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22/01/2015 | FRANCE | N°13/24544

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 22 janvier 2015, 13/24544


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 22 JANVIER 2015

FG

N°2015/22













Rôle N° 13/24544







SARL ORION





C/



[G] [K]

SARL MPS





































Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean-marie JAUFFRES



SCP COHEN - GUEDJ -

MONTERO - DAVAL-GUEDJ



Me Thierry BAUDIN





Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 11 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 950 FS-D. lequel a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt au fond n° 2012/222 rendu le 20 mars 2012 par la 1ère chambre A chambre de la c...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 22 JANVIER 2015

FG

N°2015/22

Rôle N° 13/24544

SARL ORION

C/

[G] [K]

SARL MPS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-marie JAUFFRES

SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ

Me Thierry BAUDIN

Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 11 Septembre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 950 FS-D. lequel a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt au fond n° 2012/222 rendu le 20 mars 2012 par la 1ère chambre A chambre de la cour d'appel d'Aix en Provence (RG 11/04375) à l'encontre du jugement rendu le 01 MARS 2011 par le tribunal de grande instance de Grasse (RG 08/07250).

DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SARL ORION

dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légauxdomiciliés ès qualités audit siège social.

représentée par Me Jean-marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Luc MASSON, avocat plaidant au barreau de ROUEN.

DEFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI

Maître [G] [K],

Notaire, membre de la SCP [K]

[Adresse 1]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Philippe DUTERTRE de la SCP FRANCK-BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat plaidant au barreau de NICE.

SARL M.P.S

dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège social.

représentée et assistée par Me Jean-Pierre BERDAH de la SELARL BERDAH-SAUVAN-BAUDIN, avocat plaidant au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Mme Danielle DEMONT, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2015,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Suivant acte reçu le 2 décembre 2004, Me [G] [K], notaire, la SCI des Billonais a cédé à la Sarl MPS, le lot n°1 dépendant d'un ensemble immobilier situé à [Localité 5].

La Sarl MPS a scindé ce lot en 69 lots. Le 8 juillet 2005, elle a entrepris la commercialisation desdits lots. La commune de [Localité 5] a adressé un courrier à Me [K], lui précisant que la transformation d'un hôtel en appartement nécessitait le dépôt d'un permis de construire pour changement de destination.

Le 1er août 2005, il a écrit à la mairie de [Localité 5] en lui précisant que le vendeur n'avait effectué aucun travaux dans les lieux et qu'à lui seul le changement de destination ne nécessitait pas de permis de construire.

Le 22 février 2006, la Sarl MPS et la Sarl Orion ont conclu une promesse de vente portant sur 69 lots. Une copie a été adressé le 23 février 2006 à la mairie de [Localité 5] à laquelle avait été notifiée, le 23 mars 2006, une déclaration d'intention d'aliéner.

La Sarl MPS a vendu à la Sarl Orion les lots susvisés suivant acte reçu le 1er juin 2006. Cet acte comporte une déclaration du vendeur selon laquelle la propriété n'a fait l'objet d'aucune modification de son état extérieur depuis son acquisition.

Le 18 juillet 2006, la mairie de [Localité 5] a dressé un procès verbal d'infraction se fondant sur les dispositions du code de l'urbanisme puis, le 20 août 2006, a pris un arrêté interruptif de travaux à l'encontre de la Sarl Orion.

Le 19 octobre 2006, la Sarl MPS a déposé une requête devant le tribunal administratif de Nice contre l'arrêté interruptif. La Sarl Orion a également saisi cette juridiction en annulation de l'arrêté dont elle s'est ensuite désistée. Par jugement du 12 septembre 2008, ledit tribunal a donné acte à la Sarl Orion de son désistement puis le 26 novembre 2009 a annulé l'arrêté en ce qu'il était dirigé contre la Sarl MPS.

Le 19 août 2010, la Sarl Orion a fait assigner la Sarl MPS et Me [K] devant le tribunal de grande instance de Nice sur le fondement des articles 1604 et suivants, 1380 et suivants du code civil.

Par jugement contradictoire en date du 1er mars 2011, le tribunal de grande instance de Nice a :

- dit que la Sarl Orion a engagé son action sur le fondement des vices cachés plus de deux ans après la découverte du vice,

- déclaré en conséquence la Sarl Orion irrecevable en ses demandes sur le fondement des vices cachés,

- jugé que la Sarl Orion ne démontre pas l'existence de manoeuvre dolosive commises par la Sarl MPS,

- débouté la Sarl Orion de ses demandes fondées sur le dol,

- jugé que la Sarl Orion ne démontre pas que la Sarl MPS ait manqué à son obligation de délivrance conforme,

- jugé que la Sarl Orion ne démontre pas la faute commise par Me [K] ni un manquement à son obligation de conseil,

- dit n'y avoir à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Orion aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration de Me JAUFFRES, avoué, en date du 10 mars 2011, la Sarl Orion a relevé appel du jugement du 1er mars 2011 du tribunal de grande instance de Nice.

Par arrêt contradictoire en date du 20 mars 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamné la Sarl Orion à payer à chacun des intimés 1.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamné la Sarl Orion aux dépens.

Sur pourvoi formé par la Sarl ORION, la Cour de cassation, 3ème chambre civile, par arrêt en date du 11 septembre 2013 a :

- considéré qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la délivrance conforme de l'immeuble, et sans rechercher comme il lui était demandé si, au moment de la vente, l'immeuble était à usage d'habitation comme cela était mentionné dans la promesse de vente, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision,

- considéré qu'en statuant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si le notaire avait éclairé l'acquéreur sur les risques qu'il encourait en s'engageant alors qu'il existait des doutes sur le changement de destination de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision,

- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyés devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Par deux déclarations de saisine de la Me Jean Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, en dates des 23 décembre 2013 et 9 janvier 2014, la Sarl Orion a saisi la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 4 décembre 2014, la Sarl Orion demande à la cour, au visa des articles 1116, 1382, 1604 et 1615 du code civil, de :

- recevoir la société Orion en son appel, l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- dire que la société MPS doit être tenue d'indemniser la société Orion de l'intégralité du préjudice par elle subi,

- dire que Me [G] [K] a engagé sa responsabilité civile professionnelle et qu'à ce titre, il doit indemniser la société Orion du préjudice par elle subi,

- condamner in solidum Me [G] [K] (membre de la SCP [K]) et la société MPS à payer à la Sarl Orion la somme de 1.456.036 € outre les intérêts de droit sur ladite somme à compter de l'assignation introductive d'instance avec capitalisation des intérêts, en application de 1'article 1154 du code civil,

- condamner in solidum Me [G] [K] (membre de la SCP [K]) et la société MPS à payer à la Sarl Orion la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Me [G] [K], notaire, et la société MPS aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Orion estime que la responsabilité contractuelle de la société MPS est engagée pour manquement à son obligation de délivrance et à titre subsidiaire pour vice de consentement de dol.

La société Orion considère que le bien acquis était présenté comme à usage d'habitation, alors que ce n'était pas le cas et qu'elle a été obligée de solliciter un permis de construire en raison de la modification de l'état des lieux, qu'il s'agit là d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme, ouvrant droit à dommages et intérêts sur le fondement des articles 1604 et 1615 du code civil.

A titre subsidiaire, la société Orion estime qu'il y a eu dissimulation d'un projet d'urbanisme ou d'une interdiction d'habiter et donc dol.

La société Orion met en cause la responsabilité du notaire qui devait porter à la connaissance de l'acquéreur tous les éléments d'information dont il disposait relatifs à la situation du bien au regard des prescriptions d'urbanisme. Elle considère que Me [K] aurait dû faire preuve d'une grande prudence, face au changement de destination de l'immeuble dont il connaissait la situation et ce alors que la consultation du CRIDON n'assurait pas au notaire qu'il n'existait pas de difficultés au contraire.

La société Orion expose qu'elle n'a pu mener à bien son projet et a subi une perte de

1.456.036 € de manque à gagner.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 novembre 2014, la société MPS demande à la cour de :

- constater que la Sarl Orion ne rapporte pas la preuve d'une exigence légale de permis de construire applicable au cas d'espèce;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la Sarl Orion au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que la Sarl Orion ayant opté pour le maintien de la convention ne saurait se prévaloir éventuellement que de la perte d'une chance, et ne saurait réclamer la totalité des dépenses effectuées par elle dans le cadre de son opération immobilière,

- débouter la société Orion de toutes ses réclamations, et apprécier ex aequo et bono l'éventuelle perte d'une chance,

- la condamner aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la Selarl BERDAH SAUVAN BAUDIN, avocats.

La société MPS expose que, par arrêté du 20 juillet 1971, le préfet des [Localité 1] a délivré un permis de construire valant division parcellaire en vue de l'édification d'un ensemble immobilier Les Hameaux du Soleil, que la SCI Les Hameaux du Soleil a cédé ensuite l'ensemble immobilier en l'état futur d'achèvement à la SCI des Billonais, qu'une déclaration d'achèvement des travaux est intervenue et un certificat de conformité a été accordé le 24 février 1983, que l'ensemble immobilier a fait l'objet d'un état descriptif de division et d'un règlement de copropriété.

La société MPS précise que la SCI des Billonais a cédé à la Sarl MPS, par acte de Me [K] du 2 décembre 2004 le lot n° un comprenant le droit d'usage exclusif de la partie du terrain de 2.000 m², le droit d'affouillement et un bâtiment à usage de motel, le droit de le subdiviser.

La société MPS expose que par un acte de Me [K] du 21 septembre 2005 le lot un a été subdivisé en 69 lots numérotés de 101 à 169, et que le 22 février 2006 la société MPS consentait une promesse de vente de ces 69 lots à la Sarl Orion. Elle ajoute que les 69 lots se répartissaient en les lots 101 à 119 consistant en des emplacements de parking, le lot 135 correspondant à un grand local en sous-sol, les lots 136 à 150 correspondant à des appartements, le lot 151 local tous usages, les lots 152 à 168 et le lot 169 correspondant à des appartements.

Elle précise que la promesse de vente mentionnait que le changement de destination en unités d'habitation ne s'était pas accompagné de travaux et qu'après vérification sur le permis obtenu, aucune autorisation de travaux n'était nécessaire.

La société MPS expose avoir fait réaliser des prestations d'équipement mais sans modifier l'immeuble et n'a en aucune façon changé la destination de celui-ci.

La société MPS fait observer que les aménagements étaient terminés lors de la visite des services compétents de la commune de [Localité 5].

La société MPS fait valoir que la société Orion dit avoir composé avec la commune de Villeneuve-Loubet et a demandé un permis de construire pour 20 appartements.

La société MPS expose que la construction dénommé 'Hamotel' est depuis l'origine un motel et non un hôtel.

La société MPS fait valoir que l'arrêt d'interruption de travaux du 20 août 2006 a été annulé et que la cause de l'interruption provenait non pas de l'installation des kitchenettes dans les lieux mais de la construction d'un mur par la Sarl Orion.

La société MPS fait observer que la Sarl Orion est un professionnel de l'immobilier.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 26 août 2014, Me [G] [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- condamner l'appelante au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ, avocats,

- dire que Me [K] n'a commis aucun manquement ni dans la rédaction du compromis, ni dans son devoir d'information.

Me [K] fait observer qu'à l'époque de la vente le bien était en l'état d'un permis de construire valant division parcellaire, d'un état descriptif de division et d'un modificatifs du 21 septembre 2005, avec 32 lots de studios et un appartement, que ces termes 'studio' ou 'appartement' évoquaient des logements indépendants. Il fait observer que ces studios ou appartement comportaient une 'kitchenette' et que les 'cellules' du motel comprenaient des 'coins-cuisines'. Il estime qu'il n'y avait pas lieu de considérer comme fausse la déclaration de la société MPS qui disait n'avoir effectué aucun changement de destination.

Me [K] fait observer que la consultation du CRIDON a été faite à la demande de la société Orion et qu'elle a bien eu connaissance de l'avis du CRIDON mais qu'elle a néanmoins signé l'acte du 1er juin 2006 et qu'il ne pouvait pas refuser d'instrumenter.

Me [K] estime qu'il ne peut être considéré comme responsable des conséquences de travaux qu'a réalisé la société Orion.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 11 décembre 2014.

MOTIFS,

-I) Sur le manquement de la société MPS :

La société Orion se fonde à titre principal sur un manquement à l'obligation de délivrance conforme, au visa des articles 1604 et 1615 du code civil, et à titre subsidiaire, sur le dol, au visa de l'article 1116 du code civil.

La société Orion fait valoir que le bien acquis était présenté comme à usage d'habitation, alors que ce n'était pas le cas et qu'elle a été obligée de solliciter un permis de construire en raison de la modification de l'état des lieux.

A titre subsidiaire, la société Orion estime qu'il y a eu dissimulation d'un projet d'urbanisme ou d'une interdiction d'habiter et donc dol.

Le bien immobilier dont s'agit s'insère dans la création d'un ensemble immobilier sur le domaine de l'Espère à [Localité 5] sur un terrain de plus de douze hectares qui comprenait un château en mauvais état.

Le programme comprenait des groupes de 325 maisons individuelles,9 bâtiments collectifs, une place, la rénovation du château existant et la construction d'un motel de 32 chambres.

Le bien dont s'agit correspond au lot de motel.

La Sarl MPS avait acquis le bien par acte du 2 décembre 2004 déjà reçu par Me [G] [K], notaire associé à [Localité 4], et avec la participation de Me [H] [R], notaire à [Localité 4].

Le bien tel que désigné dans cet acte du 4 décembre 2004 était ainsi décrit dans l'acte :

désignation : AA. numéro 78 d'une contenance cadastrale de 11ha 59a 98ca..les biens et droits ci-après désignés : anciennement 'le lot n°un (1) : 1-le droit d'usage exclusif et de superficie de la partie du terrain d'une contenance de 2.000 m² environ figurant sous l'indication 'îlot n°1" au plan de répartition demandes îlots demeuré annexé à l'état descriptif de division, 2-le droit d'affouiller ladite partie de terrain, 3-le bâtiment à usage de motel élevé sur caves et garages d'un rez-de-chaussée et d'un étage avec la possibilité de surélever cette construction d'un deuxième et même d'un troisième étage s'il y a lieu sans avoir à se prémunir d'une autorisation quelconque des autres propriétaires, sauf à obtenir les autorisations administratives nécessaires, ainsi qu'il résulte du programme des travaux de l'ensemble immobilier 'Les Hameaux du Soleil' du 21 juillet 1971 avec ses accessoires et ses annexes, 4-le droit pour le propriétaire dudit lot de le subdiviser en autant de fractions qu'il avisera sans avoir à demander l'autorisation des autres copropriétaires, ladite construction à usage de motel comprenant : au sous-sol : quatorze emplacements de parking, quatre caves, local jeux d'enfants, local lingerie, réserve, locaux vide-ordures, dégagements divers,

au rez-de-chaussée : hall d'entrée, réception-bureau, bar-snack, cuisine, toilettes, quinze studios avec salle de bains, water-closet indépendant, placards, loggia, à l'étage : appartement divisé en ...dix-sept studios... locaux divers, - à l'extérieur : dix-neuf emplacements de parking non couverts ...et les tantièmes suivants , avec les 2.600/100.000èmes indivis de la propriété du sol du terrain et les 2.600/100.000èmes indivis des parties communes générales de l'ensemble immobilier tel qu'il est désigné et décrit dans l'état descriptif de division de l'immeuble...

Observation étant ici faite qu'il résulte de l'acte reçu par Me [D], alors notaire à [Localité 2] le 7 octobre 1971...: 'Il est ici rappelé par les parties ès qualités qu'aux termes du programme de l'ensemble immobilier Les Hameaux du Soleil du vingt-et-un juillet mille neuf cent soixante et onze .....il a été stipulé concernant le motel la possibilité pour son propriétaire de le surélever d'un deuxième et d'un troisième étage même après l'achèvement de l'immeuble dont s'agit sans avoir à se prémunir d'une autorisation quelconque des autres copropriétaires ..et sous la seule réserve des autorisations administratives ...$gt;$gt;.

Le bien comportait ainsi un ensemble de 15 studios avec salle de bains, un autre ensemble de 17 studios et un appartement pour le directeur, soit au total 33 appartements plus autant d'emplacements de stationnement.

Cet acte de 2004 rappelait que les biens vendus avaient fait l'objet d'un permis de construire par arrêté du Ministre de l'équipement et du logement du 31 décembre 1970 n°041.519, d'un permis de construire nécessité par la division parcellaire ...délivré suivant arrêté de M.le préfet des [Localité 1] en date du 20 juillet 1971, sous le même numéro, d'une déclaration d'achèvement par l'ancien propriétaire et d'un certificat de conformité du 24 février 1983.

Mais le lot un comprenait notamment un bâtiment à usage de motel, c'est un hôtel pour clients motorisés, avec une possibilité de stationnement de véhicules correspondant à la capacité d'hébergement, avec autant de places de stationnement que de chambres ou unités d'hébergement.

La société MPS a précisé avoir fait procéder à des prestations d'équipement des unités d'hébergement en y installant des kitchenettes, de sorte que l'immeuble de motel, pour l'hébergement temporaire de voyageurs motorisés est devenu un ensemble d'appartements d'habitation permanente.

Ce changement d'affectation des lieux rendait en principe nécessaire l'obtention d'un permis de construire lors de leur aménagement. Il ne s'agissait pas de travaux exemptés de permis de construire au sens de l'article R.422-2 du code de l'urbanisme.

L'immeuble passait d'immeuble destiné au commerce de location d'unités d'accueil la nuitée pour l'hébergement temporaire de voyageurs motorisés à un immeuble à usage d'habitation à titre permanent.

La promesse de vente du 22 février 2006 reprend la désignation du bien tel qu'il était décrit dans l'acte d'acquisition par la Sarl MPS le 2 décembre 2004, mais précise que, actuellement le bien est ainsi divisé :

, (emplacements de parking extérieurs) ...dans le bâtiment..au sous-sol lot n°120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 128, 129, 130, 131, 132, 133 (15 parkings en sous-sol) lot n°134 local ..lot n°135 un grand local ..au rez-de-chaussée lot n°136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169 (33 appartements)...$gt;$gt;.

La promesse précise en page 15 : Destination : Le bien acquis est à usage d'habitation. A cet égard, le vendeur déclare que le bien vendu faisait l'objet auparavant d'une exploitation de motel, et que le changement de destination en unités d'habitation ne s'est pas accompagné de travaux compte tenu de la consistance initiale des biens dont s'agit. Il déclare en outre : -qu'aux termes d'une consultation écrite rendue par le CRIDON à Me [G] [K] le 22 juillet 2005, l'opération effectuée ne devait pas nécessiter l'obtention préalable d'un permis de construire; et que ceci a été indiqué à M.le Maire de [Localité 5] aux termes d'une correspondance de Me [G] [K], notaire à [Localité 4], en date du 1er août 2005, en réponse à une correspondance dudit maire..$gt;$gt;.

La réponse du Centre de Recherches d'Information et de Documentation Notariales CRIDON de [Localité 3] à Me [K], non annexée à cet acte était ainsi libellée :

Le 22 juillet 2005 mon cher confrère

les jurisprudences des juges civil administratif et pénal considèrent à quelques nuances près que le réaménagement d'un bâtiment initialement agencé pour l'hébergement collectif en vue de permettre l'habitation autonome constitue un changement de destination. A ce titre les travaux de remaniement physique du bâtiment (cuisine, sanitaire, cloisonnement ..) sont soumis à permis de construire (art.R.421-1 du C.U) autorisation qu'il nous paraît difficile de refuser en raison des seules dispositions du RNU. Il ne pourrait en aller différemment que si les cellules individuelles répondent déjà avant travaux à la définition des logements d'habitation des articles R.111-2 et suivants du C.C.H, l'exploitant de l'ancien motel se limitant alors à proposer des services para-hôteliers accompagnant la location meublée des logements préexistants......

En conclusion, notre avis est qu'il est inopportun de braver l'autorité publique locale...$gt;$gt;.

Cette réponse, loin d'indiquer que l'opération effectuée ne devait pas nécessiter l'obtention préalable d'un permis de construire$gt;$gt; précise au contraire qu'à son avis, le CRIDON considère que le réaménagement d'un bâtiment initialement agencé pour l'hébergement collectif en vue de permettre l'habitation autonome constitue un changement de destination, de sorte que les travaux de remaniement physique du bâtiment (cuisine, sanitaire, cloisonnement ..) sont soumis

à permis de construire, et ce en application de l'art.R.421-1 du code de l'urbanisme. Le CRIDON estimait que le permis ne devrait pas être refusé mais qu'il fallait quand même le demander.

L'acte de vente 1er juin 2006 par la Sarl MPS à la Sarl Orion a repris les mentions insérées dans la promesse de vente du 22 février 2006.

En conséquence, la Sarl Orion qui avait acquis un bâtiment censé détenir toutes les autorisations administratives nécessaires pour être destiné à usage d'habitation a eu délivrance d'un bâtiment non pourvu des autorisations nécessaires pour cet usage.

La délivrance n'a pas été conforme à l'acte de vente.

La Sarl Orion est en conséquence bien fondée à obtenir la réparation du préjudice en résultant.

-II) Sur la faute de Me [G] [K], notaire :

La société ORION considère que Me [K] aurait dû faire preuve d'une grande prudence, face au changement de destination de l'immeuble dont il connaissait la situation et ce alors que la consultation du CRIDON n'assurait pas au notaire qu'il n'existait pas de difficultés au contraire.

Me [G] [K] était le notaire qui avait reçu l'acte de vente précédant le 2 décembre 2004, alors que le bien immobilier objet de la vente était un motel.

C'est lui qui a reçu l'acte du 1er juin 2006, alors que l'immeuble de motel avait été affecté en immeuble d'appartements. Il connaissait parfaitement le bien objet de la vente.

L'immeuble initialement destiné à l'activité commerciale d'hébergement temporaire de voyageurs motorisés a été transformé par la société MPS en immeuble destiné à l'habitation permanente.

Le maire de la commune de [Localité 5], alerté par cette situation, s'en était ému.

Il avait même écrit le 13 juillet 2006 au président de la chambre départementale des notaires des [Localité 1] pour se plaindre de ce que Me [G] [K] ne tenait pas compte d'une correspondance qu'il lui avait adressé à ce sujet le 8 juillet 2005.

Alors que le Centre de Recherches d'Information et de Documentation Notariales CRIDON de [Localité 3] lui avait donné une réponse prudente, selon laquelle un permis de construire paraissait nécessaire pour valider les travaux d'aménagement liés au changement de destination de l'immeuble, Me [K] a au contraire laissé croire à la société Orion qu'aucun permis de construire n'avait été nécessaire pour un tel changement.

Me [K] n'était pas obligé de mentionner cet avis du CRIDON dans la promesse de vente.

Il l'a mentionné en le déformant et en lui faisant dire le contraire de ce qui était écrit.

Me [K] s'est frauduleusement prévalu d'une réponse du CRIDON du 22 juillet 2005 alors que cet avis du CRIDON était contraire au sien.

Par la suite Me [K] a eu encore d'autres échanges avec le CRIDON, lequel a modéré sa position, répondant le 15 mars 2006 : En l'espèce, il importe de s'assurer que les locaux précédemment exploités commercialement répondent avant travaux à la définition de logements d'habitation au sens des articles R.111-1 et suivants du C.C.H.....une attestation d'un homme de l'art pourra utilement garantir que tel est bien le cas...$gt;$gt;. Une perspective de recherche était donnée. Mais cela restait très prudent. Il convenait d'informer la société Orion de la difficulté ou des risques inhérents à l'absence de permis de construire ayant permis ou couvert la transformation du motel en logements d'habitation.

Il appartenait à Me [K] de faire preuve de prudence et non de couvrir la société MPS qui avait procédé au changement de destination sans permis de construire.

Les lettres produites de la commune de [Localité 5] qui mentionnent l'absence de changement des façades n'ont pas de conséquence. Il n'a jamais été question de changement de l'apparence extérieure de l'immeuble. Il s'agissait d'un changement de sa destination.

Par ce manquement de prudence et de conseil, Me [K] a commis une faute au préjudice de la société Orion.

-III) Sur le préjudice subi par la société Orion et le lien de causalité :

Il convient de se prononcer sur le préjudice subi par la société Orion du fait du défaut de délivrance par la société MPS d'un bien immobilier pourvu d'un permis de construire adapté à l'usage des lieux et du fait du manquement de Me [K] à son obligation de conseil.

La société Orion estime son préjudice comme résultant d'un manque à gagner du fait de la modification de son projet, alors qu'elle avait acheté pour revendre.

La société Orion expose qu'elle a dû reconsidérer son projet, du fait de l'absence de permis de construire, a elle-même sollicité un permis de construire.

Le permis de construire de transformation d'un hôtel en logements obtenu le 23 janvier 2008 correspond à un aménagement de l'immeuble en 20 appartements 10 en rez-de-chaussée, un 3 pièces, deux 2 pièces, un 1 pièce et 4 logements sociaux, et 10 appartements à l'étage, un 3 pièces et neuf 2 pièces.

Il s'agit d'une complète restructuration intérieure de l'immeuble, correspondant à un choix de la société Orion et non d'une validation a posteriori des travaux d'aménagement effectués par la société MPS.

La réalisation de la société Orion n'a plus rien à voir avec l'aménagement effectué par la société MPS.

Si le projet de la société Orion est différent, c'est parce que la société Orion en a décidé ainsi.

La société Orion a décidé de demander un permis de construire pour un aménagement différent de celui qui avait été fait sans permis et non un permis de construire validant ce qui avait été fait par la société MPS.

La société Orion ne prouve pas que la validation de l'aménagement fait par MPS était impossible et qu'elle était obligée de faire un aménagement différent.

Il n'est pas établi que la société MPS soit pour quelque chose dans ce changement de projet.

Le préjudice allégué par la société Orion n'a pas de lien avec le manquement de la société MPS.

La société Orion ne prouve pas avoir perdu de l'argent du fait du défaut de délivrance conforme.

La société Orion n'établit pas avoir subi un préjudice du fait de la faute de Me [G] [K].

Mais l'attitude la société MPS et celle de Me [K] ont provoqué le procès. Ils en supporteront in solidum les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, sur renvoi de cassation,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation, 3ème chambre civile, en date du 11 septembre 2013,

Vu les déclarations de saisine par la Sarl Orion, en dates des 23 décembre 2013 et 9 janvier 2014,

Infirme le jugement rendu le 1er mars 2011 par le tribunal de grande instance de Nice,

Statuant à nouveau,

Dit que la société MPS a manqué à son obligation de délivrance conforme à la Sarl Orion suite à la vente du 1er juin 2006,

Dit que Me [G] [K] a commis un manquement à son obligation de conseil vis à vis de la Sarl Orion lors de la vente du 1er juin 2006,

Déboute cependant la Sarl Orion de ses demandes de dommages et intérêts faute de preuve du lien de causalité du préjudice allégué avec les manquements susvisés,

Condamne in solidum Me [G] [K], notaire, membre de la SCP [K] et la société MPS à payer à la Sarl Orion la somme de dix mille euros (10.000 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Me [G] [K], notaire, membre de la SCP [K] et la société MPS aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 13/24544
Date de la décision : 22/01/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°13/24544 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-22;13.24544 ?
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