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11/12/2014 | FRANCE | N°13/07853

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 11 décembre 2014, 13/07853


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2014



N° 2014/592













Rôle N° 13/07853







[F] [S]

Société GMF





C/



[J] [Q] [U]

Organisme CPAM DE CORSE DU SUD





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Fraançois

Me Venzoni
















r>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Mars 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02556.





APPELANTS



Monsieur [F] [S]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 6] (Italie), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me André FRANCOIS, avocat au barreau d'AIX-EN-...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 DECEMBRE 2014

N° 2014/592

Rôle N° 13/07853

[F] [S]

Société GMF

C/

[J] [Q] [U]

Organisme CPAM DE CORSE DU SUD

Grosse délivrée

le :

à :

Me Fraançois

Me Venzoni

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 25 Mars 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/02556.

APPELANTS

Monsieur [F] [S]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 6] (Italie), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me André FRANCOIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société GMF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège,[Adresse 3]

représentée par Me André FRANCOIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [J] [Q] [U]

né le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 2] (MAROC), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sandrine VENZONI de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN GIRAUD VENZONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Marie-Dominique BOLELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

CPAM DE CORSE DU SUD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, [Adresse 4]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2014. Le 09 Octobre 2014 le délibéré a été prorogé au 23 Octobre 2014. Le 23 Octobre 2014 le délibéré a été prorogé au 06 Novembre 2014. Le 06 Novembre 2014 le délibéré a été prorogé au 20 Novembre 2014. Le 20 Novembre 2014 le délibéré a été prorogé au 11 Décembre 2014.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Décembre 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Le 22 août 2000 à [Localité 3]) M. [U] pilotait sa moto lorsqu'il a été heurté par le véhicule automobile conduit par M. [S], assuré auprès de la GMF, qui a débouché d'une voie perpendiculaire située à sa droite, non prioritaire sur laquelle était implanté un panneau de signalisation 'Stop',et lui a coupé la route.

Il a été gravement blessé dans cet accident du travail.

Il a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 27 février 2001, lui a alloué une provision de 22 867,35 € (150.000 F) et a prescrit une expertise médicale confiée au docteur [K] qui a déposé son rapport de non consolidation le 24 janvier 2005.

Il a obtenu de cette même juridiction par ordonnance du 20 août 2002 une nouvelle provision de 1.000 €.

Par acte du 29 mars 2010 il a fait assigner M. [S] et la GMF devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence pour obtenir la réparation intégrale des préjudices subis et a appelé en cause la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de Haute Corse en sa qualité de tiers payeur.

Par jugement du 17 mars 2011, assorti de l'exécution provisoire, cette juridiction a

- dit entier le droit à indemnisation de M. [U]

- ordonné une expertise médicale confiée au docteur [G]

- ordonné une expertise financière confiée à M. [I]

- condamné in solidum M. [S] et la GMF à payer à M. [U] la somme de 70.000 € à titre de provision complémentaire à valoir sur le montant de son préjudice corporel outre une somme de 4.000 € au titre de frais irrépétibles.

Les experts ont déposé leur rapport respectivement le 15 novembre 2011 et le 26 juillet 2012.

Par jugement du 25 mars 2013 le tribunal a

- déclaré le jugement commun à la Cpam de Corse du Sud

- fixé à la somme de 561.654,55 € le montant des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de M. [U], dont il convient de déduire les provision versées

- condamné in solidum M. [S] et la GMF à payer à M. [U] les sommes de

* 467.787,20 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice corporel avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement

* 3.500 € à titre d'indemnité pour frais de défense par application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la GMF à payer à M. [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 561.654,55 € pour la période du 2 août 2005 au 14 février 2011 avant déduction des prestations versées par les organismes sociaux, et jusqu'à ce que le présent jugement soit définitif

- ordonné l'exécution provisoire pour moitié

- condamné in solidum M. [S] et la GMF aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il a détaillé comme suit les différents chefs de dommage :

* dépenses de santé actuelles prises en charge par l'organisme social : 46.203,12 €

* frais d'assistance de tierce personne avant consolidation : 17.556 € à raison d'une heure par jour du 1er décembre 2000 au 3 décembre 2004 sur la base de 12 € de l'heure

* pertes de gains professionnels actuels : 280.147 € dont à déduire 146.135,24 € d'indemnités journalières

* dépenses de santé futures : 16.000 € dont à déduire 8.439,37 € pris en charge par l'organisme social

* perte de gains professionnels futurs : 313.106 € dont à déduire 239.991,39 € au titre de la rente accident du travail

* incidence professionnelle : 70.000 €

* frais d'adaptation de son véhicule à son handicap : 6.000 €

* frais d'adaptation de son logement à son handicap : 8.890 €

* frais d'assistance de tierce personne après consolidation :104.340,30 € soit 1 heure par jour à titre viager à 20 € de l'heure après capitalisation

* déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 21.081,25 €

* souffrances endurées : 25.000 €

* préjudice esthétique temporaire : 1.000 €

* déficit fonctionnel permanent : 56.100 €

* préjudice esthétique : 10.000 €

* préjudice sexuel : 8.000 €

* préjudice d'agrément : 20.000 €.

Par acte du 16 avril 2013, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [S] et la GMF ont interjeté appel général de la décision et par voie de conclusions M. [U] a formé appel incident.

MOYENS DES PARTIES

M. [S] et la GMF demandent dans leurs conclusions du 4 octobre 2013 de

- infirmer le jugement

- dire n'y avoir lieu à indemnisation au titre des pertes de gains professionnels actuels et des pertes de gains professionnels futurs

- réduire à de plus justes proportions l'incidence professionnelle

- réduire à de plus justes proportions l'évaluation de la tierce personne

- dire n'y avoir lieu à application des dispositions des articles L 211-9 et suivants du code des assurances et en conséquence dire n'y avoir à application des intérêts au double du taux légal

- dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Ils ne contestent pas le principe d'une assistance de tierce personne tant avant qu'après consolidation, une heure par jour, sept jours sur sept mais estiment que le coût horaire a été surévalué par le tribunal, s'agissant d'une aide ponctuelle et non médicalisée et qu'elle doit être indemnisée sur la base de 12 € de l'heure soit 52.968 € du 1er décembre 2000 jusqu'au 31 décembre 2012 au titre du préjudice échu et de 4.380 € par an à capitaliser selon l'euro de rente viager à 77 ans soit un indice de 8,061 selon le barème de la Gazette du Palais de novembre 2004 soit la somme de 35.307,18 €.

Ils refusent toute indemnisation pour les pertes de gains professionnels actuels tant au titre de son activité salariée que de son activité de travailleur indépendant.

Ils font valoir que M. [U] n'a communiqué à l'appui de ses prétentions aucune pièce officielle permettant d'avoir connaissance de revenus licites avant l'accident puisqu'il n'a communiqué ni extrait de rôle relatif à ses revenus, ni documents comptables crédibles et officiels, notamment des bulletins de salaire susceptibles d'authentification, ni relevé de carrière, ni pièce relative à sa situation salariale (maintien du contrat, licenciement etc) alors que son passé professionnel est demeuré un mystère total et rappellent que le dommage ne peut être calculé qu'en fonction du différentiel entre les rémunérations avant et après l'accident.

Ils dénient toute valeur probante au contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er juillet 1999 avec la société Kalliste Organisation (KO) créée le 28 avril 1999 au capital de 7.622,45 € dont il était associé et les bulletins de salaire émis par cette société pour la période de juillet 1999 à août 2000 faisant apparaître un salaire brut mensuel de 10.306 € soit 7.729,16 € par mois, notamment quant au caractère effectif du travail allégué puisqu'aucun avis d'imposition pour les années précédant l'accident n'a été communiqué ni relevé de carrière CNAV ni comptes de la société employeur, laquelle a été radiée du registre du commerce en août 2004 sans qu'aucune indication n'ait été produite sur le sort réservé à son contrat de travail.

Ils soulignent que l'explication donnée par cette victime de ce qu'il n'aurait pas conservé les pièces justificatives n'est pas crédible dès lors qu'il a engagé une procédure dès 2001, n'a pas ignoré, dès cette date, la nécessité de garder les documents justificatifs de la réalité de son préjudice et, en toute hypothèse, aurait pu effectuer les démarches nécessaires pour avoir communication des documents utiles.

Ils font remarquer que la décision prise par l'organisme tiers payeur d'allouer une rente accident du travail sur la base de ces bulletins de paie ne lui est pas opposable et n'autorise pas cette victime à s'affranchir des règles élémentaires de preuve pesant à l'encontre de tout plaideur.

Ils ajoutent que si des salaires sont versés à M. [U], ils ne sont, en réalité, que la contre partie, sous forme salariale, de sommes convenues dans le cadre d'un protocole d'accord conclu le 18 août 1999 entre lui-même et la société KO aux termes duquel 'les honoraires d'architecte de M. [U] au titre du contrat conclu le 10 août 1999 avec la société du casino Municipal d'Aix Thermal en vue de valoriser la société KO et l'introduire au sein du groupe Partouche générateur d'hôtels et de casino seront versés directement à la Sarl KO, que dans tous les cas de figure l'avant projet sommaire, le permis de construire, l'avant projet détaillé, signés et établis par M. [U] lui seront dus par la Sarl Ko suivant les pourcentages définis dans le contrat soit 32 % de 5.000.000 F HT ou 1.600.000 F, que la Sarl Ko introduite de ce fait au sein du groupe Partouche aura la possibilité de réaliser d'autres opérations avec le groupe tant en travaux qu'en fourniture et matériel en échange de quoi la Sarl KO s'engage à rétribuer l'architecte M. [U] à hauteur de 5 % du chiffre d'affaire réalisé avec le groupe Partouche'.

Ils en déduisent que la somme de 243.918,43 € (1.600.000 F) due dès avant l'accident à M. [U] par la Sarl KO n'est pas un salaire, même si elle est traitée comme telle de sorte que le tiers responsable de l'accident ne saurait être considéré comme concerné par cet aspect de la rémunération de M. [U] et soutiennent qu'en toute hypothèse M. [U] ne rapporte pas la preuve qu'il aurait travaillé de manière effective au-delà de l'âge théorique d'admission à la retraite, soit 65 ans, soit 2 mois après l'accident.

Ils font valoir concernant l'activité de travailleur indépendant que, suivant attestation communiquée en première instance M. [U] aurait entre les années 1998 et 2000 travaillé sur deux projets : la rénovation d'un château et le projet du Casino d'[Localité 1], qu'aux termes du protocole susvisé M. [U] a été rempli de ses droits au titre du travail accompli pour le casino d'Aix, que pour le surplus il a cédé le bénéfice de son contrat à la Sarl KO soit bien avant l'accident, et que seules d'autres réalisations mises en oeuvre par la société KO et non par un tiers étaient susceptibles de générer une rétrocession de chiffre d'affaires et en déduisent que l'intéressé avait l'intention d'arrêter son activité, seule explication plausible à la signature du protocole d'accord, que le cabinet [X], architecte, a pris la suite non de M. [U] mais de la Sarl KO qui n'est pas dans la procédure.

En ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs, ils prétendent qu'au titre de revenus salariaux M. [U] ne démontre pas qu'au delà de la date de consolidation du 3 décembre 2004 il aurait continué une activité professionnelle alors qu'il était âgé de 69 ans, d'autant qu'à cette date la société KO n'avait aucune activité et qu'au titre de son activité de travailleur indépendant aucune projection ne peut être raisonnablement établie.

Ils offrent la somme de 15.000 € au titre d'une incidence professionnelle dans la mesure où au moment de l'accident M. [U] n'avait pas dépassé l'âge de la retraite bien qu'il en était très proche, l'accident ayant entraîné un accroissement de la pénibilité du travail et une dévalorisation sur le marché de l'emploi.

Ils sollicitent la confirmation des autres chefs de dommage alloués par le premier juge.

La GMF s'oppose à tout doublement des intérêts légaux au motif qu'elle a formulé une offre d'indemnisation le 5 août 2005 réitérée par voie de conclusion le 31 décembre 2010, étant dans l'impossibilité de formuler une offre précise d'évaluation de pertes de gains en l'absence de communication de documents justificatifs quant à ses ressources, de sorte que cette carence ne saurait être considérée comme fautive.

M. [U] demande dans ses conclusions du 4 septembre 2013 de

sur l'appel principal

- débouter M. [S] et la GMF de toutes leurs demandes tendant à lui dénier toute indemnisation au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs et voir réduire le montant des indemnisations au titre des préjudices corporel et économique

sur son appel incident

- entériner partiellement les rapports d'expertise [G] et [I]

- dire y avoir lieu de liquider son préjudice corporel en

* confirmant les dispositions relatives aux dépenses de santé actuelles, au coût de l'aménagement du véhicule, au déficit fonctionnel temporaire, aux dépense de santé futures au doublement du taux d'intérêt légal à compter du 3 août 2005 jusqu'à la décision d'indemnisation

* réformant les dispositions relatives aux autres chefs de dommage

- lui accorder les montants suivants :

* 16.000 € + 5.844,70 € = 21.844,70 € au titre des frais d'adaptation de son logement

* 21.945 € et 116.701,85 € au titre des frais d'assistance de tierce personne respectivement avant et après la consolidation

* 492.821 € dont 346.685,76 € lui revenant au titre des pertes de gains professionnels actuels et subsidiairement 367.741 € dont 221.605,76 € lui revenant

* 1.215.243,63 € dont 975.252,24 € lui revenant au titre de la perte de gains professionnels futurs et subsidiairement 828.056 € dont 588.064,21 € lui revenant

* incidence professionnelle : 500.000 €

* souffrances endurées : 40.000 €

* déficit fonctionnel permanent : 66.000 €

* préjudice esthétique : 30.000 €

* préjudice sexuel : 30.000 €

* préjudice d'agrément : 20.000 €.

- condamner M. [S] et la GMF à lui payer une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

M. [U] chiffre le coût horaire de son besoin en tierce personne à 15 € de l'heure avant consolidation et à 18 € de l'heure après consolidation jusqu'au jugement et à 21,11 € au -delà à capitaliser selon le barème de la Gazette du Palais de novembre 2004.

Il accepte l'indemnité de 8.890 € allouée au titre du monte escalier mais réclame également la prise en charge d'une baignoire à porte latérale sur la base du coût de cet équipement soit 5.844,70 €.

Il fait valoir au sujet de son préjudice professionnel que l'accident est intervenu à un moment crucial de sa carrière d'architecte, qu'il exerçait à titre libéral en ce qui concerne la conception des projets et en qualité de salarié de la Sarl KO (fondée avec trois autres membres) en ce qui concerne le suivi des chantiers, qu'en août 2000 il travaillait notamment sur le projet de construction du plus grand casino d'Europe, celui d'[Localité 1] par le groupe Partouche suivant contrat signé à son bénéfice pour un montant de 5 millions de francs HT dont il avait cédé le bénéfice à la Sarl KO qui devait, outre son salaire s'environ 9.000 €, lui rétrocéder 32 % des honoraires perçus au titre du chantier soit 243.840 € HT suivant protocole d'accord du 18/08/1999 tout à fait légal qui ne recèle aucune ambiguïté et lui avait été conseillé par son comptable de l'époque afin de mieux gérer administrativement son activité en s'appuyant sur une structure sociale, qu'en raison de l'accident il a du interrompre toutes ses activités de sorte que le cabinet [X] a pris la suite du projet Partouche et a donc perçu les honoraires de continuation du chantier.

Il précise qu'il s'est vu attribuer par la Cpam une rente invalidité fixée à partir de ses revenus salariaux à hauteur de 112.072 € annuels soit une rente annuelle de 32.586,36 € en 2002, revalorisable tous les ans actuellement estimés à 36.000 € annuels, non imposable puisque résultant d'un accident du travail, qui ne couvre pas l'intégralité des salaires qu'il aurait continué de percevoir et encore moins les revenus libéraux qu'il aurait pu légitimement escompter sans l'accident et affirme qu'après avoir tenté de reprendre en 2008 une activité sans y parvenir il a repris une activité partielle fin 2009 qui lui a procuré dès 2010 des revenus de 36.500 € et pour 2011 de 50.000 €.

Il indique justifier de ses revenus salariés par la production de ses bulletins de salaires et de son contrat de travail confirmés, si besoin était, par la rente allouée par l'organisme social ainsi que de ses honoraires perçus en libéral par la production du marché du Casino d'Aix, du protocole avec la société KO, de l'attestation du groupe Partouche, du cabinet [X] et des chiffres d'affaires de ce cabinet, tous éléments concordants qui établissent la réalité de cette perte des revenus escomptés du chantier d'Aix et du partenariat Partouche.

Il souligne que selon le tableau dressé par l'expert à la page 13 de son rapport, le total des pertes de gains actuels en libéral nettes d'impôts s'élèverait sur 4 ans entre 2000 et 2004 à 87.594 € ce qui, augmentés de ses pertes salariales de 280.147 € donne un montant total de 367.741 € nets et ses pertes de gains professionnels futurs sur 4 ans entre 2004 et 2009 à 515.400 € outre 313.106 € de pertes salariales soit un total de 828.506 € et entend voir porter ces sommes à respectivement 492.821 € pour les pertes de gains professionnels actuels (353.417 € de salaires et 139.404 € d'honoraires) et 1.215.243,63 € pour les pertes de gains professionnels futurs (394.995,64 € de salaires et 820.247,99 € d'honoraires) sur la base d'un taux d'imposition sur le revenu calculé sur 2,5 parts et non sur une part comme l'a fait l'expert dont devront être déduits pour les PGPA les indemnités journalières (69.841,82 €) et les arrérages de la rente versée par la Cpam (76.293,42 €) soit un solde pour la victime de 346.685,76 € et pour les PGPF les arrérages de rente servis du 3/12/2004 au 1/01/2005 (3.024,03 €) et le capital représentatif (236.967,36 €)

soit un solde pour la victime de 975.252,24 €.

Il soutient subir également une incidence professionnelle puisque l'amputation de sa jambe le handicape fortement, lui interdit les visites de chantier et ne lui permet plus d'assumer seul une maîtrise d'oeuvre complète, ce qui constitue un élément de dévalorisation certain, raison pour laquelle il a choisi en 2012 de créer une société Colonna Studio dans laquelle il est associé à 51 % et chiffre son préjudice de ce chef pour dix années à venir à 500.000 €.

La Cpam de la région Corse assignée par les appelants par acte d'huissier du 8/07/2013 délivré à personne habilitée contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par courrier du 26 juin 2014 elle a indiqué qu'elle 'avait réclamé à ses services d'archivage le dossier en vue d'établir le décompte définitif.'

Par nouvelle lettre du 28 août 2014 elle a fait connaître le montant de sa créance définitive d'un montant de 769.539,99 € composée de frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques à hauteur de 46.203,12 €, d'indemnités journalières du 5/09/2000 au 31/07/2002 à hauteur de 70.044,79 €, de frais futurs à hauteur de 8.439,37 €, d'une rente accident du travail au taux de 70 % d'un montant de 659.852,67 € composée d'arrérages échus du 1/08/2002 au 31/12/2013 ( 410.046,35 €) et d'un capital représentatif au 1er janvier 2014 (249.806,32 €).

Ce document actualisé a été transmis le 9 septembre 2014 à chacun des avocats des parties avec invitation à présenter leurs observations ; seul l'avocat des appelants a fait des remarques et noté que le montant des dépenses de santé futures étaient inférieures au chiffre retenu par le tribunal.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par M. [U] a été irrévocablement admis par le précédent jugement du 17 mars 2011 ; seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce dommage, à l'exception des postes de dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, frais de véhicule adapté, déficit fonctionnel temporaire dont les montants, tels que fixés par le premier juge, sont acceptés par toutes les parties.

Sur le préjudice corporel de M. [U]

L'expert [G] indique dans son rapport que M. [U] M. [E] a présenté un fracas ouvert du pied droit avec fracture des 5 métatarsiens, une luxation au niveau du Lisfranc, une énucléation du cuboïde, une fracture de la première phalange du 5ème orteil, lésions qui ont évolué vers une nécrose cutanée contraignant à une amputation de jambe suivie d'une appareillage prothétique.

Il conclut à

- une incapacité de travail complète du 22 août 2000 au 1er septembre 2009

- un déficit fonctionnel temporaire total du 22 août 2000 au 22 décembre 2000

- un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 23 décembre 2000 au 2 décembre 2004 avec prise en compte durant cette période d'un déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % les 6 juillet, 1er août, 20 août, 19 septembre, 12 décembre 2002, les 21 février, 7 mars, 8 décembre 2003, 9 juillet, 28 juillet, 16 août, 12 octobre, 28 octobre, 10 novembre, 3 décembre 2004

- des souffrances endurées de 4,5/7

- un préjudice esthétique temporaire de 3,5/7

- une date de consolidation au 3 décembre 2004

- des dépenses de santé futures : renouvellement d'appareillage et prothèse de bain

- frais de logement : un monte escalier

- un véhicule adapté avec pédale inversée

- tierce personne : 1 heure par jour, 7 jours sur 7

- une incapacité permanente partielle de 33 %

- une incidence professionnelle : la victime ne peut plus se déplacer sur les chantiers

- un dommage esthétique de 3,5/7

- une incidence professionnelle

- un préjudice d'agrément pour toutes les activités indiquées par le blessé : pratique du trial, du VTT, du tennis, du triple saut, de la batterie de jazz

- un préjudice sexuel.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (né le [Date naissance 2] 1935), de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale ; il doit être également tenu compte de ce que, conformément aux articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L 454-1 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles46.203,12 €

Ce poste correspond aux frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, appareillage pris en charge par la Cpam soit la somme de 46.203,12 €, chiffre retenu par le tribunal et non critiqué par aucune partie.

Le décompte actualisé daté du 28 août 2014 mentionne, certes, un montant de 31.203,16 € mais il est affecté de deux erreurs matérielles ; son examen comparatif avec le décompte précédent du 15 juin 2005 versé aux débats qui avait l'avantage d'être détaillé révèle que les frais d'hospitalisation du 22/08/200 au 18/09/200 ne se sont pas élevés à 8.053 € mais à 18.053 € et ceux du 2/07/2002 au 16/08/2004 n'étaient pas de 1.603,49 € mais de 6.603,49 € (7 x 342,42 € + 9 x 467,39 €).

- Perte de gains professionnels actuels 380.441,16 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Au moment de l'accident M. [U], architecte, était chargé par la société du Casino municipal d'Aix Thermal de la réalisation de la maîtrise d'oeuvre de l'opération dite [Localité 5] Casino d'[Localité 1] suivant contrat du 10 août 1999 signé des deux parties, versé aux débats, lui confiant une mission complète moyennant des honoraires forfaitaires de 762.245,09 € ( 5.000.000 F HT).

Suivant protocole d'accord du 18 août 1999 il a cependant cédé ces honoraires à la société KO désignée comme devant les percevoir directement du maître de l'ouvrage avec l'accord de ce dernier, les prestations d'avant projet sommaire et permis de construire et d'avant projet détaillé représentant 32 % de la rémunération soit 243.918,43 € (1.600.000 F) devant être reversés par la Sarl KO à M. [U].

Cette partie d'honoraires affectée à M. [U] a du être effectivement perçue avant l'accident puisqu'elle se rapporte aux premières phases de l'opération ; elle ne peut être prise en considération au titre de sa perte de rémunération professionnelle pour la période d'incapacité consécutive à l'accident, qui est très largement postérieure au protocole, soit du 22 août 2000 au 4 décembre 2004, étant observé qu'aucune précision n'a été donnée sur l'état d'avancement du chantier.

Suivant attestation du 7 juin 2005 M. [X], architecte, indique avoir assuré la poursuite du projet d'[Localité 1] à la suite de l'accident pour un montant d'honoraires de 332.000 € HT (2.180.000 F HT) mais aucune perte de chance de percevoir lui-même ces honoraires ne peut être utilement alléguée par M. [U] dès lors qu'en vertu du protocole sus visé il avait transféré ses droits à la Sarl KO.

A la date de l'accident, M. [U] était également titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er juillet 1999 avec la Sarl KO pour un emploi d'architecte d'opération (surveillance de chantiers) et un salaire de 8.270,46 € par mois [cumul net imposable de 57.893,28 € (379.755 F) au 31/07/2000] comme attesté par les bulletins de paie versés aux débats pour la seule période du 1er juillet 1999 au 31 août 2000, dont la valeur probante n'est pas utilement mise en cause par les appelants qui ne produisent aucune donnée objective à l'appui de leur contestation, étant souligné que ce salaire a été pris en compte par la sécurité sociale pour calculer le montant de la rente accident du travail.

Sa perte de gains professionnels actuels s'établit ainsi pour la période de 50 mois séparant l'accident de la consolidation à la somme de 413.523 € au titre de ses seuls revenus salariaux mais doit être ramenée à 380.441,16 € pour 46 mois dès lors que la société employeur a été radiée du registre du commerce le 6 août 2004 suivant extrait Kbis versé aux débats.

Les dispositions fiscales applicables en matière de revenus sont sans incidence sur les obligations du responsable du dommage et sur le droit à réparation de la victime et n'ont pas à être prises en considération.

Après imputation de la créance de la Cpam au titre des indemnités journalières versées à la victime pour la période du 5/09/200 au 31/07/2002 d'un montant de 70.044,79 € la somme lui revenant au titre de la perte personnelle de gains s'élève à 310.396,37 €.

La rente accident du travail, qu'il s'agisse des arrérages ou du capital représentatif, ne s'impute pas sur le poste 'perte de gains professionnels actuels' qu'elle n'a pas vocation à réparer, mais uniquement sur les postes 'pertes de gains professionnels futurs', 'incidence professionnelle' et, en cas d'absence ou d'insuffisance, sur le poste de 'déficit fonctionnel permanent'.

- [Localité 7] personne 21.900,00 €

La nécessité de la présence auprès de M. [U] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe et son étendue (1 heure par jour) mais est discutée dans son coût.

Quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable et son assureur sont tenus de l'indemniser pour le recours à cette aide humaine désormais indispensable dont le montant ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées, en application du principe de la réparation intégrale.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 15 €, comme demandé.

L'indemnité de tierce personne s'établit, ainsi, pour la période du 1er décembre 2000, date du retour à domicile au 3 décembre 2004, date de la consolidation soit pendant 48 mois à la somme de 21.900 €.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures16.000,00 €

Ce poste évalué par le tribunal à 16.000 € dont 8.439,37 € revenant au tiers payeur et 7.560,63 € revenant à la victime n'est critiqué par aucune partie.

- Perte de gains professionnels futurs/

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [U] qui était âgé de 69 ans à la consolidation en décembre 2004 souhaitait continuer à exercer son métier d'architecte.

Il n'était aucunement inapte à exercer cette activité professionnelle, l'expert soulignant seulement qu'il ne pouvait plus se déplacer sur les chantiers.

Il a d'ailleurs effectivement repris une activité d'architecte en libéral dès 2009, à l'âge de 74 ans.

S'il n'a pas travaillé de fait de 2004 à 2009, aucune inaptitude médicale avérée ne le lui interdisait malgré la mention figurant au rapport [G] 'd'une durée d'incapacité provisoire de travail complète du 22/08/200 au 01/09/2009" ; cet expert note dans le corps du rapport que M. [U] n'a repris une activité professionnelle partielle de bureau qu'à compter du 1er/09/2009 mais il le consolide bien en décembre 2004, ce qui exclut toute incapacité provisoire au-delà de cette date ; et l'expert [K] précisait dès janvier 2005 que sa prothèse était bien supportée et permettait la poursuite de l'activité professionnelle avec gêne notable lors de la surveillance des chantiers.

M. [U] ne saurait, dès lors, prétendre être indemnisé sur la base d'une perte de gains à la fois certaine, déterminée et intégrale.

L'opération du casino d'Aix en cours lors de l'accident était une mission exceptionnelle qui n'avait pas de précédent dans la carrière de cette victime, au vu des rares données qu'il a bien voulu communiquer.

Si M. [X] du cabinet d'architecte [X] indique dans une attestation de juin 2005 avoir achevé le casino d'[Localité 1] et, dans la foulée, avoir été sollicité pour la réalisation de celui de Saint Amand les Eaux et effectuer le casino du Havre pour le même maître de l'ouvrage, rien ne permet de dire que ces nouveaux contrats auraient nécessairement été attribués à la Sarl KO qui, selon les termes du protocole d'accord d'août 1999, aurait reversé à M. [U], non pas 32 % des honoraires comme il le prétend et comme l'a retenu l'expert comptable mais 5 % du chiffre d'affaires correspondant selon les termes clairs et précis de cet acte.

Aucun contrat de partenariat n'avait effectivement été conclu avant l'accident avec le groupe Partouche, maître de l'ouvrage, qui n'avait pas davantage formalisé une quelconque promesse à ce sujet ; aucun document n'est, en tout cas, versé aux débats à ce sujet.

Le protocole d'accord d'août 1999 conclu entre la Sarl KO et M. [U] ne fait état que d'éventualités pour des opérations futures puisqu'il mentionne 'la Sarl KO introduite de ce fait au sein du Groupe Partouche aura la possibilité de réaliser d'autres opérations avec ce groupe tant en travaux qu'en fournitures de matériel, en échange de quoi la Sarl Ko s'engage à rétribuer l'architecte J. [U] à la hauteur de 5 % du chiffre d'affaire HT réalisé avec le groupe Partouche'.

Rien ne permet de dire que les opérations nouvelles réalisées par un tiers, le cabinet [X], auraient nécessairement été attribuées à la Sarl KO ; aucune garantie quelconque n'avait été donnée par la maîtrise d'ouvrage.

De même, le contrat de travail conclu par M. [U] avec la Sarl Ko mentionnait que 'le salaire proposé sera réévalué en fonction des affaires traitées par M. [U]'.

Dans ces circonstances et s'agissant de revenus, de nature libérale ou salarié, hypothétiques, aucune perte certaine de gains professionnels futurs ne peut être admise ; aucune perte de chance à la fois réelle et sérieuse de maintenir le niveau de rémunération qui était le sien avant l'accident ne peut davantage être retenue.

La demande indemnitaire présentée par M. [U] au titre de ce poste doit, dès lors, être rejetée.

- Incidence professionnelle100.000,00 €

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Du fait de son handicap M. [U] a du renoncer au souhait de pouvoir continuer à exercer pleinement son activité professionnelle d'architecte bien au-delà de l'âge normal de la retraite, étant souligné qu'il ne pouvait raisonnablement espérer, en raison de sa date de naissance, poursuivre son métier que durant un nombre limité d'années et dans des conditions moins optimales qu'auparavant, indépendamment de tout accident.

Mais il est certain que, sans l'accident, cette faculté de poursuivre une activité professionnelle rémunératrice se serait effectuée autrement, sans les importantes restrictions liées aux séquelles conservées qui ont induit une pénibilité accrue pour toute tâche et une impossibilité de se déplacer sur les chantiers et amenuisé ses possibilités et perspectives.

L'arrêt mis provisoirement à son activité d'architecte, induit par l'accident, est survenu à une époque où celle-ci aurait pu déboucher sur des opportunités intéressantes notamment avec le groupe Partouche, qu'il n'a pas pu saisir.

Au vu de l'ensemble de ces données, s'agissant d'une victime âgée de 69 ans au jour de la consolidation et de 79 ans à ce jour, l'indemnité pour l'incidence de son invalidité liée à l'accident sur la sphère professionnelle doit être fixée à 100.000,00 €, M. [U] ne justifiant pas d'un dommage supérieur.

La Cpam de la région Corse a réglé une rente accident du travail au taux de 70 % de 659.852,67 € soit 410.046,35 € au titre des arrérages échus pour la période du 01/08/2002 au 31/12/2013 et de 249.806,32 € au titre du capital constitutif qui, en vertu de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale, s'impute sur ce poste de dommage qu'elle a vocation à réparer.

Comme elle est supérieure à l'indemnité allouée le tiers payeur sera désintéressé à hauteur de 100.000 € et aucune somme résiduelle ne revient à la victime pour ce chef de dommage.

- [Localité 7] personne 118.934,51 €

Pour la période postérieure à la consolidation, l'indemnité de tierce personne doit être calculée sur la base de 1 heure par jour.

Au vu des tarifs en vigueur, de la nature de l'aide requise non spécialisée eu égard au handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 18 € et selon une base annuelle de 52 semaines ou 365 jours, comme demandé, dès lors que le tarif retenu est celui appliqué par les organismes prestataires de service où le tiers (et non la victime) a la qualité d'employeur.

Pour la période passée du3 décembre 2004 et jusqu'au prononcé du présent arrêt, 11 décembre 2014, soit 120,5 mois, l'indemnisation s'établit à la somme de 65.973,74 € [365 j x 1 h /12 mois x 120,5 mois x 18 €)

Pour l'avenir, le montant annuel de 6.570 € (365 heures par an x 18 €) de l'aide humaine doit être capitalisé suivant le barème Gazette du Palais de novembre 2004 dont l'application est sollicitée par les deux parties, ce qui donne, selon l'euro de rente viagère de 8,061 pour un homme âgé de 79 ans en décembre 2014, la somme de 52.960,77 €.

L'indemnité globale s'établit ainsi à la somme de 118.934,51 €.

- [Localité 4] de logement adapté8.890,00 €

L'indemnité allouée par le premier juge au titre d'un monte escalier soit 8.890 € n'est critiquée en cause d'appel par aucune partie.

L'équipement supplémentaire sollicité par la victime d'une baignoire à porte latérale d'un coût de 5.844,70 € n'a pas lieu d'être admis ; non retenue par l'expert, sa nécessité n'est pas suffisamment établie au vu de la photographie produite qui parait le destiner à une personne en fauteuil roulant.

- [Localité 4] de véhicule adapté6.000,00 €

Le montant de ce poste de préjudice est accepté par toutes les parties.

Préjudices extra patrimoniaux

Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 21.081,25 €

Ce poste de dommage tel qu'évalué par le tribunal n'est critiqué par aucune partie.

- Souffrances endurées 30.000,00 €

Ce poste est représenté par les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison d'hospitalisations, d' interventions sous anesthésie générale, d'une rééducation en centre spécialisé pendant deux mois et demi puis en hôpital de jour pendant 4 mois puis à nouveau pendant plusieurs mois lors de la mise en place de son appareillage provisoire puis définitif avec nécessité d'un traitement neuroleptique pour des douleurs du membre fantôme avec ses incidences psychologiques; son évaluation portée à 30.000 € assure la réparation intégrale de ce chef de dommage.

Préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 56.100,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il est évalué à 33 % en raison de l'amputation de la jambe droite de 12 cm depuis l'interligne articulaire du genou, un flessum du genou droit de 10 ° et une flexion à 60°, un moignon pas bien matelassé et de forme conique, la suspicion d'un névrome douloureux au tiers postérieur du moignon et justifie pour un homme âgé de 69 ans au jour de la consolidation l'indemnité de 56.100 € accordée par le tribunal.

Sur ce poste s'impute le solde de la rente accident du travail soit 559.852,67 € (659.852,67 € - 100.000 €) qui, en vertu de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale, indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'invalidité et d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, l'organisme de sécurité sociale est tenu au versement de cette prestation tant pour les arrérages à échoir que les arrérages échus, de sorte que la condition de versement effectif et préalable de la prestation est remplie.

Le tiers payeur sera partiellement désintéressé à hauteur de 56.100 € et aucune indemnité résiduelle ne revient à la victime.

- Préjudice esthétique 10.000,00 €

Ce poste de dommage qui cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique est représenté par l'amputation de la jambe et une cicatrice avec anfractuosité à 4 endroits différents, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 10.000 €, comme alloué par le premier juge.

- Préjudice d'agrément 28.000,00 €

Ce chef de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à en raison de l'impossibilité pour la victime de poursuivre la pratique de nombre de ses activités sportives antérieure : moto trial et batterie de jazz notamment ; l'indemnité de 28.000 € accordée en première instance est acceptée par le tiers responsable et son assureur et M. [U] ne justifie pas avoir subi un préjudice supérieur.

- Préjudice sexuel8.000,00 €

L'existence de ce poste de dommage est retenu par l'expert et est admis par les deux parties qui sont uniquement en désaccord sur son évaluation ; décrit comme une gêne dans ses activités sexuelles à cause de son handicap physique il doit être indemnisé à hauteur de 8.000 €.

Le préjudice corporel subi par M. [U] s'établit ainsi à la somme de 851.550,04 € soit après imputation de la créance de la Cpam de 280.787,28 €, une indemnité de 570.762,76 € lui revenant, sauf à déduire les provisions versées.

Sur les intérêts

En vertu de l'article L 211-9 du Code des Assurances, l'assureur est tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, laquelle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

La GMF a présenté le 5 août 2005 une offre au vu des conclusions du rapport d'expertise de non consolidation déposé le 24 janvier 2005 par le docteur [K] qui a évalué les différents chefs de dommage prévisibles tout en indiquant qu'un nouvel examen était souhaitable trois mois après la mise en place de la prothèse définitive et elle l'a réitérée par voie de conclusions du 13 janvier 2011.

Mais cette offre ne répondait pas aux exigences légales comme devant comporter tous les éléments indemnisables du préjudice au sens des articles L 211-9 et suivants puisqu'elle ne contenait aucun élément chiffré pour la perte de gains professionnels actuels.

Cet assureur a eu connaissance de la date de la consolidation de la victime à réception du rapport d'expertise de consolidation du 15 novembre 2011 qui porte mention de cet envoi aux représentants des parties ; il devait donc présenter une offre définitive à M. [U] dans le délai requis soit avant le 17 avril 2012 ; il ne justifie pas y avoir procédé par lettre spécifique mais par voie de conclusions du 29 novembre 2012 seulement alors qu'il ne justifie lui-même aucun cas de suspension ou de prorogation limitativement énumérés aux articles R 211-29 à R 211-34 du code des assurances et du respect des modalités qui y sont prévues.

Mais cette offre, outre sa tardiveté, ne peut être considérée comme valable pour être incomplète en ce qui concerne les postes de préjudices patrimoniaux et manifestement insuffisante notamment sur les postes relatifs au retentissement professionnel puisqu'elle se limite à une somme de 15.000 € au titre d'une incidence professionnelle à l'exclusion de toute somme au titre des pertes de gains professionnels actuels ou futurs, ce qui la fait assimiler à une absence d'offre alors que le rapport d'expertise comptable de M. [I] est en date du 26 juillet 2012.

Aucune des conclusions ultérieures déposées dans le cadre de l'action judiciaire en réparation ne contient davantage de nouvelle proposition, la GMF se refusant à toute indemnisation complémentaire au titre d'un retentissement professionnel, alors qu'elle a été accordée par le présent arrêt pour une somme totale de 480.441,16 €.

Chacun des délais d'offre provisionnelle et définitive étant sanctionnés et la pénalité jouant de plein droit, celle-ci s'applique à compter du 3 août 2005, point de départ demandé par M. [U], et jusqu'au jour du présent arrêt et elle a pour assiette la totalité de l'indemnité allouée à cette victime avant imputation de la créance des organismes sociaux et avant déduction des provisions versées soit la somme de 851.550,04 €.

Le jugement sera donc infirmé sur l'assiette de la pénalité.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées.

M. [S] et la GMF qui succombent et qui restent tenus à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [U] une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement

hormis sur le montant de l'indemnisation du préjudice corporel de la victime et des sommes lui revenant et sur l'assiette de la pénalité de l'article L 211-13 du code des assurances.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de M. [J] [U] à la somme de 851.550,04 €

- Dit que l'indemnité revenant à M. [J] [U] au titre de son préjudice corporel s'établit à 570.762,76

- Condamne in solidum M. [S] et la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires à payer à M [J] [U]

* la somme de 570.762,76 € sauf à déduire les provisions versées,

* la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- Dit que les intérêts courent au double du taux légal sur la somme de 851.550,04 € à compter du 3 août 2005 jusqu'au jour de l'arrêt.

- Condamne in solidum M. [S] et la la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires aux entiers dépens d'appel.

- Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 13/07853
Date de la décision : 11/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°13/07853 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-11;13.07853 ?
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