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19/02/2015 | FRANCE | N°13/23103

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 19 février 2015, 13/23103


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2015

FG

N° 2015/87













Rôle N° 13/23103







[O] [W], [K] [R] épouse [Y]

[D] [Y]

[N] [Y]

[U] [Y]

SCI LA MENADIA





C/



Compagnie d'assurances MMA IARD





















Grosse délivrée

le :

à :







Me Jean-marie JAUFFRES,>




Me Philippe KLEIN





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00604.





APPELANTS



Madame [O] [W], [K] [R] épouse [Y],

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 4]

...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2015

FG

N° 2015/87

Rôle N° 13/23103

[O] [W], [K] [R] épouse [Y]

[D] [Y]

[N] [Y]

[U] [Y]

SCI LA MENADIA

C/

Compagnie d'assurances MMA IARD

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-marie JAUFFRES,

Me Philippe KLEIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00604.

APPELANTS

Madame [O] [W], [K] [R] épouse [Y],

née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [D] [Y],

né le [Date naissance 2] 1985 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [N] [Y],

né le [Date naissance 4] 1935 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 4]

Madame [U] [Y],

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 4]

SCI LA MENADIA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège social sis [Adresse 4]

représentés Me Jean-marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés par Me Pascale DAVID-BODIN, avocat au barreau de NICE.

INTIMEE

Compagnie d'assurances MMA IARD,

venant aux droits de MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Philippe KLEIN de la SCP RIBON-KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Jérôme de FREMINVILLE, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2015,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

La banque de l'Eurafrique a consenti le 29 décembre 1988 à la société Tomy and Maud un prêt d'un montant de 2.168.600 francs pour l'acquisition de biens immobiliers à Saint Martin dans les Antilles.

Ce prêt était garanti par la caution solidaire et hypothécaire de Mme [O] [R] épouse [Y] sur un bien immobilier dont elle était propriétaire indivise à [Localité 5], soit deux appartements avec caves formant les lots 4, 21, 9 et 30 de l'immeuble en copropriété [Adresse 5].

Par acte du 10 novembre 1989 reçu par Me [G], Mme [O] [R] épouse [Y] a vendu les lots 4 et 21, partie du bien objet de l'affectation hypothécaire.

Mme [Y] avait offert en remplacement les lots 12 et 32 dans le même immeuble.

Mais le notaire chargé de la vente a remis les fonds à Mme [Y] sans lever l'inscription hypothécaire sur les lots 4 et 21 et sans avoir procédé à l'inscription d'hypothèque sur les lots 12 et 32.

Il se trouve que la société Tommy and Maud s'est retrouvée dans l'impossibilité de rembourser le prêt et que la banque de l'Eurafrique a fait procéder à une saisie immobilière y compris sur les lots 4 et 21 déjà vendus. L'acquéreur de ces biens, Mme [L] a mis en cause la responsabilité de sa venderesse et du notaire et des MMA, assureur du notaire.

C'est dans ces conditions que la société d'assurances MMA IARD intervenue en qualité d'assureur du notaire a versé à la banque de l'Eurafrique une somme de 1.404.627 francs.

La société MMA IARD a diligenté le 30 octobre 1995 une action contre Mme [Y] et, par jugement réputé contradictoire en date du 15 mai 1996 du tribunal de grande instance de Nice, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 octobre 1997, Mme [Y] a été condamnée à payer à la MMA IARD la somme de 1.404.627 francs (214.134 €).

Le 23 novembre 1994 Mme [Y] a constitué avec son mari M.[N] [Y] la société civile immobilière SCI MENADIA, 99,9 % des parts à Mme [O] [Y] et 0,1 % des parts à M.[N] [Y].

Un bien immobilier a été acquis à [Localité 4], [Adresse 3] selon un montage complexe

La nue propriété acquise par la SCI MENADIA et l'usufruit à 50% par Mme [Y] et 50% par M.[Y].

Le 29 décembre 1994, Mme [Y] a consenti à ses enfants mineurs, [D] et [U], une donation de la nue propriété de ses parts sociales de la SCI MENADIA, soit 99,9% des parts sociales de cette SCI.

Par deux assignations du 5 octobre 2010 la société d'assurances MMA IARD a fait assigner:

- Mme [O] [R] épouse [Y], M.[D] [Y], Mme [U] [Y] et la SCI Menadia, sur le fondement de l'article 1167 du code civil, pour voir dire inopposable la donation du 29 décembre 1994,

- Mme [O] [R] épouse [Y], M.[N] [Y] et la SCI Menadia, sur le fondement des articles 815-17 et 1166 du code civil, aux fins de voir ordonner le partage de l'indivision existant Mme [O] [R] épouse [Y], M.[N] [Y] et la SCI MENADIA relativement au bien immobilier cadastré EC n°[Cadastre 1] à [Localité 4].

Ces deux assignations ont été jointes.

Par jugement contradictoire en date du 14 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Nice a :

- déclaré bien fondée l'action engagé par la société MMA IARD et dit que la constitution de la SCI la Menadia par M.[N] [Y] et Mme [R] épouse [Y] lui est inopposable au même titre que la donation consentie le 29 décembre 1994 par Mme [R] épouse [Y] à [D] et [U] [Y] ses enfants de sorte que la nue propriété de l'immeuble sis à [Localité 4] cadastré section EC n°[Cadastre 1], [Adresse 2] est réputée à l'égard des assurances MMA IARD appartenir à proportions de leurs droits indivis à Mme [O] [Y] et à M.[N] [Y],

- déclaré l'action en partage recevable et bien fondée,

- ordonné le partage de l'indivision conventionnelle existant entre Mme [R] épouse [Y] et M.[N] [Y] et portant sur les biens et droits immobiliers sis à [Localité 4] cadastrés section EC n°[Cadastre 1], [Adresse 2],

- désigné le président de la chambre des notaires des Alpes Maritimes ou son délégataire pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage entre les indivisaires,

- désigné le président de la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Nice ou son remplaçant en qualité de juge commissaire,

- dit que le cas échéant, le notaire désigné et le juge commissaire pourront être remplacés par simple ordonnance rendue par ce magistrat sur requête,

- ordonné la vente aux enchères sur licitation à la barre du tribunal de grande instance de Nice, à l'audience du juge de l'exécution immobilier, sur le cahier des charges contenant les conditions de vente qui sera déposé par la Selarl LESTRADE-CAPIA avocats au barreau de Nice, en un seul lot sur la mise à prix de 400.000 € avec faculté de baisse du quart en cas d'enchères désertes,

- des biens ci après désignés :

- maison d'habitation sise à [Localité 4], cadastrée section EC n°[Cadastre 1], [Adresse 2],

- dit que la vente aura lieu dans les conditions des dispositions de l'ordonnance du 21 avril 2006 et du décret 2006-936 du 27 juillet 2006 modifié. par le décret du 31 décembre 2006 et par le décret du 12 février 2009,

- dit que le prix d'adjudication à intervenir sera payé entre les moins du notaire chargé de procéder aux opérations de compte à charge pour ce dernier de le repartir entre les indivisaires à concurrence de leurs droits respectifs et en considérations des droits des créanciers,

- fixé comme ci-après, les modalités de la publicité,

- l'adjudication sera annoncée à l'initiative de l'avocat désigné dans un délai compris entre un et deux mois avant l'audience d'adjudication,

- à cette fin l'avocat désigné rédige un avis, en assure le dépôt au greffe pour qu'il soit affiché dans les locaux de la juridiction à un emplacement aisément accessible au public, et fait procéder à sa publication dans un journal d'annonces légales diffusé dans l'arrondissement de la situation de l'immeuble saisi,

- l'avis mentionne,

- les nom, prénoms et domicile du liquidateur judiciaire et de son avocat,

- la désignation de l'immeuble saisi et une description sommaire indiquant sa nature son occupation éventuelle et tous éléments reconnus relatifs à sa superficie ainsi que, le cas échéant, les dates et heures de visite,

- le montant de la mise à prix,

- les jour heure et lieu de l'adjudication,

- l'indication que les enchères ne peuvent être portées que par un avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance du lieu de la vente,

- les lieux de consultation du cahier des charges,

- une photographie de l'immeuble dans lequel sont situés les biens,

- la date de déclaration d'achèvement des travaux ou d'habitabilité ou encore l'indication que l'immeuble est achevé depuis plus de cinq ans ou depuis moins de cinq ans,

- le montant de la consignation obligatoire,

- l'existence d'une copropriété et le nom du syndic ou l'existence d'une association syndicale libre,

- la possibilité de surenchérir dans le délai de 10 jours à compter de l'adjudication,

- dans le délai compris entre un et deux mois avant l`audience d'adjudication et à la diligence de l'avocat désigné un avis simplifié est apposé à l'entrée ou, à défaut en limite de l'immeuble saisi et publié dans deux éditions périodiques de journaux à diffusion locale ou régionale, au tarif des annonces ordinaires,

- cet avis simplifié mentionnera,

- la mise en vente aux enchères publiques de l'immeuble,

- la nature de l`immeuble et son adresse,

- le montant de la mise à prix,

- les jour heure et lieu de la vente,

- les lieux où peuvent être consultés les conditions de vente de l'immeuble,

- autorisé l'adjonction d'une publicité dans une ou plusieurs des publications mentionnées,

- autorisé encore, une publicité sur internet laquelle comprendra au maximum la photographie de l'immeuble dans lequel sont situés les biens et les éléments de la publicité prévues,

- autorisé l'impression de 100 affiches,

- désigné le président de la chambre départementale des huissiers de Justice avec faculté de délégation à tout huissier territorialement compétent afin de dresser le procès-verbal de description et d'assurer deux visites des biens mis en ventes aux heures légales à l`exclusion des dimanches et jours fériés, à charge pour lui de notifier la présente ordonnance aux occupants trois jours à l'avance au moins, en se faisant assister si besoin est de la force publique ou de deux témoins et d`un serrurier,

- dit que l'huissier de justice désigné, chargé d'établir le procès-verbal de description et d`assurer les visites se fera assister le cas échéant, lors de l'une de ses opérations d'un expert, lequel aura pour mission de procéder aux recherches pour déceler la présence d'amiante éventuellement de plomb, et de dresser un diagnostic énergétique et un état de l'installation intérieure de gaz ainsi qu'un état des risques naturels,

- dit que les coûts du procès verbal de visites, des impression des affiches et des frais de l'expert seront inclus en frais privilégiés de vente,

- condamné Mme [R] épouse [Y] à payer à MMA IARD une somme de 2.000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- alloué à la Selarl LESTRADE CAPIA le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a dit que Mme [R] [Y] avait connaissance à la date de la constitution de la société et de la donation de la dette envers la banque de l'Eurafrique.

Le tribunal a considéré que les actifs de Mme [R] [Y] étaient manifestement insuffisants pour rembourser.

Le tribunal a dit la demande en partage fondée.

Par déclaration de Me Jean Marie JAUFFRES, avocat, en date du 23 novembre 2013, Mme [O] [R] épouse [Y], M.[D] [Y], M.[N] [Y], Mme [U] [Y] et la SCI MENADIA ont relevé appel de ce jugement.

Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 6 mars 2014, Mme [O] [R] épouse [Y], M.[D] [Y], M.[N] [Y], Mme [U] [Y] et la SCI MENADIA demandent à la cour, au visa des dispositions de l'article 1167 du code civil, de:

- réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 14 octobre 20l3,

- juger que la société d'assurances MMA IARD n'est pas recevable à exercer l'action paulienne,

- débouter la société d'assurances MMA IARD de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société d'assurances MMA IARD de sa demande de licitation partage du bien immobilier appartenant à la Sci Menadia,

- condamner la société d'assurances MMA IARD à payer à Mme [Y] la somme de 3.000€ eu titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat.

Les consorts [Y] et la SCI Menadia font observer que Mme [Y] était de bonne foi lorsqu'elle a reçu le produit de la vente des lots du [Adresse 6].

Ils font remarquer que la quittance subrogative de la MMA est du 22 décembre 1994, et que la constitution de la SCI Menadia est antérieure, le 23 novembre 1994, que l'assignation introductive d'instance est du 30 octobre 1995 et qu'elle n'en aura connaissance que lors de la signification du jugement réputé contradictoire du 15 mai 1996.

Ils font valoir que la constitution de la SCI Menadia est antérieure à la créance.

Ils font observer qu'à la date de la donation, Mme [Y] n'est débitrice que la banque de l'Eurafrique à laquelle elle abandonnera tous les biens en sa possession;

Ils font remarquer que Mme [Y] avait un patrimoine suffisant pour désintéresser la MMA

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 avril 2014, la compagnie d'assurances MMA IARD demande à la cour, au visa de l'article 1167 du code civil, de:

- confirmer le Jugement en toutes ses dispositions,

- dire la donation de la nue-propriété des parts sociales n° 3 à 900 suivant acte du 29 décembre 1994, inopposable à MMA IARD, et dire que lesdites parts sont réputées appartenir à Mme [Y],

- dire la constitution de la société la Menadia inopposable à MMA IARD, juger que la nue-propriété de l'immeuble sis à [Localité 4] cadastré section EC n° [Cadastre 1], [Adresse 2] est réputée à son égard appartenir à Mme [Y] à hauteur de 99,9% et à M. [N] [Y] à hauteur de 0,1%,

- condamner Mme [O] [R] épouse [Y] au paiement de la somme de 6.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [O] [R] épouse [Y] au paiement des entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP RIBON-KLEIN, avocats.

MMA fait observer que Mme [Y] a fait preuve de déloyauté alors qu'après avoir accepté le transfert d'hypothèque elle s'est empressée d'appréhender le produit de la vente et a refusé le transfert d'hypothèque et a vendu les biens qui devaient être hypothéqués. MMA fait valoir que Mme [Y] savait que des procédures allaient être entreprises conte le notaire et contre elle.

MMA expose que l'action en partage est fondée alors qu'elle a une créance contre Mme [Y]. MMA fait valoir que Mme [Y] n'a pas d'autres actifs.

MMA estime que le patrimoine de Mme [Y] était insuffisant à la date de l'acte litigieux et de plus fort à la date de l'action paulienne.

MMA expose que Mme [Y] a transformé un bien aisément saisissable en un bien difficile à appréhender et liquider, ayant conscience de causer un préjudice à son créancier.

MMA expose être subrogée dans les droits de la Banque de l'Eurafrique à la date du 22 décembre 1994 date de la quittance subrogative, est recevable à exercer les droits de la banque de l'Eurafrique.

MMA estime que Mme [Y] avait connaissance de cette créance et avait conscience du préjudice qu'elle causait à la banque, au notaire et à son assureur

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 23 octobre 2014.

MOTIFS,

L'action de MMA IARD est double :

- d'une part une action paulienne,

- d'autre part une action en partage forcé par un créancier;

Le contenu de action en partage dépend de la suite donnée à l'action paulienne. Selon le résultat de l'action paulienne les droits de Mme [Y] seront plus ou moins importants vis à vis de MMA.

-I )Sur l'action paulienne :

L'action paulienne de MMA IARD vise à voir dire inopposable à MMA IARD :

- d'une part la constitution de la SCI Menadia, le 23 novembre 1994,

- d'autre part la donation par Mme [Y] de parts de la SCI Menadia à Mme [U] [Y] et à M.[D] [Y], le 29 décembre 1994.

L'article 1167 du code civil dispose que les créanciers peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

- Sur la créance :

Le créancier agissant en fraude paulienne doit établir l'existence d'une créance certaine en son principe antérieure à l'acte suspect.

Il s'agit ici de la créance de la société MMA IARD.

Cette créance a été fixée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 octobre 1997.

Cet arrêt confirme un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 15 mai 1996 qui a condamné solidairement l'Eurl Tomy and Maud et Mme [O] [R] à payer aux Mutuelles du Mans Assurances la somme de 1.404.627 Francs avec intérêts aux taux légal à compter du 22 décembre 1994.

Ce jugement avait été prononcé à la suite d'une assignation du 30 octobre 1995.

Il se basait sur la caution hypothécaire accordée par Mme [O] [R] selon acte du 29 décembre 1988, alors que les Mutuelles du Mans Assurances, subrogées dans les droits de la banque de l'Eurafrique, suivant quittance subrogative du 22 décembre 1994, tentaient de récupérer les sommes dues par la société Tomy and Maud avec cautionnement de Mme [R].

La procédure ayant abouti à ce jugement du 15 mai 1996, confirmé par arrêt du 30 octobre 1997, faisait suite à un courrier du 10 novembre 1994 adressé à Mme [R] par le représentant de la banque de l'Eurafrique ainsi libellée : Les procédures, tant contre vous que contre l'étude se précipitent et si la régularisation n'intervient pas avant le 16 novembre prochain, le tribunal est susceptible de faire prendre une hypothèque contre l'ensemble de vos biens...$gt;$gt;.

Il résulte de ces éléments qu'aux dates de constitution de la SCI Menadia le 23 novembre 1994

et de la donation de parts de la SCI Menadia le29 décembre 1994, la créance ayant abouti à l'arrêt définitif du 30 octobre 1997 était certaine en son principe.

-Sur l'acte :

L'acte suspect doit être un acte d'appauvrissement du débiteur, qui a conscience de causer ainsi un préjudice à son créancier.

L'existence de la fraude paulienne suppose que le débiteur ait cherché par l'acte suspect à diminuer le gage de son créancier alors que sa situation financière ne lui permettait pas d'honorer sa dette.

Le caractère frauduleux s'apprécie à la date de l'acte suspect.

La constitution de la SCI Menadia, le 23 novembre 1994, a permis de répartir le capital de cette société avec 99,9 % des parts pour Mme [O] [Y] et 0,1 % des parts pour M.[N] [Y]. Il s'agit clairement d'une société écran de Mme [O] [Y].

La propriété du bien immobilier du [Adresse 2] a été répartie à raison de la nue propriété pour la SCI Menadia et l'usufruit à 50% par Mme [Y] et 50% par M.[Y].

La donation par Mme [Y] de la nue propriété de ses parts sociales de la SCI Menadia, soit 99,9% des parts sociales de cette société à Mme [U] [Y] et à M.[D] [Y] le 29 décembre 1994 parachevait ce montage sophistiqué qui n'avait clairement d'autre but que de mettre le bien immobilier du [Adresse 2] à l'abri du créancier qui subrogé dans les droits de la banque Eurafrique ne manquerait pas d'essayer de se payer sur Mme [O] [Y].

L'écran de la société civile immobilière artificielle, et de la donation en nue propriété rendait extrêmement complexe toute action en vue de se faire payer sur le bien immobilier du [Adresse 2].

La fraude est patente.

- Sur la solvabilité de Mme [Y] :

A la date des actes frauduleux, Mme [R] n'était plus propriétaire de l'immeuble [Adresse 6]. Quant au bien de [Localité 4] il était tellement grevé de sûretés qu'il ne permettait pas de payer un autre créancier .

Au vu des éléments produits, les actifs de Mme [Y] étaient à l'époque insuffisants pour s'acquitter des sommes dues, ce qui explique son montage rapidement effectué lorsqu'elle a eu conscience que la situation devenait intenable pour elle et qu'elle risquait une saisie.

-II) sur l'action en partage :

Par application de l'article 815-17 du code civil, les Mutuelles du Mans Assurances Iard sont fondées à provoquer le partage forcé de l'indivision existante sur le bien immobilier.

Compte tenu de l'inopposabilité de la constitution de la SCI Menadia et de la donation du 29 décembre 1994, la propriété de l'immeuble du [Adresse 2] se trouve répartie indivisément entre Mme [O] [Y] et M.[N] [Y].

Il a été constaté plus haut que les MMA ne pouvaient pas récupérer leur créance autrement que par ce moyen.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Nice,

Y ajoutant,

Condamne Mme [O] [Y] à payer aux Mutuelles du Mans Assurances IARD la somme de quatre mille euros (4.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, en sus des frais irrépétibles de première instance,

Condamne Mme [O] [Y] aux dépens d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 13/23103
Date de la décision : 19/02/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°13/23103 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-19;13.23103 ?
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