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14/11/2014 | FRANCE | N°13/20245

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 14 novembre 2014, 13/20245


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2014



N° 2014/2832













Rôle N° 13/20245





CGEA - ILE DE FRANCE OUEST





C/



SELAFA MJA, prise en la personne de M° [P], Liquidateur judiciaire de la Société NORMED

[L] [J]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Jo

sette PIQUET

Me Arnaud CLERC

Me Julie ANDREU



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section I - en date du 04 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1442.







APPEL...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 14 NOVEMBRE 2014

N° 2014/2832

Rôle N° 13/20245

CGEA - ILE DE FRANCE OUEST

C/

SELAFA MJA, prise en la personne de M° [P], Liquidateur judiciaire de la Société NORMED

[L] [J]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Josette PIQUET

Me Arnaud CLERC

Me Julie ANDREU

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - section I - en date du 04 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1442.

APPELANTE

CGEA - ILE DE FRANCE OUEST, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Josette PIQUET, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Isabelle PIQUET-MAURIN, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

SELAFA MJA, prise en la personne de M° [P], Liquidateur judiciaire de la Société NORMED, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [L] [J], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jean Paul TEISSONNIERE de la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2014 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Elise RAYSSEGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2014.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Madame Elise RAYSSEGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Monsieur [L] [J] a été employé par la branche navale de la société CONSTRUCTIONS NAVALES INDUSTRIELLES DE LA MÉDITERRANÉE (CNIM), devenue SA CHANTIERS DU NORD ET DE LA MÉDITERRANÉE (NORMED), sur le site de [Localité 3] en qualité de charpentier, marin, ouvrier professionnel du 1er mars 1971 au 31 mars 1990.

Anciennement dénommée Société de Participations et de Constructions Navales (SPCN), société constituée le 25 octobre 1982 en vue du regroupement des branches navales des trois sociétés suivantes : Chantiers de France [Localité 1] (FD), Chantiers Navals de [Localité 2] (CNC), Constructions navales industrielles de la Méditerranée (CNIM), la SA CHANTIERS DU NORD ET DE LA MÉDITERRANÉE (NORMED) a été créée le 24 décembre 1982. Cette société a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 30 juin 1986 puis en liquidation judiciaire par jugement du 27 février 1989, désignant successivement Maître [D] puis, à compter du 10 juin 2003, la SELAFA MJA, en la personne de Maître [P], en qualité de mandataire liquidateur .

Elle a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) par arrêté du 7 juillet 2000.

Le 5 novembre 2012, Monsieur [L] [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Toulon pour réclamer la réparation des préjudices subis du fait de son exposition à l'amiante.

Le CGEA - AGS de l'Ile de France Ouest a été appelé en la cause.

Par jugement en date du 4 juin 2013, le Conseil de Prud'hommes de TOULON a :

- fixé la créance du salarié au passif de la liquidation de la SA NORMED à la somme de 10000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété,

- l'a débouté du surplus de ses demandes,

- dit le jugement opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie légale,

- dit que les dépens seraient fixés au passif de la procédure collective,

- ordonné exécution provisoire de la décision.

Le CGEA Ile de France Ouest a relevé appel de cette décision le 16 octobre 2013, après notification par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 octobre 2013.

Prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses écritures déposées et soutenues oralement en commun avec le liquidateur à l'audience, concernant l'ensemble des instances inscrites au rôle, le CGEA demande à la cour, à titre liminaire, de :

- se déclarer incompétente au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale en ce qui concerne les salariés ayant bénéficié de l'ACAATA ;

- déclarer irrecevables les actions des salariés ayant bénéficié de l'ACAATA sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ;

- déclarer les actions irrecevables en raison de l'irrévocabilité de l'état des créances établi sous le régime de la loi de 1985, non contesté en temps utile ;

- déclarer irrecevables les actions des demandeurs dont les contrats de travail ont été rompus avant le 21 décembre 1982 ( date de l'Assemblée Générale de la SPCN approuvant le traité d'apport partiel d'actif du 3 novembre 1982), et qui n'ont donc jamais été salariés de la NORMED ;

- mettre hors de cause le CGEA-AGS en ce qui concerne les salariés n'ayant jamais travaillé pour la NORMED ;

- débouter les salariés dont les contrats de travail ont été transférés à d'autres entités postérieurement à la NORMED notamment à la société Chantiers Navals du Littoral (CNL) ou à la société CNIM ;

- déclarer prescrites les demandes concernant les contrats de travail rompus depuis plus de trente ans avant la saisine de la juridiction prud'homale ;

- débouter certains salariés dont l'emploi ne figure pas à l'arrêté du 7 juillet 2000 ;

- dire et juger que les salariés ayant travaillé pour le compte d'autres sociétés inscrites sur l'arrêté ACAATA du 7 juillet 2000 ne démontrent pas la responsabilité exclusive de la NORMED dans l'apparition de ce préjudice ;

- dire et juger que les créances au titre du préjudice d'anxiété sont nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et ne sont donc pas garanties par l'AGS,

- réduire les sommes demandées en fonction notamment du poste occupé et de la durée d'exposition;

Il conclut sur le fond :

- à l'infirmation du jugement sur le tout,

- au rejet de la demande nouvelle de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat, le préjudice d'anxiété constituant le préjudice découlant de la violation de cette obligation, laquelle ne saurait donner lieu à double réparation,

- à ne pas retenir à la charge de l'employeur une obligation de sécurité et de résultat de plein droit, non conforme aux dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel et le principe de séparation des pouvoirs,

- au débouté général des prétentions, aux motifs d'une part, que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'un préjudice d'anxiété personnel, direct, certain et légitime, d'un manquement de l'employeur aux règles alors applicables (l'obligation de sécurité de résultat n'existant pas en droit du travail avant 1991), et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice, et d'autre part, que l'article 1150 du code civil limite l'indemnisation en matière contractuelle au seul dommage prévisible,

- à l'absence d'opposabilité à l'AGS des créances nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, à la réduction des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués et à l'application des dispositions du code du travail fixant les règles et limites de la garantie légale.

Par conclusions écrites déposées et plaidées à l'audience, communes à l'ensemble des affaires inscrites au rôle, soutenant pour l'essentiel que la NORMED a manqué à son obligation de sécurité de résultat, en omettant d'effectuer des prélèvements atmosphériques, de mettre en place des mesures de protection collective et individuelle efficaces et de l'informer des risques encourus, que le dommage ne lui a été révélé qu'avec la loi du 23 décembre 1998, qu'il est donc fondé, au visa de l'article 1147 du Code civil, à réclamer à la NORMED l'indemnisation du préjudice qui lui a été causé par les manquememnts de l'employeur à ses obligations contractuelles, que l'AGS doit garantir sa créance, née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, puisque que son fait générateur réside dans la faute de l'employeur au cours de l'exécution du contrat de travail et qu'il ne peut lui être opposé que l'état des créances est irrévocable, le salarié n'étant pas tenu de déclarer la sienne, Monsieur [L] [J], qui ne maintient pas en cause d'appel sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ni sa demande distincte en réparation d'un préjudice lié au bouleversement de ses conditions d'existence, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté qu'ayant a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la NORMED, il subit un préjudice qu'il convient de réparer,

- le réformant et statuant de nouveau, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la NORMED à la somme de 12000 euros en réparation des manquements de l'employeur à

l' obligation de sécurité de résultat,

- déclarer l'arrêt opposable de plein droit au CGEA et de dire que celui-ci garantira les créances dans les conditions légales.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de donner acte à Monsieur [L] [J] de ce qu'il ne maintient pas en cause d'appel sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ni sa demande distincte en réparation d'un préjudice lié au bouleversement de ses conditions d'existence.

Sur l'exception d'incompétence :

Aux termes de l'article L.1411-1 du Code du Travail, le Conseil de Prud'hommes est compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient .

En l'espèce, que Monsieur [L] [J] ait ou non bénéficié du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, information qui ne résulte pas du dossier, dès lors que sa demande en réparation d'un préjudice lié à son exposition à l'amiante est fondée sur l'inexécution par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail et que ni son droit au bénéfice du dispositif susvisé, ni le montant de l'allocation de cessation anticipée d'activité, ne sont contestés, la juridiction prud'homale est compétente et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les fins de non recevoir :

Sur l'irrecevabilité tirée de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 :

L'article 41 de la loi n° 98 - 1194 du 23 décembre 1998 créant un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, prévoit le versement aux salariés ou anciens salariés d'une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA) sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent certaines conditions .

Il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de cette allocation n'est pas fondé à obtenir de l'employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d'une perte de revenus résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal .

Monsieur [L] [J], dont il n'est pas établi par les pièces figurant au dossier de la cour qu'il ait été bénéficiaire de ce dispositif, est recevable à réclamer réparation d'un préjudice extra-patrimonial qui résulterait de la violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat qui pesait sur lui lequel n'est pas indemnisé au titre de l'ACAATA.

La décision sera confirmée en ce sens.

Sur l'irrecevabilité tirée du caractère irrévocable de l'état des créances :

Il résulte de l'article L.621-125 al.2 ancien du code de commerce que le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur le relevé établi par le représentant des créanciers peut saisir à peine de forclusion le Conseil de Prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité prévue à l'alinéa précédent.

Toutefois, l'action du salarié en réparation d'un préjudice extra-patrimonial qui résulterait de la violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat qui pesait sur lui est distincte de celle ouverte par lesdites dispositions, de sorte que le caractère irrévocable de l'état des créances ne peut lui être opposé.

Cette fin de non recevoir, nouvelle en cause d'appel, sera rejetée.

Sur le transfert du contrat de travail aux sociétés CNL ou CNIM :

Selon les dispositions de l'article L.1224-2 1° (ancien art. L. 122-12-1) du code du travail, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

En l'espèce, que son contrat de travail ait ou non été 'repris postérieurement à la NORMED', comme le soutiennent le liquidateur et l'AGS au vu du certificat de travail versé aux débats, établi le 14 septembre 2012 par la société MALAKOFF MEDERIC agissant en qualité de gestionnaire des archives de la NORMED, pour l'ensemble de la période travaillée, du 1er mars 1971 au 31 mars 1990, le salarié est recevable à réclamer à la NORMED, son ancien employeur, réparation d'un préjudice consécutif à la seule violation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le fond :

En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Contrairement à l'argumentation soutenue par l'AGS, cette obligation ne résulte pas de l'ancien article L.230-2 du code du travail issu de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 mais du contrat de travail.

D'ailleurs, l'ancien article 233-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à cette loi, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs.

Au surplus, bien avant le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels avait fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel, et le décret d'application du 11 mars 1894 imposait notamment que 'les locaux soient largement aérés... évacués au dessus de l'atelier au fur et à mesure de leur production avec une ventilation aspirante énergique... et que l'air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers'. En l'état de ces dispositions, le dommage allégué par le salarié n'était pas imprévisible lors de la conclusion du contrat de travail.

L'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité. Elle n'est donc pas contraire aux dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel et au principe de séparation des pouvoirs.

En l'espèce, il résulte du certificat de travail établi par la société MALAKOFF MEDERIC agissant en qualité de gestionnaire des archives de la NORMED le 14 septembre 2012 que Monsieur [L] [J] a travaillé sur le site de la NORMED à [Localité 3] du 1er mars 1971 au 31 mars 1990 en qualité de charpentier, marin, ouvrier professionnel.

Les sociétés FORGES ET CHANTIERS DE LA MÉDITERRANÉE (FCM) / CONSTRUCTIONS NAVALES INDUSTRIELLES (CNIM) / CHANTIERS DU NORD ET DE LA MÉDITERRANÉE (NORMED) ont été classées parmi les établissements susceptibles d'ouvrir droit à la cessation anticipée d'activité des salariés de l'amiante, établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, figurant sur la liste établie par l'arrêté du 7 juillet 2000.

Les postes de charpentier et ouvrier occupés par Monsieur [L] [J] sont visés à l'arrêté.

Le salarié, qui soutient que, postérieurement à 1977 et jusqu'à la liquidation judiciaire, le chantier naval a poursuivi son activité de construction et de réparation navale, secteur utilisant massivement de l'amiante, notamment en raison de son fort pouvoir isolant, produit plus particulièrement aux débats :

- diverses attestations de salariés précisant qu'ils ignoraient le caractère dangereux de l'amiante, faute d'information, alors qu'ils travaillaient en permanence et sans protections dans les poussières d'amiante,

- un compte rendu du CHSCT du 31 janvier 1973 dont il ressort que les soudeurs utilisaient de la toile d'amiante,

- un courrier du 9 octobre 1981 de la section syndicale CGT menuiserie Bord et Ateliers des CNIM et adressé au directeur de la société sur la persistance de présence d'amiante dans les panneaux utilisés dans la construction du paquebot 1432 ainsi que l'absence de mise en pratique des dispositions du décret loi de 1977,

- un extrait d'un document non daté sur l'utilisation à bord des navires marchands de câbles contenant de l'amiante imprégnée de silicone,

- diverses photographies sur la présence d'amiante à bord ainsi que sur le masque de soudeur d'un salarié, Monsieur [G],

- une note de service du 27 mars 1981 quant aux bénéficiaires des 'bons de douche', au nombre desquels les personnels travaillant sur de l'amiante, complétée par une note du 29 septembre 1983 rappelant l'application de cette note de 1981.

Il en résulte à l'évidence qu'il a été exposé aux dangers de l'amiante.

Pour exonérer l'employeur de responsabilité, et soutenant que toutes les mesures de protection nécessaires ont été prises, que l'amiante n'était plus utilisé sur le site de [Localité 3] depuis 1977 et se prévalant de l'absence d'alerte de la part des diverses administrations ou organismes extérieurs à l'entreprise ainsi que des instances représentatives du personnel, du fait qu'aucun procès-verbal n'a été dressé par l'inspection du travail ni par la CRAM ou la médecine du travail et que la loi du 12 juin 1893 ne fait pas reposer sur l'employeur une règle quelconque dont l'irrespect entraînerait une faute, d'autant que l'Etat a fait preuve de carence dans la prévention des risques liés à l'exposition aux poussières d'amiante, ce pour quoi il a été condamné en 2004 par le Conseil d'état, l'AGS et l'employeur invoquent :

- l'autorité de la chose jugée d'un arrêt du 15 novembre 2005 de la chambre criminelle de la Cour de cassation faisant état, selon eux, du respect des règles de sécurité sur le site de [Localité 1] de la NORMED, laquelle appliquerait les mêmes règles sur l'ensemble de ses sites; cependant, cet arrêt ne concerne pas la NORMED, mais une autre société, SOLLAC DUNKERQUE, en sorte que l'autorité de la chose jugée ne peut être retenue, étant observé que cet arrêt rapporte les déclarations du médecin salarié des Chantiers de France [Localité 1] selon lesquelles, entre 1977 et 1984, la direction était tout à fait disposée à faire le maximum en matière de sécurité et utilisait les dernières innovations permettant de limiter les dangers de l'amiante ; en outre, dans son communiqué relatif à cet arrêt, la Cour de cassation indique que : la chambre criminelle n'a porté aucune appréciation sur la valeur des charges réunies contre les mis en examen, son contrôle, dans la présente affaire, se limitant à rechercher si les parties civiles se trouvaient dans l'un des cas énumérées à l'article 575 du code de procédure pénale permettant aux parties civiles de se pourvoir seules contre un arrêt de la chambre de l'instruction, en l'absence de recours du ministère public,- des extraits de bilans des chantiers navals de [Localité 3] de 1980, 1981 et 1982, mentionnant tant les investissement de l'employeur dans différents équipements destinés à l'élimination et à l'évacuation de poussières diverses, que les investissements immobiliers réalisés afin d'améliorer les conditions de travail, l'hygiène et la sécurité, en particulier dans le domaine de la ventilation des locaux ;

- le fait qu'au cours des réunions des comités d'hygiène et de sécurité, aucun membre ne mentionne une absence de ventilation ou de prélèvements atmosphériques, bien que parfaitement informé de la législation de 1977, ce dont il n'est pas non plus rapporté la preuve,

- un document de lecture de la CGT de septembre 1982, destiné à l'ensemble de ses adhérents permettant selon l'employeur et l'AGS de retenir que les membres du personnel au CHSCT et à la Commission des conditions de travail étaient avertis et formés et qu'aucune difficulté n'a jamais été évoquée du fait des poussières d'amiante, ce qui laisserait présumer du caractère efficace des protections mises en oeuvre par l'employeur; cependant ce document formule plusieurs recommandations en matière de conditions de travail et invite ses adhérents à veiller notamment à l'hygiène atmosphérique (toxicité des produits, nature des poussières, situations de confinement...) ;

- un document manuscrit sous forme de 'question-réponse ' du CHS en date du 23 février 1982, dans lequel les représentants du personnel indiquent que l'aspiration ( soudeurs) marche en permanence, ce qui démontrerait - selon l'employeur et l'AGS - que la NORMED avait acquis du matériel d'aspiration et de ventilation et en avait assuré l'effectivité et le bon fonctionnement constant,

en outre, la lecture de ces deux documents ne permet pas de savoir quel établissement de la NORMED est concerné,

- un compte-rendu d'analyses établi par la CRAM du Sud-Est le 28 juillet 1981, indiquant que la navinite utilisé sur les chantiers de la CNIM à La Seyne-sur-Mer contenait un taux d'amiante inférieur à 2% et préconisant les mesures de prévention à respecter (aspiration des poussières, protection des voies respiratoires des salariés par la fourniture de masques) ;

- la lettre adressée par le directeur du personnel de la CNIM à la commission d'amélioration des conditions de travail dépendant du comité d'entreprise, datée du 22 octobre 1981, dans lequel il est indiqué que 'ce résultat ne signifie pas que de l'amiante entre dans la composition de la navinite', mais 'seulement que le dosage précis n'a pas été effectué', 'qu'en tout état de cause, la présence éventuelle d'amiante est inférieure à la proportion limite au-delà de laquelle des conditions particulières d'utilisation sont imposées', qu'une nouvelle analyse effectuée par un autre laboratoire a révélé que les panneaux utilisés ne contenaient pas d'amiante, mais de la silice cristalline nécessitant le port de masques anti-poussières et rappelant sa décision de ne plus utiliser d'amiante ainsi que le port obligatoire du masque anti-poussières,

- un courrier de la CPAM du Var, daté du17 janvier 1985, indiquant que les mesures de prévention ne s'imposaient plus puisque l'amiante n'était plus utilisée sur ce site, mais que les salariés qui avaient été antérieurement exposés au risque et qui étaient encore présents dans l'entreprise pouvaient bénéficier d'une surveillance complémentaire par le Médecin du Travail;

- le fait qu'en mars 1977, le service en charge des travaux de calorifugeage précise que celui des tuyaux vapeur ne ' se fait plus par de l'isolamiante depuis le ( navire) 1414 mais avec du silicate de calcium, et que le 11 octobre 1978, le procès-verbal du CHS mentionne que le bureau d'étude doit se prononcer pour le remplacement de l'amiante ' au niveau de l'isolation des colliers de fixation des tuyaux,

- des extraits des procès-verbaux des réunions du C.H.S. de la CNIM établissement de La Seyne-sur-Mer, tenues le 30 mars 1977 et le 11 octobre 1978, évoquant la possibilité de remplacer l'amiante par d'autres produits et les études réalisées à cette fin, étant précisé que, lors de la première réunion, le Dr [K], qui avait préconisé de mouiller la toile d'amiante avant de la découper dans le but d'éviter la projection de fibres d'amiante, en sus du port du masque, s'est entendu répondre : 'les gens emploient la laine d'amiante, ils ne peuvent donc pas la mouiller';

- le rapport 1977 de ce C.H.S., daté du 29 mars 1978, énumérant les diverses actions entreprises en matière de protection individuelle et collective (port de masques filtrants, amélioration de la ventilation et de l'aspiration des poussières...), et mentionnant au titre des risques de maladies professionnelles : 'usinage en atelier et découpage à bord de panneaux incombustibles à base d'amiante (marinite). Les personnes effectuant de tels travaux sont placées sous la surveillance du Médecin d'Usine, qui pratique les examens prescrits par le Décret du 13 juin 1969" ;

- le rapport 1978 indiquant que l'activité du C.H.S au cours de l'année avait porté notamment sur la ventilation et l'aspiration des poussières et fumées, que de nombreux équipements de protection individuelle avaient été distribués et que des actions collectives de prévention avaient été entreprises, mais ne comportant aucune précision en matière de protection spécifique contre l'amiante et ne faisant aucunement référence au risque d'inhalation de poussières ou de fibres d'amiante mais uniquement de poussières de fer ou de bois,

- un extrait d'un document de travail d'avril 2005, intitulé : 'les entrepreneurs héroïques de l'économie dunkerquoise', rédigé par Madame [V], concernant les entreprises de [Localité 1], n'apportant aucun élément utile à la présente instance, s'agissant de considérations générales et historiques.

Les éléments produits par l'AGS ne démontrent pas que l'employeur a pris toutes les mesures nécessaires sur le site de [Localité 3] pendant l'ensemble de la période contractuelle, notamment celles prévues par le décret du 17 août 1977 (prélèvements atmosphériques périodiques, port des équipements individuels de protection, vérification des installations et des appareils de protection collective, information individuelle du salarié, absence de contre-indication et surveillance médicale) ni ne révèlent l'existence d'une cause étrangère non imputable à l'employeur et ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est avéré.

Les préjudices patrimoniaux en résultant sont pris en compte par des mécanismes d'indemnisation spécifiques.

Le préjudice extra-patrimonial causé nécessairement au salarié du fait de ce manquement comprend l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance par celui-ci du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante et correspond au préjudice spécifique d'anxiété.

Monsieur [L] [J], qui a renoncé à solliciter l'indemnisation de ce préjudice et qui ne justifie pas d'un préjudice distinct, sera donc débouté de sa demande en réparation du préjudice qui résulterait du seul manquement de la NORMED à son obligation de sécurité et de résultat.

Sur les dépens :

Pour des raisons d'équité, chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire,

DONNE acte à Monsieur [L] [J] de ce qu'il ne maintient pas en cause d'appel sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ni sa demande distincte en réparation d'un préjudice lié au bouleversement de ses conditions d'existence,

CONFIRME le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et déclaré l'action recevable,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la fin de non recevoir nouvelle en appel,

DÉBOUTE Monsieur [L] [J] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice qui résulterait de la seule violation par la NORMED de son obligation de sécurité de résultat,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/20245
Date de la décision : 14/11/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-14;13.20245 ?
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