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30/01/2015 | FRANCE | N°13/05430

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 30 janvier 2015, 13/05430


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 30 JANVIER 2015



N°2015/ 21















Rôle N° 13/05430







[L] [D]





C/



Société ISS ABILIS FRANCE





















Grosse délivrée le :



à :



-Me Nassos marcel CATSICALIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Marcel BENHAMOU, avocat au barreau

de NICE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 25 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/3444.





APPELANT



Monsieur [L] [D], d...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 30 JANVIER 2015

N°2015/ 21

Rôle N° 13/05430

[L] [D]

C/

Société ISS ABILIS FRANCE

Grosse délivrée le :

à :

-Me Nassos marcel CATSICALIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Marcel BENHAMOU, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section C - en date du 25 Janvier 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 10/3444.

APPELANT

Monsieur [L] [D], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Nassos marcel CATSICALIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Caroline PELTIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Société ISS ABILIS FRANCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marcel BENHAMOU, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Madame Laurence VALETTE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2015

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2015

Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [D] a été embauché en qualité de responsable client par la société ISS ABILIS FRANCE selon contrat à durée indéterminée en date du 1° août 2007.

Le 30 juin 2010, Monsieur [D] a été convoqué à un entretien préalable pour le 12 juillet suivant, avec mise à pied conservatoire, et le 19 juillet 2010, un licenciement lui a été notifié pour faute grave.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire brut mensuel de base de Monsieur [D] était de 3029 euros.

-----------------------------------------------

Le 25 novembre 2010, Monsieur [D] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes dues.

-------------------------------------------------

Par jugement du 25 janvier 2013, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a :

- dit que le licenciement de Monsieur [D] reposait sur une faute grave,

- débouté les parties de leurs demandes principales et reconventionnelles.

------------------------------------

Monsieur [D] a interjeté appel de cette décision.

----------------------------------------

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Monsieur [D] demande de :

- dire et juger le licenciement de Monsieur [D] intervenu sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la SOCIETE I.S.S. ABILIS FRANCE au paiement des sommes suivantes:

- indemnité conventionnelle de licenciement: 2 mois net 6.000,00 €

- indemnité pour licenciement abusif : 54.522,00 €

- rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 1er au 21 juillet 2010 :net 2.650,00 €

- indemnité pour mise à pied conservatoire abusif :3.000,00 €

- incidence mise à pied congés payés :265,00 €

- indemnité de préavis: 2 mois 4.200,00 €

- incidence congés payés sur préavis :420,00 €

- prorata 13e mois 198,80 €

- prime trimestrielle :19.094,00 €

- heures supplémentaires :1 206.51 €

- la condamner au paiement de la somme de 3.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

- la condamner aux entiers dépens.

----------------------------------------

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société ISS ABILIS FRANCE demande la confirmation du jugement, de débouter Monsieur [D] de ses prétentions et de le condamner à payer la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Le contenu de la lettre de licenciement en date du 19 juillet 2010 qui fixe les limites du litige précise ce qui suit:

'A la suite de notre entretien du 12 Juillet 2010, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, cette mesure prendra effet dès présentation de ce courrier et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans préavis ni indemnité de licenciement.

Cette décision est motivée par les faits suivants :

' En votre qualité de Responsable Client, vous devez assurer la gestion du personnel en veillant au respect des règles en matière de droit du travail.

A ce titre, il vous appartient d' assurer la bonne gestion des contrats de travail. Or, à ce jour, malgré nos rappels à l'ordre notamment lors de la dernière réunion d'exploitation en date du 18 juin 2010,17 contrats de travail à durée déterminée ne sont pas signés, de telle sorte que le délai légal de signature des dits contrats sous 48 heures n'a pas été respecté. Vous ne pouvez ignorer que tout contrat de travail à durée déterminée non signé dans les délais est susceptible d'être requalifié en contrat à durée indéterminée et engendre un préjudice financier important pour l'entreprise.

Nous avons eu de surcroît connaissance début juin 2010 d'un fait inacceptable de votre part. Vous avez en effet proposé au début du mois d'avril 2010 à votre responsable de site, pour que celle-ci puisse percevoir un salaire plus conséquent, d'embaucher fictivement une personne proche d'elle (ami, famille ... ) afin qu'elle puisse percevoir le salaire de cette personne !

Dans le cadre du suivi administratif vous avez pour mission. de préparer les données de facturation afin de les transmettre au service en question.

Or, nous nous sommes aperçus que vous aviez communiqué des informations erronées de telle sorte que notre client Coca Cola s'est vu facturer à tort des prestations pour des travaux non effectués ou non terminés. Ce dernier nous réclame ainsi aujourd hui 1164 €.

De plus, notre client Connect Factory s'est vu facturer deux fois la même prestation, ce qui a déclenché un avoir de 603 €.

Ces erreurs sont fortement préjudiciables aux bonnes relations commerciales que nous entretenons avec nos clients.

' En votre qualité de Responsable Client, vous vous devez également d'assurer un relationnel permanent avec vos interlocuteurs clients et d'être le garant de la satisfaction de ces derniers.

Il est cependant apparu, à la suite d'une enquête NPS réalisée mi mai 2010 correspondant à l'audit qualité de nos principaux clients, qu'aucune relance pour les clients mécontents n'avait été réalisée de votre part. En effet, suite à cette enquête, votre service avait obtenu les scores de 0/10 pour la SNET et de 3/10 pour notre client OPPBTP. Malgré l'objectif qui vous avait été fixé avant le 23 juin 2010 consistant à relancer ces clients «détracteurs », vous n'avez pas contacté ces clients.

Nous nous sommes également aperçus lors de la préparation de l'audit NPS que vous ne connaissiez pas vos clients: c'est votre chef de site qui a du donner les noms des différents interlocuteurs.

' De par votre fonction, vous devez également manager au quotidien la sécurité sur les sites qui vous sont confiés.

Le thème de la sécurité des travailleurs de la société fait partie des priorités de notre entreprise. Cependant, vous n'êtes pas du tout ni attentif ni sensibilisé à cette problématique.

En effet, vous n'effectuez aucune des obligations internes mises en place pour faire face, prévenir ou opérer le suivi des situations dangereuses:

Vous n'avez pas mis en place la démarche MASE alors que cette Carence est évoquée à chaque réunion d'exploitation mensuelle depuis Janvier 2010.

Les plans de prévention ont tous été faits par la stagiaire sécurité ou chef de site, sans aucune implication de votre part et tous ne sont encore pas à jour (8 sur 23)

Aucunes causeries sécurité ont été réalisé par vous-même seul 9 ont été réalisés par la chef de site uniquement malgré un objectif bas à 23.

8 accidents de travail ont eu lieu sur votre portefeuille depuis le début de l'année, vous n'avez procéder à aucune analyse, aucune causerie ou réa-accueil. Vous ne vous êtes même pas déplacé pour l'enquête suite à l'accident grave de Madame [V] pour agression.

Seulement 21 entretiens professionnel d'agent de services réalisés depuis le mois de Mars alors que l'objectif des de 15 par mois. De plus, ces 21 entretiens ont été fait par votre chef de site.

Vous disposez pourtant à la fois des moyens, des documents et du temps pour accomplir cette partie de votre mission contractuelle.

Nous vous rappelons que vous avez été destinataire d'une formation sur la démarche à suivre en cas d'accident d'un agent et sur vos obligations en tant que Responsable Client. A cet effet, un guide récapitulatif vous a même été remis en main propre et commenté lors de notre réunion d'exploitation mensuelle en mai 2010, avec tous les documents nécessaires à utiliser pour le suivi et la gestion de la sécurité.

' Nous avons également découvert durant le courant du mois de juin 2010 que, aux mois de mars, avril et mai 2010, vous aviez utilisé le badge « télépéage » pourtant mis à votre disposition dans le cadre exclusif de vos fonctions, pendant vos congés, RTT et week-end.

- Pendant vos congés de mai 2010 : le 19 Mai, péage de [Localité 8] à 2H16 du matin puis [Localité 7] à 13H39 puis [Localité 5] à 14h11,

- Le vendredi 02 Avril 2010, votre jour RTT : à 20H43 à [Localité 6] pour une sortie sur [Localité 1],

- Le Samedi 20 Mars 2010 (hors temps de travail) : 9h20 [Localité 2] - 22h30 [Localité 4],

- Le Dimanche 26 Mars 2010 : [Localité 3] / [Localité 4],

- Le vendredi 05 Mars 2010 (jour de votre RIT) : [Localité 6] à 18H40 pour [Localité 1],

- Le Dimanche 07 Mars 2010: [Localité 1] à 13H31 pour [Localité 5],

- Le 14 Mai 2010, vous n'étiez ni en CP ni en Rn (votre planning l'atteste); or, à 16h26, vous étiez déjà à [Localité 6] pour une sortie à [Localité 8]!

Or, vous ne pouvez ignorer que le badge précité a été mis à votre disposition à des fins professionnelles exclusivement.

' Enfin, notre décision est motivée par votre attitude consistant à diviser l'agence et dénigrer l'entreprise ainsi que le chef d'agence.

Plusieurs salariés ont porté à notre attention début Juin des propos inadmissibles que vous avez tenus à l'encontre de l'entreprise et du chef d'agence créant ainsi un trouble au sein de l'entreprise. Vous dénigrez le chef d'agence en ces termes «il n'a pas de couilles », De plus, vous refusez de réaliser des travaux exceptionnels afin de «créer un préjudice économique à l'entreprise». Vous allez également à l'encontre des projets du groupe: « Cap 2012, c'est de la merde ! ».

Il ressort également des témoignages que vous cherchez à diviser l'agence en tentant par exemple de convaincre votre chef de site de ne pas avoir confiance en la direction. D'autres salariés ont attesté du fait que vous n'avez absolument pas l'esprit d'équipe.

Votre comportement est parfaitement intolérable. Il crée un trouble sérieux au sein de notre entreprise et ne permet pas d'envisager plus longtemps la poursuite de votre contrat de travail. '

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Doit être relevé à cet égard que la société ISS ABILIS FRANCE se prévaut dans ses conclusions de pièces numérotées, lors que les documents, produits en vrac, ne le sont pas ;

Monsieur [D] conteste l'ensemble des griefs avancés par la société ISS ABILIS FRANCE , et dont il impute pour partie l'origine à l'auteure de certaines des attestations produites, Madame [K], laquelle lui a succédé dans ses fonctions;

Madame [K] a ainsi fait état de l'embauche fictive d'un salarié ; or les dates mentionnées dans la lettre de licenciement (début avril 2010) ne correspondent pas à celle de l'attestation délivrée à ce titre, Madame [K] faisant état en août d'une proposition faite 'il ya environ deux mois'ce qui correspond au mois de juin ; une accusation de cette gravité ne peut reposer sur de telles imprécisions;

De même est-il patent que Monsieur [D] n'a pas été mis en capacité de répondre fin juin 2010 à des demandes d'explication sur les facturations COCA COLA, dès lors qu'il a été mis à pied à cette même période ; or, les seules pièces produites par la société ISS ABILIS FRANCE sur ce dossier sont la commande, les factures et cette demande de renseignement émanant d'une Madame [Y] ; une éventuelle contestation-non produite-du client ne suffit pas à imputer à Monsieur [D] la responsabilité d'une prétendue perte de 1164 € ;

S'agissant du dossier Connect Factory (double facturation d'une même prestation, ayant déclenché un avoir de 603 €), sont invoqués par la société ISS ABILIS FRANCE un devis du 22 janvier 2010 , une fiche de facturation non datée et un compte client qui ne sauraient à eux seuls justifier de l'erreur imputée à Monsieur [D] ; l'explication donnée par ce dernier que, la prestation n'ayant pu être effectuée, un avoir a été délivré, n'est pas utilement contredite ;

L'affirmation selon laquelle serait ainsi démontré le manque de professionnalisme au seul motif que l'existence d'une erreur découlerait nécessairement d'une carence de Monsieur [D] ne peut être tenue pour acquise, et notamment dans le cadre d'un licenciement pour faute grave ;

Est invoquée une enquête NPS réalisée mi mai 2010 correspondant à l'audit qualité des principaux clients, et selon laquelle aucune relance pour les clients mécontents n'avait été réalisée par Monsieur [D] ; ce document n'est pas produit ;

Est ensuite mentionné 'Nous nous sommes également aperçus lors de la préparation de l'audit NPS que vous ne connaissiez pas vos clients: c'est votre chef de site qui a du donner les noms des différents interlocuteurs' : la seule mention générale de cette accusation dans l'attestation de Madame [K]-qui ne donne pas même la date de cet audit-ne peut créditer ce grief ;

S'agissant des manquements de Monsieur [D] dans sa gestion des questions de sécurité, ce au regard de la mise en place du plan MASE, d'accidents du travail pas ou mal gérés par Monsieur [D], et du manque d'entretiens professionnels, la société ISS ABILIS FRANCE verse aux débats les documents (fiches, objectifs, réunions..) attestant de la priorité accordée par elle à la sécurité-principe qui n'est pas discuté ;

La société ISS ABILIS FRANCE se prévaut ainsi d'un tableau récapitulant en juin 2010 les objectifs assignés aux divers responsables, et les objectifs atteints ; Monsieur [D] en conteste la véracité au regard d'un autre documents par lui produit et qui ne comporte pas les mêmes chiffres ;

L'original de la pièce n'est pas produit mais, en tout état de cause, la lecture du document sur lequel s'appuie l'employeur ne démontre pas, au regard des autres responsables clients, une carence notable de Monsieur [D] : ainsi du nombre de plans de prévention : 16 réalisés sur 23 pour ce dernier, 10 sur 18 pour Monsieur [S], 9 sur 17 pour Monsieur [R] ; des causeries sécurité : 9 sur 23 mais une sur 49 , zéro pour dix pour plusieurs autres ; s'agissant des entretiens professionnels les proportions sont équivalentes : 21 sur 141 mais 28 sur 165, 17 sur 280 ....

Il sera rappelé que cette mise en place concerne une période de six mois ;

Monsieur [D] cite une attestation délivrée par Madame [Z] qui affirme, sans autre preuve, que les entretiens professionnels n'étaient pas réalisés par Monsieur [D], de même que ce dernier aurait manqué d'implication dans ces questions de sécurité : de telles accusations, que ne corroborent aucun fait précis, ne peuvent valider une rupture des relations contractuelles de travail ;

Il est également injustifié de reprocher à Monsieur [D] son absence lors d'un accident du travail, deux attestation délivrées par Madame [H] et par la victime Madame [V] démontrant le contraire ;

L'unique attestation délivrée par Madame [W] et selon laquelle'Monsieur [D] n'avait pas l'esprit d'équipe ni l'esprit d'entreprise', assortie d'un exemple vague, ne permet pas de caractériser un dénigrement de l'entreprise ;

S'agissant de la gestion déficiente des contrat à durée déterminée, sont en cause 17 contrats qui n'auraient pas été signés, la société ISS ABILIS FRANCE se prévalant sur ce point du listing des non retours de ces contrats ; mais Monsieur [D] est fondé à relever que cet élément ne suffit pas à établir l'absence de signature-avec toutes les conséquences juridiques qui en découleraient- dont fait effectivement état l'employeur ;

Le grief serait fondé s'il était imputé à Monsieur [D] de n'avoir pas vérifié les raisons du non retour des documents, partant la question des signatures, or il repose sur l'affirmation d'un fait précis en l'espèce non démontrée ;

En définitive, seule l'utilisation abusive du badge télépéage n'est ni contestable ni discutée ; cependant cette faute ne saurait à elle seule justifier un licenciement ;

Le licenciement de Monsieur [D] doit en conséquence être dit sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les incidences indemnitaires

Les sommes réclamées par Monsieur [D] ne sont pas discutées dans leur calcul ;

Sont en conséquence validées les demandes au titre de l' indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement, du rappel de salaires au titre de la mise à pied ;

S'agissant de cette dernière, force est de constater qu'une telle mesure n'est justifiée que si les agissements du salarié la rendent indispensable à titre de précaution : en l'espèce l'employeur ne donne aucune précision sur ce point et la Cour ne relève aucun motif qui en donne l'explication;

Le caractère nécessairement vexatoire d'une telle mesure justifie l'octroi d'une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au visa de l'article L 122-14-4 devenu L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, et tenant à l'ancienneté de trois ans du salarié, à son âge, sa qualification, et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 20000 euros.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, à partir des éléments produits par la salariée, l'employeur devra rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à cette dernière dans la limite du plafond prévu par ce texte.

Sur les heures supplémentaires et la prime trimestrielle

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Le juge statue au vu des éléments de preuve ainsi soumis au débat.

En l'espèce Monsieur [D] produit à l'appui de ces demandes des tableaux et décomptes précis, qui sont en conséquence des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande ;

L'employeur oppose seulement que ces demandes ne sont pas fondées, et ne produit aucune pièce;

Force est en conséquence de constater que l'employeur ne justifie pas des horaires précis réellement effectués par Monsieur [D] ni du calcul des primes de ce dernier ;

Au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Monsieur [D] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées et n'a pas été rempli de ses droits au titre de ses primes ;

Les sommes revendiquées à ce titre sont en conséquence validées ;

Les sommes allouées en exécution du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale.

En revanche les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité justifie au regard des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de faire droit à la demande de Monsieur [D] à hauteur de la somme de 1.000 € ;

Par contre, au visa du même principe d'équité, la demande de la société ISS ABILIS FRANCE n'est pas fondée ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Déclare l'appel recevable en la forme.

Infirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Dit le licenciement de Monsieur [D] sans cause réelle et sérieuse

Condamne la société ISS ABILIS FRANCE à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes:

- indemnité conventionnelle de licenciement: 6.000,00 €

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse: 2000,00 €

- rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 1er au 21 juillet 2010 : 2.650,00€ brut

- indemnité pour mise à pied conservatoire abusif :1.000,00 €

- incidence mise à pied congés payés :265,00 €

- indemnité de préavis: 4.200,00 €

- incidence congés payés sur préavis :420,00 €

- prorata 13e mois 198,80 €

- prime trimestrielle :19.094,00 €

- heures supplémentaires :1 206.51 €

Dit que les sommes allouées en exécution du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale.

Dit que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.

Ordonne le remboursement par la société ISS ABILIS FRANCE à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [D] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois ;

Condamne la société ISS ABILIS FRANCE à payer à Monsieur [D] la somme de MILLE EUROS (1.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur dela société ISS ABILIS FRANCE en cause d'appel.

Rejette toutes autres demandes

Condamne la société ISS ABILIS FRANCE aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/05430
Date de la décision : 30/01/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/05430 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-30;13.05430 ?
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