COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2015
N° 2015/ 99
Rôle N° 14/07515
[M] [O]
C/
SCI CHATEAU DES MURES
Grosse délivrée
le :
à :
SCP DRAP HESTIN
Me BERTAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 07 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2013/00640.
APPELANT
Maître [M] [O]
ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI CHATEAU DES MURES,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Laurence NARDINI, de la SCP DRAP HESTIN NARDINI FERNANDEZ avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Claude HESTIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
SCI CHATEAU DES MURES,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Jérôme BERTAGNA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame [M] -Laurence CHALBOS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2015
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2015,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SARL LB, qui exploitait un bar restaurant dans des locaux appartenant à la SCI le Château des Mures, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 27 février 2012, désignant Maître [O] en qualité de liquidateur.
Par acte du 1er février 2013, Maître [O] agissant en qualité de liquidateur de la SARL LB a fait assigner la SCI le Château des Mures devant le tribunal de commerce de Fréjus aux fins d'entendre constater la confusion des patrimoines des deux sociétés et prononcer l'extension de la procédure de liquidation judiciaire à la SCI le Château des Mures.
Par jugement du 7 avril 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a débouté Maître [O] de l'ensemble de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de la procédure collective.
Maître [O] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2014.
Par conclusions déposées et notifiées le 17 juin 2014 elle demande à la cour, vu l'article L621-1 du code de commerce, de :
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus,
- constater la confusion des patrimoines entre la SARL LB et la SCI le Château des Mures,
- étendre la procédure de liquidation judiciaire de la SARL LB à la SCI le Château des Mures avec confusion des masses actives et passives,
- désigner Maître [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI,
- condamner la SCI aux dépens.
Elle expose que les deux sociétés étaient liées par un bail commercial en date du 1er juin 2005 qui prévoyait un loyer annuel de 156000 € HT et invoque des relations financières anormales entre les deux sociétés, le bailleur s'étant abstenu, sans contrepartie, et depuis le début du contrat, de se faire régler les loyers convenus au bail, attendant l'ouverture de la procédure collective pour effectuer hors délai une déclaration de créance pour un montant de 1306032 € outre 31096 € au titre du dépôt de garantie impayé, ces circonstances caractérisant la confusion des patrimoines.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 octobre 2014 la SCI le Château des Mures demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Fréjus, de dire qu'il n'existe aucune confusion dans le patrimoine des deux sociétés ni de fictivité, de débouter Maître [O] ès-qualités de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens distraits au profit de la SELARL Bertagna avocats.
Elle indique que postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, elle a fait délivrer à l'EURL LB représentée par Maître [O] un commandement de payer visant la clause résolutoire et obtenu le 25 juillet 2012 une ordonnance de référé constatant la résiliation du bail, et qu'une action en responsabilité a été engagée devant le tribunal de grande instance de Draguignan contre Maître [O], à la suite de la dégradation du bien immobilier qui n'avait pas été sécurisé.
Elle conteste les allégations de Maître [O] et prétend avoir fait délivrer un premier commandement de payer les loyers le 6 juillet 2009, à la suite duquel des loyers auraient été réglés.
Suivant avis en date du 15 janvier 2015, le ministère public déclare s'en rapporter à la décision de la cour.
MOTIFS :
Aux termes de l'article L621-2 du code de commerce, la procédure collective ouverte à l'égard d'une personne peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
La confusion des patrimoines peut être caractérisée par l'existence de relations financières anormales entre deux sociétés.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats :
que suivant acte sous seing privé du 1er juin 2005 la SCI le Château des Mures a consenti à la SARL LB un bail commercial moyennant un loyer annuel de 156000 €,
que le 20 juillet 2005 les parties ont signé un avenant au bail aux termes duquel le bailleur consentait la remise des loyers pour la période du 1er juin 2005 au 31 décembre 2006 'compte tenu des travaux importants d'aménagement de l'établissement commercial à exploiter',
que la société LB a versé au titre des loyers une somme de 67500 € en 2007 et une somme de 7500 € en 2008, sommes mentionnées aux bilans de la société bailleresse et confirmées par une attestation de son expert comptable en date du 3 juin 2013,
que la SCI le Château des Mures a fait délivrer à sa locataire le 6 juillet 2009 un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, pour un montant impayé de 250532 €.
Contrairement à ce que soutient la SCI, les bilans de la société et l'attestation de l'expert comptable ne mentionnent aucun loyer réglé postérieurement au commandement du 6 juillet 2009.
Il apparaît ainsi qu'après avoir consenti d'emblée une remise de loyers de 247000 € aux termes d'un avenant faisant état de 'travaux importants d'aménagement de l'établissement commercial' sans aucune précision sur la consistance et le coût des travaux à réaliser par le preneur, la SCI le Château des Mures s'est abstenue de toute démarche sérieuse pour recouvrer les loyers dus par la société LB, et n'a donné aucune suite au commandement infructueux délivré le 6 juillet 2009, de sorte qu'à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société LB le 27 février 2012, l'arriéré de loyers s'élevait à 680000 €.
Les comptes annuels de la SCI pour les exercices 2007 à 2012 font pourtant apparaître que les loyers dus par la société LB constituent les seuls revenus de la SCI, de sorte que les comptes ne mentionnent aucun chiffre d'affaires depuis 2008, alors que la SCI supporte d'importantes charges financières liées à des emprunts auprès d'établissements de crédit d'un montant de 1364817 € au 31 décembre 2011.
La situation nette de la SCI était ainsi négative de 715371 € au 31 décembre 2011.
D'autre part, la créance de loyers n'est jamais mentionnée à l'actif du bilan de la SCI.
Au-delà de la simple abstention prolongée de la SCI à recouvrer sa créance de loyers, ces circonstances révèlent des relations financières anormales entre les deux sociétés caractérisant le confusion de leurs patrimoines.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et la liquidation judiciaire de la société LB sera étendue à la SCI le Château des Mures.
Il n'y a pas lieu à nouvelle désignation du liquidateur, l'extension n'entraînant pas l'ouverture d'une procédure autonome.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
- infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- prononce l'extension, sur le fondement de la confusion des patrimoines, de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la SARL LB à la SCI le Château des Mures,
- dit que cette extension aura pour conséquence de confondre les masses actives et passives de la SARL LB et de la SCI le Château des Mures,
- déboute la SCI le Château des Mures de ses demandes,
- dit qu'il sera procédé aux formalités de publicité et notifications prévues à l'article R661-7 du code de commerce,
- ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective commune.
Le greffier Le président