE 2404 machines, qui restent à ce jour impayées, de constater que la société INTERNATIONAL TRADING a revendu 2293 machines de marque ARIETE à la société SUN LOGISTICS moyennant la somme de 30.000 €, de juger que la reprise des machines est donc impossible, de condamner en conséquence, solidairement, la société INTERNATIONAL TRADING, représentée par Maître [E] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et RISTOR FRANCE à lui payer respectivement les sommes de 124.879,54 € et 44.455,50 € pour un montant total de 169.335,04 € au titre des factures échues et non réglées, outre intérêts au taux légal à compter du 14 août 2008, de condamner solidairement les sociétés INTERNATIONAL TRADING, représentée par Me [E] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et RISTOR FRANCE à indemniser la société DE LONGHI du préjudice moral et d'image dont celle-ci est victime du fait de la commercialisation du stock litigieux, à hauteur de 30.000 € , y ajoutant, de condamner solidairement les sociétés INTERNATIONAL TRADING, représentée par son liquidateur judiciaire et RISTOR FRANCE à lui verser la somme de 3.000 € au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire, de fixer la créance de la société DE LONGHI à la somme de 202.335,04 € (169.335,04 € + 30.000 € + 3.000 €) au passif de la société INTERNATIONAL TRADING avec toutes conséquences de droit conformément aux articles R.641-27 et suivants du Code de commerce, de condamner solidairement les sociétés INTERNATIONAL TRADING, représentée par Maître [E] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et RISTOR FRANCE à payer à la société DE LONGHI la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner solidairement les sociétés INTERNATIONAL TRADING, représentée par Maître [E] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et RISTOR FRANCE aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

1. Me [Z] a intérêt à intervenir à l'instance, en sa qualité de mandataire judiciaire de cette société. Il sera donc reçu en son intervention.

2. La société DE LONGHI fait valoir que la cause de la rupture des relations contractuelles réside seulement dans le retard qui a été mis par les sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE dans le règlement de ses factures ; qu'il ne peut être fait de lien entre le taux de panne des machines et la rupture des relations commerciales ; que les capsules étaient exemptes de tout défaut ; qu'avant la mise en demeure de payer qu'elle a délivrée aux sociétés INTER NATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE le 12 juin 2008, ces dernières n'ont  jamais fait état de la défectuosité des machines ; que le refus de payer de ces deux sociétés a pleinement justifié le refus par elle de leur livrer des capsules, ceci au titre de l'exception d'inexécution soulevée dès le 12 juin 2008.

3. Mais, dans son arrêt du 16 janvier 2014, cette cour a jugé que « le taux de retour de machines défectueuses mis en évidence par l'expert étant suffisamment important pour que puisse être retenu avec certitude le refus des distributeurs et des clients finaux de continuer à s'approvisionner, l'interruption du processus de conclusions des contrats de concession doit être imputé intégralement à la Société DE LONGHI » .

Cette décision, revêtue de l'autorité de la chose jugée, a dessaisi la cour de ce point litigieux, lequel a été tranché dans les termes du dispositif rappelé ci-avant.

C'est donc vainement que la société DE LONGHI, excipant encore d'un motif légitime de rupture, en appelle au droit qu'elle dit avoir été le sien de rompre les négociations , car sur ce point le dispositif de l'arrêt énonce « qu'en livrant des machines affectées dans une proportion de 11% de désordres empêchant leur utilisation et leur vente, la Société DE LONGHI APPLIANCE a provoqué l'arrêt du processus de conclusion d'accords de distribution entre elle et les sociétés RISTOR et INTERNATIONAL TRADING », ce processus ayant débuté avec la livraison de machines qui ont été introduites dans le circuit de distribution commerciale par les clientes et s'étant achevé prématurément , en raison des défauts constatés, alors qu'il aurait pu aboutir à la signature d'un contrat de distribution exclusive.

4. DELONGHI estime que la responsabilité des sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR est engagée à raison de la disparition de l'objet du litige et de l'impossibilité pour elle de reprendre les machines à café ARIETE, lesquelles ont été cédées par elles deux à la société SUN LOGISTICS qui les a mises sur le marché à des prix très bas ; qu'en effet, la société SUN LOGISTICS, qui était la plateforme logistique de la société INTERNATIONAL TRADING, a obtenu la condamnation de cette dernière société à lui payer une certaine somme , au titre des factures d'entreposage, après quoi une saisie-vente a été diligentée par SUN LOGISTICS, ensuite suivie par la signature d'un protocole transactionnel en date du 18 avril 2011, à la suite duquel le stock composé de 2293 machines a été vendu pour la somme de 30 000 € à la SARL 3G INTEGRATION.

Mais, la cour a déjà pris en compte la cession intervenue au profit de SUN LOGISTICS pour avoir jugé que « en vendant à un tiers le stock de machines détenues par un entrepositaire, la société qui a donné l'ordre de vente a privé la société DELONGHI APPLIANCES du bénéfice de la revente de celles qui étaient en état de fonctionnement et de l'opportunité de réparer celles qui étaient défectueuses ».

En tout état de cause, cette vente laisse subsister la dette des clientes au titre des factures, la cour ayant seulement jugé qu'en raison des défectuosités les sociétés clientes pouvaient prétendre à une minoration de 11 % du prix de la totalité des machines livrées, déduction faite de la valeur de celles qui ont été retournées et de celles qu'elles détiendraient encore.

D'autre part, cette décision rend à présent vaine toute contestation sur la qualité de l'expertise ou le taux de 11 % retenu par l'expert.

5. La société DE LONGHI indique que les sociétés appelantes étaient en possession de 2404 machines dont 2293 ont été revendues à la société SUN LOGISTIC, soit une différence de 111 machines dont nul ne sait où elles se trouvent, puisqu'aucune pièce n'a été produite au cours de l'expertise ; qu'en exécution de l'arrêt du 16 janvier 2014, qui a enjoint aux parties de présenter un décompte exact des sommes dues, compte tenu des machines effectivement retournées et de celles qui ont été revendues à la société SUN LOGISTIC elle a demandé, sans succès, un décompte détaillé aux parties adverses, dès le 11 février 2014 ; que la société INTERNATIONAL TRADING n'a produit aucun document sur le nombre exact de machines retournées , ni documents comptables concernant les avoirs qui ont été émis suite aux retours ; qu'en vertu de l'article 1538 du code civil, la vente est parfaite entre les parties ; que par conséquent, à défaut de pouvoir retourner les machines, les sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR France doivent en payer le prix pour en avoir acquis la propriété.

Sur la base des factures de capsules et de machines à café livrées, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner les sociétés INTERNATIONAL TRADING et RISTOR FRANCE à s'acquitter des sommes dues, à savoir respectivement les sommes de 44.455,50 € et de 124.879,54 €.

Toutefois, ce chiffrage ne prend pas en compte la réduction de 11 %.

En revanche, le rapport d'audit établi par le cabinet ELLIEN AUDIT EXPERTISE, que produisent les appelantes, propose des chiffres bruts en parfaite cohérence avec les demandes de DE LONGHI, puisqu'il fixe la valeur des machines livrées, respectivement, à la somme de 43 993,83 euros et à 124 879,54 euros, par référence à une série d'annexes comptables non contestées par la partie adverse.

De plus, il procède à un décompte faisant apparaître le montant des ventes de capsules et le total des règlements.

Dans cette mesure, il est établi que le montant des achats de machines par INTERNATIONAL TRADING s'est élevé à la somme de 190 051,87 euros, les achats de capsules à 9240,23 euros, le total des règlements intervenus à 155 298,27 euros, soit un dû de 23 088,12 euros après déduction de l'avoir de 11 % sur machines, représentant un chiffre de 20 905,71 euros.

En ce qui concerne la dette de RISTOR FRANCE, le montant des achats de machines s'est élevé à la somme de 82 911,54 euros, les achats de capsules à 137 786,99 euros, le total des règlements s'est élevé à 95 819 €, soit un dû de 115 759,26 euros après déduction de l'avoir de 11 % sur machines, représentant un chiffre de 9120,27 euros.

Par ailleurs, la société DE LONGHI fait état dans ses conclusions d'une mise en demeure de payer en date du 12 juin 2008 et demande que le cours des intérêts moratoires débute le 14 août 2008, jour de l'introduction de la demande principale devant le tribunal de commerce. Il sera fait droit à cette demande, le cours des intérêts cessant ensuite au moment de l'ouverture des procédures collectives.

6. Les sociétés appelantes prétendent qu'elles ont subi une perte liée à l'impossibilité de restituer les machines et d'obtenir les avoirs sur factures correspondantes, faisant valoir que toutes les machines et capsules non restituées étaient entreposées chez la Société SUN LOGISTIC, spécialisée dans le stockage en entrepôts. Elle soutiennent qu'en cessant de manière fautive toute relation commerciale avec la Société INTERNATIONAL TRADING, la société DE LONGHI l'a mise en difficultés, l'empêchant de régler les factures de stockage à la Société SUN LOGISTIC qui a obtenu sa condamnation à lui payer une somme importante et a fait pratiquer une saisie-vente le 18 mars 2011, ce qui lui a donné la possibilité de vendre aux enchères les marchandises en stock afin de se régler du montant des factures, la dette dépassant alors 40 000 € ; qu'un accord transactionnel a cependant été trouvé à hauteur de 30 000 € ; qu'elles subissent ainsi un préjudice de 23.088,12 € pour la Société INTERNATIONAL TRADING et de 115.759,26 € pour la Société RISTOR FRANCE, outre les sommes qui ont été dépensées en pure perte pour mettre en place le réseau, évaluées à 100 000 €.

Mais, d'une part, la poursuite des relations commerciales ne pouvait avoir pour finalité le paiement des factures de stockage, puisque le véritable objectif commercial était celui de la distribution et que , sans pouvoir vendre les machines livrées, en raison des vices, les appelantes n'auraient fait que constituer du stock et alourdir ainsi la facture chez l'entrepositaire.

D'autre part, les appelantes ne justifient pas de l'impossibilité de restituer les machines en temps opportun et ne se sont jamais heurtées au refus de DE LONGHI de recevoir les retours. Elles ne peuvent donc lui faire grief de la situation qu'elles ont créée en prenant l'initiative de recourir au stockage chez un entrepositaire, sans s'assurer préalablement, qu'elles seraient en mesure de payer ses prestations.

En troisième lieu, le fait n'est pas contestable qu'elles ont fait le choix du silence jusqu'au moment où DE LONGHI a réclamé le paiement de ses factures, situation qui est seule à l'origine de la dette qui s'est accumulée et qu'elles n'ont pas payée, étant observé, par ailleurs, qu'il n'est en rien justifié qu'elles ont dépensé 100.000 euros en pure perte pour mettre en place le réseau.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts sera rejetée.

7. Les appelantes font aussi valoir que la Société DE LONGHI a cessé la livraison des capsules captives, alors qu'elle aurait dû reprendre les machines affectées du vice ou procéder à une modification technique des machines ; qu'en cessant de livrer les capsules, alors que la marge bénéficiaire de tout le système de distribution se faisait précisément sur les capsules, elle a nécessairement provoqué la rupture abusive du contrat par son refus de vente.

Mais, comme il a été dit précédemment, les appelantes ont stocké les machines, ce qui ne pouvait que tarir l'écoulement des capsules.

En réalité, le processus de rupture a débuté par le non-paiement des factures par les clientes, lequel a provoqué la fin de l'approvisionnement par DELONGHI et abouti à la non-signature d'accords de distribution.

Ainsi, la rupture n'a pas pour cause le refus de vente des capsules captives, mais ainsi que cela a été jugé par cette chambre, la livraison de machines à café « affectées dans une proportion de 11% de désordres empêchant leur utilisation et leur vente ».

Le moyen sera donc écarté.

8. Les appelantes demandent le dédommagement du gain dont elles ont été privées , faisant valoir que le rapport d'audit qu'elles produisent distingue le préjudice sur la perte de chiffre d'affaire pour la vente des machines et d'autre part sur celui des capsules « captives » ; que l'analyse a été faite par rapport au chiffre d'affaires réalisé par la Société NESPRESSO, dont l'activité concurrentielle est similaire à la leur ; qu'en ce domaine, la Société ARIETE (DE LONGHI) était précurseur et l'implantation prévue dans les accords d'avril 2007 aurait obligatoirement connu une évolution similaire, mais dans une moindre mesure à celle connue par la Société NESPRESSO l'expert ayant pris soin d'établir des proportions ; qu'est également produite une étude d'avril 2007, faite par la société CAFE NEGOCE, document ayant servi de base de réflexion lors de la conclusion des accords entre RISTOR FRANCE, INTERNATIONAL TRADING et ARIETE ; que l'expert-comptable a également évalué les charges des entreprises sur la période de 2007 à 2013 et a fixé de manière cohérente un seuil de rentabilité et de chiffres d'affaires à partir de 2012 ; qu'il est ainsi parvenu à une marge de progression sensiblement équivalente à celle de la Société NESPRESSO mais dans une proportion plus faible et a établi un compte de résultat prévisionnel sur les exercices de 2008 à 2013, soit un préjudice global net avant impôt pour la période entre 2007 et 2013 d'un montant minimum de 15.626.000 € à répartir entre les sociétés RISTOR FRANCE et INTERNATIONAL TRADING.

Mais, les sociétés appelantes n'établissent pas qu'un accord de distribution interviendrait obligatoirement avec la société DE LONGHI, si ce n'est qu'il existait des chances effectives qu'il le soit, ce qui se déduit du nombre de machines et de capsules captives livrées et facturées et de l'absence d'objection de la part de la société DE LONGHI à poursuivre les relations, hormis la question du paiement des factures dans le contexte qui a déjà été analysé.

Dans cette mesure, la perte de chance de conclure un accord et d'en retirer les fruits est seule indemnisable, bien que, sur la mesure du préjudice, DE LONGHI relève qu'elle est faite sur la base d'un rapport d'audit non contradictoire qui a pris en compte le chiffre d'affaires réalisé par la société NESPRESSO, leader des machines à capsules, pour avoir lancé elle-même le concept de la machine à capsules et pour avoir développé un important marketing à ce sujet à partir des années 1990, ce qui lui vaut de détenir au moins du 85 % du marché précité et 30% du marché des machines à dosette, tandis que la société SENSEO en détient 38% et la société TASSIMO 17 %.

Toutefois, au regard des échanges contradictoires entre les parties et des éléments comptables produits par elles, le préjudice peut être évalué à 15.000 €, à répartir entre les sociétés RISTOR FRANCE et INTERNATIONAL TRADING par rapport à leur volume d'achat initial à hauteur de 48% pour RISTOR FRANCE et 52 % pour INTERNATIONAL TRADING, suivant ce que proposent ces sociétés, ce qui représente 7.200 € pour la société RISTOR FRANCE et 7.800 € pour la société INTERNATIONAL TRADING.

9. La société DE LONGHI indique avoir subi un préjudice par suite de la commercialisation du stock litigieux, car cette commercialisation a porté atteinte à son image et à la renommée de ses marques, dont notamment la marque ARIETE ; qu'en effet, en autorisant la vente à un tiers totalement étranger à la distribution de machines à café, en l'espèce la SARL 3G INTEGRATION, dont l'objet social est la réalisation de prestations de communication, les sociétés appelantes ont permis que les 2293 machines ARIETE soit commercialisées à un prix très inférieur au tarif habituel et, de surcroît, en dehors de tout réseau de distributeurs agréés seuls à même d'assurer un service après-vente ainsi que la fourniture de capsules pour l'utilisation des machines ; qu'au surplus, une vente faite dans de telles conditions est susceptible de violer les accords de distribution conclus par elle, de sorte qu'est justifié le paiement de la somme de 30 000 € en réparation de son préjudice moral, somme calquée sur le montant de la vente des 2293 machines réalisée par la société INTERNATIONAL TRADING.

Au sujet de cette commercialisation de ces machines, la cour a jugé, admettant ainsi que l'opération était préjudiciable, qu'en vendant « à un tiers le stock de machines détenues par un entrepositaire, la société qui a donné l'ordre de vente a privé la société DE LONGHI APPLIANCES du bénéfice de la revente de celles qui étaient en état de fonctionnement et de l'opportunité de réparer celles qui étaient défectueuses ».

Il en découle, accessoirement mais nécessairement, la réalité des préjudices qu'invoque aujourd'hui la société DE LONGHI en termes d'atteinte à son image et à la renommée de ses marques, vu les circonstances de la mise en vente des machines par la société INTERNATIONAL TRADING, de sorte que cette dernière assumera les conséquences de la vente litigieuse par l'inscription à son passif de la somme de 10 000 €, à titre de dommages-intérêts au profit de la société DE LONGHI.

6. Au vu de l'arrêt rendu le 16 janvier 2014 par cette chambre, les sociétés appelantes font la preuve du bien-fondé de certaines de leurs prétentions, ce qui conduit la cour à écarter les demandes de la société DE LONGHI, articulées sur le caractère abusif et dilatoire de l'appel.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant laissés à la charge de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Vu l'arrêt rendu par cette chambre le 16 janvier 2014,

Reçoit Me [Z], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL RISTOR FRANCE en son intervention volontaire,

Fixe la créance de la société DE LONGHI APPLIANCES SRL au passif de la SARL INTERNATIONAL TRADING à la somme de 23 088,12 euros, au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2008 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et à la somme de 10 000 €, à titre de dommages-intérêts, pour préjudice moral,

Fixe la créance de la société DE LONGHI APPLIANCES SRL au passif de la SARL RISTOR FRANCE à la somme de 115 759,26 euros, au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 14 août 2008 et jusqu'à l'ouverture de la procédure collective,

Condamne la société DE LONGHI APPLIANCES SRL à payer la somme de 7.200 € à la société RISTOR FRANCE et celle de 7.800 € à la société INTERNATIONAL TRADING, à titre de dommages-interets pour perte de chance,

Rejette toute autre demande,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 12/12386
Date de la décision : 12/03/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°12/12386 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-03-12;12.12386 ?
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