La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2015 | FRANCE | N°14/10538

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 09 janvier 2015, 14/10538


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 09 JANVIER 2015



N° 2015/43













Rôle N° 14/10538





[H] [U]





C/



[O] [S]

SOCIETE COOPERATIVE DE MANUTENTION (SOCOMA)

[B] [T]

Société INTRAMAR

CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES

BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE (BCMO)

GRAND PORT MARITIME DE [1]



CGEA AGS DE MARSEILLE - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST



r>




Grosse délivrée

le :

à :Me Cyril MICHEL

Me Frédéric MARCOUYEUX

Me Eric SEMELAIGNE

Me Nicolas FALQUE

Me Michel FRUCTUS Me Pierre CAPPE DE BAILLON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Co...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 09 JANVIER 2015

N° 2015/43

Rôle N° 14/10538

[H] [U]

C/

[O] [S]

SOCIETE COOPERATIVE DE MANUTENTION (SOCOMA)

[B] [T]

Société INTRAMAR

CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES

BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE (BCMO)

GRAND PORT MARITIME DE [1]

CGEA AGS DE MARSEILLE - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST

Grosse délivrée

le :

à :Me Cyril MICHEL

Me Frédéric MARCOUYEUX

Me Eric SEMELAIGNE

Me Nicolas FALQUE

Me Michel FRUCTUS Me Pierre CAPPE DE BAILLON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation départage de MARSEILLE - section CO - en date du 29 Mars 2013, enregistré au répertoire général sous le numéro .

APPELANT

Monsieur [H] [U], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Cyril MICHEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [O] [S], es qualité de Mandataire liquidateur de la Société UNION PHOCEENNE D'ACCONAGE (UPA), demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

SOCIETE COOPERATIVE DE MANUTENTION (SOCOMA), demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [B] [T], es qualité de mandataire liquidateur de la société Moderne de Transbordements (SOMOTRANS), demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Eric SEMELAIGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Société INTRAMAR, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE DE COMPENSATION DES CONGES PAYES, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE

BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE (BCMO), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE

GRAND PORT MARITIME DE [1], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

CGEA AGS DE MARSEILLE - DELEGATION REGIONALE DU SUD-EST, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Janvier 2015.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Mme Priscille LAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Monsieur [H] [U] a travaillé en qualité de docker professionnel intermittent sur le port de [1] du 1er octobre 1973 ai 31 décembre 2003.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 12 mai 2011 aux fins de réparation de son préjudice d'anxiété à l'encontre :

- du Grand Port maritime de [1] (ci-après GPMM), établissement public de l'Etat,

- de la Société Moderne de Transbordement(ci-après Somotrans), représentée par Maître [T], mandataire ad hoc, société qui, placée en règlement judiciaire le 18 avril 1996, a prononcé sa dissolution le 14 décembre 2007, la procédure collective ayant été clôturée d'office le 21 novembre 2007, Maître [T] étant désigné mandataire ad hoc, 'liquidateur sociétaire' par décision de l'assemblée générale du 14 décembre 2007,

- du CGEA de Marseille,

- de l'Union Phocéenne d'Acconage (ci-après Upa), représentée par Maître [S], mandataire liquidateur désigné par jugement de liquidation judiciaire du 20 novembre 2000,

- de la Caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention du Port de [1] (ci-après CCCP) à titre personnel et aux droits du Service Auxiliaire de la manutention (SAM),

- de la société Industrielle de Trafic Maritime (ci-après Intramar),

- de la Société Coopérative de Manutention (ci-après Socoma).

Monsieur [T], ès qualités, a fait convoquer, en intervention forcée, le Bureau central de la main d'oeuvre (ci-après BCMO).

Par jugement en date du 29 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- dit les demandes recevables,

- débouté le requérant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit qu'aucune considération d'équité ou de nature économique ne justifie d'allocation aux parties d'une somme quelconque au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure Civile,

- dit que les dépens resteront à la charge de chacune des parties qui les a exposé.

Monsieur [U] a interjeté appel de cette décision le 22 mai 2013, le jugement ayant été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 avril 2013.

Enregistrée sous le numéro commun 13/08944, les procédures concernant l'ensemble des salariés concernés par le jugement dont appel ont été disjointes par ordonnance en date du 22 mai 2014 et celle relative à Monsieur [U] poursuivie sous le n° 14/ 10538.

Prétentions et moyens des parties :

' Monsieur [U] a fait déposer et soutenir oralement à l'audience des conclusions écrites, communes à l'ensemble des affaires du rôle, dans lesquelles il demande à la cour de :

- lui donner acte de son désistement à l'encontre du BCMO, de la CCCP, et du GPMM,

- avant dire droit, si la cour l'estime utile, ordonner aux sociétés intimées la production de leurs DADS entre 1977 et 1993,

- constater qu'il a été employé par les sociétés Upa, Socoma, Intramar et Somotrans, qu'elles n'ont pas respecté les dispositions du décret n°77-949 du 17 août 1977, et qu'elles l'ont exposé aux poussières d'amiante sans protection,

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

- déclarer les sociétés Upa, Socoma, Intramar et Somotrans solidairement responsables des préjudices qu'il subit,

- condamner les sociétés Socoma et Intramar à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété ainsi que celle de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant directement de la violation de leur obligation de sécurité de résultat, outre celle de1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer sa créance au passif de la liquidation des société Somotrans et Upa aux sommes de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant directement de la violation de leur obligation de sécurité de résultat outre celle de1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA.

Il fait principalement valoir qu'il a travaillé en qualité d'ouvrier docker sur le port de [2], pour le compte et sous la subordination de diverses entreprises de manutention (les acconiers), du 1er octobre 1973 au 31 décembre 2003 ; qu'il était soumis au statut prévu par la loi du 6 septembre 1947 modifiée et codifiée en 1978 sous les articles L. 511-2 et suivants du code des ports maritimes, antérieur à la loi du 9 juin 1992 ; qu'il a été mensualisé le 3 mai 1993 par la société Intramar ; qu'il a bénéficié de l'ACAATA à partir du 1er janvier 2004 ; que la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur sa réclamation ; que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat ; que parmi les acconiers ayant réalisé la majorité des déchargements d'amiante figurent notamment les sociétés Intramar,Upa et Somotrans, mentionnées sur la liste établie par la direction générale du port de [1] dans une lettre adressée au ministère de l'équipement et des transports le 21 décembre 1999 ; que la preuve de l'existence de ses relations contractuelles avec ces sociétés résulte des bulletins de salaire et/ou des attestations versées aux débats ; que la cour pourra ordonner si nécessaire, avant dire droit, à celles-ci de produire les DADS entre 1977 et 1993 ; que, dans le cadre de son activité pour le compte de celles-ci, il a été mis en contact avec l'amiante sans protection efficace, en méconnaissance de la législation applicable (loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels, décret du 10 juillet 1913 modifié le 13 décembre 1948, le 6 mars 1961 et le 15 novembre 1973, décret du 17 août 1977) et que ce faisant, les employeurs - qui ne pouvaient ignorer les dangers de l'amiante - ont délibérément maintenu leurs salariés dans l'ignorance de la dangerosité des particules d'amiante et du risque mortel qu'il représentait et n'ont pas respecté leur obligation de sécurité de résultat, ce qui lui fait nécessairement subir un préjudice qu'il convient d'indemniser ; que l'indemnisation du préjudice autonome d'anxiété est ouverte à tout salarié ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'il n'existe aucune corrélation entre la durée d'exposition et la probabilité de développer une pathologie, en sorte que le préjudice d'anxiété doit être indemnisé de manière forfaitaire et équivalente pour l'ensemble des demandeurs ; que la prescription n'a pas couru tant que son droit ne lui a pas été révélé et que la publication de l'arrêté du 7 juillet 2000 ayant classé le port de [1] comme 'établissement amiante' a été le premier élément générateur de son anxiété ; que sa créance est née avant l'ouverture des procédures collectives à l'encontre des sociétés Upa et Somotrans, même si elle ne lui a été révélée que postérieurement, qu'elle n'avait pas à figurer sur le relevé des créances en raison de sa nature indemnitaire et qu'n conséquence, la forclusion prévue par l'article 123 de la loi du 25 janvier 1985 ne peut lui être opposée.

' Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à l'ensemble des affaires inscrites au rôle, déclarant représenter la société Somotrans en qualité de liquidateur sociétaire, Monsieur [B] [T] demande à la cour, à titre liminaire, en ce qui concerne Monsieur [U], de :

- mettre la société Somotrans hors de cause, d'une part en ce qu'elle n'a pas revêtu la qualité d'employeur du demandeur pendant la période d'exposition potentielle à l'amiante, l'employeur étant l'un des deux BCMO, et d'autre part, en raison de sa dissolution du fait du fait de la cession totale de ses actifs, puis de la clôture subséquente de la procédure collective dont elle a fait l'objet ; il observe à ce sujet que, faute pour la société Somotrans d'avoir été l'employeur du demandeur, celui-ci ne pourrait invoquer à son encontre qu'une créance étrangère au contrat de travail, laquelle aurait dû alors faire l'objet d'une déclaration entre les mains du représentant des créanciers, et que toutefois, si la cour considère qu'elle a bien été l'employeur, la demande en réparation devrait être présentée au CGEA-AGS de Marseille,

- dire bien fondée et justifiée la mise en cause du BCMO de Marseille, venant aux droits des BCMO de [Localité 2] et de [Localité 1], dès lors que ceux-ci ont exercé les prérogatives d'employeurs à l'égard des dockers pendant la période 1957-1993 visée dans l'arrêté du 7 juillet 2000 ;

Subsidiairement sur le fond, Monsieur [T], ès qualités, demande à la cour de dire et juger que le demandeur ne démontre pas avoir travaillé régulièrement pour Somotrans ni que cette société a commis une faute, ni qu'il a subi un préjudice, d'écarter la solidarité de même que la responsabilité in solidum entre les sociétés manutentionnaires, et en conséquence, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'intéressé de ses prétentions.

Il fait valoir que l'exposition à l'amiante, lorsqu'elle constitue une maladie professionnelle, est indemnisée par la sécurité sociale, et à défaut par l'ACAATA ; que si le port de [1] a été classé comme 'port amiante', la situation des dockers doit être distinguée de celle des salariés ayant travaillé dans un établissement nommément identifié et inscrit sur une liste établie par arrêté, ce qui n'est pas le cas de la société Somotrans ; que le demandeur ne prouve pas que cette société lui ait demandé de manipuler des produits amiantés ou même qu'elle ait réalisé la manutention de tels produits, ni en conséquence qu'elle l'ait exposé à l'amiante ; que les attestations versées aux débats, établies longtemps après les faits, par des proches ou par d'autres dockers demandeurs, en termes quasiment identiques, à partir d'un modèle préétabli produit de manière probablement fortuite dans l'un des dossiers, et qui ne mentionnent aucune date de début ni de fin de contrat, ni ne rapportent aucun fait précis, sont dépourvues de force probante ; que la société Somotrans n'était pas tenue de conserver les DADS, qu'elle est dans l'incapacité de produire ces documents, et que les salariés renversent la charge de la preuve en demandant d'ordonner cette production si nécessaire, alors même qu'il leur appartient de produire leurs bulletins de paie afin de prouver une activité régulière pour le compte de cette société ; qu'à supposer même qu'une exposition à l'amiante du fait de la société Somotrans soit démontrée, elle n'aurait pu être en tout état de cause que très marginale et irrégulière et n'aurait pu intervenir qu'en plein air ou dans un espace très aéré, ce qui limiterait ou exclurait le risque de contamination ; que le demandeur ne précise d'ailleurs pas les moyens de protection dont il aurait dû bénéficier ; qu'il ne démontre pas que la société Somotrans ait été consciente du danger, ni qu'elle ait enfreint la réglementation alors applicable ; que le risque a été évoqué pour la première fois lors de la réunion du CHSCT du port autonome de [1], tenue le 22 décembre 1999 ; que le préjudice invoqué est donc purement éventuel, que le lien de causalité avec une faute imputable à Somotrans n'est pas établi, et qu'au surplus le demandeur ne justifie d'aucun suivi médical.

A titre infiniment subsidiaire, Monsieur [T], ès qualités, demande à la cour d'apprécier le préjudice réellement subi par le demandeur, imputable à la société Somotrans, d'ordonner une expertise afin de déterminer tout à la fois les préjudices subis par le demandeur et la part de responsabilité de la société SOMOTRANS, et de dire et juger que le CGEA AGS devra garantir toute condamnation susceptible d'être prononcée à l'encontre de la société Somotrans.

Enfin, il sollicite la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens.

' Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à plusieurs des affaires inscrites au rôle, au motif que l'anxiété alléguée est une pathologie trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de docker, Maître [S], ès qualités, de liquidateur judiciaire de la société Upa, soulève à titre liminaire l'incompétence rationae materiae de la juridiction prud'homale et demande de renvoyer les salariés à mieux se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, en application des articles L. 451-1 et L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale et L.1411-4 al. 2 du code du travail, et au visa de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le cas échéant après qu'ils aient sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de leur pathologie auprès du service compétent, à savoir la caisse d'assurance maladie.

Subsidiairement sur le fond, Maître [S] conclut au débouté des salariés de leurs prétentions et leur condamnation à lui payer la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, aux motifs qu'ils ont eu de multiples employeurs et qu'ils ne justifient pas avoir travaillé pour la société Upa, ou alors à de très rares occasions ; que les attestations qu'ils produisent ont été établies pour les besoins de la cause, qu'elles sont imprécises et sans valeur probante ; qu'ils ne démontrent pas avoir été exposés à l'amiante par la société Upa, ni que cette société a commis une faute, ni qu'il existe un lien de causalité entre cette prétendue faute et le préjudice allégué, d'autant que l'amiante a représenté une part infime des marchandises manutentionnées sur l'ensemble du port de [1] (moins de 0.1 % des volumes hors liquides répartis sur plus de quatre-vingts entreprises employant des dockers) et que les acconiers ne peuvent être considérés comme des professionnels, voire des utilisateurs de l'amiante, aucune entreprise de manutention n'étant visée dans les listes établies par décret relatives aux entreprises et établissements où étaient fabriqué ou traité de l'amiante ; que la société Upa justifie d'un cas de force majeure exonératoire de responsabilité, en ce qu'elle n'était nullement renseignée sur le risque auquel elle pouvait exposer ses salariés alors qu'elle s'était entourée de l'ensemble des institutions ayant pour mission de l'alerter, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un rappel à la loi ni d'une injonction et encore moins d'une sanction en raison d'un défaut dans la prise en compte et la gestion d'un risque professionnel, qu'elle avait l'obligation réglementaire de manutentionner les navires, et qu'en tout état de cause, aucune mesure utile ne pouvait être prise en l'état d'un travail en plein air et de l'absence de moyen utile de protection individuelle à l'époque des faits.

A titre infiniment subsidiaire, Maître [S] soutient que le préjudice d'anxiété allégué n'est pas indemnisable ni justifié, en l'état d'absence de preuve tant d'un suivi spécifique aux allocataires ACAATA que de comportement à risque (tabagisme...). Il soutient également qu'il n'existe en l'espèce aucune obligation solidaire ou in solidum.. Enfin, à titre infiniment subsidiaire, il demande à ce qu'il soit dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

' Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, communes à plusieurs affaires inscrites au rôle, au motif que l'anxiété alléguée est une pathologie trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de docker, la société Intramar soulève à titre liminaire l'incompétence rationae materiae de la juridiction prud'homale et demande à la cour de renvoyer les salariés à mieux se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, en application des articles L. 451-1 et L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale et L. 1411-4 al. 2 du code du travail, et au visa de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le cas échéant après qu'ils aient sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de leur pathologie auprès du service compétent, à savoir la caisse d'assurance maladie, et, à titre subsidiaire, par des motifs analogues à ceux développés par Maître [S] ès qualités pour Upa, au rejet de l'ensemble des demandes formées par l'appelant qui ne justifie nullement de la qualité d'employeur de la société Intramar à son égard ni même qu'il ait été exposé de son fait à l'amiante. Elle sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en compensation de ses frais irrépétibles.

' Aux termes de ses écritures plaidées à l'audience, commune à plusieurs des instances inscrites au rôle, la société Socoma demande à la cour :

- à titre liminaire, de se déclarer incompétente rationae materiae au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône,

- à titre très subsidiaire sur le fond, par des motifs analogues à ceux développés par Maître [S] ès qualités pour Upa, de débouter l'intéressé de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui payer une indemnité de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

' Le CGEA délégation régionale du Sud-Est a fait développer oralement à l'audience des conclusions écrites, communes à l'ensemble des affaires du rôle, aux termes desquelles il demande à la cour, à titre liminaire, de :

- prononcer sa mise hors de cause concernant la société Somotrans pour laquelle sa garantie ne peut intervenir, dès lors qu'après avoir été placée en redressement judiciaire par jugement du 18 avril 1996 et suite à la cession de ses actifs, cette société a fait l'objet d'un jugement de clôture des opérations de la procédure, prononcé le 21 novembre 2007, suivi d'un procès-verbal de décision de l'actionnaire unique en date du 14 décembre 2007, désignant Me [B] [T] en qualité de 'liquidateur sociétaire',

- prononcer sa mise hors de cause pour cette société en ce qu'elle n'a jamais été l'employeur de certains demandeurs,

- prononcer sa mise hors de cause concernant la société Upa, ce qu'elle n'a jamais été l'employeur de certains demandeurs,

- prononcer sa mise hors de cause en ce que certains demandeurs ne démontrent pas avoir travaillé pour une société aujourd'hui en liquidation judiciaire,

- prononcer sa mise hors de cause pour les demandes dirigées contre les sociétés Socoma et Intramar, sociétés in bonis,

- déclarer irrecevables les demandes de condamnation solidaire à l'encontre de sociétés dont l'une est en liquidation judiciaire,

- de se déclarer incompétente au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale de Boulogne sur Mer, seul compétent pour statuer sur les demandes des salariés bénéficiaires de l'ACAATA, qui tendent à contester le montant de l'allocation,

- déclarer les demandes des autres salariés irrecevables au motif qu'elles doivent être portées devant le fonds spécifique créé par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

- dire et juger que le préjudice d'anxiété ne peut pas naître avant que les salariés aient eu connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de la société sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'arrêté ACAATA, que ceux-ci n'apportent pas la preuve d'avoir eu connaissance de cet arrêté avant l'ouverture de la procédure collective de la société, que les créances au titre du préjudice d'anxiété sont nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et ne sont donc pas garanties par l'AGS, et en conséquence, déclarer ces créances non susceptibles de garantie.

Sur le fond, le CGEA demande à la cour de :

- débouter le salarié de sa demande d'indemnisation du chef d'un préjudice d'anxiété, faute d'en rapporter la preuve au titre des articles 6 et 9 du code de procédure civile, lequel ne résulte pas du dispositif légal ni d'une simple relation de travail avec les sociétés concernées, mais du fait d'avoir travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi de 1988 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et qu'il ne justifie pas avoir subi des contrôles et examens médicaux réguliers,

- le débouter de sa demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété découlant du bénéfice de l'ACAATA, un dispositif légal n'entraînant pas de préjudice moral,

- rejeter la demande nouvelle de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, les demandeurs ne qualifiant pas ce préjudice, n'expliquant pas de quoi il est constitué ni quand il serait né, et bénéficiant déjà d'une indemnisation dans le cadre de l'ACAATA au titre du préjudice d'anxiété,

- dire et juger que le préjudice découlant du manquement à obligation de sécurité de résultat n'est autre que le préjudice spécifique d'anxiété,

à titre subsidiaire :

- dire et juger que l'obligation de sécurité de résultat n'était pas applicable à l'époque des faits, puisqu'elle découle de dispositions de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991, aujourd'hui codifiées à l'article L.4121-1 du code du travail et que la jurisprudence des tribunaux des affaires de sécurité sociale n'est pas applicable et, en tout état de cause, toute réparation de ce chef serait inopposable à l'AGS ; que l'adhésion à l'ACAATA n'implique pas la faute de l'employeur ; que le Conseil d'Etat a reconnu la responsabilité de l'Etat pour ses carences dans la prévention des risques liés à l'exposition des travailleurs aux poussières d'amiante,

- dire et juger que la faute de l'employeur n'est pas établie et que le salarié ne démontre pas la violation d'une règle par les sociétés, démonstration qui lui incombe et le débouter faute de démontrer avoir été personnellement victime d'une violation des dispositions d'hygiène et de sécurité alors en vigueur, ni ne prouve l'existence d'un lien de causalité direct entre une telle faute et le préjudice allégué,

en tout état de cause :

- à ce que ne soit pas retenu à la charge de l'employeur une obligation de sécurité de résultat de plein droit, non conforme aux dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel et au principe de séparation des pouvoirs, la faute de l'employeur étant présumée par la jurisprudence de la Cour de cassation,

- à l'absence d'opposabilité à l'AGS des créances revendiquées qui sont nées postérieurement à l'ouverture des procédures collectives des sociétés Upa et Somotrans, les salariés ne démontrant pas avoir eu connaissance des dangers de l'amiante avant l'arrêté ministériel d'inscription du site sur le liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA;

- à la réduction des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués, à l'application des dispositions du code du travail fixant les règles et limites de la garantie légale et à l'arrêt du cours des intérêts au jour de l'ouverture de la procédure collective en application de l'article L 622-28 du code de commerce, ces intérêts n'ayant pu courir avant la mise en demeure conformément à l'article 1153 du code civil,

- à ce qu'il soit statué ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNEDIC AGS et à la condamnation des demandeurs aux entiers dépens.

' Aux termes de ses écritures développées à la barre, le BCMO demande :

- au principal, de constater qu'il n'a pas la personnalité juridique et ne peut donc faire l'objet d'aucune condamnation, et en conséquence, d'inviter Maître [T] à mieux se pourvoir,

- subsidiairement, de constater l'absence de tentative de conciliation obligatoire à son encontre, de dire et juger que l'action de Monsieur [T] ès qualités est irrecevable et en toute hypothèse infondée, puisqu'il n'a jamais eu la qualité d'employeur,

- et en tout état de cause, de condamner ce dernier à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de donner acte à Monsieur [U] de ce qu'il se désiste en appel de ses demandes à l'encontre du BCMO, du GPMM et de la CCCP et de constater qu'il ne reprend pas devant la cour sa demande au titre de la réparation d'un préjudice économique.

sur l'exception d'incompétence :

Selon l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce code entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

En l'espèce, dès lors que les demandes en réparation d'un préjudice extra-patrimonial formées par Monsieur [U] sont fondées sur l'inexécution par le ou les employeurs de l'obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail qui les aurait liés, que le préjudice d'anxiété ne correspond pas à une maladie professionnelle répertoriée mais à l'inquiétude de déclencher à tout moment une maladie professionnelle en rapport avec une exposition à l'amiante, et que ni le droit au bénéfice du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, ni le montant de l'allocation de cessation anticipée d'activité, dont il a été attributaire à compter du 1er janvier 2004, ne sont contestés, la juridiction prud'homale est compétente pour connaître du litige et le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur les fins de non recevoir soulevées par la société Somotrans :

La personnalité morale de la société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés et la société Somotrans est représentée à l'instance par son liquidateur sociétaire.

Par ailleurs, dès lors par ailleurs que les ouvriers dockers étaient unis à diverses entreprises d'acconage (environ quatre-vingts sur le port de [1], entre 1957 et 1993, selon l'attestation établie le 15 juin 2010 par le Syndicat des Entrepreneurs de Manutention Portuaire, dont la société Somotrans), par un lien de subordination, en sorte que celles-ci ont été leurs employeurs, à la différence du BCMO, organisme paritaire dépourvu de la personnalité juridique, et que la créance invoquée trouve son origine dans l'exécution d'un contrat de travail allégué avec celle-ci, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré Monsieur [U] recevable à agir à son encontre, le bien-fondé de sa demande devant être examiné dans le cadre du fond du litige, au vu des pièces produites.

Sur l'intervention forcée du BCMO :

Il résulte des explications du BCMO, confirmées par les pièces versées aux débats et non sérieusement contredites par la société Somotrans, que cet organisme paritaire, au service des entreprises de manutention portuaire, est dépourvu de la personnalité juridique.

En conséquence, son intervention forcée à la demande du liquidateur de la société Somotrans aux fins de lui voir reconnaître la qualité d'employeur de Monsieur [U], sera déclarée irrecevable en application de l'article 32 du code de procédure civile.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le fond :

Sur la qualité d'employeur des sociétés intimées à l'égard de Monsieur [U] :

La loi du 6 septembre 1947 a défini un statut de docker et a réduit la fonction des organismes antérieurs, comme le BCMO qui a été chargé d'identifier et de classer les ouvriers dockers, d'organiser et de contrôler l'embauche dans le port au service des différentes sociétés manutentionnaires, de répartir numériquement le travail entre les ouvriers, d'effectuer la paie à la journée, d'établir les certificats de travail et les bulletins de salaire quand ils existaient et de régler les cotisations aux organismes sociaux pour le compte des entreprises de manutention..

Cette organisation a affecté le recrutement et les embauches journalières, mais n'a pas supprimé les entreprises de manutention portuaire ; les chefs d'équipe de ces entreprises fixaient, eux-mêmes, le nombre de dockers et leurs qualifications nécessaires aux déchargements, les taches de affectées à chacun sur les navires, donnaient les instructions sur les opérations à entreprendre, surveillaient le déroulement de celles-ci et fournissaient également des matériels (tracteurs, chariots élévateurs, auto grues, transporteurs et norias).

Ainsi, si la loi de 1947 a réduit l'étendue des attributions patronales dans la relation de travail, elle n'a pas supprimé totalement celle-ci ; la loi du 9 juin 1992 a modifié le régime de travail dans les ports maritimes, en autorisant le recrutement de dockers par des entreprises de manutention portuaire grâce à des contrat de travail de droit commun.

Selon l'attestation établie le 15 juin 2010 par le Syndicat des Entrepreneurs de Manutention Portuaire, il existait environ quatre-vingts sociétés manutentionnaires sur le port de [1], entre 1957 et 1993.

Pour faire la preuve de l'existence d'une relation de travail avec les sociétés Upa, Intramar, Somotrans et Socoma (entre 1957 et 1993), Monsieur [U] communique essentiellement au soutien de sa demande :

- le certificat de travail établi par la Caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention des ports de Marseille, le 3 février 2010, mentionnant qu'il a été inscrit le 1er octobre 1973, mensualisé le 3 mai 1993 à Intramar, puis à compter du 1er décembre 1994 à Intramar Acc.SA et radié le 31 décembre 2003 .

- huit bulletins de salaire portant uniquement sur l'année 1983 dont il résulte qu'il a travaillé trente-sept jours pour la société Somotrans (code 15), un seul jour pour Socoma (code 54) deux jours pour Intramar (code 10), mais aucune journée pour la société Upa (code 28), étant observé que si l'appelant affirme que cette société aurait absorbé la société SMM (code 9) pour laquelle il a travaillé quatre jours, cela ne ressort d'aucune pièce du dossier ;

- trois attestations, toutes datées du 29 janvier 2010, établies par d'autres dockers professionnels Messieurs [Q], [E], et [P], certifiant, brièvement et en termes quasiment identiques avoir travaillé avec lui comme docker, 'dans les années 1974 à 2004" (Monsieur [Q]), 'de 1983 à 1993" (Monsieur [E]), et 'dans les années 1974 à 2003" (Monsieur [P].), dans les compagnies Upa, Socoma, Rodrigue Ely, Smt, et Somotrans (sans plus de précision quant aux périodes d'emploi dans chacune de ces sociétés), et d'avoir ainsi déchargé et manipulé de l'amiante en vrac ou en sac de jute poreux sans protection et sans avoir été avertis des dangers d'une telle exposition.

Ces attestations sont limitées à trois, alors qu'il résulte du certificat de travail que Monsieur [U] a exercé la profession de docker intermittent sur le GPMM durant près de vingt ans, avant d'être mensualisé par la société Intramar le 3 mai 1993, et ne sont pas corroborées en ce qui concerne la société Upa par les bulletins de salaire figurant au dossier. Ils ne peuvent dès lors suffire à établir l'existence d'une relation de travail, même occasionnelle, entre Monsieur [U] et la société Upa et a fortiori, d'une exposition habituelle à l'amiante du fait de celle-ci. Il sera également débouté de sa demande nouvelle au titre de l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de la seule violation par cette société de son obligation de sécurité de résultat.

En revanche, ces attestations, corroborées par des bulletins de salaire et le certificat de travail, si elles sont taisantes quant à l'emploi de Monsieur [U] chez Intramar (alors que les attestations de Messieurs [Q] et [P] visent une période postérieure à sa mensualisation par cette société) et si elles sont imprécises et insuffisantes à établir une relation de travail continue ou habituelle entre lui et les sociétés Intramar, Somotrans et Socoma démontrent néanmoins qu'il a travaillé de façon ponctuelle pour le compte de celles-ci (étant observé qu'il n'a fait choix que d'assigner certaines d'entre elles) pendant la période visée par l'arrête de classement du port de [1], sans qu'il apparaisse par ailleurs nécessaire d'ordonner les productions sollicitées, aucun texte ne faisant obligation aux entreprises concernées de conserver les DADS sur une période aussi longue.

Sur la réparation des préjudices :

En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

D'ailleurs, l'ancien article 233-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à cette loi, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs.

Au surplus, bien avant le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels avait fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel, et le décret d'application du 11 mars 1894 imposait notamment que 'les locaux soient largement aérés... évacués au dessus de l'atelier au fur et à mesure de leur production avec une ventilation aspirante énergique... et que l'air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers.'. En l'état de ces dispositions, le dommage allégué par le salarié n'était pas imprévisible lors de la conclusion du contrat de travail.

L'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur, n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité. Il n'y a donc pas contrariété de l'obligation de sécurité de résultat avec les dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel et le principe de séparation des pouvoirs.

Il doit être rappelé que si le site du port de [1] est inscrit sur la liste des ports permettant aux dockers de bénéficier de l'allocation anticipée des salariés de l'amiante, liste fixée par arrêté du 7 juillet 2000, modifié, aucune des sociétés contre lesquelles les demandes sont dirigées ne figure sur la liste des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, qu'elles ne sont ni des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante, ni des établissement de construction et de réparation navales et qu'elles ne fabriquaient ni ne traitaient l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et ne peuvent en conséquence être considérées comme des entreprises utilisatrices d'amiante.

En l'espèce, pour preuve de son exposition fautive à l'amiante par les sociétés intimées, Monsieur [U] communique essentiellement :

- la lettre du directeur général du port de [1] au ministère de l'équipement, des transports et du logement, datée du 21 décembre 1999, et la fiche annexe relative à l'activité de chargement ou déchargement d'amiante entre 1966 et 1993, mentionnant notamment :

'(...) Entreprises concernées : L'ancienneté des périodes concernées ne permet pas de déterminer les acconiers ayant participé à ces opérations, nombre de professionnels pouvant intervenir sans qu'aucun soit spécialisé dans ce type de trafic. Par ailleurs, le paysage de la manutention a notablement évolué et certaines entreprises ont disparu de notre environnement ou fusionné avec d'autres.

Après consultation des archives du Port, une liste non exhaustive des entreprises ayant pu opérer des trafics d'amiante a été établie : - Société Industrielle de Trafic Maritime (Intramar) - Union Phocéenne d'Acconage (Upa) - Société Moderne de Transbordements (Somotrans) - Société Manucar - Etablissements Maiffredy - Société Carfos.

Nombre de dockers concernés encore en activité : Les personnels exécutant les manutentions travaillent aussi bien à bord des navires qu'à l'air libre et les marchandises sont conditionnées sous des formes variables. Vu la multiplicité des chantiers et le caractère intermittent et journalier du personnel affecté, il n'est pas possible d'établir avec certitude quels ouvriers (intermittents, complémentaires, permanents) ont été exposés au produit en cause, avec quelle fréquence et pendant quelle durée (...)', étant observé que les tableaux relatifs aux modes de conditionnent indiquent : 'vrac' en 1973 et 1974, 'autres conditionnements' de 1966 à 1990"et 'conteneurs' à partir de 1991 ;

- les attestations de Madame [R], assurant avoir été informée, en tant que taxatrice intérimaire employée par la société Somotrans, du 21/01/1980 au 11/03/1981, que cette société 'manipulait de l'amiante en grande quantité', que ce produit était 'bien entendu déchargé par les dockers' et qu'il arrivait 'soit en sac, soit en vrac dans une poussière quasi-permanente', et de Monsieur [F] déclarant, en qualité d'ancien chef d'équipe et contremaître au service des sociétés Intramar et Somotrans, de 1956 à 1988 (sans autre précision sur ses périodes d'emploi au sein de cette dernière société), qu'il inhalait des poussières d'amiante lors des opérations de déchargement d'amiante en vrac ou en sacs (de jute ou en papier), sans protection particulière, comme les dockers qu'il dirigeait, du fait que ces sacs se déchiraient et que la poussière était ensuite balayée pour être mise en benne, étant observé qu'aucun de ces témoins ne mentionne ni le nom de la société Socoma ni celui de Monsieur [U] et que la société Somotrans conteste que Madame [R] ait pu voir depuis son poste les faits qu'elle allègue, exposant, en produisant le procès-verbal du CE du 12 avril 1996, que jusqu'à cette date, les bureaux dédiés à la facturation ne se trouvaient pas sur les quais.

Ces diverses pièces sont insuffisantes à établir tout à la fois qu'une part significative des travaux des sociétés Intramar, Somotrans et Socoma a concerné le transbordement de l'amiante, que Monsieur [U] a été amené à en manipuler de façon régulière pour le compte de celles-ci et, en conséquence, qu'il a été exposé de manière habituelle à l'amiante de leur fait, pendant la période visée par l'arrêté, alors même qu'il ne conteste pas que l'amiante manipulée sur le port, pendant cette même période, n'a pas représenté plus de 0.01% de l'activité de manutention globale de solides du port.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la réparation d'un préjudice d'anxiété. Il sera également débouté de sa demande nouvelle au titre de l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de la seule violation par les sociétés Intramar, Somotrans et Socoma de leur obligation de sécurité de résultat.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les demandes sur ce fondement seront rejetées et Monsieur [U], qui succombe, supportera les entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire,

DONNE ACTE à Monsieur [H] [U] de ce qu'il se désiste de ses demandes à l'égard de la Caisse de compensation des congés payés du personnel des entreprises de manutention et du grand port maritime de Marseille, et du Bureau central de la main d'oeuvre,

CONSTATE qu'il ne reprend pas devant la cour sa demande au titre de la réparation d'un préjudice économique,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux dépens et sauf à déclarer irrecevable l'intervention forcée du BCMO à l'initiative de la Société Moderne de Transbordement,

y ajoutant,

DÉBOUTE Monsieur [H] [U] de sa demande au titre de l'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de la seule violation par les sociétés Upa, Intramar, Somotrans et Socoma de leur obligation de sécurité de résultat,

REJETTE toutes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [U] aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/10538
Date de la décision : 09/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-09;14.10538 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award