COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 JANVIER 2015
N°2015/ 5
Rôle N° 13/07106
[K] [V] épouse [Z]
C/
[T] [U] épouse [J]
[X] [A] épouse [C]
Compagnie d'Assurances ALLIANZ
SA MAAF ASSURANCES
Grosse délivrée
le :
à :
Me Corine SIMONI
SCP MAGNAN - ANTIQ
Me Robert BUVAT
Me André DAUMAS
Me Sophie BERGEOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 13 Mars 2013 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/00191.
APPELANTE
Madame [K] [V] épouse [Z]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2] (Tunisie),, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Arlette POUJADE-FLECHER de la SCP FLÉCHER H., POUJADE-FLÉCHER A., avocat au barreau de TOULON substituée par Me Gordon FAIRBAIRN, avocat au barreau de TOULON,
INTIMEES
Madame [T] [U] épouse [J]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1], demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Philippe MAGNAN de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Madame [X] [A] épouse [C], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Olivier DE PERMENTIER, avocat au barreau de DIGNE-LES-BAINS
Compagnie d'Assurances ALLIANZ , nouvelle dénomination de la Cie d'assurances AGF, prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité au siège social sis [Adresse 1] et encore en son, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me André DAUMAS, avocat au barreau de DIGNE-LES-BAINS substitué par Me Marie-lorraine VOLAND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SA MAAF ASSURANCES MAAF ASSURANCES SA AU CAPITAL DE 160.000.000 euros RCS NIORT B 542 073 580 entreprise régie par le Code des Assurances, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sophie BERGEOT de la SCP AUDA & ASSOCIES, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BRUEL, Conseillère, faisant fonction de présidente et, Madame Sylvie PEREZ, conseillère chargées du rapport.
Madame Sylvie PEREZ, conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2015.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2015.
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [V] épouse [Z] a, le 19 mars 2007, fait l'acquisition d'un fonds de commerce de bar snack avec appartement au premier étage, exploité dans des locaux appartenant à Mme [U] épouse [J], situés [Adresse 7], bénéficiant d'un bail commercial renouvelé pour 9 ans à compter du 1er octobre 2001 et qui s'est poursuivi par tacite reconduction.
Invoquant l'existence de graves désordres, la locataire indique avoir été contrainte de fermer son fonds de commerce à compter du 1er novembre 2010.
Un expert a été désigné, M. [I], qui a déposé son rapport le 23 juin 2011, par lequel il conclut à une atteinte à la solidité de l'immeuble, rapport sur la base duquel Mme [Z] a, le 9 décembre 2012, fait assigner Madame [U] épouse [J], une copropriétaire en la personne de Madame [A] épouse [C] et les assureurs respectifs, Allianz Assurances et la MAAF Assurances.
Le 7 novembre 2011, Mme [U] a fait délivrer un commandement de payer à sa locataire.
Par jugement du 13 mars 2013, le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a débouté Mme [Z] de ses demandes en paiement de sommes au titre de son préjudice, ordonné son expulsion et l'a condamnée à payer à Mme [U] épouse [J] une indemnité d'occupation égale au dernier terme de loyer et de charges échus ainsi qu'une somme de 13.298,47 euros au titre des échéances de loyers et de charges arrêtés au 31 décembre 2011, le tout au bénéfice l'exécution provisoire.
Mme [Z] a fait appel du jugement.
Par ordonnance du 12 juillet 2013, le premier président a arrêté l'exécution provisoire concernant uniquement l'expulsion.
Madame [Z] conclut à un sursis à statuer dans l'attente du jugement à rendre suite à l'assignation du syndicat des copropriétaires et subsidiairement à la condamnation in solidum de tous succombants à lui payer la somme de 471.000 euros à titre de dommages intérêts concernant la perte de son fonds de commerce, à l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné son expulsion et sa condamnation au paiement de sommes et en tout état de cause, au débouté de Mmes [U] épouse [J] et [A] épouse [C] de leur demande de dommages et intérêts et à la condamnation de ces dernières et des assureurs à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande de sursis à statuer, elle fait valoir qu'en l'état de la désignation d'un syndic de copropriété le 26 août 2013, l'agence Terre et Habitat, il lui appartient d'assigner le syndicat des copropriétaires, l'expert ayant relevé que les désordres affectaient la structure de l'immeuble.
Concernant la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, elle invoque une exception d'inexécution eu égard aux désordres affectant l'immeuble et comme imputables à Mme [U].
Madame [U] épouse [J] conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Madame [Z] à lui payer la somme de 1 000 euros pour appel abusif et de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle fait valoir l'absence de fondement juridique sur lequel Madame [Z] forme sa demande pour solliciter une somme de 471 000 euros ajoutant que la locataire a volontairement cessé son activité commerciale et s'est abstenue de payer les loyers pendant une longue période.
Par conclusions signifiées le 6 octobre 2014, Mme [A] épouse [C] conclut notamment au débouté de Madame [Z] de sa demande de sursis à statuer et à défaut, à la confirmation du jugement et à être relevée et garantie par les assureurs Allianz et Maaf des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ainsi qu'à la condamnation de Madame [Z] à lui payer la somme de 5 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle fait notamment valoir que par la perspective de l'assignation du syndicat des copropriétaires par Madame [Z], celle-ci reconnaît implicitement qu'elle n'est pas concernée par l'action indemnitaire engagée contre elle.
La MAAF, assureur de Madame [Z] conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement, dans l'hypothèse d'une condamnation prononcée à son encontre, à la condamnation de Mme [U] et de son assureur Allianz à la relever et garantir de ces condamnations, à l'irrecevabilité la demande de condamnation à garantie présentée par Mme [A] comme formée pour la première fois en cause appel y ajoutant la condamnation de Madame [Z] ou tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que sa responsabilité ne peut être recherchée sur le fondement de l'article 1382 du code civil et s'interroge sur le fondement de la demande d'indemnisation à son égard, rappelant que Madame [Z] n'a donné aucun élément à l'expert pour lui permettre d'évaluer les préjudices.
La MAAF rappelle que le contrat garantit Mme [Z] des pertes d'exploitation qui résultent d'un événement prévu et garanti comme l'incendie, le dégât des eaux, la tempête, les actes de terrorisme et attentats et les catastrophes naturelles, au nombre desquels ne figure pas le défaut d'entretien de l'immeuble, exclu par une clause du bail.
Allianz, assureur de Madame [U] épouse [J] conclut à sa mise hors de cause et à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de Madame [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, expliquant que la cause des dommages est due à la vétusté des lieux et au manque d'entretien général de ceux-ci, dommages exclus des garanties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Le 5 mai 2010, une pierre et des tuiles sont tombées du toit de l'immeuble et ont traversé la véranda du commerce et des infiltrations d'eau se sont produites le 1er novembre 2010.
Il ressort de l'expertise effectuée par Monsieur [I] les constatations suivantes: 'affaissement des pierres de linteau coté façade, fissures dans les murs de la cage d'escalier, présence d'un pilier central du milieu de la salle reposant au-dessus de la voûte de cave, ce dernier désordre porte atteinte à la solidité de l'immeuble et est imputable à la fois à des travaux réalisés au rez-de-chaussée avant 1986 et à une erreur de conception ayant fondé des porteurs sur la voûte existante; les infiltrations d'eau successives ont lavé les joints des pierres des linteaux provoquant un mouvement sur les 2 passages'.
L'expert conclut que 'd'une manière générale, l'immeuble n'est pas entretenu régulièrement'.
Des travaux de sécurisation ont été effectués par un étayage des linteaux défectueux par portiques.
Un arrêté préfectoral d'insalubrité remédiable avec interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux a été pris le 22 juin 2011et a imparti aux deux propriétaires, Mme [U] et Mme [A] d'avoir à effectuer les travaux, arrêté qui sera levé les 18 juin et 9 juillet 2012.
Madame [Z] indique qu'en raison de ces désordres, elle a cessé son exploitation le 1er novembre 2010.
2. Concernant la demande de sursis à statuer, si Madame [Z] produit une requête à fin de désignation d'un administrateur provisoire de la copropriété de l'immeuble dans lequel elle exploite un commerce, datée du 3 juillet 2013, il n'est pas produit l'ordonnance rendue par la juridiction en réponse à la requête.
Madame [U] épouse [J] justifie de la nomination d'un syndic de copropriété à compter du 13 avril 2013, la SARL Terres et Habitat de Provence.
Pour solliciter un sursis à statuer sur ses demandes, Madame [Z] indique qu'en l'état de la nomination d'un syndic, elle entend assigner le syndicat des copropriétaires, diligence qu'elle ne justifie pas avoir accomplie à ce jour, de sorte qu'il ne peut être fait droit à sa demande de sursis à statuer.
3. Sur la base du rapport d'expertise de Monsieur [I], Madame [Z] sollicite le paiement d'une somme de 471 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux pertes d'exploitation de son commerce, aux investissements, à la création de son fonds de commerce et à un préjudice moral.
Sa demande est dirigée à l'égard de Madame [U] épouse [J] et/ou son assureur sur le fondement de l'article 1134 du code civil, au motif que les désordres subis sont bien réels et que le défaut de jouissance du fonds de commerce est imputable à la bailleresse, sans pour autant reprocher à celle-ci une faute précise alors que l'expertise [I] enseigne que les désordres sont afférents à la structure de l'immeuble et relèveraient éventuellement de la responsabilité de la copropriété.
Madame [U] épouse [J] fait en outre valoir qu'une clause du bail prévoit que 'le preneur prendra les lieux dans l'état où ils se trouveront lors de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exercer aucun recours contre le bailleur pour vice de construction, dégradation, vétusté, insalubrité, humidité, infiltrations, cas de force majeure et toutes autres causes quelconques intéressant l'état des locaux', cette clause excluant le recours de Madame [Z] en ce qu'il est fondé sur la constatations des désordres tels que décrits par l'expert.
Madame [Z] est par conséquent déboutée de sa demande formée à l'encontre de Madame [U] épouse [J] et de son assureur Allianz.
Madame [A] épouse [C], à l'encontre de laquelle Madame [Z] forme également sa réclamation sur le fondement de l'article 1382 du code civil, demande la confirmation du jugement qui a purement et simplement débouté la locataire de ses demandes, jugement qui sera confirmé de ce chef, Madame [Z] n'alléguant aucune faute à l'endroit de Madame [A].
Enfin, Madame [Z] sollicite la condamnation de son assureur, la MAAF, également sur le fondement de l'article 1382 du code civil, fondement ne pouvant être invoqué entre deux co-contractants, la cour relevant que l'appelante ne sollicite pas la mise en jeu des garanties contractuelles découlant de son contrat d'assurance qui ne sont pas discutées.
La demande de Monsieur [Z] à l'égard de la MAAF est rejetée.
4. Concernant la résiliation du bail, il convient de confirmer le premier juge qui par une juste analyse des circonstances de la cause et après avoir répondu aux moyens de droit invoqués, a fait droit à la demande de Madame [U] épouse [J] en résiliation du bail, expulsion et paiement des loyers.
5. Il ne sera pas fait droit aux demandes de Mesdames [U] épouse [J] et [A] épouse [C] à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, demandes non explicitées.
Par contre, Madame [Z] doit être condamnée à leur payer, à chacune, la somme de
1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux assureurs, MAAF et Allianz, une somme à chacun de 1 000 euros, la somme allouée à Madame [A] épouse [C] par le premier juge, bien appréciée, devant être confirmée.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,
Confirme le jugement du 13 mars 2013 prononcé par le tribunal de grande instance de Digne Les Bains ;
Y ajoutant :
Déboute Mesdames [U] épouse [J] et [A] épouse [C] de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne Madame [Z] à payer à Mesdames [U] épouse [J] et [A] épouse [C], chacune, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et celle de 1 000 euros sur le même fondement à chacun des assureurs, MAAF et Allianz ;
Condamne Madame [Z] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,