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03/02/2015 | FRANCE | N°13/09897

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 03 février 2015, 13/09897


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 03 FEVRIER 2015



N° 2015/ 62













Rôle N° 13/09897







SARL SEA SIDE

SARL STUDIO LOUIS





C/



[G] [H] épouse [J]

[K] [N]

SARL SEA SIDE





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON



SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL G

UEDJ



SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Me Pierre-Yves IMPERATORE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Avril 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2013/244.





APPELANTES



SARL SEA SIDE Société à responsabilité limitée, imm...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 03 FEVRIER 2015

N° 2015/ 62

Rôle N° 13/09897

SARL SEA SIDE

SARL STUDIO LOUIS

C/

[G] [H] épouse [J]

[K] [N]

SARL SEA SIDE

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 04 Avril 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2013/244.

APPELANTES

SARL SEA SIDE Société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS de FREJUS sous le N° B 322 533 860, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL STUDIO LOUIS Pris en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [G] [H] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1927 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Franck GHIGO, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Emmanuelle ZIMMER, avocat au barreau de GRASSE

Monsieur [K] [N]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1] (73), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL SEA SIDE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique BEBON, Présidente

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2015,

Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique en date du 22 décembre 1949, Monsieur [L] [H], aux droits duquel se trouve Madame [G] [H] épouse [J], a donné à bail à Madame [E] [W] épouse [O] un local commercial situé [Adresse 5].

Le bail a été renouvelé à plusieurs reprises auprès de divers exploitants.

Madame [W] a cédé son fonds aux époux [V] qui l'ont revendu le 9 juillet 1981 à la SARL SEA SIDE.

Suivant acte du 21 février 1994, le bail a été renouvelé par Madame [H] au profit de la SARL SEA SIDE pour une durée de neuf ans rétroactivement du 20 avril 1992 au 19 avril 2001, moyennant le paiement par le locataire d'un loyer annuel de 7.317,55 €.

Par convention en date du 25 mars 2005, la SARL SEA SIDE a confié son fonds en location gérance à la SARL STUDIO LOUIS pour une durée d'un an renouvelable d'année en année moyennant une redevance de 35000€ HT par an, portée par avance à 38 112 € HT si la location-gérance venait à se poursuivre en 2006 et pour les années postérieures.

Par acte extra judiciaire en date du 4 août 2006, la SARL SEA SIDE a sollicité le renouvellement de son propre bail auprès de Madame [H].

Madame [H] a accepté le principe de renouvellement du bail mais s'agissant d'un bail renouvelé de plus de 12 ans a sollicité le paiement d'un loyer de 29 000€ par an.

Devant le désaccord des parties, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise le 2 septembre 2008.

Suivant jugement en date du 16 juin 2011 actuellement frappé d'appel, le nouveau loyer a été porté à 15 209 €.

Au cours des opérations d'expertise, Madame [H] a été confrontée à l'occupation des lieux par la SARL STUDIO LOUIS et reproche à la SARL SEA SIDE d'avoir sous loué les locaux donnés à bail sous couvert d'une location-gérance, et ce pour une redevance bien supérieure au loyer réclamé.

Soutenant que cette sous location avait été consentie en fraude à ses droits, elle a fait assigner la SARL SEA SIDE par acte d'huissier du 11 décembre 2009 devant le Tribunal de grande instance de TARASCON afin d'obtenir la résiliation du bail commercial principal.

La SARL STUDIO LOUIS a, pour sa part, sollicité la requalification de son contrat de location gérance en sous location commerciale soumise au statut des baux commerciaux et a demandé le renouvellement du bail à son profit pour une durée de 9 ans à compter du 8 avril 2007 moyennant un loyer annuel de 38 112€ hors taxes,

Par jugement en date du 4 avril 2013, le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a déclaré irrecevables l'ensemble des demandes, au motif que les actions de Madame [G] [H] épouse [J] et de la société STUDIO LOUIS se heurtaient à la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce.

Dans le cadre d'une instance parallèle,la SARL SEA SIDE avait fait assigner M [K] [N], en sa qualité de caution des engagements souscrits par la SARL STUDIO LOUIS dont il est le gérant, afin de le voir également garantir toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle dans le cadre de l'instance principale.

Par jugement en date du 26 novembre 2013, le Tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN a déclaré cette demande irrecevable au regard de la première décision.

Madame [H] épouse [J] et la SARL STUDIO LOUIS ont relevé appel de la première décision les 14 et 23 mai 2013.

La SARL SEA SIDE a relevé appel de la seconde décision le 20 décembre 2013.

Ces instances ont été jointes par ordonnances du conseiller de la mise en état en date des 6 septembre 2013 et 4 juillet 2014.

Dans ses dernières conclusions en date du 15 décembre 2014 auxquelles il convient de faire expressément référence , Mme [H] épouse [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 4 avril 2013 en ce qu'il a rejeté l'exception de fin de non recevoir pour défaut d'intérêt à agir de Madame [G] [H] veuve [J],

- réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 4 avril 2013 en ce qu'il a notamment constaté que l'action présentée par Madame [G] [H] euveRIBERPRAY se heure à une fin de non recevoir tirée de la prescription,

Statuant de nouveau,

- dire et juger que le contrat signé entre la SARL SIDE à la SARL STUDIO LOUIS en date du 25 mars 2005 est un contrat de sous-location,

- constater Madame [J] n'a pas été appelée à concourir à cet aete de sous-location,

- dire et juger que la SARL SEA SIDE a commis une infraction grave entraînant la résiliation du bail commercial,

En conséquence,

- prononcer la résiliation du bail commercial liant Madame [G] [H] épouse [J] à la SARL SEA SlDE en date du 22 décembre 1949 et portant sur les locaux sis à [Adresse 6],

- ordonner l'expulsion de la SARL SEA SIDE des lieux ainsi que de tous occupants de

son chef et notamment la SARL STUDIO LOUIS, si besoin est avec le concours de la force publique, et sous astreinte de 300 euros par jour de retard suivant le mois de la signification du jugement à intervenir,

- condamner solidairement la SARL SEA SIDE et la SARL STUDIO LOUIS à payer à

Madame [G] [H] veuve [J], à titre d'indemnité d'occupation une

somme mensuelle de 3.800 euros jusqu'à leur complet départ des lieux,

- débouter la SARL SEA SIDE,.la SARL STUDIO LOUIS et Monsieur [N] de l'intégralité dc leurs demandes dirigées contre Madame [G] [H] veuve

[J].

- condamner in solidum la SARL SEA SIDE et la SARL STUDIO LOUIS à payer à Madame [G] [H] veuve [J] la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum la société dénommée SEA SIDE et la société dénommée STUDIO LOUIS aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 13 novembre 2014 auxquelles il convient de faire également référence, la SARL STUDIO LOUIS et M [K] [N] demandent à la cour de :

- ordonner la jonction de la procédure d'appel à l'encontre du jugement du Tribunal de GrandeInstance de Draguignan du 4 avril 2013 (RG : 13/09897 - 11ème chambre section A et procédure d'appel à l'encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan du 26 novembre2013 (RG : 13/24398 - 1lème chambre section A),

- Dire bien appelé et mal jugé,

Vu les articles 1156 du code civil, L 145-1 et suivants du code de commerce,

- Requalifier le contrat de location gérance consenti par la Sarl Sea Side à la Sarl Studio Louis en date du 25 mars 2005 en bail commercial de sous-location soumis aux dispositions des articles L 145-1 et suivants du code de commerce,

- Dire et juger que la Sarl Sea Side a mis à la disposition de la Sarl Studio Louis en vertu de ce contrat exclusivement un local commercial vide dans lequel elle a transféré le fonds précédemment exploité à [Localité 2],

- Dire et juger en conséquence que la Sarl Studio Louis a droit au renouvellement de son bail par application des dispositions de l'article L 145-32 du code de commerce, pour une durée de 9 ans à compter du 8 avril 2007 moyennant un loyer amiuel de 38 112 € H.T, soit 45 581,95 € TVA incluse payable en 4 tennes égaux les 15 mars, 15 avril, 15 juin et 15 juillet de chaque année,

- Débouter la société Sea Side de toutes ses demandes et conclusions à l'encontre de M. [K][N],

Reconventionnellement,

- Condamner la société Sea Side à payer à M. [N] la somme de 3 000 € en application desdispositions de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens,

- Condamner in solidum Madame [G] [J] et la Sarl Sea Side à payer à la Sarl Studio Louis la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 25 novembre 2014 auxquelles il convient de faire également référence, la SARL SEA SIDE demande à la cour de :

- Confirmer le jugement de première instance :

* Sur les demandes de Madame [J],

* Sur l'irrecevabilité et la prescription des demandes,

- Constater que Madame [J] n'est pas partie au contrat de location gérance,

- Constater que la demande de requalification est somnise au délai de prescription biennale,

En conséquence,

- déclarer Madame [J] prescrite ou irrecevable dans sa demande de requalification,

- sur l'impossibilité de requalifier le contrat de location gérance en sous location en raison

des manquements du locataire gérant,

- constater que la requalification du contrat suppose l'analyse du contrat et l'intention des

parties au moment de sa conclusion,

- Constater que la société SEA SIDE n'a jamais voulu ni eu d'intérêt à consentir une sous

location irrégulière,

- Constater que l'argument de Madame [J] pour solliciter cette requalification est l'exploitation du fonds de commerce parle locataire gérant avec sa propre enseigne,

- Constater que la société SEA SIDE a mis en demeure la société STUDIO LOUIS d'utiliserl'enseigne SEA SIDE,

- Constater que cette circonstance constitue une faute du locataire gérant mais non un élément permettant de requalifier le contrat,

En conséquence,

- débouter Madame [J] de sa demande de requalification du contrat,

Sur le renouvellement du bail postérieurement à la conclusion du contrat de location gérance :

- Constater que le bail commercial a été renouvelé postérieurement à la conclusion du contrat de location gérance,

- Constater que ce renouvellement a été exprès et assisté par son Conseil,

- Constater que Madame [J] savait ou en tout cas ne pouvait ne pas connaître les modalités d'exp1oitation du fonds de commerce,

- Constater que le renouvellement du bail emportait renonciation à se prévaloir des faits

antérieurs au renouvellement,

En conséquence,

- débouter Madame [J] de sa demande de résolution du bail,

Sur la réalité du contrat de location gérance :

- Constater que le fonds de commerce dela société SEA SIDE a toujours existé,

- Constater que les éléments d'attraction de la clientèle sont principalement lié à l'emplacement et à l'activité,

- Constater que l'enseigne et les produits sont des éléments secondaires d'attraction de la

clientèle compte tenu des caractéristiques dela clientèle de [Localité 2],

- En conséquence dire que le fonds de commerce de la société SEA SIDE n'a pas disparu et que le contrat conclu avec la société STUDIO LOUIS est bien un contrat de location gérance,

Subsidiairement sur l'absence de faute :

- Constater que le bail commercial a été conclu en 1949 soit avant le décret de 1953 concernantles baux commerciaux,

- Constater qu'aucune clause ne prévoit l'obligation d'appeler le propriétaire à concotuir à l'acte en cas de sous location,

- Constater que cette obligation n'est jamais entrée dans le champs contractuel,

En conséquence débouter Madame [J] de sa demande de résolution fondée sur ce manquement,

A titre infiniment subsidiaire sur l'absence de gravité suffisante :

- Constater que si une sous location devait être découverte ce serait en dépit dela volonté de la société SEA SIDE,

- Constater que la sous location est autorisée dans le bail,

- Constater que le bail de 1949 ne prévoyait pas expressément l'obligation d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous location,

- Constater que Madame [J] connaissait parfaitement les modalités d'exploitation du fonds de commerce avant le renouvellement du bail,

- En conséquence constater que la faute invoquée par Madame [J] n'est pas

susceptible de justifier la résolution du bail,

Sur les demandes concernant la société STUDIO LOUIS,

Sur la prescription des demandes,

- Constater que le délai de prescription est de 2 ans,

- Constater que le contrat de location gérance a été conclu en 2005,

- En conséquence déclarer prescrite les demandes de la société STUDIO LOUIS

Sur la réalité du contrat de location gérance :

- Constater 1'existence du fonds de commerce de la société SEA SIDE,

- Constater que le contrat conclu avec la société SEA SIDE est bien un contrat de location

gérance,

En conséquence débouter la société STUDIO LOUIS de ses demandes,

A titre subsidiaire et reconventionnellement :

- Constater que la société STUDIO LOUIS a manqué à ses obligations en exploitant le fonds en utilisant son enseigne,

- Constater que ce manquement est à l'origine de la perte du fonds,

- Condamner solidairement la société STUDIO LOUIS et Monsieur [N] à payer à titre de provision la somme de 800 000 €,

- Désigner tel Expert avec pour mission habituelle en la matière et notamment de :

- se rendre sur les lieux,

- prendre connaissance de tous documents,

- se faire remettre toutes pièces,

- évaluer le fonds de commerce et le préjudice subi par la société SEA SIDE pour la perte de son fonds de commerce,

Sur les demandes concernant M. [N],

Vu le cautionnement solidaire souscrit par Monsieur [K] [N],

Vu l'assignation délivrée par Madame [J] à la société SEA SIDE,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de DRAGUIGNAN dans l'affaire opposant Madame [J] la SARL STUDIO LOUIS et la SARL SEA SIDE en date du 4 avril 2013,

Vu les articles 2288 et suivants du code civil

- Infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN du 26 novembre 2013,

- Condamner Monsieur [N] en sa qualité de caution à relever toutes sommes dues par la société STUDIO LOUIS et de toutes condamnations qui pourraient être prononcées au profitde la société SEA SIDE,

En tout état de cause :

- Condamner les parties succombantes à payer chacune la somme de 10 000 € pour procédure abusive outre 5000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- Condanmer les parties succombantes in solidtun, aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 décembre 2014.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

L'article L 145-60 du code de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

L'action de la SARL STUDIO LOUIS, qui tend à voir requalifier un location gérance en sous location afin de se voir reconnaître la propriété commerciale et bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux, s'inscrit nécessairement dans ce cadre et est soumise au délai de prescription biennale prévue par ce texte.

Elle a pour point de départ la signature de la convention de location-gérance qui a été conclue entre les deux sociétés le 25 mars 2005, la véritable nature de la convention étant déterminable à cette date par le cocontractant.

La demande en requalification contenue dans les conclusions notifiées par la SARL STUDIO LOUIS le 6 mai 2010 a donc été à bon droit jugée irrecevable comme prescrite.

Le jugement du 4 avril 2013 sera confirmé sur ce point.

L'action intentée par Madame [H] est d'une autre nature.

Madame [H] sollicite la résiliation du bail à l'encontre de son locataire pour manquement à ses obligations contractuelles, en l'espèce avoir procédé sous couvert d'une location-gérance à une sous location dans des conditions prohibées par le bail.

Cette action en résiliation appartient à la bailleresse qui justifie ainsi d'un intérêt à agir justement retenu par le premier juge.

Cette action est soumise à la prescription quinquennale de droit commun dont le point de départ est la connaissance de l'infraction commise par le bailleur.

En l'espèce, la réalité de cette sous location ne résulte pas à l'évidence de la publication dans un journal d'annonces légales du contrat conclu entre la SARL SEA SIDE et la SARL STUDIO LOUIS en date du 4 avril 2005 , dès lors que la publication portait sur un contrat de location gérance ne pouvant à elle seule faire naître la suspicion d'une qualification juridique mensongère ou dissimulée.

Quand bien même cette date aurait elle été retenue, l'action de Madame [H] intentée par assignation du 11 décembre 2009 était encore dans les délais de la prescription.

Le fait qu'elle ait accepté le principe d'un renouvellement de la location postérieurement à cette convention sur demande de la SARL SEA SIDE présentée le 4 août 2006 n'est pas non plus déterminant et démontre au contraire sa méconnaissance des conditions de la location- gérance dans la mesure où elle proposait un prix de loyer très inférieur à celui acquitté par la société STUDIO LOUIS à titre de redevance.

En réalité, même si Madame [H] âgée de 87 ans habite la même rue et donne à bail un autre local situé à proximité, il n'est pas établi qu'elle ait eu accès aux locaux occupés par la SARL STUDIO LOUIS ou eu un contact avec le gérant ou les salariés de cette société pour se convaincre de la réalité de l'exploitation avant les opérations d'expertise qui n'ont pu débuter avant la date de la désignation de l'expert par le jugement du 2 septembre 2008.

L'action en résiliation de bail introduite le 11 décembre 2009 n'est donc pas prescrite.

Sur la résiliation de bail

Le bail renouvelé le 1er février 1994 entre Madame [H] et la SARL SEA SIDE et soumis aux dispositions du code de commerce issu du décret de 1953 porte sur le local situé [Adresse 5]) et a été conclu pour une durée de neuf années à compter rétroactivement du 20 avril 1992 au 19 avril 2001 ; il y est mentionné qu'il ne contient aucune disposition spécifique autre que le nouveau prix de la location de 48 000 FR (7 317,55 €) par an et qu'il n'est apporté aucune modification aux clauses et conditions insérées au bail initial en date du 22 décembre 1949.

Le bail initial prévoyait la possibilité pour le locataire la possibilité de sous louer tout ou partie du local commercial.

Toutefois le principe d'une autorisation à la sous-location ne dispense pas le locataire d'appeler le bailleur à concourir à l'acte.

Madame [H] soutient que pour échapper à cette obligation , la SARL SEA SIDE a conclu une sous location déguisée au profit de la SARL STUDIO LOUIS sous la forme d'un contrat de location-gérance le 25 mars 2005, lui faisant perdre le bénéfice de l'article L. 145-31 du code de commerce qui prévoit :

« En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte.

Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale, augmentation qui, à défaut d'accord entre les parties, est déterminée selon une procédure fixée par décret en Conseil d'état.

Le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention de sous-louer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans les quinze jours de la réception de cet avis, le propriétaire doit faire connaître s'il entend concourir à l'acte. Si, malgré l'autorisation prévue au premier alinéa, le bailleur refuse ou s'il omet de répondre, il est passé outre. »

En l'espèce, la convention de location gérance signée le 25 mars 2005 entre la SARL SEA SIDE et la SARL STUDIO LOUIS porte sur « un fonds de commerce de vente articles de confection femme § homme situé à [Adresse 5]», pour une durée d'une année se terminant le 31 décembre 2005, moyennant un prix hors taxe de 35 000€ HT et pour la période comprise entre le 1 et janvier 2006 et le 31 décembre 2006 et pour les périodes suivants , dans l'hypothèse d'une poursuite des relations contractuelles par tacite reconduction moyennant un prix de 38 112€ HT.

Il est rappelé que le fonds comprend les éléments suivants :

« 1) la clientèle et l'achalandage y attachés,

2) l'enseigne commerciale et le nom SEA SIDE,

3) le droit à la ligne téléphonique répondant au numéro d'appel 04 94 97 46 , sous réserve toutefois de l'acceptation du changement d'identité par l'administration des postes,

4) les différents objets mobiliers, les agencements et le matériel commercial servant à l'exploitation du fonds dont l'inventaire sera dressé contradictoirement hors la présence et le concours du rédacteur des présentes, immédiatement après la signature des conventions,

5) à titre d'accessoire à la location du fonds, la jouissance des locaux servant à son exploitation ».

Cependant indépendamment de la lettre du texte, il est reconnu par l'ensemble des parties, y compris la SARL SEA SIDE elle même, qu'au moment de la signature de cet acte, elle exploitait également un fonds de commerce de vêtements au [Adresse 5], sans qu'aucun élément ne puisse justifier d'une clientèle distincte par une clause de non concurrence ou propre au fonds sis au [Adresse 5], les deux fonds ayant été mis indistinctement en location-gérance depuis plusieurs années par la SARL SEA SIDE. Il était également prévu à l'acte que les articles textiles d'habillement seraient représentées par des photographies et demeureraient annexées à la convention, sans que la SARL SEA SIDE n'en fasse état à la procédure ou ou ne justifie de factures d'acquisition antérieures à mars 2005 d'articles de prêt à porter.

D'autre part, La SARL SEA SIDE n'a pas produit l'inventaire de l'achalandage, du mobilier ou des agencements servant exploitation du fonds et censé lui appartenir selon l'acte critiqué, lequel n'envisage pas la reprise du stock, et ce que ce soit à l'entrée dans les lieux de la SARL STUDIO LOUIS ou à la sortie du locataire gérant précédent, alors que ce document s'imposait s'il existait réellement un matériel, des stocks, du mobilier ou des agencements propres à la SARL loueuse, dans la mesure où la sortie du locataire- gérant précédent la société AQUA MARINE intervenait dans un contexte d'expulsion contentieuse ainsi qu'il es rappelé aux pages 2 et 3 de la convention du 25 mars 2005.

En outre, il résulte des extraits K BIS et des conventions locatives produites par la SARL STUDIO LOUIS qu'elle même disposait de son propre fonds de commerce de vente de vetements pour lequel elle bénéficiait antérieurement de locaux sis [Adresse 7] en vertu de contrats de location successifs qui se sont terminés le 3 janvier 2005 et pour lequel il a investi les locaux proposés par la SARL SEA SIDE en y amenant sa propre clientèle tropézienne avant de transférer officiellement son fonds de commerce dans de nouveaux locaux au [Adresse 1] le 2 janvier 2009, soit à compter du contentieux le mettant en cause dans le différend opposant SEA SIDE à Madame [H].

Enfin, il est établi que la ligne téléphonique avait été résiliée par les soins de la société SEA SIDE le 22 mars 2005 selon la facture de France telecom produite aux débats soit avant même la signature de la convention de location-gérance, et que le changement d'enseigne commerciale SEA SIDE au profit de NUNA pourtant interdit à l'acte n'avait en réalité aucune incidence dans les relations contractuelles entre les parties, dans la mesure où la SARL STUDIO LOUIS a débaptisé le magasin dans le mois de la convention pour apposer sa propre enseigne correspondant aux vêtements qu'il entendait commercialiser , la SARL SEA SIDE n'ayant donné aucune suite à sa lettre recommandée du 21 juillet 2005 et ayant renouvelé le bail d'année en année jusqu'à l'assignation en résiliation du 11 décembre 2009 intentée par sa propre bailleresse.

Il résulte de ces éléments combinés que le fonds de commerce n'avait plus aucune réalité dans ses éléments essentiels au moment où la SARL SEA SIDE est entrée dans les lieux et que la société locataire principale a opéré une simple sous-location des murs dont elle avait la jouissance.

La violation de la formalité du concours à cet acte de sous location ainsi requalifié du 25 mars 2005 constitue, en l'espèce, une infraction particulièrement grave aux droits de la bailleresse dans la mesure où Madame [H] n'a pas été informée du prix de loyer de la sous location près de 4,5 fois plus important que le loyer initial au vu duquel elle était en droit de réclamer un réajustement par application des dispositions de l'article L 145-31 du code de commerce précité, et ce alors même qu'elle était en phase contentieuse pour la fixation du nouveau prix du bail, sur demande de renouvellement anticipé présentée par la SARL SEA SIDE par acte extrajudiciaire en date du 4 août 2006.

Cette inexécution fautive des obligations du locataire justifie la résiliation du bail aux torts de la SARL SEA SIDE.

La résiliation prononcée à ses seuls torts ne lui ouvre pas droit à être relevée des condamnations mises à sa charge ni a être indemnisée par la SARL STUDIO LOUIS ou son gérant qu'elle a amenés à concourir à un acte improprement qualifié à son seul bénéfice et qui sont désormais évincés des lieux du fait de la prescription de leur propre action en reconnaissance d'une quelconque propriété commerciale.

Son expulsion sera ordonnée ainsi que tout occupant de son chef, notamment la SARL STUDIO LOUIS, et ce sous astreinte dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt

Les SARL SEA SIDE et la SARL STUDIO LOUIS, laquelle ne justifie pas à ce jour avoir quitté les lieux seront condamnées solidairement à payer à Madame [H] la somme mensuelle de 3 000 € à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à complète libération des lieux avec restitution des clefs.

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la SARL SEA SIDE qui sera en outre condamnée à payer à Mme [H] la somme de 5 000 €, à la SARL STUDIO Louis la somme de 3 000 € et à Monsieur [N] la somme de 1000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du 4 avril 2013 en ce qu'il a déclaré l'action en requalification de la SARL STUDIO LOUIS irrecevable comme prescrite et retenu l'intérêt à agir de Madame [H] épouse [J] ;

Réformant les jugements entrepris et statuant à nouveau sur tous les autres points ;

Prononce la résiliation du bail commercial liant Mme [G] [H] épouse [J] à la SARL SEA SIDE et portant sur les locaux situés [Adresse 5] ;

Ordonne l'expulsion de la SARL SEA SIDE des lieux , sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de trois mois suivant la signification du présent arrêt et ce pendant une durée de quatre mois, à l'issue de laquelle il devra à nouveau être fait droit ;

Condamne solidairement la SARL SEA SIDE et la SARL STUDIO LOUIS à payer à Madame [H] la somme mensuelle de 3 000 € à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à la complète libération des lieux avec restitution des clefs ;

Condamne SARL SEA SIDE à payer à Mme [H] la somme de 5 000 €, à la SARL STUDIO Louis la somme de 3 000€ et à Monsieur [N] la somme de 1000 € ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la SARL SEA SIDE aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction aux avocats de la cause pour ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/09897
Date de la décision : 03/02/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°13/09897 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-03;13.09897 ?
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