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26/02/2015 | FRANCE | N°14/12193

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 26 février 2015, 14/12193


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 26 FEVRIER 2015

DT

N° 2015/112













Rôle N° 14/12193







[V] [N]





C/



[X] [O]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Thierry GARBAIL





Me Nicolas MASSUCO







Décision déférée à la Cour :



Jugement du

Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 20 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02651.





APPELANT



Monsieur [V] [N]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]



représenté et assisté par Me Thierry GARBAIL, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Nadège BOSREDON, a...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 26 FEVRIER 2015

DT

N° 2015/112

Rôle N° 14/12193

[V] [N]

C/

[X] [O]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Thierry GARBAIL

Me Nicolas MASSUCO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 20 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/02651.

APPELANT

Monsieur [V] [N]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Thierry GARBAIL, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Nadège BOSREDON, avocat plaidant au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur [X] [O]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1] (Tunisie),

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Nicolas MASSUCO, avocat plaidant au barreau de TOULON

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Février 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Février 2015,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Le 7 mars 2009, M. [V] [N] a acquis de M. [X] [O] une vedette modèle Arcoa 725, immatriculé TL 810 475 au prix de 16 500 €.

Faisant valoir que le moteur souffrait dès les premières utilisations d'une surchauffe récurrente, M. [N] a saisi son assureur qui a mandaté un expert maritime, lequel a conclu le 25 mars 2010 que les éléments internes du moteur de ce navire étaient en très mauvais état de conservation et de fonctionnement, que les désordres sont dus pour la plus grande part à un manque de maintenance et à un grave défaut de montage pour ce qui est du serrage de la culasse et que la surchauffe n'est que la conséquence de cet état anormal du moteur.

M. [O] n'a pas voulu prendre en charge le coût des travaux de reprise.

M. [N] a obtenu en référé la désignation d'un expert.

Le 15 mai 2012, M. [V] [N] a fait assigner M. [X] [O] devant le tribunal de grande instance de Toulon sur le fondement de l=article 1641 du code civil.

Par jugement contradictoire en date du 20 mars 2014, le tribunal de grande instance de Toulon a :

- déclaré valide la clause de vente en l'état du navire portant exclusion de la garantie légale des vices cachés,

- rejeté toutes les demandes formées par M. [V] [N],

- condamné M. [V] [N] à verser à M. [X] [O] la somme de 1.300i au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] [N] aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Nicolas MASSUCO, avocat,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration de Me Thierry GARBAIL, avocat, en date du 19 juin 2014, M. [V] [N] a relevé appel de ce jugement.

L=affaire a été fixée à bref délai, par application de l=article 905 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 novembre 2014, M. [V] [N] demande à la cour de:

- vu les articles 1641 et suivants,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner M.[O] à payer à M.[N] les sommes suivantes :

- 5.289,59 i au titre de la restitution d=une partie du prix de vente correspondant au coût de la réparation,

- 520 i au titre du remboursement des frais annuels de navigation,

- 1.750 i au titre du remboursement des frais de location de l=emplacement au port,

- 15.750 i au titre du préjudice de jouissance,

- condamner M.[O] à payer à M.[N] la somme de 3.000 i au titre de l=article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l=instance y compris ceux de référés, distraits au profit de Me GARBAIL, avocat,

- juger qu=à défaut de règlement spontané des condamnations à intervenir et d=exécution forcée par un huissier, le montant des sommes retenues par l=huissier en application de l=article 10 du décret du 8.03.2001 portant modification du Décret du 12.12.1996 sur le tarif des huissiers, sera supporté par M.[O],

- ordonner la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière, à compter de la demande en justice.

M. [N] fait valoir que :

- selon l'expert judiciaire, il est établi que le moteur présentait une corrosion interne importante et antérieure à la vente,

- bien que les désordres ne soient pas décelables par un simple examen visuel, ils affectaient tout de même la cylindrée avant la vente et ils sont donc imputables à Monsieur [O],

- ces conclusions sont donc identiques à celles de M. [Z], expert amiable,

- l'usure anormale du moteur constitue donc un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil

- s'agissant de la clause contenue dans l'acte de vente, elle est inopposable à M.[N] dans la mesure où il est de jurisprudence constante que la vente dite « en l'état », d'une trop grande généralité, ne permet pas de connaître suffisamment la volonté des parties et par voie de conséquence, ne permet pas au vendeur de s'exonérer de sa responsabilité,

- le premier juge n'a pas tenu compte du fait que M. [O] est directeur de chantier naval à la retraite,

- en tout état de cause, compte tenu de l'état dans lequel se trouvaient les pièces du moteur, il est impossible que M. [O] n'ait pas eu connaissance du vice affectant le bateau,

- il entend conserver le bateau et former une action estimatoire. Il a fait procéder au remplacement du moteur pour un coût de 5 289,59 €, montant auquel il convient de condamner M. [O] au titre de la restitution d'une partie du prix de vente correspondant au coût de réparation,

- alors qu'il n'a pas pu utiliser son bateau il a dû régler le droit annuel de navigation de 520 € ainsi que la location de l'emplacement d'un montant de 1750 €,

- il subit également un préjudice de jouissance pendant la période d'immobilisation du bateau, soit durant 15 mois, dont l'indemnisation peut être calculée sur la base d'une journée de location de 150 € sur une période de 150 jours, soit une somme de 15 750 € après application d'un coefficient de vétusté de 30 %.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 septembre 2014, M. [X] [O] demande à la cour de:

- vu les articles 1641 et suivants du code civil,

- à titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 20 mars 2014,

- débouter M.[N] de l=ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- à titre subsidiaire,

- dire que M.[N] a commis des fautes à l=origine de son préjudice,

- dire que M.[O] est de parfaite bonne foi lors de la vente du navire,

- dire qu=aucune somme supérieure à 649,01 i ne pourra être allouée à M.[N] au titre de la restitution d=une partie du prix de vente,

- débouter M.[N] de l=ensemble de ses demandes, fins et conclusions qui seraient relatives aux frais supplémentaires,

- à titre très subsidiaire,

- dire que M.[N] a commis des fautes à l=origine de son préjudice,

- dire que M.[O] est de parfaite bonne foi lors de la vente du navire,

- juger qu=aucune somme supérieure à 649,01 i ne pourra être allouée à M.[N] au titre de la restitution d=une partie du prix de vente,

- débouter M.[N] de sa demande relative aux frais annuels de navigation,

- débouter M.[N] de sa demande relative aux frais de location de l=emplacement du port,

- dire qu=aucune somme supérieure à 500 i ne pourra être allouée à M.[N] au titre du préjudice de jouissance,

- débouter M.[N] de sa demande de frais de capitalisation,

- condamner M.[N] à payer à M.[O] la somme de 5.000 i au titre de l=article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[N] aux entiers dépens distraits au profit de Me Nicolas MASSUCO avocat.

M. [O] fait valoir que :

- M. [N], qui a déclaré qu'il avait été apprenti dans la mécanique navale et qui n'a pas acquis le navire seul mais avec des personnes donc certaines sont dans le domaine des bateaux, était parfaitement à même d'interroger M. [O] ou tout autre intervenant lors de l'achat s'il considérait qu'il y avait une éventuelle surchauffe,

- dans le contrat de vente en date du 7 mars 2009, M.[N] a déclaré bien connaitre le navire et l'avoir visité pour l'accepter dans l'état où il se trouve,

- cette clause peut être considérée comme une clause exonératoire de responsabilité pour l'ensemble des vices qui sont connus ou qui pouvaient être décelés par M.[N],

- M. [N], qui ne pouvait ignorer que le bateau avait plus de 1400 heures de navigation et qu'il n'était en conséquence pas neuf, avait d'ailleurs demandé à M.[O] une sur-assurance,

- M. [N] indique depuis le début de la procédure qu'il était au courant de ce que le bateau de M. [O] surchauffait puisqu'il aurait constaté ce dysfonctionnement lors de la vente,

- le moteur présent sur le bateau lors de la vente ayant été enlevé du navire et remplacé, les parties n'ont pu s'assurer de la nature exacte du sinistre, vérifier que le moteur avait été déposé en conformité avec les règles de l'art et s'assurer par ailleurs de la nécessité de procéder au remplacement du moteur.

- à la demande de M. [N], M. [O], a souscrit une garantie auprès de la société GARANTIE France qui était parfaitement à même de garantir le sinistre subi par M. [N] qui a préféré se tourner vers M. [O],

- M. [N] ne peut demander le remboursement d'un moteur neuf,

- À la différence de l'article 1645 du Code civil qui prévient que l'acquéreur pourra également percevoir tous les dommages et intérêts subis à la suite de la vente, l'article 1646 dans le cas d'un vendeur profane ne permet à l'acquéreur de n'obtenir remboursement que des frais occasionnés par la vente, en conséquence de quoi les demandes de dommages et intérêts formulées par Monsieur [N] ne sont pas fondés.

L=instruction de l=affaire a été déclarée close le 29 janvier 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que le caractère caché du vice n'est admis que lorsqu'il ne se révèle pas à l'occasion de vérifications immédiates et d'investigation normales ;

Qu'il résulte du rapport d'expertise de M. [C] en date du 29 décembre 2011 que l'avarie moteur est liée à un passage d'eau de mer dans la cylindrée suite à une faiblesse des joints de culasse fortement corrodés, ajoutant que la corrosion conséquente qui affectait les pièces internes du moteur n'a pu se déterminer qu'après la dépose et l'ouverture de celui ci ;

Que l'expert a effectivement relevé au niveau du bloc moteur que les chambres d'eau étaient fortement corrodées, tout comme le boîtier du thermostat, et les passages d'eau obstrués par la corrosion ; que l'expert a tout particulièrement constaté le mauvais état des joints de culasse, fortement corrodés, oxydés, précisant qu'affaibli par l'oxydation, le joint de culasse a cédé au niveau de l'anneau métallique d'étanchéité, favorisant le passage d'eau de mer dans la cylindrée, provoquant l'avarie moteur ; qu'il précise par ailleurs que si la surchauffe n'était pas significative jusqu'au jour de l'avarie, un défaut de refroidissement affectait auparavant le moteur ;

Que l'expert [C] précise par ailleurs que l'étendue et l'importance de la corrosion ne sont pas en rapport avec les 50 heures de navigation effectuées par M. [N] pendant lesquelles les dommages se sont seulement aggravés ;

Attendu que M. [O] argue de ce que M. [N] aurait indiqué qu'il avait constaté que le bateau surchauffait ;

Mais attendu que la surchauffe ne constitue que la manifestation extérieure de la mauvaise qualité de la chose ou de son fonctionnement défectueux, sans que l'on puisse obligatoirement conclure, avec certitude, à l'existence d'un vice ; qu'au cas d'espèce, le vice ne correspond pas à la surchauffe, qui pouvait être éventuellement visible, mais au mauvais état du moteur constaté par l'expert judiciaire dont les conclusions rejoignent d'ailleurs celles de l'expert missionné par l'assureur de M. [N] ;

Attendu que le vendeur est tenu à la garantie à raison des défauts cachés qui rendent la chose impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquis ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus ;

Qu'au vu des conclusions de l'expert [C], le moteur vendu était impropre à l'usage auquel on le destine et M. [O] est donc tenu à la garantie des vices cachés au sens de l'article 1641 du Code civil ;

Attendu que M. [O] soutient que la clause selon laquelle le bateau a été vendu en l'état constitue une clause exonératoire de responsabilité ;

Mais attendu que la clause par laquelle M. [N], dont il n'est à aucun moment démontré qu'il est un professionnel de la navigation, a déclaré accepter le navire dans l'état où il se trouve, ne peut engager celui ci au-delà de ce qu'un simple examen visuel peut révéler à un acquéreur néophyte en la matière ; qu'il ne s'agit pas d'une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, même si M. [N] savait que le bateau avait plus de 20 ans et un nombre important d'heures de navigation ;

Attendu que M. [N] ne démontre pas que M. [O] connaissait le vice affectant le moteur du bateau pas plus qu'il ne démontre que celui-ci était un professionnel de la navigation ; qu'outre le fait que l'affirmation selon laquelle celui-ci serait un ancien directeur de chantier naval n'est corroborée par aucune pièce, preuve d'une compétence en matière de mécanique navale ne s'induit pas nécessairement de l'exercice de cette fonction ;

Que l'expert judiciaire précise en outre que le vice n'était décelable qu'après dépose et ouverture du moteur ;

Que par ailleurs, s'agissant du fait que l'ancien moteur a été démonté et remplacé par un neuf, les conclusions de l'expert qui mettent en évidence une corrosion ancienne et importante, font échec à l'hypothèse d'un moteur dont le mauvais état aurait en réalité pour origine les conditions de son démontage et de sa conservation ;

Qu'ainsi, si M. [O] a pu ne pas avoir connaissance du vice il n'en demeure pas moins tenu des vices cachés en l'absence de clause d'exonération de garantie par application de l'article 1643 du Code civil ;

Attendu que M. [N], qui opte pour l'action estimatoire, sollicite condamnation de M. [O] au paiement d'une somme de 5.289,59 € à titre de restitution d'une partie du prix de vente ;

Qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Attendu que M. [N] sollicite également condamnation de M. [O] à lui rembourser les frais annuels de navigation, les frais de location et d'emplacement du port et à lui verser une somme de 15 750 € au titre d'un préjudice de jouissance ;

Mais attendu que conformément à l'article 1646 du code civil, ces frais, qui ne sont pas directement occasionnés par la vente, ne peuvent être réclamés au vendeur dès lors que celui-ci ignorait les vices de la chose ;

Et attendu que si des dommages et intérêts conformément au droit commun peuvent être réclamés parallèlement, M. [N], qui ne justifie pas d'un préjudice effectif, ne peut voir prospérer sa demande formée au titre d'une perte de jouissance ;

Que le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [X] [O] à payer à M. [V] [N] une somme de cinq mille deux cent quatre vingt neuf euros et cinquante neuf centimes (5.289,59 €) à titre de restitution d'une partie du prix de vente ;

Déboute M. [V] [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [O] à payer à M. [V] [N] une somme de deux mille euros (2.000€) ;

Condamne M. [X] [O] aux dépens distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 14/12193
Date de la décision : 26/02/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°14/12193 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-26;14.12193 ?
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