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08/01/2015 | FRANCE | N°13/11535

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 08 janvier 2015, 13/11535


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 08 JANVIER 2015



N° 2015/005













Rôle N° 13/11535







SCI [Adresse 2]





C/



SA LES TRAVAUX DU MIDI

Compagnie ALLIANZ SA

[B] [D]





Grosse délivrée

le :

à :

SCP TOLLINCHI

Me P. GUEDJ

SCP LATIL


















>

Décision déférée à la Cour :



sur déclaration de saisine de la Cour suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 03 Avril 2013 enregistré au répertoire général sous le n° H11-26-707, ayant cassé un arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 16 septembre 2011 lequel avait statué sur...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 08 JANVIER 2015

N° 2015/005

Rôle N° 13/11535

SCI [Adresse 2]

C/

SA LES TRAVAUX DU MIDI

Compagnie ALLIANZ SA

[B] [D]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP TOLLINCHI

Me P. GUEDJ

SCP LATIL

Décision déférée à la Cour :

sur déclaration de saisine de la Cour suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 03 Avril 2013 enregistré au répertoire général sous le n° H11-26-707, ayant cassé un arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 16 septembre 2011 lequel avait statué sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 25 mars 2002

APPELANTES

SCI [Adresse 2]

DEFENDERESSE A LA SAISIE SUR RENVOI APRES CASSATION,

immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 351 758 164

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié au siège social

[Adresse 5]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Jean-Louis BERGEL de la SCP BERGEL JL- BERGEL MR, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par son associé Me Anne JOURNET, avocate au barreau de MARSEILLE

Compagnie ALLIANZ SA, anciennement AGF,

DEMANDERESSE A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

immatriculée au RCS de PARIS sous le N° B 542 110 291,

venant aux droits de la Société PFA TIARD, à la suite du traité de fusion approuvé par l'assemblée générale extraordinaire du 09 décembre 1999, en qualité d'assureur de la SNC ARCOS

[Adresse 4]

représentée par la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Nicole SANGUINEDE de la SCP SANGUINEDE-DI FRENNA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Brice LOMBARDO de la SCP SANGUINEDE-DI FRENA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES

SA LES TRAVAUX DU MIDI,

DEFENDERESSE A LA SAISIE SUR RENVOI APRES CASSATION

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Odile GAGLIANO, avocate au barreau de MARSEILLE

Maître [B] [D], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SNC ARCOS

DEFENDEUR A LA SAISIE SUR RENVOI APRES CASSATION

assigné le 04.10.2013 à personne à la requête de la SA ALLIANZ IARD

assigné le 14.03.2014 à personne à la requête de la SCI 2 BD DEBEAUX

demeurant [Adresse 3]

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)

Madame Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Marie-José DURAND, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2015

ARRÊT

Réputé Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2015,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige:

La SCI 2 BVD DEBEAUX a fait édifier à Marseille un ensemble immobilier dénommé 'Closerie Michelet', situé [Adresse 2] devant comporter 43 logements répartis sur six bâtiments.

Le maître d'oeuvre de conception était le cabinet ARCHIMED, le maître d'oeuvre d'exécution la SNC ARCOS, également chargée d'établir les métrés.

Le maître de l'ouvrage a confié l'exécution des travaux par corps d'états séparés à diverses entreprises, et le lot gros 'uvre a été confié à la société anonyme Travaux du Midi suivant marché du 2 avril 1990, pour un prix global et forfaitaire de 7'440'000 Fr. Hors taxes.

En vertu d'une convention d'étude béton armé du 1er mars 1990 conclue entre la société anonyme Travaux du Midi et le bureau d'études techniques ARCOS, assuré auprès de la compagnie d'assurances P.F.A., aux droits de laquelle se trouve actuellement la société anonyme ALLIANZ, ce dernier devait percevoir à titre de rémunération 2 % hors-taxes sur le décompte définitif des travaux.

Le 2 avril 1990, un contrat de pilotage a été également conclu entre la société anonyme Travaux du Midi et le bureau d'études techniques ARCOS.

La réception du lot gros 'uvre est intervenue le 19 novembre 1991.

Par ordonnance de référé du 4 janvier 1993, le président du tribunal de grande instance de Marseille a condamné le maître de l'ouvrage, la SCI 2 BVD DEBEAUX à payer à la S.A Travaux du Midi une provision de 267'039 Fr au titre du solde du marché, ordonnance confirmée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 2 juin 1994.

Par acte du 25 janvier 1993, la société anonyme Travaux du Midi a fait assigner la SCI 2 BVD DE BEAUX et la SNC ARCOS devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de condamnation in solidum de ces deux sociétés à lui payer :

' 2'985'221,56 francs TTC au titre des erreurs de métré initial et des quantités supplémentaires d'acier mis en 'uvre

' 320'731,16 francs TTC pour le matériel complémentaire utilisé,

' 469'160 francs pour la main-d''uvre supplémentaire payée.

Elle a en outre sollicité la condamnation du seul maître de l'ouvrage à lui payer :

' 12'422,13 francs à titre d'agios pour le retard dans le règlement des situations de travaux,

' 141'897,40 francs TTC au titre des pénalités de retard indûment retenues

' 181'174,84 francs TTC au titre des travaux supplémentaires non réglés.

Par ordonnance du 26 octobre 1994, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Marseille a ordonné une expertise et commis pour y procéder [P] [Q], afin notamment de dire si les métrés définissant les quantités ayant servi de base au prix du marché, contenaient ou non des erreurs, dans l'affirmative, d'indiquer lesquelles et à qui elles sont imputables, de dire si la société civile immobilière a accusé un retard de paiement des situations de travaux, si le chantier accusait un retard et dans l'affirmative d'indiquer à qui il incombe, enfin de rechercher les raisons techniques ayant pu empêcher le démarrage de la deuxième tranche.

Par jugement du 14 février 1996, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SNC ARCOS.

La compagnie d'assurances P.F.A aux droits de laquelle se trouve actuellement la société anonyme ALLIANZ a été appelée dans la cause.

Par jugement du 23.1.1998,le tribunal de commerce de Montpellier a adopté le plan de continuation de la SNC ARCOS.

L'expert [Q] a déposé son rapport clôturé le 30.4.1998.

Par jugement du 7.1.2000, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la clôture de la procédure de redressement judiciaire de la SNC ARCOS par extinction du passif.

Par jugement du 25 mars 2002, le tribunal de grande instance de Marseille a notamment :

- déclaré la SCI 2 BVD DEBEAUX et la SNC ARCOS responsables in solidum des conséquences financières des fautes commises dans l'établissement des documents contractuels et la gestion du chantier de l'opération de construction Closerie Michelet,

- condamné in solidum la SCI 2 BVD DEBEAUX et la compagnie AGF IARD à payer à la société anonyme des TRAVAUX DU MIDI :

' 198'397,10 euros correspondant à l'apurement des comptes du chantier,

' 117'369,15 euros au titre de l'indemnisation du préjudice financier consécutif au phasage et à l'interruption des travaux, avec intérêts au taux légal à compter du mois de janvier 1993,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum la SCI 2 BVD DEBEAUX et la compagnie AGF IARD à payer à la société anonyme des Travaux du Midi 7500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens comprenant les honoraires de l'expert.

Selon mention du 12.12.2005 figurant au registre du commerce et des sociétés, la SNC ARCOS a été dissoute de façon anticipée à effet au 25.1.2005 et Maître [B] [D] a été désigné en qualité de liquidateur.

Sur appel interjeté par la SCI 2 BVD DEBEAUX et la compagnie AGF IARD venant aux droits de la société PFA, la cour de ce siège par arrêt du 7 septembre 2006, a notamment:

' confirmé le jugement en ses dispositions condamnant la société civile immobilière,

- infirmé le jugement en ses autres dispositions,

statuant à nouveau,

' déclaré la société ARCOS responsable des surcoûts résultant de ces erreurs de métrés,

' déclaré que les AGF sont tenues de garantir leur assuré Arcos au titre de sa police responsabilité civile professionnelle,

- condamné les AGF à payer à la société des travaux du Midi la somme de 149'169,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du mois de janvier 1993.

Sur pourvoi formé par la SCI 2 BVD DEBEAUX, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a, par arrêt du 26 février 2008, rendu au visa des articles 1793, 1134 et 1382 du Code civil, cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 7 septembre 2006 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Elle indiquait :

' « alors que le bouleversement de l'économie du contrat ne peut faire perdre au marché son caractère forfaitaire que s'il résulte de modifications voulues par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel, qui a constaté qu'elles étaient la conséquence d'actes de la société Archos n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le texte susvisé » de l'article 1793 du Code civil,

- « qu'en condamnant la SCI à payer à la société Travaux du Midi la somme de 198'387,10 euros, puis la société AGF IART à payer à cette même société celle de 149'169,92 euros incluse dans la précédente, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice et violé les textes susvisés » des articles 1134, 1793 et 1382 du Code civil.

Statuant sur renvoi, la cour de ce siège, par arrêt du 16 septembre 2011 a :

' infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Marseille dans toutes ses dispositions,

statuant nouveau,

' débouté la société anonyme société des Travaux du Midi de toutes ses demandes,

- condamné la société anonyme des Travaux du Midi à payer à la SCI 2 BVD DEBEAUX 216'901,48 francs au titre des pénalités de retard,

' prononcé la mise hors de cause de la SN ARCOS et de la compagnie ALLIANZ,

- condamné la SCI 2 BVD DEBEAUX à payer à la société anonyme société des travaux du Midi la somme de 12'422,13 francs au titre du retard dans le paiement des situations,

' ordonné la compensation entre ces deux sommes,

' condamné la société des travaux du Midi à payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant à la SCI 2 BVD DEBEAUX qu'à la compagnie ALLIANZ,

' condamné la société les travaux du Midi aux dépens.

Sur pourvoi formé par la société les Travaux du Midi, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation, par arrêt rendu le 3 avril 2013, au visa des articles 455 alinéa 1er et 954 alinéa 2 du code de procédure civile, a cassé et annulé l'arrêt rendu le 16 septembre 2011 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, aux motifs « que, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.. (Et) que pour rejeter les demandes de la STM, la cour d'appel s'est prononcée au visa de conclusions déposées par celle-ci le 17 août 2010 (et) qu'en statuant ainsi, alors que l'intéressée avait déposé ses dernières conclusions d'appel le 1er octobre 2010, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

La S.A. ALLIANZ a saisi la cour de renvoi par déclaration de saisine du 3 juin 2013.

**

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées déposées et signifiées le 30.9.2013 la SA ALLIANZ IARD demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

- REFORMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 25 Mars 2002 en toutes ses dispositions,

- DIRE ET JUGER que la société TRAVAUX DU MIDI a conclu avec la SCI 2 BD DEBEAUX un marché à prix global et forfaitaire,

EN CONSÉQUENCE,

- DÉBOUTER la société TRAVAUX DU MIDI de l'intégralité de ses demandes indemnitaires au titre des travaux supplémentaires, pénalités de retard, agios, préjudice consécutif à la scission du chantier en deux tranches et quantités supplémentaires de béton et d'acier mises en 'uvre,

A TITRE SUBSIDIAIRE:

- REFORMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE du 25 Mars 2002,

-DIRE ET JUGER que la police ARTECH souscrite par la SNC ARCOS comporte des exclusions de garantie et un plafond de garantie applicables à l'ensemble des demandes indemnitaires présentées par la société TRAVAUX DU MIDI,

EN CONSÉQUENCE,

- DÉBOUTER la société TRAVAUX DU MIDI de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formulées à l'encontre de la Compagnie ALLIANZ,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- FAIRE APPLICATION du plafond de garantie de la police souscrite et de la franchise contractuelle opposable,

- CONDAMNER la société TRAVAUX DU MIDI à verser à la Compagnie ALLIANZ la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

**

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées déposées et signifiées le 10.3.2014, la SCI [Adresse 2] demande à la cour de :

- INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE (3ème Chambre A) en date du 25 MARS 2002, dont appel, en ce qu'il a condamné la SCI 2BD DEBEAUX, in solidum avec la Compagnie AGF IART assureur d'Arcos, à régler la somme de 198.387,10 euros à la Société Les Travaux du Midi, au titre des erreurs de métrés et des travaux supplémentaires.

Par voie de conséquence,

- DIRE ET JUGER que la Société Arcos est seule responsable des erreurs de métrés et des travaux supplémentaires,

- DIRE ET JUGER que la SCI 2 BD DEBEAUX ne saurait être tenue de quelque condamnation que ce soit, fut-ce in solidum, à l'égard de qui que ce soit, au titre des erreurs de métrés et des travaux supplémentaires imputables à Arcos,

- CONDAMNER la seule Société Arcos et son assureur AGF IART in solidum à indemniser la Société Les Travaux du Midi du préjudice résultant des erreurs de métrés et des travaux supplémentaires.

- CONDAMNER la SA LES TRAVAUX DU MIDI ou toute partie contre qui l'action le mieux compètera, à payer à la SCI 2 BD DEBEAUX la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

**

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées déposées et signifiées le 1.10.2010, la SA. LES TRAVAUX DU MIDI avait conclu à la confirmation du jugement déféré et y ajoutant demandait la condamnation in solidum de la SCI 2 BD DEBEAUX de la Société Arcos et de son assureur AGF IART à lui payer la somme de 7500 € pour les frais irrépétibles d'appel et à supporter les dépens d'appel.

Assigné à sa personne par actes des 4 octobre 2013 et 14 mars 2014 Maître [B] [D] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SNC ARCOS n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28.10.2014.

A la demande du président, les parties ont été autorisées à produire en cours de délibéré un extrait récent du R.C.S. concernant la SNC ARCOS et une copie de l'acte d'appel interjeté par la SCI 2 BVD DEBEAUX et la compagnie AGF IARD venant aux droits de la société PFA.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les conventions passées et les divers intervenants :

La S.C.I. [Adresse 2], constituée pour l'opération de construction, ayant pour associé et gérant la société URBAT était le maître de l'ouvrage. Elle a confié la maîtrise d'oeuvre d'exécution à la SNC ARCOS et l'exécution des travaux à diverses entreprises par corps d'états séparés.

La SNC ARCOS, dont il n'est pas contesté qu'elle avait, comme le maître de l'ouvrage, la société URBAT en qualité d'associé et dirigeant, avait plusieurs missions :

- la maîtrise d'oeuvre d'exécution, comprenant la direction des travaux et leur pilotage,

- l'établissement des métrés, moyennant une rémunération de 1,186% HT du montant HT du décompte définitif,

- les études de béton armé pour le lot gros oeuvre, moyennant une rémunération de 2,372% HT du montant HT du décompte définitif, prélevée sur le montant des trois premières situations de travaux du lot maçonnerie béton armé, (cahier des charges particulières, annexe 4 du rapport d'expertise).

La SNC ARCOS était assurée auprès de la compagnie d'assurances P.F.A., aux droits de laquelle se trouve actuellement la société anonyme ALLIANZ.

Contrairement à ce qu'ont pu estimer les premiers juges, ces deux sociétés, qui sont des personnes morales distinctes aux objets sociaux différents, et avec des missions différentes sur le chantier, ne doivent pas être purement et simplement confondues en vue d'une éventuelle responsabilité commune, au motif qu'elles ont un associé et un dirigeant commun.

La SNC ARCOS fut placée en redressement judiciaire par jugement du 14.2.1996 du tribunal de commerce de Montpellier, puis, le 23.1.1998, fit l'objet de l'adoption d'un plan de continuation, la procédure de redressement judiciaire étant finalement clôturée le 7.1.2000 pour extinction du passif.

Selon mention au R.C.S. du 12.12.2005, la dissolution anticipée de cette société ARCOS fut décidée à effet au 25.1.2005, Maître [B] [D] étant désigné en qualité de liquidateur.

C'est donc à tort que ce dernier fut assigné, non en qualité de liquidateur amiable, mais en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de cette société.

Suivant marché de travaux et acte d'engagement du 2 avril 1990, la S.C.I. [Adresse 2] a confié le lot gros 'uvre à la S.A. TRAVAUX DU MIDI, pour un 'prix global forfaitaire et non révisable' de 7'440'000 Fr. Hors-taxes, soit 8.823.840 Fr T.T.C., avec actualisation du montant initial du marché (hors avenant) entre l'index d'origine BT06 de mars 1990 et celui de mai 1990.

Le même jour, était signé un avenant n° 1, 'en plus', intitulé 'travaux supplémentaires non révisables', portant sur le ' préjudice pour retard de démarrage' d'un montant H.T. de 156.000 Fr H.T, soit 185.016 Fr T.T.C.

Un avenant n°2, 'en plus', intitulé 'travaux supplémentaires non révisables', fut établi le 28.31991 pour un montant H.T. de 14750 Fr, soit 17493 Fr T.T.C.

En vertu d'une convention d'étude béton armé du 1er mars 1990 conclue entre la société anonyme Travaux du Midi et le bureau d'études techniques ARCOS, ce dernier devait percevoir à titre de rémunération 2 % hors-taxes sur le décompte définitif T.T.C. des travaux.

Le 2 avril 1990, un contrat de pilotage a été également conclu entre la société anonyme travaux du Midi et le bureau d'études techniques ARCOS.

La réception du lot gros 'uvre est intervenue le 19 novembre 1991.

Par lettre recommandée du 8.1.1992, reçue le 10.1.1992, la société anonyme Travaux du Midi a mis en demeure la SCI 2 BVD DEBEAUX d'avoir à lui adresser le procès-verbal de réception et de lui payer :

- pour les quantités en plus value résultant d'erreurs de métré... 1.689.878,22 Fr H.T.

- pour le solde dû sur le marché..................................................... 267.039,00 Fr H.T.

- pour les pénalités indûment infligées.......................................... 119.643,68 Fr H.T.

- pour les intérêts de retard de paiement des situations : .................. 12.422,13 Fr H.T.

- pour les travaux supplémentaires.................................................. 152.761,25 Fr H.T.

- pour l'indemnité correspondant à l'incidence du matériel complémentaire :

......................................................................................................... 270.431,00 Fr H.T.

- pour l'indemnité correspondant à la perte pour main-d'oeuvre complémentaire

.......................................................................................................... 449.160,00 Fr H.T.

Par acte du 25 janvier 1993, la société anonyme Travaux du Midi a fait assigner la SCI 2 BVD DEBEAUX et la SNC ARCOS devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de condamnation in solidum de ces deux sociétés à lui payer :

' 2'985'221,56 francs TTC au titre des erreurs de métré initial et des quantités supplémentaires d'acier mis en 'uvre

' 320'731,16 francs TTC pour le matériel complémentaire utilisé,

' 469'160 Fr pour la main-d''uvre supplémentaire payée.

Elle a en outre sollicité la condamnation du seul maître de l'ouvrage à lui payer :

' 12'422,13 francs à titre d'agios pour le retard dans le règlement des situations de travaux,

' 141'897,40 francs TTC au titre des pénalités de retard indûment retenues,

' 181'174,84 francs TTC au titre des travaux supplémentaires non réglés.

Sur les sommes réclamées par l'entreprise :

En application de l'article 1793 du code civil :

' Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire '.

En conséquence, le caractère global du prix exclut l'application de prix unitaires aux quantités réellement exécutées, le prix devenant définitif.

C'est donc à l'entrepreneur, tenu d'une obligation de conseil et devant exécuter de bonne foi son contrat, qu'il appartient de supporter l'erreur commise dans l'établissement de ses devis.

Néanmoins, il a été considéré qu'il pouvait être fait droit à une demande en paiement de travaux supplémentaires, lorsque les modifications demandées par le maître de l'ouvrage avaient entraîné un bouleversement de l'économie du contrat, et, lorsque le maître de l'ouvrage, à défaut d'une autorisation écrite préalable aux travaux, avait accepté ces travaux, une fois effectués, de façon expresse et non équivoque.

En l'espèce, le caractère global et forfaitaire du marché résulte clairement de la lecture du marché conclu et de celle des deux avenants, portant sur des postes bien précis, et il n'est nullement démontré par l'entreprise, qu'il y eut, à la demande du maître de l'ouvrage, un bouleversement de l'économie du contrat.

En outre, figurait au C.C.P. dûment signé par l'entreprise, la clause suivante :

' Les entreprises sont supposées avoir contrôlé les quantitatifs qui leur ont été remis au moment de l'appel d'offres et ne pourront présenter aucune réclamation après la signature des marchés'.

Alors qu'il n'est pas contesté que l'entrepreneur est un professionnel de la construction, avant d'établir son devis et de conclure un tel marché à prix global et forfaitaire, il lui appartenait d'apprécier les données figurant sur le métré fourni par le bureau d'études, et, en raison du chiffrage y figurant, sous-évalué pour les quantités de béton et de fers, de formuler toutes remarques utiles auprès du maître de l'ouvrage, voire de refuser de conclure avec lui un marché de travaux global et forfaitaire pour des sommes sous-évaluées, ce qui ne pouvait lui échapper.

Ne l'ayant pas fait, il doit en supporter les conséquences, sauf à rapporter la preuve de fautes spécifiques du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre.

Par contre, alors que ne figure sur le marché aucun délai d'exécution contractuel, que les plannings de travaux opposés à l'entreprise (annexes 9 du rapport), ne furent que la reprise avec compléments des plannings établis par l'entreprise elle-même, le maître de l'ouvrage n'est pas fondé à imputer sur les situations de travaux des pénalités pour retard de travaux, étant précisé en outre que l'entreprise chargée des terrassements a provoqué des retards dans le déroulement du chantier.

Compte tenu des recherches expertales, des pièces produites et notamment des courriers échangés entre les parties, il n'est pas démontré par l'entreprise que le maître de l'ouvrage a commis d'autres fautes que celle de lui régler tardivement ses situations de travaux au-delà du délai contractuel, et surtout, le solde lui restant dû au titre des travaux convenus.

S'il n'est pas contesté que l'organisation du chantier a connu des vicissitudes, qu'il y eut arrêt momentané avant réalisation de la seconde tranche, compte tenu des seuls éléments fournis par l'entreprise, purement et simplement repris par l'expert commis, de la lecture des procès-verbaux de chantier produits, il n'est pas démontré qu'il en est résulté pour l'entreprise un préjudice spécifique qui justifierait de faire droit à ses demandes d'indemnisation, l'expert précisant que les surcoûts présentés sont 'invérifiables puisqu'ils résultent de la comparaison entre les frais engagés et les prévisions établies ' et que ' cette dernière donnée est interne à l'entreprise' (page 21 du rapport).

L'entrepreneur doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre du'préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer la seconde tranche'.

Alors qu'il a accepté de souscrire aux conditions précédemment rappelées, notamment en signant plusieurs contrats aux incidences financières significatives mais également un marché global et forfaitaire, que les erreurs de métrés, qui doivent être appréciés dans ce contexte, ne représentent pas une augmentation considérable du volume et du coût des travaux par rapport au montant du marché, qu'il est un professionnel de la construction, l'entrepreneur ne rapporte pas la preuve d'un comportement du bureau d'études tel qu'il justifierait de le condamner avec le maître de l'ouvrage à lui régler diverses sommes, soit à titre de travaux supplémentaires, soit au titre d'erreurs de métrés.

Par contre, compte tenu des différentes pièces produites : contrats, factures, courriers divers et des recherches de l'expert [Q], dont le sérieux, la compétence et l'impartialité ne sont pas contestés par les parties, l'entreprise justifie être créancière du seul maître de l'ouvrage pour les sommes suivantes :

1°/ au titre des travaux effectivement réalisés après actualisation du marché initial :

le montant des travaux dont l'entreprise est fondée à solliciter le règlement correspond à :

marché initial H.T. ..................................................................................7.440.000,00 Fr

actualisation H.T. ........................................................................................ 52.500,00 Fr

avenant n°1 H.T........................................................................................ 156.000,00 Fr

avenant n°2 H.T......................................................................................... 14.750,00 Fr

total H.T................................................................................................ 7.663.250,00 Fr

à déduire :

retenues contractuelles (pilotage, B.E. métrés, page 19 du rapport d'expertise) 6.405% du marché total ...................................................................................... 490.831,16 Fr

solde H.T...............................................................................................7.172.418,84 Fr

soit TTC avec une TVA alors de 18,60%..............................................8.506.488,74 Fr

Les règlements s'étant élevés selon l'expert commis à ........................ 8.395.402,31Fr

le solde du à l'entreprise est de :

8.506.488,74 Fr - 8.395.402,31Fr = .........................................................111.086,43 Fr

ce qui correspond à .................................................................................... 16 934,95€

2°/ au titre du compte prorata :

Au titre du compte prorata, il reste dû à l'entreprise une somme T.T.C de 64.666,83 Fr.

(page 20 et annexe 11 du rapport d'expertise), ce qui correspond à .............9 858,26€

3°/ au titre du retard de paiement des situations de travaux :

Alors que le paiement des situations de travaux devait intervenir dans les 40 jours (article VII du marché de travaux) tel ne fut pas le cas, comme le précise l'expert pour les situations 1 à 4 et 12 à 14 (retards respectifs de 115, 84 et 53 jours pour ces 3 dernières, page 13 du rapport d'expertise), soit pour ces 3 dernières situations, sur la base d'un intérêt de 17%, une somme correspondant à un total de 12.422,13 Fr (page 19).

Et l'attente d'un arrêt d'appel devant intervenir après une décision assortie de l'exécution provisoire ne peut justifier le retard de règlement de sommes incontestablement dues en application du contrat, étant précisé au surplus que le maître de l'ouvrage n'est pas fondé à se retrancher derrière l'attitude du maître d'oeuvre, s'agissant d'une obligation pesant sur lui, alors au surplus qu'il ne conteste pas dans ses écritures la réalité des retards, qualifiés selon lui d' 'infimes' ou ' très raisonnables' (page 16 de ses dernières conclusions ).

Compte tenu des retards subis par l'entreprise qui n'a pu obtenir le règlement de plusieurs situations de travaux dans les délais contractuellement fixés, de leur durée : 4 à 115 jours, des calculs opérés par l'expert, elle est fondée à être indemnisée pour ces retards par l'allocation d'une indemnité que la cour fixe à 1893,72€ .

Le jugement déféré doit donc être partiellement confirmé en ce que les premiers juges ont déclaré la S.C.I. [Adresse 2] débitrice de la S.A. les TRAVAUX du MIDI au titre d'un solde de travaux, de l'actualisation, du compte prorata, d'une indemnité pour retards de paiement de situations de travaux, mais réformé pour le surplus.

Compte tenu de la date de réclamation de l'entreprise, la S.C.I. [Adresse 2] doit être condamnée à payer lesdites sommes à la S.A. les TRAVAUX du MIDI avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25.1.1993.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Si, en première instance , l'équité commandait d'allouer à la S.A. les TRAVAUX du MIDI une indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, qu'il convient cependant de fixer à 4000€ et de mettre à la charge de la seule S.C.I. [Adresse 2], tel n'est pas le cas en appel.

Et l'équité ne commande nullement d'allouer aux autres parties la moindre somme sur le même fondement.

Compte tenu des circonstances de la cause, alors que la SC.I. [Adresse 2] succombe partiellement, qu'il en est de même pour la S.A. les TRAVAUX du MIDI, il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié par chacune de ces parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Par arrêt réputé contradictoire,

Sur renvoi après cassation,

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont :

1°/ déclaré recevable l'action directe de la S.A. les TRAVAUX du MIDI contre l'assureur de la SNC ARCOS : P.F.A. devenu les AGF et actuellement la S.A. ALLIANZ,

2°/ déclaré la S.C.I. [Adresse 2] débitrice de la S.A. les TRAVAUX du MIDI au titre d'un solde de travaux, de l'actualisation, du compte prorata, d'une indemnité pour retards de paiement de situations de travaux et d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

3°/ débouté la S.C.I. [Adresse 2] et les AGF, actuellement la S.A. ALLIANZ, de leurs demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

LE REFORME pour le surplus,

ET STATUANT À NOUVEAU

CONDAMNE la S.C.I. [Adresse 2] à payer à la S.A. les TRAVAUX du MIDI:

1°/ 16934,95€ au titre du solde de travaux,

2°/ 9858,26€ au titre du compte prorata,

3°/ 1893,72€ à titre d'indemnité pour retard de paiement de situations de travaux,

DIT que lesdites sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 25.1.1993,

CONDAMNE la S.C.I. [Adresse 2] à payer à la S.A. les TRAVAUX du MIDI 4000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la S.A. les TRAVAUX du MIDI de ses autres demandes notamment pour travaux supplémentaires, pour les coûts supplémentaires de béton et de fers, en dommages et intérêts pour préjudice résultant de la scission du chantier en deux tranches et du refus du maître de l'ouvrage de démarrer la seconde tranche et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE la S.C.I. [Adresse 2] , la S.A. ALLIANZ et la S.A. les TRAVAUX du MIDI de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment le coût de l'expertise de [P] [Q] et les partage par moitié entre la S.C.I. [Adresse 2] et la S.A. les TRAVAUX du MIDI,

EN ORDONNE la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/11535
Date de la décision : 08/01/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°13/11535 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-01-08;13.11535 ?
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