COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 30 JANVIER 2015
N° 2015/74
Rôle N° 14/10832
Société OPTION B LIMITED
C/
DIRECTION GENERALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS
Grosse délivrée
le :
à : Me Bertrand COSTE
Me Gilles ALLIGIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 20 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00110.
APPELANTE
Société OPTION B LIMITED Société de droit étranger dont le siège se trouve à [Adresse 2])., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
DIRECTION GENERALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS, prise en la personne de Mme La Directrice Régionale des Douanes et Droits Indirect, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Décembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier COLENO, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président (rédacteur)
Monsieur Vincent PELLEFIGUES, Conseiller
Mme Marina ALBERTI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2015
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2015,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et Mme Ingrid LAVIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par le jugement dont appel du 20 mai 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la demande en nullité et mainlevée d'un procès-verbal de saisie d'un navire dénommé OPTION B et de marchandises dressé le 9 décembre 2013 par la direction générale des douanes dans son bureau de Cannes pour les infractions douanières d'importation sans déclaration et man'uvres frauduleuses pour obtenir un avantage indu à l'exportation représentant 2.343.027 € de droits fraudés, aux motifs :
-que les articles 324, 325, 326 et 327 du code des douanes permettent la saisie d'un bien même en l'absence matérielle du bien, fictive donc, de sorte que le moyen tiré de l'incompétence des douaniers pour saisir un navire amarré à l'étranger n'est pas fondé,
-que la convention de [Localité 2] revendiquée n'a pas matière à s'appliquer, ne concernant que la matière civile, alors que ce sont ici des infractions qui ont fondé la saisie,
-que le procès-verbal n'est pas nul :
-du fait allégué de l'absence de déclaration, la partie saisie ayant été convoquée mais ne s'étant pas présentée,
-alors que les noms et qualités des agents verbalisateurs sont bien mentionnés conformément à l'article 325 du code des douanes,
-du fait d'une omission de précision des marchandises, seule étant en discussion la saisie du navire, et en l'absence de preuve d'un grief,
-alors enfin que la qualité de la partie saisie, instituée gardienne du bien saisi, est bien mentionnée, celle de propriétaire,
-du caractère inopérant du moyen tiré de l'abrogation de l'article 63 du code des douanes par décision du conseil constitutionnel du 29 novembre 2013, laquelle ne prend effet qu'au premier janvier 2015 selon ses propres termes,
Vu la fixation faite par application de l'article 905 du code de procédure civile par ordonnance du septembre 2014 à la requête de la société OPTION B LIMITED,
Vu les dernières conclusions déposées le 25 novembre 2014 par la société OPTION B LIMITED tendant à la réformation de cette décision et demandant à la Cour :
-d'ordonner la mainlevée de la saisie du navire, aux motifs :
*que la cellule d'intervention spécialisée des douanes de [Localité 1] n'était pas territorialement compétente pour saisir le navire qui était stationné en Italie au jour de la saisie, hors le territoire national et hors le rayon des douanes au sens de l'article 43 du code des douanes, hors les prévisions de la convention de [Localité 2], laquelle est applicable aux saisies en matière pénale selon son article 27, et hors assistance internationale des articles 349ter et suivants, ce que ne peut justifier la notion de saisie fictive qui non seulement n'existe pas dans le code des douanes mais ne trouve à s'appliquer en pratique que lorsque les marchandises de fraude ont disparu, ce qui n'est pas le cas d'espèce où le bien se trouve en Italie, et de plus se trouve indéterminée dans ses effets,
*de la nullité du procès-verbal établi le 9 décembre 2013 pour non-respect des formalités de déclaration au prévenu -qu'il soit présent ou non-, et d'inventaire des marchandises saisies, simplement mentionnés sous la formule « les matériels et fournitures de bord acquis hors taxe pour l'exportation »,
*subsidiairement de l'inexistence de la créance alléguée par les douanes, à raison de la non-conventionnalité des articles 62 et 63 du code des douanes en vertu desquels a été pratiquée la visite à bord du navire qui a justifié la saisie, ce dont découle la nullité de la visite et de l'ensemble de la procédure douanière diligentée à sa suite, dont le procès-verbal de saisie contesté,
-plus subsidiairement de juger que l'acte dénommé procès-verbal de saisie n'a pas pour effet d'immobiliser le navire ni d'affecter un quelconque des droits de son propriétaire,
-très subsidiairement de préciser à quels égard l'acte dénommé procès-verbal de saisie affecte les droits de son propriétaire,
Vu les dernières conclusions déposées le 12 décembre 2014 par la direction générale des douanes et droits indirects tendant à la confirmation du jugement dont appel et au rejet des demandes de la société OPTION B LTD, soutenant notamment :
que contrairement à ce qui est soutenu, lorsque une infraction est établie à l'issue d'une enquête, les agents des douanes peuvent procéder à la saisie réelle ou fictive de la marchandise de fraude, sans condition de délai et où qu'elle se trouve au moment de la rédaction du procès-verbal, ainsi qu'il a été jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, le 19 octobre 1995,
qu'en vertu de cette saisie, il revenait à la société OPTION B LTD de représenter en l'état le navire ou d'en payer la contre-valeur conformément à l'article 435 du code des douanes,
que le procès-verbal contient toutes les mentions requises par la loi et est régulier,
qu'en ce qui concerne la conformité à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales des dispositions relatives au droit de visite, la Cour de cassation s'est déjà prononcée pour la valider, le contrôle effectué à bord d'un navire ne constituant pas une arrestation ou un acte d'instruction (Cass.Crim 11 janvier 2006), solution prise au regard des articles 60 et 62 du code des douanes qui est transposable à l'article 63,
Vu l'ordonnance de clôture du 17 décembre 2014,
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que la compétence du juge de l'exécution n'a pas fait l'objet de contestation ;
Attendu qu'aux termes de l'article 323 du code des douanes, les agents des douanes qui constatent une infraction douanière ont le droit de saisir tous objets passibles de confiscation ;
qu'il n'est pas contesté que les infractions relevées au procès-verbal du 9 décembre 2013 sont passibles de la confiscation du navire OPTION B ainsi que des matériels et fournitures de bord acquis hors taxes pour l'exportation ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 324 du code des douanes que ce n'est qu'autant que les circonstances le permettent que les biens saisis sont appréhendés matériellement et qu'à défaut, ils peuvent être confiés à la garde du prévenu en quelque lieu qu'ils se trouvent ;
Attendu qu'il s'ensuit que c'est en vain que l'appelante prétend contester la compétence territoriale des agents des douanes pour dresser procès-verbal de saisie du navire au prétexte que celui-ci se serait trouvé en Italie à ce moment, ce qu'aux termes de l'article précité ils ont au contraire pu faire valablement dans les locaux du poste de douanes du lieu de la constatation des infractions, le tout à [Localité 1] ;
qu'il s'ensuit d'autre part que l'appelante n'est pas fondée à contester la possibilité, pour les agents des douanes constatant les infractions, de procéder à des saisies sans appréhension matérielle des objets passibles de confiscation dès lors que le procès-verbal en décrit la nature et la quantité conformément à l'article 325 ;
Attendu que les effets de ces saisies ont été précisément décrits au procès-verbal de saisie et ensuite par la Direction des douanes dans ses écritures, en référence aux dispositions de l'article 435 du code des douanes concernant les modalités du prononcé de la confiscation selon que les biens ont été saisis ou non, c'est-à-dire comme la charge de représenter les biens saisis en l'état ou d'en payer la contre-valeur, et qu'il n'y a pas à y ajouter ;
Attendu que l'invocation de la convention de [Localité 2] est inopérante pour la rédaction du procès-verbal du 9 décembre 2013, le droit de poursuite de l'article 111 de cette convention, soumis entre autres à l'émission préalable d'un signal visuel ou sonore, ne concernant pas l'objet du débat limité au procès-verbal d'infraction rédigé trois mois après des constatations faites sur le navire amarré au port de [Localité 1], et les infractions douanières relevées à partir des constatations opérées à bord -à leur admettre le caractère d'infractions pénales à raison des peines qu'elles font encourir- ayant des conséquences s'étendant à l'État côtier par l'importance des droits fraudés, entrant ainsi dans le cadre de l'exception prévue au paragraphe 1, a) de l'article 27 de la convention invoquée ;
Attendu que le procès-verbal du 9 décembre 2013 contient bien la notification des infractions relevées, de leurs motifs, des droits fraudés et dus, et déclaration expresse de la saisie des biens passibles de confiscation dont une description précise est faite, tant pour le navire lui-même que pour les marchandises dont la validité de la description, faite en référence aux déclarations d'exportation précisément référencées et annexées au procès-verbal de constatations n°1 sous les numéros 11 à 22, toutes en possession du propriétaire, est vainement contestée ;
que le moyen de nullité n'est pas fondé ;
Attendu enfin, sur l'existence de la créance, que la saisie contestée n'est pas une mesure conservatoire conditionnée à l'existence d'un titre ou d'une créance fondée en son principe, mais une saisie de biens susceptibles de confiscation ;
Attendu, sur la non-conventionnalité des articles 62 et 63 du code des douanes en vertu desquels la visite à bord du navire qui a justifié la saisie a été pratiquée, qu'il résulte du procès-verbal de constat n°1 du 3 septembre 2013 que le contrôle a été opéré en vertu des dispositions de l'article 63 du code des douanes ;
que selon les constatations non discutées qui résultent de ce procès-verbal, les agents ont d'une part exercé leur droit de communication de l'article 65, expressément visé en tant que tel en demandant la production de divers documents, puis d'autre part ont examiné les documents qui se trouvaient dans la timonerie du navire, dont ils ont pris copie, en présence du premier officier puis du capitaine arrivé en cours d'opération, le tout de quinze heures à seize heures quinze et donc de jour, opération qui s'est terminée sans susciter de réserve ;
Attendu qu'il s'ensuit, et en l'absence d'opération de visite portant sur les parties du navire à usage privé ou affectées à l'usage de domicile ou d'habitation, que le moyen tiré d'une non-conventionnalité de l'article 63 du code des douanes est inopérant ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions et déboute la société OPTION B LIMITED de toutes ses demandes;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société OPTION B LIMITED;
Condamne la société OPTION B LIMITED à payer à la Direction générale des Douanes et droits indirects la somme supplémentaire de 4.000 € ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples;
Condamne la société OPTION B LIMITED aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,