COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 30 JANVIER 2015
N°2015/ 20
Rôle N° 13/05428
SA HSBC FRANCE
C/
[D] [U]
Grosse délivrée le :
à :
- Me Jean Sébastien CAPISANO, avocat au barreau de PARIS
- Me Jean-charles VAISON DE FONTAUBE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 15 Février 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/3022.
APPELANTE
SA HSBC FRANCE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean Sébastien CAPISANO, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pauline DENTRAYGUES, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [D] [U], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-charles VAISON DE FONTAUBE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre
Madame Catherine VINDREAU, Conseiller
Madame Laurence VALETTE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2015
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2015
Signé par Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [U] a été embauché par le CCF, devenu HSBC FRANCE, selon contrat à durée indéterminée en date du 1° octobre 1989.
Depuis le 1° mai 2002, Monsieur [U] avait en charge la direction de l'agence du Prado.
Courant juillet 2010, Monsieur [G], affecté temporairement à cette agence en qualité de 'Superviseur Accueil' a fait état de nombreuses anomalies affectant le compte d'un client Monsieur [S], ce qui a conduit, d'une part Monsieur [U] a transférer ce dossier au contentieux, d'autre part l'employeur à diligenter une enquête interne.
A la suite de cette enquête, close en octobre 2010, Monsieur [U] a été convoqué le 21 décembre suivant à un entretien préalable fixé au 6 janvier 2011, suivi, le 24 du même mois, de la notification d'une mesure de rétrogradation, laquelle a été ensuite validée le 4 mars par la Commission paritaire de recours interne saisie par Monsieur [U].
Par courrier du 6 avril, Monsieur [U] a refusé cette proposition.
Le 5 mai 2011, suite à une convocation à entretien préalable du 13 avril précédent, assorti d'une mise à pied conservatoire, un licenciement lui a été notifié pour faute.
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Le 24 juin 2011, Monsieur [U] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes dues.
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Par jugement du 15 février 2013, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a :
- dit la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de Monsieur [D] [U] irrégulière en la forme;
- dit le licenciement de Monsieur [D] [U] prononcé sans cause réelle et sérieuse;
- dit la sanction de rétrogradation et la mise à pied Infligée à Monsieur [D] [U] nulles, irrégulières et infondées ;
- condamné l'employeur au paiement des sommes suivantes:
-150 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
-15 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive et préjudice moral; $gt; 35 000 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
-2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC;
- condamné l'employeur au remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'Indemnités de chômage;
- condamné l'employeur aux entiers dépens.
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La société HSBC FRANCE a interjeté appel de cette décision.
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Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société HSBC FRANCE demande de:
' À titre préliminaire
- CONSTATER la violation par le Conseil de prud'hommes de MARSEILLE des règles de procédure civile
En conséquence,
' Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en date du 15 février 2013 en toutes ses dispositions
' À titre principal
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en date du 15 février 2013 en ce qu'il a :
' Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [D] [U], notifié par lettre en date du 5 mai 2011, est irrégulier et infondé;
' Condamné la société HSBC France au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' Dit et jugé que la demande de Monsieur [D] [U] au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement» est fondée;
' Condamné la société HSBC France au paiement de la somme de 35 000 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
En conséquence,
' Dire et juger que le licenciement de Monsieur [D] [U], notifié par lettre en date du 5 mai 2011, est parfaitement régulier et fondé;
- Débouter Monsieur [D] [U] de l'intégralité de ses demandes à ce titre;
' Dire et juger que la demande de Monsieur [D] [U] au paiement d'une « indemnité conventionnelle de licenciement» est infondée ;
- Débouter Monsieur [D] [U] de sa demande à ce titre;
- Ordonner le remboursement des sommes versées par la société HSBC France à Monsieur [U] en exécution du jugement du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en date du 15 février 2013 au titre du paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en date du 15 février 2013 en ce qu'il a :
' Dit et jugé que la demande de Monsieur [D] [U] au titre de cc primes et bonus pour l'année 2010 est infondée;
- Débouter Monsieur [D] [U] de sa demande à ce titre.
' À titre subsidiaire
' Constater que la demande de Monsieur [U] au titre des dommages et Intérêts pour licenciement sans cause réelles et sérieuse et préjudice moral est infondée tant dans son principe que dans son quantum.
En conséquence,
- Débouter Monsieur [U] de sa demande à ce titre,
' En tout état da cause
' Débouter Monsieur [U] du surplus de ses demandes,
' Condamner Monsieur [U] à verser à la société HSBC la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
' Condamner Monsieur [U] aux entiers dépens,
' Dans l'hypothèse où la Cour ferait droit aux demandes à caractère salarial formulées par Monsieur [U], dire et juger que ces sommes s'entendent comme des sommes brutes avant précompte des charges sociales et s'entendent comme des sommes brutes avant CSG et CRDS.
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Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Monsieur [U] demande la confirmation et de :
Vu les dispositions de l'article L 1332-4, 1235-3 du code du travail, 1134 et 1147 du code civil
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a considéré la procédure disciplinaire irrégulière, la sanction de rétrogradation et la mise à pied nulles, irrégulières et infondés et le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause et le cas échéant,
- Principalement, dire et juger prescrite la poursuite disciplinaire engagée à l'encontre de Monsieur [U] et en conséquence dire et juger la procédure ayant conduit à la sanction de rétrogradation et le licenciement irréguliers et sans cause réelle et sérieuse.
- Subsidiairement, au fond, dire et juger que le licenciement de Monsieur [U] a été prononcé sans cause réelle et sérieuse et est abusif.
- condamner l'employeur à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes:
- indemnité de licenciement : 35 000 euros,
- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse: 180 000 euros,
- dommages intérêts pour licenciement abusif et préjudice moral : 30 000 euros,
- primes et bonus de l'année 2010: 7500 euros,
- frais irrépétibles: 10000 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'annulation du jugement
La société HSBC FRANCE qualifie cette demande d'infirmation dans le dispositif de ses conclusions mais, s'agissant de la violation des principes de droit, il s'agit d'une demande nullité ; en tout état de cause, sera rappelé que la dévolution s'opérera pour le tout ;
La société HSBC FRANCE argue en premier lieu du défaut d'impartialité du premier juge au motif qu'il aurait procédé à un simple 'copié collé ' des conclusions de Monsieur [U] sans motiver sa décision ;
Le jugement comporte certes un rappel complet des écritures des parties, sans aucunement pour autant se limiter à celles de Monsieur [U] ;
Mais force est de constater néanmoins que la société HSBC FRANCE est fondée à se prévaloir de la formulation adoptée par le premier juge qui a, en page 55 du jugement, validant les arguments avancés par le salarié sur les défaillances du système de contrôle de la banque, 'noté' ces défaillances par reprise intégrale des écritures de celui-ci ; cette forme de rédaction est de nature à laisser formellement planer un doute sur l'impartialité du juge ;
Au visa des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement est en conséquence annulé ;
Sur le licenciement
Le contenu de la lettre de licenciement en date du 2009 qui fixe les limites du litige précise ce qui suit:
'Vous avez été reçu le 21 avril 2011 par [O] [F] et [C] [P] dans le cadre d'un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement....
Lors de cet entretien, les faits que nous vous reprochons et qui nous ont conduits à envisager à votre égard une mesure de licenciement, vous ont été rappelés. Ces faits sont les suivants :
« Vous occupez le poste de Directeur au sein de la succursale PFS de Marseille PRADO.
Au début du mois de juillet 2010, Monsieur [G], superviseur volant, a été affecté dans votre agence afin d'assurer le remplacement temporaire de Monsieur [E], habituel titulaire du poste.
Dès le début de cette mission. l'attention de Monsieur [G] a été attirée par le nombre important de retour de chèques impayés sur le compte de l'un des clients de l'agence.
Il vous a immédiatement lait part de cette information.
Quelque peu étonné par votre absence de réaction, Monsieur [G] a alors décidé de poursuivre ses investigations et a effectué un rapide contrôle afin de vérifier l'historique du compte ainsi que les conditions de son fonctionnement.
Il a alors constaté que ce compte présentait des mouvements considérables (plusieurs millions d'euros sur les 4 derniers mois) et que ceux-ci étaient totalement inexplicables au regard de l'activité et des revenus déclarés par ce client puisque celui-ci était répertorié dans nos outils comme Directeur Commercial bénéficiant de 5.000 euros de revenus mensuels.
En outre, Monsieur [G] a également constaté que ce compte ne présentait pas d'opérations telles que celles habituellement constatées pour un particulier (aucun prélèvement, aucune dépense courante ... ) ce qui confirmait en les accentuant ses conclusions sur le fonctionnement totalement atypique et anormal du compte,
Monsieur [G] vous a immédiatement confirmé les éléments extrêmement préoccupants de ce dossier.
Acceptant de reconnaître la gravité de la situation, vous avez procédé dans l'urgence à l'analyse et à la constitution d'un dossier pour transfert au contentieux, compte tenu des pertes enregistrées (près de 400.000 euros)
Toutefois la note que vous avez rédigée à cette occasion ne décrivait pas la situation exacte. qui n'a pu être révélée qu'au cours d'une mission du contrôle interne ultérieure.
Les éléments d'information recueillis au cours de ces investigations mettent clairement en cause votre responsabilité, aussi bien sur le plan de la gestion des risques que sur le plan managérial.
En votre qualité de Directeur de succursale, il vous appartient de maîtriser les risques crédits, conformité et opérationnels et de maintenir le niveau des normes de contrôle interne de HSBC dans ces domaines.
Or, nous considérons que vous avez manqué de manière grave à ces obligations professionnelles en ignorant totalement les informations et alertes dont vous disposiez.
Il ressort en effet de nos investigations que vous aviez été alerté sur la récurrence des alertes flash par la Conseillère clientèle en charge de ce compte et que le superviseur titulaire du poste vous avez(sic) quant à lui informé du nombre récurrent de chèques impayés sur le compte du client.
Les différents témoignages recueillis établissent que vous n'avez pas prêté la moindre attention à ces alertes en indiquant à plusieurs reprises et de manière invariable à vos collaborateurs que « le fonctionnement du compte était normal et connu » et que le client présentait plusieurs fois des chèques impayés dans la mesure ou ' il avait besoin d'obtenir pour son avocat des certificats de non paiement dans le cadre d'lm litige l'opposant à son associé'.
L'explication fournie à vos équipes était pourtant aussi incompréhensible d'un point de vue technique qu 'inadmissible au regard de l' exemplarité dont vous devez faire preuve sur le sujet des risques.
Nous considérons en effet qu'admettre et cautionner un tel fonctionnement de compte est totalement anormal pour un professionnel présentant votre ancienneté. votre compétence et votre degré d'expertise,
Nous relevons de surcroît qu'au delà des informations donnée par vos collaborateurs vous disposiez bien chaque matin d'un état complet des remises de chèque de gros montants sur lequel figuraient les chèques remis par le client qui revenaient par la suite impayés.
Force est de constater que vous n' avez absolument pas identifié le caractère totalement anormal des remises effectuées par le client et ce. malgré leur fréquence (plusieurs dizaines de remises par mois) et leur montant totalement exorbitant.
Ainsi, et à titre d'exemple, sur le seul mois de mai 2010, ce sont 25 chèques représentant un montant global de 1.532.527 euros qui ont pu être remis sur le compte sans même que vous ne le remarquiez ou que vous estimiez nécessaire d'enclencher une surveillance commerciale.
L 'historique de ces remises prouve également que le client a effectué ses remises de manière de plus en plus hardie à mesure qu'il constatait votre absence de réaction.
Mars : 2010 : 590. 052 euros
Avril 2010 : 860.649 euros
Mai 2010 : 1. 532.527 euros
Juin 2010: 1.784.529 euros
Juillet 2010 (entre le l° et le 9): 953.427 euros
En outre et au delà de ce manquement majeur à votre obligation de vigilance, nous regrettons vivement que vous n'ayez pas su prendre la mesure de vos responsabilités de Directeur d'agence en omettant de préciser à votre hiérarchie. ainsi qu'aux différents organes de contrôle, que vos collaborateurs vous avaient fourni en temps utile des informations dont vous n'aviez pas tenu compte.
La note de transfert au contentieux, que vous avez vous-même souhaité rédiger, est ainsi totalement silencieuse sur ces alertes ainsi que sur le fait que vous disposiez de l'état des remises de gros montants. Elle l'est tout autant sur le montant anormal des remises de chèques.
L'absence de transparence de cette note ainsi que vos commentaires ultérieurs ont pu donner le sentiment que vous souhaitiez avant toute chose vous dédouaner de toute responsabilité dans ce dossier.
Les explications fournies au cours de l'entretien ont largement confirmé cette impression puisque non seulement vous n'avez pas reconnu formellement votre responsabilité dans ce dossier, mais vous avez de fait rappelé que la responsabilité de la relation commerciale incombait au Conseiller Clientèle en charge du compte et que vous n'étiez pas certain d'avoir eu en main les remises de gros montant.
Or, il est évident qu'un Conseiller Clientèle junior ne pouvait plus réagir dès lors que son supérieur hiérarchique lui indiquait explicitement que le fonctionnement du compte était normal et connu.
Il ne fait d'ailleurs pas de doute que vous lui avez tenu ces propos, puisque le superviseur de l'agence et le superviseur volant ont indiqué que vous leur aviez exactement dit la même chose.
Votre comportement fuyant, qui a été particulièrement mal vécu par les collaborateurs impliqués dans ce dossier, s'est révélé être un facteur de tensions, de stress et d'incompréhension au sein de votre équipe, d'une importance telle que cela a conduit la délégation du personnel à attirer l'attention de la Direction sur la situation au sein de votre succursale.
L'ensemble de ces éléments constituent des fautes professionnelles graves ».
Par courrier du 24 janvier 2011 au regard de ces faits, nous vous avons notifié une mesure de rétrogradation avec changement de poste en vous proposant une affectation à l'agence MARSEII.LE JOLIETTE en tant que sous-directeur, en vous précisant que vous aviez la possibilité de saisir la commission paritaire de recours interne.
Par courrier du 3 février 2011, vous avez saisi cette commission qui, le 4 mars 2011, a rendu un avis dans lequel elle prend acte de manière unanime de la mesure qui avait été décidée par la société.
Suite à cette commission, nous avons donc confirmé la mesure de rétrogradation tout en prenant en considération la préconisation émise par la commission de recours qui consistait à vous proposer une affectation éloignée de la ville de [Localité 1].
Par courrier du 23 mars 2011 nous vous avons donc proposé, outre le poste situé à l'agence MARSElLLE JOLIETTE, un poste de sous-directeur au sein de l'agence de SAINTE MAXIME.
Cette mesure nécessitant votre accord compte tenu du lait qu'elle engendrait une modification de vos fonctions, nous vous avons laissé un délai de 7 jours, à compter de la réception de ce courrier, pour nous faire part de voire décision d'acceptation ou dl' refus.
Or, par courrier du 6 avril votre conseil nous informait de votre refus. Votre silence dans le délai imparti n'a fait que confirmer votre position.
Compte tenu de la gravité des faits reprochés et de votre refus quant à la mesure de rétrogradation, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à votre éventuel licenciement.
Au cours de cet entretien, vous avez précisé que vous n'étiez pas en mesure d'accepter le poste situé à SAINTE MAXIME, puisque votre ancien adjoint en était le directeur et que vous ne pouviez pas accepter qu'il devienne votre responsable hiérarchique.
Or, nous nous situons bien dans le cadre d'une sanction disciplinaire et non dans une logique de mobilité classique: à ce titre. une mesure de rétrogradation consiste bien à vous proposer un poste d'un niveau inférieur à celui que vous occupez, et par voie de conséquence la possibilité de vous trouver en position subalterne par rapport à des collaborateurs qui ont été par le passé, vos homologues ou vos subordonnés.
De surcroît, le motif de votre refus de poste à SAINTE MAXIME ne peut être sérieusement invoqué dès lors que nous avons pris le soin de vous proposer un autre poste à [Localité 1] JOLIETTE.
A ce titre, vous nous avez indiqué ne pas avoir fait part d'un souhait d'éloignement géographique aux membres de la commission et ainsi ne pas comprendre la proposition d'affectation à SAINTE MAXIME.
Cependant, il ne peut être reproché à l'entreprise d'avoir pris en considération l'avis de la commission, d'autant que sa rédaction ne laisse pas de place au doute quant il ce qu'ont souhaité exprimer ses membres.
Enfin, vous avez ajouté que vous auriez pu accepter un blâme ou un avertissement mais qu'une mesure de rétrogradation était disproportionnée. Outre le fait qu'il ne vous appartient pas de juger de la pertinence de la mesure décidée, nous ne pouvons que constater que vous n'avez toujours pas pris conscience de la gravité des faits reprochés.
Le fait que vous vous obstiniez à nier vos responsabilités est tout à fait inacceptable de la part d'un cadre de votre niveau et atteste d'un manque total de remise en question.
Il est tout autant inacceptable que par l'intermédiaire de votre conseil vous ayez proféré à l'encontre de notre entreprise des accusations diffamatoires que vous ne pouvez ignorer mensongères et donc de la plus parfaite mauvaise foi.
Un tel procédé, à seule fin de salir la réputation de notre entreprise pour tenter d'occulter les fautes qui vous sont reprochées, aggrave votre responsabilité.
Dès lors nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute.
Votre préavis de licenciement, d'une durée de trois mois. commencera à courir le lendemain de la première présentation de la présente sauf éventuelle saisine de l'une des Commissions mentionnées ci-après. cette saisine étant suspensive. Cependant. nous vous dispensons d'exécuter ce préavis.'
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Est opposé en premier lieu par Monsieur [U] le moyen tiré de la prescription :
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales; il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ;
La société HSBC FRANCE fait valoir en réponse que le délai en cause n'a pu partir qu'à dater du moment où, compte tenu de la complexité des opérations bancaires en cause, elle a pu elle-même apprécier la nature et l'importance du problème-partant le degré de responsabilité du salarié en regard de la connaissance complète de ses agissements, soit, en l'espèce, à l'issue du dépôt, le 26 octobre 2010, du rapport de l'enquête menée par le service de 'Contrôle interne des réseaux ' de la société ;
Force est cependant de constater que si ces arguments procèdent de principes exacts, leur application au cas de Monsieur [U] n'est pas fondée : il y a lieu en effet de relever que passé le mois de juillet, la société HSBC FRANCE ne justifie (ni même n'invoque) d'aucune démarche ou investigations antérieures au 18 octobre suivant, date à laquelle ont été auditionnés Monsieur [U] et Madame [H] ; le rapport ayant été déposé le 26 octobre, soit trois mois après la découverte des faits, il appartenait à la société HSBC FRANCE d'établir que, dans le délai de prescription, elle avait effectivement procédé à des vérifications, celles mentionnées dans le document présenté n'étant, à cet égard ni datées ni explicitées ;
Il s'évince de ce qui précède que la procédure disciplinaire initiée en décembre 2010, de même que la procédure de licenciement qui s'en est suivie, est, non pas frappée de nullité comme le soutient Monsieur [U] dans un premier moyen, et comme l'avait retenu le tribunal, mais ainsi que le l'invoque Monsieur [U] à titre subsidiaire, prescrite quant aux faits afférents à la gestion défaillante du compte [S] ;
La cour relève que le licenciement repose également- même si ce grief n'est guère développé par l'employeur- sur l'attitude imputée à Monsieur [U] envers ses anciens collaborateurs à la suite de sa mise en cause dans le dossier [S] :' votre comportement fuyant, qui a été particulièrement mal vécu par les collaborateurs impliqués dans ce dossier, s'est révélé être un facteur de tensions, de stress et d'incompréhension au sein de votre équipe, d'une importance telle que cela a conduit la délégation du personnel à attirer l'attention de la Direction sur la situation au sein de votre succursale. '
Force est de constater que ces allégations sont vagues et non datées : cette appréciation n'est pas issue de la seule initiative de la cour mais répond aux moyens opposés par Monsieur [U] page 21 de ses conclusions ; il n'est en tout état de cause, fourni par la société HSBC FRANCE aucune pièce émanant des personnes concernées attestant de l'ampleur de ces discordes, lesquelles ont été naturelles dès lors que chacun des acteurs du dossier pouvait être mis en cause du fait de sa gestion ; l'appréciation brute des représentants du personnel ne repose sur aucune donnée précise et ne saurait pallier la carence de la société HSBC FRANCE sur ce point ;
Est enfin allégué dans la lettre de licenciement qu'il 'est tout autant inacceptable que par l'intermédiaire de votre conseil vous ayez proféré à l'encontre de notre entreprise des accusations diffamatoires que vous ne pouvez ignorer mensongères et donc de la plus parfaite mauvaise foi.
Un tel procédé à seule fin de salir la réputation de notre entreprise pour tenter d'occulter les fautes qui vous sont reprochées, aggrave votre responsabilité' ;
Monsieur [U] assume ces faits en ce qu'il estime être la victime expiatoire d'un système de gestion qui était à l'époque défaillant , et qui depuis été modifié ;
La société HSBC FRANCE ne s'explique pas sur ce point ;
La Cour estime que la présentation par Monsieur [U] de ses arguments, opérée dans le cadre de l'intervention de son conseil, et non publiquement, ne dépasse pas les limites des droits de la défense ;
La société HSBC FRANCE impute en outre à Monsieur [U], dans ses conclusions, non seulement d'avoir été négligent dans la gestion du dossier [S], mais encore d'avoir fait preuve 'd'une mauvaise foi flagrante' et, plus, 'des agissements ... constituant des actes répétés, voire délibérés, de contournement des procédures internes en vigueur et des manquements à ses obligations contractuelles' : ces griefs-eux même particulièrement forts- ne figurent pas dans la lettre de licenciement et seraient, en tout état de cause, prescrits;
Il s'évince de ce qui précède que le licenciement de Monsieur [U] est sans cause réelle ni sérieuse ;
Sur les incidences indemnitaires
- indemnité de licenciement
Dès lors que découle de ce qui précède l'absence de qualification d'un licenciement disciplinaire, cette indemnité est due ;
Pour autant la société HSBC FRANCE en présente un calcul -34 372, 63 €-qui n'est pas utilement discuté par Monsieur [U] et que retient la Cour ;
- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Au visa de l'article L 122-14-4 devenu L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, et tenant à l'ancienneté de 22 ans du salarié, à son âge(55 ans), sa qualification, et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 150 000 € : il est en effet indéniable que les possibilités pour Monsieur [U] de retrouver un emploi sont fortement réduites ;
Sur les dommages intérêts pour préjudice moral
Le salarié peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice distinct découlant des conditions vexatoires de la rupture ;
Monsieur [U] a été mis en cause dans sa gestion à la suite d'un problème non négligeable sur le compte d'un client ; la prescription retenue plus haut ne permet pas de juger du bien fondé de cette procédure mais force est de constater qu'il n'était pas interdit à l'employeur de mettre en débat la responsabilité du directeur d'agence dans une affaire de ce type, sans que pour autant l'intéressé y voit des procédés 'infamants';
Monsieur [U] ne justifie pas des mesures de dénigrement, de pressions ou d'allégations mensongères qu'il impute à la société HSBC FRANCE ; il fait du reste lui-même état de ce que celle-ci l'a sollicité en novembre 2010 de faire un exposé devant ses collègues sur l'escroquerie dont aurait été victime son établissement ;
S'agissant en revanche de la mise à pied prononcée inopinément le 13 avril 2011, il est indéniable que, si aucun motif ne permet d'en prononcer la nullité la société HSBC FRANCE ne justifie pas-quand bien même elle en avait la faculté-de la mise en oeuvre et de la pertinence d'une telle mesure, laquelle a nécessairement une connotation forte, voire blessante ;
Sera alloué à Monsieur [U] en raison du préjudice nécessairement subi du fait de cette mesure la somme de 1000 € ;
Sur la demande de bonus et de primes
La société HSBC FRANCE entend sur ce point demander la confirmation du jugement- nonobstant le fait que le premier juge n'a en réalité pas statué sur cette demande et que l'appelante a sollicité l'annulation du jugement ;
Monsieur [U] ne conteste pas l'affirmation de la société HSBC FRANCE selon laquelle elle lui a versé une somme de 500 € au titre de l'année 2010 ;
La société HSBC FRANCE argue du caractère discrétionnaire de ces sommes, au regard des dispositions de l'article 2 du contrat de travail ;
Mais pour autant le caractère régulier de ces primes n'est pas discutable et l'employeur ne donne aucune explication sur la baisse de leur montant par rapport à la moyenne revendiquée par Monsieur [U] sur les trois années précédentes-sans pour autant que l'intéressé justifie lui-même du calcul selon lequel, sur cette base, lui serait due la somme de 7500 € ;
En conséquence, au regard de ces données, la cour estime devoir chiffrer le montant du à Monsieur [U] à la somme de 1500 € ;
Sera, en application de l'article L 1235-4 du Code du Travail, ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [U] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois ;
Les sommes allouées en exécution du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale.
En revanche les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
Il sera fait application des règles en matière de capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une année entière ;
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité justifie au regard des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de faire droit à la demande de Monsieur [U] à hauteur de la somme de 2000 euros en plus de celle allouée par les premiers juges qui doit être confirmée.
Par contre, au visa du même principe d'équité, la demande de la société HSBC FRANCE n'est pas fondée.
Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il convient de débouter de sa demande aux fins d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Déclare l'appel recevable en la forme.
Annule le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille
Statuant à nouveau
Dit le licenciement de Monsieur [U] sans cause réelle et sérieuse
Condamne la société HSBC FRANCE à payer à Monsieur [U] les sommes suivantes:
- indemnité de licenciement : 35 000 euros,
- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse: 150 000 euros net
- dommages intérêts pour licenciement abusif et préjudice moral : 1 000 euros net
- primes et bonus de l'année 2010: 1500 euros brut
- frais irrépétibles: 2000 euros.
Dit que les sommes allouées en exécution du contrat de travail (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale.
Dit que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
Ordonne le remboursement par la société HSBC FRANCE à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [U] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois ;
Condamne la société HSBC FRANCE à payer à Monsieur [U] la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société HSBC FRANCE en cause d'appel.
Condamne la société HSBC FRANCE aux dépens de l'instance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT