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15/01/2015 | FRANCE | N°13/12788

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 15 janvier 2015, 13/12788


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 15 JANVIER 2015



N° 2015/ 16













Rôle N° 13/12788







[B] [L]

SA AVIVA ASSURANCES

Société MATMUT





C/



[Y] [W]

[Z] [U]

[Q] [F]

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE





















Gross

e délivrée

le :

à :

Me De Villepin

Me Cénac

Me Pina-Crebassa

Me Michotey

Me Tuillier

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 16 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00878.





APPELANTS


...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 15 JANVIER 2015

N° 2015/ 16

Rôle N° 13/12788

[B] [L]

SA AVIVA ASSURANCES

Société MATMUT

C/

[Y] [W]

[Z] [U]

[Q] [F]

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à :

Me De Villepin

Me Cénac

Me Pina-Crebassa

Me Michotey

Me Tuillier

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 16 Mai 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/00878.

APPELANTS

Monsieur [B] [L], demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alexandre ACQUAVIVA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA AVIVA ASSURANCES, [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie CENAC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société MATMUT, [Adresse 6]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alexandre ACQUAVIVA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [Y] [W], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Marina PINA - CREBASSA de la SCP NUMERUS, avocat au barreau de TARASCON

Monsieur [Z] [U], demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Marina PINA - CREBASSA de la SCP NUMERUS, avocat au barreau de TARASCON

Monsieur [Q] [F] Assisté de son curateur, son père, Monsieur [P] [F] [Adresse 2]

représenté par Me Francoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Marie Paule VERDIER, avocat au barreau de TARASCON

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES (Article L.421-1 du Code des Assurances) représenté par son Directeur Général élisant domicile en sa délégation de [Localité 2], [Adresse 3], où est géré le dossier., [Adresse 5]

représentée par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE, [Adresse 4]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2014. A cette date, le délibéré a été prorogé au 15 Janvier 2015.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2015,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Priscilla BOSIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Le 9 octobre 2008 à 18 h 45 M. [Q] [F] se trouvait sur le coffre du véhicule automobile Renault 9 conduit par M. [Z] [U] assuré par sa mère, Mme [W], auprès de la Sa Aviva Assurances qui, en panne, était poussé pour redémarrer par celui conduit par M. [B] [L] assuré auprès de la Matmut, lorsque le moteur de la première voiture s'est emballé et M. [F] a chuté.

Il a été blessé dans cet accident.

Il a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 18 mars 2010, a prescrit une mesure d'expertise confiée à M. [I] qui a déposé son rapport de non consolidation le 16 septembre 2010.

Par acte du 17 mars et 20 mars 2010 la Sa Aviva Assurances a fait assigner [W], M. [U] et M. [F] devant le tribunal de grande instance de Tarascon en nullité du contrat d'assurance souscrit par Mme [W] le 10 octobre 2008 pour défaut d'aléa et, subsidiairement, pour fausse déclaration intentionnelle.

Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) est intervenu volontairement aux débats par conclusions du 22 juin 2010.

Par actes du 26 novembre et 30 novembre 2010 M. [F] a appelé en cause la Matmut et M. [L] ainsi que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (Cpam) des Bouches du Rhône en sa qualité de tiers payeur.

Par jugement du 16 mai 2013 le tribunal a

- débouté la Sa Aviva Assurances de sa demande d'annulation du contrat d'assurances souscrit le 9 octobre 2008

- dit que M. [F] avait droit à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident

- débouté M. [F] de ses demandes à l'encontre de M. [L] et la Matmut

- condamné in solidum M. [U] et la Sa Aviva Assurances à payer à M. [F] la somme de 120.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel

- débouté M. [F] de ses demandes à l'encontre de Mme [W]

- déclaré la présente décision opposable au FGAO

- débouté M. [F], Mme [W], M. [L] et la Matmut de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné in solidum M. [U] et la Sa Aviva Assurances aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 19 juin 2013, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Sa Aviva Assurances a interjeté appel général de la décision ; M. [L] et la Matmut ont fait de même par acte du 14 août 2013 ; par ordonnance du magistrat de la mise en état du 8 novembre 2013 la jonction de ces deux instances a été prononcée ; par voie de conclusions le FGAO et les consorts [W]/[U] ont formé appel incident.

MOYENS DES PARTIES

La Sa Aviva Assurances sollicite dans ses conclusions du 3 septembre 2013 de

- infirmer le jugement

- dire que la rencontre des volontés pour la conclusion du contrat d'assurance garantissant le véhicule immatriculé [Immatriculation 1] est intervenue le 10 octobre 2008 à la date de l'émission du certificat d'assurance et d'enregistrement de la police

- constater que l'accident est survenu le 9 octobre 2008

- déclarer nul pour défaut d'aléa le contrat d'assurance en présence d'un risque réalisé, connu de l'assuré et dissimulé à l'assureur à la date de la formation du contrat

Subsidiairement,

- dire que Mme [W] a fait une fausse déclaration intentionnelle sur l'identité du conducteur habituel ayant altéré l'appréciation du risque pour l'assureur

- déclarer nul le contrat d'assurance pour fausse déclaration intentionnelle

- dire que M. [F] a commis une faute inexcusable constituant la cause exclusive de l'accident ayant pour effet d'exclure son droit à indemnisation

- décharger la Sa Aviva Assurances de toutes condamnations et débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes

Subsidiairement,

- débouter M. [L] et la Matmut de leur appel incident

- dire le véhicule conduit par M. [L] assuré par la Matmut est impliqué dans l'accident

- dire que la présomption d'imputabilité des dommages subis par M. [F] doit recevoir application, les dommages subis étant en relation avec l'action du véhicule de M. [L]

- condamner solidairement M. [L] et la Matmut à indemniser le préjudice de M. [F]

- condamner tout contestant au paiement d'une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

Elle fait valoir que le 9 octobre 2008 Mme [W] a pris contact avec son agence d'[Localité 1] pour assurer son véhicule Renault 9, qu'un devis lui a été adressé le jour même qu'elle a téléphoniquement accepté le lendemain avec saisie informatique du contrat à 10 h 43 et régularisation des conditions particulières de la police le 23 octobre 2008 avec effet au 9 octobre 2008 à 14 heures et un seul conducteur désigné, elle-même.

Elle précise que le sinistre survenu le 9 octobre 2008 ne lui a été déclaré que le 4 novembre 2008.

Elle soutient que l'existence d'un aléa exigé pour la validité du contrat s'apprécie au moment de la rencontre de volonté des parties qui est intervenue, en l'espèce, le 10 octobre 2008 qui est la date d'acceptation du devis (lequel vaut proposition d'assurance mais n'engage ni l'assureur ni l'assuré) comme établi par l'historique informatique, une attestation de la salariée de l'agence et le certificat d'assurance et donc postérieurement à la survenue du sinistre dont l'assurée avait connaissance et qu'elle a dissimulé.

Elle affirme que la date d'effet du contrat n'est pas nécessairement celle de la rencontre des consentements, les parties pouvant s'accorder à une date déterminée pour une prise d'effet antérieure ou postérieure, qu'en l'espèce le risque était déjà réalisé et que de plus la date d'effet au 9 octobre 2008 résulte d'une erreur de saisie par enregistrement automatique de la date du devis alors qu'en matière d'assurance automobile il n'est jamais pratiqué d'effet rétroactif.

Elle souligne que le certificat d'assurance provisoire daté du 10 octobre 2008 revêtu de la signature de l'assuré et de l'assureur fait indiscutablement foi de la rencontre des volontés qui est confirmé par l'historique informatique des événements de la police.

Elle ajoute, subsidiairement, que la nullité est encourue pour fausse déclaration intentionnelle du conducteur habituel du véhicule, mentionné dans le devis et rappelées aux conditions particulières comme étant Mme [W] alors qu'il s'agissait en réalité de son fils, propriétaire de la voiture donné par sa tante puisqu'elle était elle-même propriétaire d'un véhicule Renault Clio également assuré auprès d'elle et ce, dans le but de bénéficier d'un taux de prime plus avantageux.

Elle prétend que M. [F] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident le privant de tout droit à indemnisation puisqu'il s'est placé volontairement sur le coffre de la voiture, alors que M. [U] tentait de le faire démarrer sous la poussée du véhicule de M. [L] et ne pouvait ni prévoir ni empêcher cette action, et a sauté lorsqu'elle a pris de la vitesse.

Elle estime que le véhicule de M. [L] est également impliqué dans l'accident, nonobstant l'absence de contact avec celui de M. [U] lors de la chute de la victime puisqu'il a aidé M. [U] à faire redémarrer son véhicule en panne en le poussant au moyen de son propre véhicule alors que M. [F] avait pris place sur le coffre de l'autre voiture et est tombé au moment où ce dernier a redémarré brutalement, après une deuxième poussée, dans un virage à l'intersection entre la [Adresse 8] et de la [Adresse 9].

M. [F] assisté de son curateur sollicite dans ses conclusions du 23 octobre 2013 de

- confirmer le jugement sur son droit à l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident, sur le montant de l'indemnité provisionnelle, sur la validité du contrat d'assurance

- le réformer en condamnant in solidum M. [U], la Sa Aviva Assurances, M. [L] et la Matmut au paiement de la provision de 120.000 €

- condamner solidairement M. [U], M. [L], la Sa Aviva Assurances , la Matmut et Mme [W] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il soutient que son comportement ne peut être qualifié de faute inexcusable et exclusive, d'autant que la manoeuvre devait s'effectuer à vitesse réduite.

Il ajoute que M. [U] savait qu'il était sur le coffre de sa voiture, que M. [L], au volant du véhicule pousseur, ne pouvait davantage l'ignorer, qu'ils n'ont ni l'un ni l'autre interdit à celui-ci de poursuivre une situation qui mettait sa vie en danger alors que dans de telles circonstances ils avaient l'obligation d'immobiliser les deux véhicules et en déduit que seule l'attitude des deux conducteurs est la cause de l'accident.

Il affirme que la Sa Aviva est tenue à garantie puisque la prise d'effet du contrat est au 9 octobre à partir de 14 heures et que l'accident a eu lieu à 18 H 45.

Il prétend que l'implication du véhicule de M. [L] est avérée, cette notion n'exigeant pas qu'il y ait eu contact créant un dommage direct

Il sollicite la condamnation in solidum de ces deux conducteurs et de leur assureur respectif à lui verser une provision de 120.000 €.

M. [U] et Mme [W] sollicitent dans leurs conclusions du 18 novembre 2013 de

- confirmer le jugement en ce qu'il dit que la Sa Aviva Assurances n'était pas fondée à dénier sa garantie et devait assumer les conséquences dommageables de l'accident

- réformer le jugement en ce qu'il a dit que M. [F] avait droit à l'indemnisation intégrale de ses préjudices

- dire que M. [F] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l'accident et par conséquent exclure son droit à indemnisation

- condamner toute partie succombante au paiement d'une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par chacune des parties et à supporter les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils font valoir que le contrat d'assurance mentionne expressément une prise d'effet au 9 octobre 2008 à 14 heures, soit avant la réalisation du risque assuré et n'est donc pas dépourvu d'aléa, la saisine postérieure du contrat et l'erreur de manipulation invoquée par la Sa Aviva fondée sur des attestations dépourvues de valeur probante pour émaner de salariées en lien de subordination avec elle n'ayant aucune incidence sur la validité du contrat.

Ils ajoutent que Mme [W] n'a jamais commis aucun dol ni eu la volonté de tromper l'assureur dont l'employée lui a elle-même conseillé de souscrire le contrat à son nom compte tenu du tarif élevé que représenterait une souscription au nom de son fils et prévu une franchise de 1.000 € sur la garantie responsabilité civile en cas de conduite par M. [U] et contestent toute fausse déclaration intentionnelle en l'absence de tout document permettant de déterminer la nature des questions posées à l'assuré par l'assureur avant la souscription ou les réponses apportées.

Ils invoquent la faute inexcusable commise par la victime, cause exclusive de son dommage puisque le véhicule était déjà en mouvement lorsque M. [F] est monté sur le coffre et que son conducteur n'avait aucun moyen d'intervenir pour faire cesser le risque, que rien ne permet d'affirmer que, s'il s'était arrêté, la chute aurait été évitée.

M. [L] et la Matmut demandent dans leurs conclusions communes du 13 novembre 2013 de

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes à leur encontre

- le réformer en ce qu'il a dit que M. [F] avait droit l'indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l'accident

- dire que M. [F] a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l'accident dont il a été victime et par conséquent exclure son droit à indemnisation

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait reconnaître le droit à indemnisation de la victime ainsi que l'implication du véhicule de M. [L]

- repartir la prise en charge du préjudice corporel de M. [F] entre la Matmut et la Sa Aviva Assurances

- condamner toute partie succombante à leur payer la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils rappellent que le contrat d'assurance est un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre de volonté des parties intervenue soit le 9 octobre 2008 à 14 heures puisque l'assureur a délivré une attestation d'assurances et des conditions particulières mentionnant clairement cette date comme prise d'effet de la garantie, les documents informatiques internes produits par la Sa Aviva qui attestent seulement de dates de saisie et d'édition étant sans incidence sur celle-ci.

Ils soutiennent que la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle ne peut être encourue faute de démonter la réunion des conditions légales à savoir une réponse inexacte de l'assuré à une question claire et précise, faite de mauvaise foi et ayant influé sur l'opinion que l'assureur se faisait du risque ; ils soulignent à cet égard que la bonne foi est présumée, que le seul document produit, les conditions particulières du contrat, ne permet pas de prouver la teneur des questions posées par Aviva et des réponses apportées par le souscripteur concernant notamment le conducteur habituel du véhicule, ni l'existence d'une clause de conduite exclusive par le souscripteur désigné comme conducteur habituel d'autant qu'une franchise spécifique est prévue en cas de conduite par un autre conducteur et que le témoignage de l'employé de l'agent d'assurance atteste que la conduite occasionnelle du fils de Mme [W] avait été clairement évoquée préalablement à la souscription du contrat avec application d'une franchise majorée s'agissant d'un conducteur possédant le permis de conduire depuis moins de trois ans ; ils en déduisent que la manoeuvre dolosive n'est nullement établie.

Ils font valoir que leur véhicule n'est pas impliqué dans l'accident, à défaut de concomitance démontrée entre l'aide apportée par M. [L] et la chute de la victime, que selon les déclarations aux enquêteurs M. [F] se trouvait 'à l'extérieur des véhicules, dehors derrière' la Renault 9 lorsque M. [L] a entrepris de la pousser, qu'il est monté sur le coffre dans un second temps, une fois que le moteur de la voiture de M. [U] a commencé à brouter, bien après qu'il ait lui-même cessé sa manoeuvre, que la voiture a alors pris de la vitesse dans le virage sans son aide, que c'est là que la chute est survenue, à un moment où ce véhicule était autonome dans sa motricité.

Ils soutiennent que M. [F] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de son dommage puisqu'il a seul pris la décision de monter sur le coffre alors que la voiture de M. [U] était déjà en mouvement puis d'en sauter quand celle-ci a pris de la vitesse, geste incongru qui doit être considéré comme la cause unique de l'accident dès lors qu'il n'est nullement démontré que M. [U] aurait pu effectuer une manoeuvre ou tenter une action pour faire cesser la dangerosité de cet acte, d'autant qu'étant au volant il ne pouvait pas voir la présence de la victime sur le coffre arrière.

Subsidiairement, ils indiquent que la charge de la réparation du dommage corporel de M. [F] devra être répartie entre les deux assureurs.

Le FGAO dans ses conclusions du 10 octobre demande de

- réformer partiellement le jugement

- dire que le véhicule conduit par M. [L] assuré auprès de la Matmut est bien impliquée dans l'accident litigieux et les blessures subies par M. [F]

- dire que la chute de M. [F] qui était assis sur le véhicule de M. [U] et qui a été déséquilibré lors du démarrage de ce véhicule provoqué par la poussée appliquée avec son propre véhicule par M. [L] ne se serait jamais produite si M. [L] avec son véhicule n'avait pas poussé le véhicule de M. [U] afin de l'aider à démarrer

- dire que le véhicule conduit par M. [L] assuré auprès de la Matmut est bien intervenu dans la chute dommageable de M. [F] et qu'il est donc impliqué au sens de l'article1er de la loi du 5 juillet 1985 dans l'accident litigieux

- dire que M. [L] et son assureur la Matmut sont tenus à indemniser M. [F] de son préjudice

- dire que la Sa Aviva Assurances ne rapporte pas la preuve que le contrat d'assurance ait été souscrit postérieurement à l'accident, alors même que la date de prise d'effet figurant tant sur les conditions particulières que sur l'attestation d'assurances est antérieure à la date de l'accident

- écarter des débats les documents établis par la Sa Aviva ou ses préposés et qui ne sont pas susceptibles de servir de base à une décision de justice, nul n'étant recevable à se forger de preuve à soi même

- dire que la Sa Aviva Assurances ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réunion des trois conditions cumulatives prévues par l'article L 113-8 du code des assurances pour que puisse être prononcée la nullité du contrat souscrit

- dire en particulier qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'entre la date d'effet de la police le 9 octobre 2008 à 14 heures et la date de l'accident, soit le 9 octobre 2008 à 18 h 45 M. [U] soit devenu conducteur habituel du véhicule appartenant à sa mère

- dire que la preuve du caractère intentionnel d'éventuelles fausses déclaration n'est pas non plus rapportée par l'assureur à qui incombe la charge de la preuve

- dire que ni les dépens ni les éventuelles indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne sont susceptibles d'être mises à sa charge en application des articles L 421-1 et R 421-1 du code des assurances

- condamner la Sa Aviva Assurances, la Matmut et M. [U], M. [L] aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Cpam des Bouches du Rhône assignée par la Sa Aviva Assurances par acte du 5 septembre 2013 et par M. [L] et la Matmut par acte du 15 novembre 2013, tous deux délivrés à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du contrat d'assurances

En vertu de l'article L. 124-5 al. 4 du code des assurances l'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de souscription du contrat.

Le contrat d'assurance, par nature aléatoire, ne peut garantir un risque que l'assuré savait déjà réalisé avant sa souscription, à peine de nullité relative pour absence de cause.

Au vu des pièces versées aux débats, la police d'assurance automobile relative au véhicule Renault 9 immatriculé [Immatriculation 1] propriété de Mme [W] n'a été matérialisée que par un écrit établi le 23 octobre 2008 par l'assureur intitulé 'Votre contrat d'assurance automobile n° 7507235 à effet du 9 octobre 2008 à 14 heures Conditions particulières' et revêtu de la signature des deux parties après apposition par le souscripteur de la mention 'Lu et approuvé'.

Ce document avait été précédé d'un 'devis personnalisé automobile' daté du 9 octobre 2008 dressé, selon les mentions y figurant, 'à partir des informations fournies le 9 octobre 2008 valable jusqu'au 7 janvier 2009", l'assureur sollicitant la remise de divers justificatifs et indiquant 'rester à la disposition du client pour toute information concernant ce devis'.

Ce devis, établi en réponse à la demande verbale de Mme [W] par voie téléphonique et envoyé par voie postale, reste un document pré-contractuel et ne manifeste pas le consentement de l'assureur à garantir le risque.

Seule l'attestation d'assurance équivaut à la note de couverture qui, pour l'article L. 112-3 du code, constate l'engagement réciproque de l'assureur et de l'assuré, avant même la délivrance de la police d'assurance.

Or l'attestation d'assurance, annexée au procès-verbal d'enquête de la police, n'a été établie que le lendemain, 10 octobre 2008, lorsque l'assurée a retéléphoné ce jour là en fin de matinée 'en me demandant si j'avais bien passé les garanties parceque son fils devait faire réparer la voiture par un ami et avait peur que l'ami se blesse et qu'elle voulait la garantie responsabilité civile' suivant attestation régulière en la forme de Mme [M], employée de l'agent d'assurance et pour une durée provisoire d'un mois soit du 9 octobre 2008 au 8 novembre 2008.

C'est cette date du 10 octobre 2008 qui marque la conclusion du contrat par rencontre des volontés des parties et c'est à cette date que s'apprécie l'existence de l'aléa exigé pour sa validité, indépendamment de sa date d'effet rétroactive ou non rétroactive.

A ce moment là le risque était déjà réalisé puisque l'accident s'est produit le 9 octobre 2008 vers 18 h 45, que Mme [J] chez qui son fils est domicilié n'ignorait pas sa survenance, que l'assureur n'en a été informé que le 4 novembre 2008, date à laquelle une déclaration de sinistre a été régularisée par l'assurée, soit près d'un mois plus tard et quinze jours après la signature de la police d'assurances le 23 octobre 2008.

Interrogé le 16 janvier 2009 par les services de police chargés de l'enquête l'assureur a signalé que la prise en charge du sinistre était litigieuse et par courriers recommandés du 9 décembre 2009 adressé à l'assuré, à la victime et au FGAO a invoqué la non garantie du sinistre pour absence de validité du contrat.

L'absence d'aléa au moment de la rencontre des volontés des parties conduit effectivement à prononcer la nullité du contrat d'assurance de sorte que la Sa Aviva n'est pas tenue de couvrir le sinistre.

Sur l'action en réparation de M. [F]

sur l'implication

Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, l'indemnisation de la victime d'un accident de la circulation est subordonnée à l'implication du véhicule contre lequel elle agit ; cette notion se définit comme l'intervention d'un tel véhicule dans la survenance de l'accident, d'une manière quelconque, à quelque titre que ce soit, même en l'absence de tout contact.

Le véhicule Renault 9 de Mme [W] conduit par son fils M. [U] est impliqué dans l'accident, ce qui n'est discuté par aucune partie, puisque M. [F] avait pris place sur le coffre arrière de la voiture, alors en panne, et a chuté de la position où il se trouvait lorsque celle-ci s'est mise en mouvement sous la poussée d'un tiers véhicule destiné à la faire redémarrer jusqu'à la [Adresse 8], où la victime a été retrouvée au sol sur le bord droit de la chaussée à dix mètres de l'intersection avec l'avenue Coty.

Ce second véhicule conduit par M. [L] est également impliqué dans cet accident.

La lecture du procès-verbal d'enquête préliminaire révèle que M. [L] au volant de sa voiture s'est mis derrière celui conduit de M. [U], a mis la première vitesse et l'a poussé ; cette tentative ayant été un échec, il l'a renouvelée en poussant la Renault 9 sur une distance plus importante et avec succès puisque 'le moteur a démarré, en broutant, avant de s'emballer au bout de quelques mètres et M. [F] qui se trouvait sur le coffre a sauté et est mal retombé' selon la déposition de M. [L], 'le moteur de ma voiture a commencé à brouter puis on est arrivé dans un virage à gauche et en tournant ma voiture a soudainement démarré et a accéléré ; c'est à ce moment là que M. [F] est tombé du coffre, en plein virage' selon la déclaration de M. [U] .

Ainsi, l'accident n'a été rendu possible que par la manoeuvre de poussée effectuée par le véhicule conduit par M. [L] sur le véhicule conduit par M. [U] qui a seule permis sa mise en mouvement ; cette intervention a nécessairement interféré sur la circulation de la Renault 9 puisqu'elle lui a permis de démarrer, ce qui lui était interdit de façon autonome face à la défaillance totale de son démarreur, et de rouler ; or les soubresauts provoqués par cette mise en route et la prise de vitesse accompagnant ce démarrage provoqué ont contribué à la chute du passager présent sur le coffre qui n'a pu s'y maintenir.

Ces deux véhicules automobiles sont bien impliqués dans l'accident dont M. [F] a été victime.

Or, lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, leurs conducteurs ou gardiens sont tenus d'en réparer les conséquences dommageables envers les victimes, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute à leur charge.

Le FGAO dont l'obligation n'est, aux termes de l'article L 421-1 alinéa 1 du code des assurances du code des assurances, que subsidiaire dans la mesure où l'indemnisation des victimes n'incombe à aucune autre personne ou à aucune autre organisme, n'a donc pas à intervenir en l'espèce puisque M. [L] était assuré et doit être mis hors de cause.

Sur le droit à indemnisation

En vertu de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 le piéton victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur a droit à la réparation intégrale des préjudices subis résultant des atteintes à sa personne sauf s'il a commis une faute inexcusable, cause exclusive de son dommage, définie comme une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant, sans raison valable, son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience.

En montant délibérément, par jeu, sur le coffre arrière de la voiture en panne conduite par son copain M. [U] qu'un second véhicule poussait en vue de la faire démarrer et qui roulait donc à faible allure, M. [F] a commis une imprudence caractérisée, sans que la nature et les circonstances de la commission de cette faute conduisent à lui reconnaître un degré exceptionnel de gravité.

Elle n'a pas, non plus, été la cause exclusive du dommage dès lors que la présence de cette victime sur le coffre arrière de la Renault 9 lors de la deuxième tentative de démarrage n'était pas ignorée de chacun des conducteurs du véhicule 'poussé' et du véhicule 'pousseur' qui la mentionnent dans leurs dépositions respectives aux enquêteurs et n'ont ni l'un ni l'autre estimé devoir interrompre leur manoeuvre tant qu'il ne serait pas redescendu.

M. [F] peut donc prétendre à la réparation intégrale des préjudices subis.

Ainsi, M. [U], M. [L] et la Matmut actionnés par cette victime doivent être déclarés tenus in solidum à indemnisation envers lui.

Sur le montant de la réparation

M. [F] a produit le certificat médical initial du service des urgences de centre Hospitalier d'[Localité 1], le bilan neuro psychologique du 12 décembre 2008 et le rapport d'expertise judiciaire provisoire du docteur [I] qui mentionne que M. [F] a présenté un traumatisme crânien grave avec score de Glasgow à 9, des contusions hémorragiques frontales, une hémorragie méningée, un hématome sous-dural aigu gauche nécessitant une intervention chirurgicale pour contusectomie et volet de crâniectomie puis une trachéotomie et une quasi cécité de l'oeil gauche, en relation directe et certaine avec l'accident et conclut d'ores et déjà à une incapacité temporaire de travail fonctionnelle totale du 9 octobre 2008 au 30 septembre 2009 puis partielle à 50 % à compter de cette date, des souffrances endurées qui ne sauraient être inférieures à 4/7, un préjudice esthétique temporaire qui ne saurait être inférieur à 4/7, un déficit fonctionnel permanent qui ne saurait être inférieur à 30 % compte tenu en particulier du ralentissement psychomoteur et de la diminution des capacités intellectuelles.

Eu égard à la nature des blessures subies, l'octroi d'une provision de 120.000 €, telle qu'allouée par le premier juge apparaît d'ores et déjà justifiée.

Sur l'action récursoire de la Sa Matmut

Le recours de la Sa Matmut diligenté à l'encontre de la Sa Aviva pour voir répartir entre eux la charge finale de la réparation est sans objet en raison de la teneur même du présent arrêt qui a écarté la garantie de l'assureur de la Renault 9.

Sur les demandes annexes

M. [U], M. [L] et la Matmut qui succombent supporteront la charge des entiers dépens de première instance et d'appel et ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [F] une indemnité globale de 3.000 € à la charge de ces trois parties in solidum sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la cour et de rejeter celle présentée par la Sa Aviva.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement

sauf en ce qu'il a admis le droit à indemnisation intégrale de la victime et fixé la provision lui revenant à 120.000 €.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Déclare nul pour défaut d'aléa le contrat d'assurance souscrit par Mme [W] auprès de la Sa Aviva.

- Dit que les véhicules automobiles de Mme [W] et de M. [L] sont impliqués dans l'accident du 9 octobre 2008 au cours duquel M. [F] a été blessé.

- Dit que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages n'est pas tenu d'intervenir et d'indemniser cette victime ; le met hors de cause.

- Dit que M. [U], M. [L] et la Matmut sont tenus in solidum de réparer la totalité des dommages subis par M. [F].

- Condamne in solidum M. [U], M. [L] et la Matmut à payer à M. [F] assisté de son curateur M. [P] [F] les sommes de

* 120.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'une autre partie.

- Condamne in solidum M. [U], M. [L] et la Matmut aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- Dit qu'ils seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 13/12788
Date de la décision : 15/01/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°13/12788 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-15;13.12788 ?
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