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19/02/2015 | FRANCE | N°13/11349

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 19 février 2015, 13/11349


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2015



N° 2015/97













Rôle N° 13/11349







SA ANDRE SA





C/



SCI MARVEINE





















Grosse délivrée

le :

à :



SELARL BOULAN

ME CAMPESTRE













Décision déférée à la Cour :



Jugement

du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Mars 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06875.





APPELANTE



SA ANDRE

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Jehan Denis BARBIER, avocat au barreau ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2015

N° 2015/97

Rôle N° 13/11349

SA ANDRE SA

C/

SCI MARVEINE

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL BOULAN

ME CAMPESTRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Mars 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 12/06875.

APPELANTE

SA ANDRE

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Jehan Denis BARBIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SCI MARVEINE prise en la personne de son représentant légal en exercice

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Olivier CAMPESTRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Gina MARUANI, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Janvier 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Catherine COLENO, Présidente de Chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre

Mme Anne CAMUGLI, Conseiller

M. Jean-Jacques BAUDINO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2015,

Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 2 avril 2001 la société Uni Commerce aux droits de laquelle vient la SCI MARVEINE a donné à bail à la SA ANDRE pour une durée de 10 ans à compter du 1° janvier 2002 un local à usage commercial constituant le lot n° 20 du centre commercial [Adresse 3].

Le bail prévoyait un loyer binaire soit un loyer minimum garanti et indexé d'un montant de 627.000 francs (95.595,53 euros) et un loyer variable additionnel de 8% du chiffre d'affaire annuel.

Les parties avaient en outre convenu qu'en cas de renouvellement le loyer minimum garanti devait correspondre à la valeur locative.

Le bail prévoit enfin qu'à défaut d'accord le loyer de base sera fixé judiciairement selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur toutes autres clauses et conditions étant maintenues et appliquées y compris le loyer variable additionnel.

le 27 juillet 2011 la SA ANDRE preneur a sollicité le renouvellement de son bail à compter du 1° janvier 2012.

La SCI MARVEINE a accepté le principe du renouvellement mais avec un loyer de base fixé à la somme de 164.000 euros ht.

Par jugement du 11 mars 2013 le juge des loyers commerciaux de [Localité 1], dont l'incompétence avait été soulevé, a dit que le bail renouvelé a pris effet au 1° janvier 2012 et a ordonné une expertise confiée à Mme [W] pour rechercher la valeur locative.

Le juge des loyers commerciaux a relevé dans ses motifs que l'existence de la clause binaire a pour effet d'exclure les règles du statut des baux commerciaux pour la fixation du loyer.

Mais il a constaté l'existence d'une clause stipulant qu'à défaut d'accord le loyer fixe sera judiciairement fixé et le loyer variable maintenu ce qui l'a conduit à retenir sa compétence au visa de l'article 1134 du code civil.

La SA ANDRE a relevé appel de cette décision par acte du 30 mai 2013.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA ANDRE par conclusions déposées et signifiées le 26 novembre 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation demande à la cour de dire

- à titre principal:

que la fixation du loyer échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux,

que la convention des parties qui ont expressément convenu de maintenir un loyer binaire lors du renouvellement ne permet pas la fixation judiciaire du loyer et ne permet pas à fortiori de fixer une seule composante de ce loyer

de dire la demande de la SCI MARVEINE irrecevable

sur la durée du bail de dire que le bail s'est trouvé renouvelé pour une durée de 9 ans,

- subsidiairement

de dire nulle pour défaut de cause la clause de loyer variable de débouter la SCI MARVEINE de sa demande d'évocation et de renvoyer l'affaire au juge des loyers commerciaux.

Dans tous les cas de condamner la SCI MARVEINE à payer 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Elle fait valoir que selon une jurisprudence constante (dite théâtre saint Georges) la fixation du bail renouvelé dans le cas d'un loyer binaire échappe au statut et n'est régie que par la convention des parties, qu'elle ne peut faire l'objet d'une fixation judiciaire d'autant plus que la fixation judiciaire de la part de loyer garanti se heurte au principe de l'indivisibilité du loyer qui prohibe une fixation fractionnée

Elle soutient que la clause à cette fin insérée dans le bail heurte l'ordre public judiciaire en conférant au juge une mission qu'il n'a pas du fait de l'exclusion statutaire, que la notion d'extension conventionnelle du statut ne trouve pas à s'appliquer puisqu'en l'espèce le statut est exclu en raison de la volonté même des parties qui ont convenu d'un loyer binaire.

Elle fait valoir que l'hypothèse d'une fixation judiciaire, il ne peut y avoir maintien d'une autre composante de loyer en sus puisque par application de l'article L 145-33 du code de commerce le loyer ne peut excéder la valeur locative.

La SCI MARVEINE par conclusions déposées et signifiées le 13 décembre 2014 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à la confirmation de la décision sauf à remplacer le terme de SAN MARINA par celui d'ANDRE et demande à la courde fixer le loyer de base à la somme de 200.000 euros avec capitalisation des intérêts et de condamner la SA ANDRE au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la fixation du loyer garanti à la valeur locative et le recours au juge en cas de désaccord résulte de la convention des parties, parfaitement explicite, raison pour laquelle la jurisprudence dite du théatre saint Georges n'est pas applicable car elle concerne des espèces où les parties n'avaient pas prévu le recours au juge.

Elle relève que l'extension conventionnelle du statut a toujours été admise.

Au visa de l'article 6 de la convention européenne, elle soutient que l'interprétation de l'appelante vise à empêcher l'accès au juge

S'agissant de la durée du bail elle fait valoir que le bail doit être, hormis le loyer, renouvelé au même clause et conditions, y compris dans la durée décennale, d'autant plus que cette durée ne heurte aucune disposition d'ordre public, seule une durée minimum étant réglementée.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 décembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le bail qui fait la loi des parties et a à leur égard force obligatoire nonobstant les considérations de la SA ANDRE sur le fait qu'il s'agirait d'un contrat d'adhésion comporte une clause intitulée fixation du loyer en renouvellement ainsi rédigée:

De convention expresse entre les parties à titre de convention essentielle et déterminante du présent bail il est stipulé qu'en cas de renouvellement dans les termes et conditions en vigueur le loyer de base sera fixé selon la valeur locative telle déterminée par les articles 23-à 23-5 du décret du 30 septembre 1953 ou tout autre texte qui lui sera substitué.

A défaut d'accord le loyer de base sera fixé judiciairement selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur

Toute autre clauses et conditions du bail en ce y compris le loyer variable addition seront maintenues et appliquées dans le cadre du bail renouvelé.

Cet article constitue dans son intégralité une condition déterminante du présent bail sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté ce qui est expressément accepté par le prêteur

Au vu de cette clause le premier juge a exactement rappelé que la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail échappe aux dispositions du statut des baux commerciaux et à la compétence de la juridiction des loyers commerciaux pour n'être régie que par la seule convention des parties.

Or les parties ont expressément stipulé le contraire et prévu une fixation judiciaire du loyer de base en cas de désaccord sur la valeur locative.

Pour pallier cette contradiction la SCI MARVEINE ne peut utilement invoquer le mécanisme d'extension conventionnelle du statut , puisque le maintien de la clause de loyer binaire voulu par les parties a précisément pour effet d'exclure l'application du statut aux règles de fixation judiciaire du loyer, de sorte qu'il ne peut être retenu sans dénaturation de la commune intention des parties que la clause a pour effet de convenir de l'application des règles statutaires.

En effet si l'existence d'une clause de loyer binaire fait échapper la fixation du loyer renouvelé aux dispositions du statut c'est en raison de à l'incompatibilité existant entre la clause recette et les règles statutaires relatives à la fixation du loyer, puisque le loyer dans un tel bail n'est pas fixé selon les seuls critères définis à l'article L 145-33 du code de commerce, (critère que le juge des loyers commerciaux a l'obligation d'appliquer dans le cadre du statut des baux commerciaux), mais peut prendre en considération des éléments étrangers à cette énumération tel qu'un pourcentage sur le chiffre d'affaire réalisé par le preneur.

Vainement encore la SCI MARVEINE soutient que l'accord des parties et la liberté contractuelle dont il est l'expression permet d'écarter cette incompatiblité.

En effet et quelque soit les éléments dont il est composé le loyer qualifié d'indivisible par l'appelant représente en définitive la somme payée par le locataire au copropriétaire en contrepartie de la mise à disposition des locaux de sorte que le juge des loyers commerciaux qui a compétence pour fixer le prix du bail révisé ou renouvelé doit nécessairement s'attacher à l'examen de l'ensemble de cette contrepartie, prise dans sa globalité sans ignorer l'incidence de la part variable.

Si les parties peuvent librement stipuler s'agissant du loyer initial, et peuvent le cas échéant d'un commun accord fixer par avance les conditions de fixation du loyer du bail renouvelé, elles ne peuvent stipuler que sur les droits dont elles ont la disposition, ce qui ne peut concerner ni l'ordre public judiciaire ni la mise en oeuvre de disposition législatives impératives.

En l'espèce, même si les dispositions de l'article L 145-33 du code de commerce n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L 145-15 du code de commerce qui permettent de fixer les dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux, il n'en demeure pas moins que dans le cadre du débat judiciaire qui s'ouvre à raison du désaccord des parties les dispositions de l'article L 145-33 s'imposent au juge des loyers commerciaux qui ne saurait fixer par application d'autres critères que ceux que la loi lui prescrit le loyer du bail renouvelé qui ne peut en aucun cas excéder la valeur locative.

Au demeurant la SCI MARVEINE ne saurait prétendre trouver dans les termes de la clause litigieuse la démonstration que les parties ont entendu délier le juge des loyers commerciaux de l'obligation d'appliquer l'article L 145-33 du code de commerce puisque la dite clause prévoit que le loyer de base sera fixé judiciairement selon les modalités prévues à cet effet par la législation en vigueur.

La SCI MARVEINE invoque en dernier lieu l'article 6 de la convention européenne qui fixe le droit de chacun à un procès équitable et qui dispose s'agissant de la matière civile
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

Cette disposition n'autorise pas une partie à se plaindre des conséquences d'une clause à laquelle elle a adhéré et qui a précisément pour effet d'exclure l'application des mécanismes de contrôle judiciaire du loyer renouvelé.

Elle n'autorise pas davantage une partie à saisir un juge à des fins que la loi n'autorise pas.

En conséquence la SCI Marveine n'établit aucune violation des dispositions de l'article 6 $ 1de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme garantissant le droit à un procès équitable.

Il s'en suit que la prétention de la SCI MARVEINE est mal fondée et que sa demande doit être rejetée.

La décision déférée qui y fait droit sera infirmée.

S'agissant de la duré du bail renouvelé.

Le renouvellement du bail commercial s'opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration Il est prévu à l'article 2-3 du bail que le renouvellement du bail interviendra pour une durée de 10 ans par dérogation aux dispositions des articles 7 du décret du 30 septembre 1953 et L 145-12 du nouveau code de commerce, et ce de convention expresse en être les parties. Il en sera de même pour les renouvellements successifs.

Cette durée décennale ne heurte aucune prohibition d'ordre public, dès lors qu'elle prévoit une durée de bail supérieure à la durée de 9 ans imposée par le statut des baux commerciaux. Il sera donc jugé que le bail venu à échéance le 31 décembre 2011 s'est trouvé renouvelé pour une durée de 10 ans.

Le rejet de la demande de la SCI MARVEINE suffit à épuiser le litige et il n'y a pas matière à évocation.

La SCI MARVEINE partie perdante supportera les dépens sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

la Cour statuant contradictoirement

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit que le bail renouvelé a pris effet entre les parties le 1° janvier 2012,

y ajoutant dit que ce bail est renouvelé pour une durée de 10 ans arrivant à expiration le 31 décembre 2021

infimant pour le surplus, et statuant à nouveau

déboute la SCI MARVEINE de sa demande de fixation judiciaire du loyer de base

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

condamne la SCI MARVEINE aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/11349
Date de la décision : 19/02/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°13/11349 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-19;13.11349 ?
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