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24/02/2015 | FRANCE | N°14/05265

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre b, 24 février 2015, 14/05265


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2015



N°2015/099













Rôle N° 14/05265







[P] [H]





C/



[V] [A] épouse [H]





































Grosse délivrée

le :

à :SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD



SCP VOULAND GRAZZINI







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge aux affaires familiales de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/11446.





APPELANT



Monsieur [P] [H]



né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 1] ([Localité 1])



de nationalité Française,



demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Agnès ER...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2015

N°2015/099

Rôle N° 14/05265

[P] [H]

C/

[V] [A] épouse [H]

Grosse délivrée

le :

à :SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD

SCP VOULAND GRAZZINI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge aux affaires familiales de MARSEILLE en date du 05 Décembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/11446.

APPELANT

Monsieur [P] [H]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Sylvie MATHERON de la SARL SOCIETE D'AVOCATS MATHERON & JOUAN, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMEE

Madame [V] [A] épouse [H]

née le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe VOULAND de la SCP SCP VOULAND-GRAZZINI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2015, en Chambre du Conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Dominique RICARD, Président, et M. Benoît PERSYN, Conseiller, chargés du rapport.

M. Benoît PERSYN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Dominique RICARD, Président

M. Benoît PERSYN, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2015.

Signé par Monsieur Dominique RICARD, Président et Madame Marie-Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 5 décembre 2013 par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Marseille,

Vu l'appel total interjeté le 14 mars 2014 par Monsieur [P] [H],

Vu les conclusions récapitulatives de l'appelant notifiées le 30 décembre 2014,

Vu les conclusions récapitulatives de l'intimée notifiées le 18 novembre 2014,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 janvier 2015,

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [H], de nationalité française et Madame [V] [A], de nationalité française se sont mariés le [Date mariage 1] 1989, après adopté le régime matrimonial de la séparation de biens.

Trois enfants sont issus de cette union :

- [D] née le [Date naissance 2] 1991

- [B] née le [Date naissance 4] 1993

- [S] né le [Date naissance 1] 2001;

Le 17 septembre 2010 Madame [A] a présenté une requête en divorce.

Par ordonnance de non conciliation en date du 14 février 2011 le juge aux affaires familiales de Marseille a notamment :

- attribué à titre onéreux la jouissance du domicile conjugal, bien commun, et du mobilier à l'épouse

- désigné un expert aux fins de dresser un inventaire estimatif du patrimoine commun, évaluer la consistance et la valeur du patrimoine personnel de chacun, vérifier les ressources et charges des parties, évaluer leurs droits actuels et prévisibles

- fixé le montant de la pension alimentaire due par l'époux à sa conjointe au titre du devoir de secours à la somme de 500 euros par mois

- confié l'exercice de l'autorité parentale aux deux parents

- fixé la résidence habituelle de l'enfant [B] en alternance au domicile de chacun des parents et celle de l'enfant [S] au domicile de la mère

- accordé au père à l'égard de l'enfant [S] un droit de visite et d'hébergement les première, troisième et cinquième fins de semaine du samedi 14 heures au dimanche 19 heures, tous les mercredis de 10 heures à 19 heures et la moitié des vacances scolaires

- fixé le montant de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme de 500 euros par mois et par enfant, soit au total 1.500 euros.

Par suite d'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 28 février 2012 la pension alimentaire versée à l'épouse au titre du devoir de secours a été supprimée et le montant de la part contributive paternelle pour l'enfant [S] ramené à la somme de 250 euros .

Le rapport d'expertise a été déposé le 15 juin 2012.

Le jugement rendu le 5 décembre 2013 par le juge aux familiales de Marseille a :

- prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux existant entre les parties

- attribué à titre préférentiel à l'épouse le bien immobilier ayant constitué le domicile conjugal à charge pour elle de s'acquitter du montant de la soulte correspondant à la moitié de la valeur de l'immeuble fixée par expertise, dans le cadre des opérations de liquidation partage

- débouté Madame [A] de sa demande de dommages et intérêts en application de l'article 266 du code civil

- condamné Monsieur [H] à payer à Madame [A] une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil

- condamné Monsieur [H] à payer à Madame [A] une somme de 30.000 euros à titre de prestation compensatoire en capital

- confirmé les mesures provisoires à l'égard de l'enfant [S] sauf en ce qui concerne la part contributive paternelle dorénavant fixée à 500 euros par mois et par enfant, soit une somme indexée totale de 1.500 euros

Monsieur [H] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe reçue le 14 mars 2014.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 30 décembre 2014 l'appelant sollicite l'infirmation du jugement entrepris et le prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal puisque les époux sont séparés depuis plus de deux ans. Il demande que Madame [A] soit déboutée de ses demandes de dommages et intérêts et de prestation compensatoire. Il réclame l'attribution préférentielle à son profit du domicile conjugal. Il sollicite la confirmation des mesures provisoires pour [B] et [S] telles qu'elles résultent de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 28 février 2012 sauf en ce qui concerne la part contributive paternelle pour [B] pour laquelle il propose une somme mensuelle de 350 euros. Il demande enfin la condamnation de la partie adverse aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [H] fait valoir que les griefs retenus par le premier juge ne sont ni sérieux ni conséquents. L'adultère n'a pas été retenu. Selon l'appelant sa relation amicale de longue date avec Madame [Y] ne revêtait aucun caractère malsain. Quant au grief de l'enlèvement de meubles au domicile conjugal il l'estime non fondé puisqu'il s'est contenté de reprendre du mobilier qui faisait l'objet de factures qu'il avait réglées personnellement sous le régime de la séparation de biens.

L'appelant indique que les revenus de Madame [A] sont conséquents et lui permettent de régler les mensualités de deux appartements acquis en juillet 2008 et décembre 2009. Quant à lui il dispose d'un revenu net de 3.904 euros par mois, montant duquel il faut déduire les pensions alimentaires dues pour les enfants.

S'agissant de sa part contributive pour l'entretien et l'éducation des enfants il fait valoir que l'aînée a un contrat de travail depuis le 1er octobre 2014, que la seconde vit à nouveau chez sa mère et qu'aucun élément nouveau, ni baisse des ressources de Madame [A], ni augmentation de ses propres revenus, ne peuvent justifier l'augmentation décidée par le premier juge.

Monsieur [H] s'oppose à l'attribution préférentielle du domicile conjugal à Madame [A] car elle ne dispose pas de facultés financières suffisantes pour payer la soulte. Il ajoute que les enfants sont grands et qu'ils ne vivront pas toujours avec leur mère. Il indique quant à lui être en mesure de garder ce bien au regard de la créance qu'il fera valoir à raison des fonds personnels apportés et de l'indemnité d'occupation due par Madame [A].

Dans ses conclusions récapitulatives notifiée le 18 novembre 2014 l'intimée sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux. Elle réclame 100.000 euros de dommages et intérêts ainsi qu'une prestation compensatoire de 200.000 euros, l'attribution préférentielle du domicile conjugal et d'un garage à son bénéfice, le second garage étant attribué à Monsieur [H]. Elle estime que ce dernier doit être condamné à verser une part contributive de 500 euros par mois pour [S] et de 700 euros pour [B] et qu'il doit payer pour les deux enfants la moitié des frais de scolarité et de permis de conduire. Elle demande enfin la condamnation de la partie adverse aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [A] estime avoir été délaissée par son époux qui lui a imposé la présence de Madame [Y]. En outre Monsieur [H] a vidé le domicile conjugal de ses meubles, et ce au mépris des dispositions de l'ordonnance de non conciliation.

L'appelante indique qu'elle est suivie depuis le mois d'avril 2010 par un psychiatre et qu'elle présente toujours une humeur dépressive en lien avec le comportement de Monsieur [H] à son égard.

Madame [A] rappelle que la disparité des revenus entre les parties ressort du rapport d'expertise réalisé. A ce jour ses ressources mensuelles sont égales à 925 euros alors qu'elle doit faire face à des charges à hauteur de 1.204 euros. Les revenus mensuels de Monsieur [H] s'élèvent, avant impôt, à la somme de 9.542 euros. Elle fait valoir que son époux a pu développer son activité professionnelle et ses revenus parce qu'elle s'occupait seule des enfants et de l'entretien du foyer. Elle ajoute que Monsieur [H] ne contribuait pas suffisamment aux besoins du ménage, même financièrement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le prononcé du divorce

L'article 242 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Il ressort du dossier soumis à la Cour qu'il existait pendant la vie commune des époux [H] une relation privilégiée entre le mari et Madame [Y] qui allait bien au delà des relations amicales.

Le rapport du détective privé en date du 1er juin 2010 (pièce 7 de l'intimée) est suffisamment éloquent. Entre le 17 et le 31 mai 2010 il a été constaté que Monsieur [H] rencontrait tous les jours, en dehors des mercredis, Madame [Y] à son cabinet et qu'il la raccompagnait régulièrement à son domicile. Il a été relevé qu'il possédait les codes permettant l'accès à la résidence où réside Madame [Y]. Des gestes tendres, passer la main dans les cheveux ou une bise sur la bouche, ont été échangés entre les intéressés.

Les attestations de Madame [G] et de Madame [J] sont dans le même sens (pièces 148 et 187 de l'intimée). Il est question d'une relation et d'un comportement de couple entre Monsieur [H] et Madame [Y].

Il convient de souligner que cette relation de très grande proximité entre Monsieur [H] et Madame [Y] a perduré après l'ordonnance de non conciliation. Un second rapport d'un détective privé en date du 25 avril 2011 (pièce 29 de l'intimée) en atteste pour la période du 16 au 21 avril 2011. Les échanges de textos en date du 24 juillet 2011 (pièce 52 de l'intimée) démontrent également que Monsieur [H] impose à ses enfants la présence d'une femme, Madame [Y], pendant des vacances passées à New-York.

A cet égard l'existence d'un contrat de travail, curieusement daté du 1er avril 2011 (pièce 53 de l'appelant), c'est à dire peu de temps avant les constatations du détective privé, n'est pas convaincante. Il n'est pas justifié par l'appelant que la déclaration d'embauche a été effectuée auprès de l'URSSAF le 15 février 2011. Il est en outre paradoxal de constater que Monsieur [H] a besoin d'après les termes de ce contrat de travail 'd'apprendre à cuisiner, à gérer l'intendance de son appartement', de bénéficier 'de conseils sur la manière de gérer l'aspect domestique, de s'occuper de son jeune fils' alors qu'il verse par ailleurs de nombreuses attestations, très générales et non circonstanciées, faisant état de ses qualités d'époux et de père soucieux du bien être de sa famille, de la santé et de l'éducation de ses enfants.

Il est tout aussi curieux de constater que Monsieur [H] continue de passer ses vacances avec Madame [Y] et sa famille, personne qui ne serait qu'une relation amicale, qui plus est, liée à lui par un lien de subordination résultant d'un contrat de travail renouvelé le 29 juin 2011 (pièces 54 et 56 de l'appelant).

Il plutôt acquis, au vu des pièces du dossier, que Monsieur [H] a imposé depuis des années la présence du couple [Y], et surtout de Madame [L] [W] [Y], à sa famille et à son épouse, notamment à l'occasion de vacances à l'étranger. Les attestations de Monsieur [Y] (pièces 19, 50, 52 et 67) ne démentent pas la relation de proximité existant entre Monsieur [H] et Madame [Y] et sont plutôt le fait d'un époux aveugle, naîf, peu regardant, sinon complaisant. En sens inverse les attestations produites par l'intimée, celles de son psychiatre traitant (pièce 8) et de Madame [N] (pièce 171) corroborent le fait que Madame [A] souffrait de la situation provoquée par le comportement peu délicat de son mari.

Il ressort donc de ces différents éléments que Monsieur [H] a eu pendant de longues années une relation privilégiée et de proximité, forcément équivoque, avec Madame [Y], constitutive surtout d'un comportement injurieux mais aussi d'un manquement à l'obligation de fidélité.

Le second grief retenu par le premier juge est également établi. En effet Monsieur [H] n'était pas autorisé, par suite de l'ordonnance de non conciliation en date du 14 février 2011 ayant attribué à titre onéreux à Madame [A] la jouissance du domicile conjugal et du mobilier du ménage, à vider l'appartement de son contenu. La main courante immédiatement déposée par l'intimée le 8 mars 2011, les photographies versées aux débats, les justificatifs des achats effectués par l'épouse afin de se remeubler et l'attestation du Docteur [M] (pièce 9, 13, 14, 15 à 25) démontrent suffisamment la réalité des faits allégués.

La décision du premier juge sera donc confirmée et le divorce prononcé aux torts exclusifs de l'époux

Sur les demandes de dommages et intérêts.

L'indemnisation fondée sur l'article 266 du code civil suppose que la dissolution du mariage aux torts exclusifs de l'un des époux entraîne pour l'autre des conséquences d'une particulière gravité.

Madame [A] n'explicite pas en quoi la rupture du lien conjugal aurait entraîné des conséquences d'une particulière gravité. C'est donc uniquement sur le fondement de l'article 1382 du code civil qu'elle est recevable à solliciter une indemnisation. Le comportement déloyal et irrespectueux de Monsieur [H], qui a perduré dans le temps, a été à l'origine de préjudices avérés aussi bien matériels que moraux.

Monsieur [H] a délibérément violé les dispositions de l'ordonnance de non conciliation, mettant ainsi sa femme et ses enfants en difficulté. Il est acquis et démontré que Madame [A] a dû se remeubler et réaliser, en urgence, alors que les enfants résident habituellement chez elle, des achats de meubles et d'électroménager (pièces 15 à 25 de l'intimée) indispensables dans la vie quotidienne.

En outre Madame [A] est suivie par un psychiatre depuis le 28 avril 2010. Il ressort des certificats médicaux des psychiatres, les docteurs [M] et [I] (pièces 8, 9, 138 et 149 de l'intimée), que l'intéressée présente une décompensation anxio-dépressive réactionnelle d'intensité sévère avec des éléments anxieux prépondérants. Il est relevé une humeur particulièrement dépressive avec une anhédonie marquée et des éléments de phobie sociale importants.

La condamnation de Monsieur [H] à payer des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil sera donc confirmée, la Cour en fixant le montant à la somme de 10.000 euros.

Sur la demande d'attribution préférentielle du domicile conjugal

L'article 267 du Code Civil énonce: 'A défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge, en prononçant le divorce, ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Il statue sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle. Il peut aussi accorder à l'un des époux ou aux deux une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis. Si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire sur le fondement du 10° de l'article 255 contient des informations suffisantes, le juge, à la demande de l'un ou l'autre des époux, statue sur les désaccords persistant entre eux'.

En l'espèce l'ordonnance de non conciliation a attribué à titre onéreux à l'épouse le domicile conjugal et les meubles s'y trouvant. C'est par des motifs pertinents et que la Cour adopte que le premier juge a décidé de l'attribution préférentielle à Madame [A] du bien immobilier ayant constitué le domicile conjugal. En effet, contrairement aux affirmations de l'appelant, le dernier enfant, dont la résidence est fixée au domicile de la mère, ce qui n'est pas remis en cause, est encore jeune puisqu'il n'a que 14 ans. Il est donc de l'intérêt de celui-ci de pouvoir continuer à bénéficier au quotidien des mêmes repères dans la mesure où Madame [A] dispose de la capacité financière suffisante pour payer la soulte qui sera due. L'intéressée fait d'ailleurs état dans ses écritures d'un patrimoine faisant apparaître un solde positif de 172.458 euros.

En l'absence d'urgence et au regard des désaccords importants qui subsistent entre les parties, il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, d'attribuer à titre préférentiel les deux garages, biens immobiliers communs.

Sur la prestation compensatoire

Selon les dispositions de l'article 270 du Code Civil, le divorce met fin au devoir de secours entre les époux prévu par la loi, mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

L'article 271 du Code Civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre conjoint en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Doivent être pris en considération la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, le temps déjà consacré ou qu'il faudra consacrer à l'éducation des enfants, leurs droits existants et prévisibles, leurs situations respectives en matière de pensions de retraite, leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

En l'espèce les situations des parties, explicitées dans le rapport d'expertise déposé et dans le jugement déféré, peuvent être actualisées et synthétisées de la façon suivante :

Pour Madame [A] :

Madame [A] est âgée de 52 ans. Elle souffre de dépression mais elle est en mesure de travailler.

Elle est actuellement inscrite à pôle emploi, après avoir travaillé durant l'année 2012 dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour l'association ouvrière des compagnons du devoir du tour de France en qualité de coordonnatrice des enseignements (pièces 43, 44, 94 et 95 de l'intimée). Elle a suivi en 2013, du 1er mai au 12 juin, une formation auprès de SV FORMATIONS avant d'être embauchée à temps partiel par cette société dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 13 juin au 12 juillet 2013 (pièces 133 à 136 de l'intimée). Elle bénéficiait alors de l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Depuis mai 2014 elle ne perçoit plus que l'allocation de solidarité spécifique à raison de 57,60 euros par mois outre un salaire de 675,61 euros dans le cadre d'un contrat unique d'insertion ainsi que 562 euros en qualité d'employée à domicile (aide ménagère et garde d'enfants). Elle ne touche plus d'allocations familiales depuis le 30 novembre 2013. Elle

déclare enfin des revenus fonciers à raison de 1.097 euros par mois.

En dehors des pensions alimentaires dues pour les enfants le revenu mensuel de Madame [A] est donc d'environ 2.392 euros.

Elle justifie de charges fixes mensuelles pour un montant total de 2.238,20 euros :

- prêts immobiliers : 1.554 euros

- crédits à la consommation : environ 430 euros

- taxes foncières : 147,20 euros

- taxe d'habitation : 107 euros.

Au 1er octobre 2014 ses droits à la retraite sont évalués à 887,78 euros brut par mois.

Elle est propriétaire de deux biens évalués respectivement à la somme de 117.000 euros et 101.000 euros. Ses avoirs financiers s'élèvent, au vu des dernières pièces transmises à la Cour, à la somme de 55.243,79 euros. Son patrimoine total est donc égal à 273.243,79 euros étant précisé qu'il est encore dû près de 95.000 euros au titre des prêts immobiliers en cours.

Pour Monsieur [H] :

Contrairement à Madame [A], ce dernier n'a pas jugé utile de transmettre des éléments actualisés.

Agé de 56 ans l'intéressé exerce en qualité de kinésithérapeute libéral. Il n'a pas de problème de santé particulier.

Pour l'année 2013 Monsieur [H] a déclaré des bénéfices non commerciaux à hauteur de 52.205 euros (pièce 93 de l'appelant). D'après le rapport d'expertise il bénéficie des ressources contrats [Z] (26.082 euros en 2010), des revenus fonciers (825 euros par mois soit 9.900 euros par an d'après sa déclaration sur l'honneur en date du 25 juin 2013, pièce 83 de l'appelant). Le total est donc égal à 88.187 euros par an soit une moyenne mensuelle de 7.348,91 euros.

Il justifie des charges fixes mensuelles suivantes :

- loyer charges comprises : 1.200 euros

- prêt immobilier SCI Beuchta : 1.470,14 euros (dernière échéance de remboursement le 5 mai 2015) ainsi qu'il résulte de la pièce 18 de l'appelant

- taxe foncière de l'appartement commun : 689,50 euros

- pensions alimentaires : 1.000 euros pour les enfants [B] et [S].

Le revenu disponible de Monsieur [H] est donc actuellement d'environ 2.990 euros par mois et sera d'environ 4.460 euros à compter de juin 2015.

Le patrimoine de Monsieur [H] est constitué de son cabinet de kinésithérapie évalué par l'expert à la somme de 62.175 euros, du logement sis [Adresse 1] appartenant à la SCI Beuchta dont l'intéressé possède 99,33% des parts et valorisé par l'expert à la somme de 135.088 euros et d'avoirs financiers à hauteur de 106.998 euros en janvier 2011. Selon la déclaration sur l'honneur ces avoirs seraient maintenant d'environ 136.494 euros (pièce 83 de l'appelant). Le patrimoine total de Monsieur [H] est donc égal à 333.757 euros.

L'intimé indique dans sa déclaration sur l'honneur que ses droits à la retraite prévisibles sont de 1.358 euros brut par mois.

Pour le patrimoine commun :

L'ensemble des biens immobiliers du patrimoine commun est évalué par l'expert à la somme totale de 357.000 euros, le logement conjugal étant valorisé à 317.000 euros.

Il convient de rappeler que le mariage a duré 25 ans. A ce jour il existe une disparité certaine au détriment de l'épouse, notamment pour ce qui concerne les revenus des parties, leurs patrimoines respectifs et les perspectives en matière d'emploi, de carrière professionnelle et de retraite. Les pièces du dossier démontrent par ailleurs que Monsieur [H] a pu se consacrer entièrement à son activité professionnelle parce que Madame [A] était plus disponible pour s'occuper des trois enfants et du foyer. Comme l'a relevé le premier juge il convient de tenir compte de la constitution par l'épouse d'un patrimoine immobilier propre pendant la vie maritale. En outre la prestation compensatoire n'a pas pour finalité d'égaliser les situations des parties, d'autant plus que celles-ci ont adopté le régime de la séparation de biens. Pour autant le montant retenu par le premier juge apparaît insuffisant, la Cour fixant le montant de la prestation compensatoire à la somme de 50.000 euros.

Sur la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants

En application de l'article 371-2 du Code Civil chaque parent doit contribuer à l'entretien et l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent et des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. En application de l'article 373-2-2 du Code Civil, lorsque les parents sont séparés, la contribution prend la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre. Le même texte dispose que la pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant. Elle peut également être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation.

Le montant de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant peut être révisé lorsque les besoins de l'enfant ou les ressources des parents ont évolué. En l'espèce, depuis l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 28 février 2012, les situations financières des deux parents ont évolué de même que les besoins des enfants qui ont grandi.

[D], l'aînée des enfants, a maintenant une situation professionnelle. Il n'y a donc plus lieu de prévoir une contribution à son égard. Par contre, comme l'a relevé le premier juge, et ainsi qu'il résulte des développements précédemment exposés, les ressources du père sont en augmentation alors que la situation budgétaire de la mère s'est aggravée. Il est justifié que l'enfant [B] poursuit des études d'odontologie à la faculté d'[1]. Le jeune [S] est scolarisé en troisième.

Au regard de ces différents éléments le montant de la part contributive paternelle pour les enfants [B] et [S] sera maintenu à la somme de 500 euros par mois et par enfant, soit 1.000 euros au total.

Sur les demandes annexes

L'appelant succombant dans toutes ses prétentions sera condamné aux entiers dépens d'appel.

L'équité commande par ailleurs de faire droit à la demande de Madame [A] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il lui sera donc alloué à ce titre une somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en chambre du conseil, contradictoirement et après débats non publics,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts et de la prestation compensatoire alloués à Madame [V] [A] et la part contributive paternelle à l'égard de l'enfant [D] [H],

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe à la somme de 10.000 euros (dix mille euros) le montant des dommages et intérêts que Monsieur [P] [H] doit payer à Madame [V] [A] sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

Fixe à la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros) le montant de la prestation compensatoire en capital due par Monsieur [P] [H] à Madame [V] [A],

Dit, au regard de l'évolution de la situation, n'y avoir plus lieu à compter du 1er octobre 2014 à versement par Monsieur [P] [H] d'une contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant [D] [H] née le [Date naissance 2] 1991 ni à paiement de frais de scolarité pour cet enfant,

Condamne Monsieur [P] [H] à payer à Madame [V] [A] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [P] [H] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/05265
Date de la décision : 24/02/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6B, arrêt n°14/05265 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-24;14.05265 ?
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