La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2014 | FRANCE | N°14/11916

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 13 novembre 2014, 14/11916


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2014

D.D-P

N°2014/630













Rôle N° 14/11916







PROCUREUR GENERAL





C/



[K] [M]





































Grosse délivrée

le :

à :



Madame POUEY, substitut général (2)



Me Olivier RAYNAUD
r>



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/7156.





APPELANT







LE PROCUREUR GENERAL

PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 2]



représenté par Madame POUEY, substitut général.







INTIME



Monsieur [K...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2014

D.D-P

N°2014/630

Rôle N° 14/11916

PROCUREUR GENERAL

C/

[K] [M]

Grosse délivrée

le :

à :

Madame POUEY, substitut général (2)

Me Olivier RAYNAUD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/7156.

APPELANT

LE PROCUREUR GENERAL

PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 2]

représenté par Madame POUEY, substitut général.

INTIME

Monsieur [K] [M]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] (COMORES),

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier RAYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE, assisté par Me Marie LAMBERT, avocat plaidant au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2014 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, chargés du rapport.

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014.

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

Le 5 juin 2007 M. [K] [M] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] aux Comores s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française par le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice.

Par exploit du 6 juin 2012, M. [K] [M] a fait assigner le procureur de la République afin que soit constatée sa nationalité française.

Par jugement contradictoire en date du 7 mai 2014, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré par le ministère de la justice,

- dit que M.[K] [M] est de nationalité française,

- ordonné la mention du présent jugement en marge de l'acte de naissance en application de l'article 28 du code civil,

- dit n'y avoir lieu a faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- et mis les dépens à la charge du trésor public.

Le tribunal énonce en ses motifs :

- qu'en vertu de l'article 84 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, applicable à la date de la déclaration de nationalité souscrite par M. [K] [M] « l'enfant mineur de 18 ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française devient français de plein droit. » ;

- que l'acte de naissance n° 719 du 31 décembre 1978, établi sur la base d'un jugement supplétif du 30 décembre 1978, doit être écarté des débats compte tenu des sérieux doutes qui pèsent sur sa régularité, cet acte n'étant pas légalisé par l'ambassade des Comores en France ou par le consul de France aux Comores, le jugement supplétif visé n'étant pas produit et cette décision étant supposée avoir été retranscrite le lendemain du jour où elle aurait été rendue, ce qui paraît peu vraisemblable ;

- que la détention d'un premier acte de naissance dont la sincérité est suspecte n'empêchait cependant pas l'intéressé de faire établir de manière régulière son état civil par les autorités compétentes ;

- que l'intéressé produit l'original d'un jugement déclaratif rendu par le tribunal de première instance de Moroni le 22 février 2005 lequel constatant la destruction courant 1976-1977 des registres de l'État civil comorien, ordonne le rétablissement de l'acte de naissance de M. [K] [M] et juge en conséquence qu'il est né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] fils de [M] [I] né vers 1952 à [Localité 1] et de [S] [V] née vers 1954 à [Localité 1] ;

- que ce jugement a été légalisé le 4 avril 2011 par l'ambassade de l'union des Comores en France ; que le fait que ce jugement ait été retranscrit sur les registres de l'état civil 16 jours avant l'expiration du délai d'appel n'est pas suffisant pour altérer sa régularité eu égard à sa légalisation ;

- que le jugement déclaratif du 22 février 2005 constitue donc un état civil probant de la filiation de l'intéressé avec [M] [I] ;

- que l'intéressé justifie de surcroît par un extrait d'acte de mariage délivré par le service central français de l'état civil que ses parents se sont mariés le [Date mariage 1] 1970, avant sa naissance, de sorte que sa filiation est établie à l'égard de ses parents du seul fait de sa naissance durant le mariage; que la filiation de l'intéressé était établie du fait du mariage de ses parents avant la souscription par son père de la déclaration de nationalité française le 8 septembre 1977 ;

- que le jugement déclaratif du 22 février 2005 ne fait donc que constater la naissance de l'intéressé et de sa filiation et ses effets remontant à sa naissance ;

- qu'à la date de la souscription par son père de sa déclaration de nationalité, les dispositions de l'article 84 du code de la nationalité n'imposaient pas au requérant d'indiquer le nom de ses enfants mineurs ;

- et que l'intéressé est donc français en raison de l'effet collectif attaché la déclaration de nationalité souscrit par son père le 8 septembre 1977.

Par déclaration en date du 17 juin 2014, le ministère public en la personne du procureur général près la cour d'appel d'Aix en Provence a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 2 juillet 2014, le ministère public demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d' infirmer le jugement de première instance et constater l'extranéité de l'intéressé(e), et d' ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Le ministère public fait valoir :

- que l'intéressé soutient être l'enfant légitime de M. [M] [I] et bénéficier ainsi de l'effet collectif de la déclaration en vue de se faire reconnaître la nationalité française souscrite par son père le 8 septembre 1977 ; que cette action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française par le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice, motif pris de ce que son père prétendu n'avait pas mentionné d'enfants lors de la souscription de son dossier ; qu'auparavant, l'intéressé s'était déjà vu opposer une décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française le 22 mars 2001, motif pris de ce qu'il ne rapportait pas la preuve de sa nationalité française par un acte de naissance n° 719 qui n'était pas probant au sens de l'article 47 du Code civil ;

- qu'en application de l'article 30 al. 1er du Code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom ;

- qu'il résulte de l'article 47 du Code civil que « Tout acte de l'état civil des Français ou des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même, établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » ;

- que l'acte de naissance n° 719 du 31 décembre 1978, est établi sur la base d'un jugement supplétif du 30 décembre 1978 ;

- que pour les Comores, une double légalisation est requise par les autorités locales et par le consulat général de France ;

- que le ministère public conteste la régularité internationale du jugement déclaratif rendu par le tribunal de première instance de Moroni le 22 février 2005 légalisé par l'ambassade de l'union des Comores en France qui a servi de support à l'acte de naissance n° 76 établi le 7 mars 2005 ;

- que pour qu'une décision soit opposable en France, le juge doit s'assurer qu'elle est conforme à l'ordre international de fond et qu'elle n'a pas été obtenue par fraude ; que l'ordre public de procédure exige que les jugements étrangers soient motivés ont suppléés par des équivalents afin que le juge français puisse exercer le contrôle de la régularité internationale du jugement produit ;

- qu'au cas d'espèce, le tribunal de première instance de Moroni, pour justifier la rectification profonde de l'État civil de l'intimé, s'est limité à dire « qu'au lieu d'écrire [M] [K] on a écrit [C] [I]»; qu'il ne ressort pas de cette motivation la connaissance qu'aurait eue le tribunal, ni l'existence du jugement supplétif du 30 décembre 1978 ;

- qu'enfin il est incontestable que rendu le 22 février 2005 le jugement supplétif été transcrit par l'officier d'État civil le 7 mars 2005 au mépris des dispositions de l'article 70 de la loi relative à l'état civil comorien du 15 mai 1984 qui prévoit que ce type de jugement est susceptible d'appel et de tierce-opposition dans les conditions de droit commun, soit dans un délai d'un mois, de sorte que le jugement déclaratif de naissance ne peut donc être inscrit tant que le délai de recours n'est pas expiré, ce qui ôte toute force probante à l'acte de naissance qui même au sens de l'article 47 du code civil français ;

- que l'intéressé est titulaire de deux actes de naissance d'une part l'acte de naissance n° 719 et d'autre part l'acte de naissance n° 76 ; que la production de deux actes de naissance différents, supposés pourtant constater la même naissance, confirme le caractère apocryphe des actes produits ;

- et que faute de disposer d'un acte probant, l'intéressé, qui ne présente par ailleurs aucun élément de possession d'état, ne peut pas bénéficier de l'effet collectif de la réintégration dans la nationalité française de son père.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 octobre 2014, M.[K] [M] demande à la cour, au visa de l'article 29-3 du code civil, des articles 1038 et suivants du code de procédure civile, des articles 21 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris de,

- dire que M. [K] [M] bénéficie de l'effet collectif de la déclaration de nationalité de son père, M.[I] [M], obtenue le 8 septembre 1977,

- dire que M.[K] [M], né le [Date naissance 1] 1974, enfant légitime de Mme [S] [V] et M.[I] [M] à [Localité 1] (Comores) est de nationalité française,

- et de condamner l'Etat Français à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distrait.

Il fait valoir :

- que le frère du requérant, second enfant légitime du couple a, lui, obtenu un certificat de nationalité française en présentant les mêmes pièces ;

- que bien qu'étant un enfant légitime depuis sa naissance, son père l'a reconnu officiellement par jugement supplétif du 30 décembre 1978 ;

- que son père n'avait pas alors l'obligation de mentionner le nom de son fils légitime dans sa déclaration de nationalité, comme jugé par la Cour de cassation le 26 janvier 2011 ;

- que la filiation du requérant a été officiellement établie durant sa minorité, postérieurement à l'acquisition par son auteur de la nationalité française, alors qu'il était l'enfant légitime de ce dernier ;

- que s'il y a plusieurs actes de naissance soit établi le 31 décembre 1978, n° 719, la suite d'un jugement supplétif du 30 décembre 1978 dont l' extrait certifié conforme a été légalisé le 4 août 2003 par le chef de la chancellerie pour le ministère des affaires étrangères et tamponné avec le sceau du ministère, et que s'il ne peut fournir matériellement le jugement de 1978 c'est parce que tous les registres d'État civil ont été détruits durant la guerre d'indépendance ;

- que c'est la raison pour laquelle il a été contraint de reconstituer son État civil, ce que le jugement du 22 février 2005 a retenu ; que cette décision judiciaire a été enregistrée le 28 février 2005, certifiée conforme et légalisée le 4 avril 2011 par l'ambassade de l'union des Comores en France à [Localité 2] et fonde le second certificat établi le 7 mars 2005 n° 76;

- qu'afin d'éviter toute difficulté il a obtenu un acte de naissance récent du centre d'État civil de Moroni qui a été certifié conforme le 5 mars 2013 par le préfet de [Localité 1] faisant état du jugement déclaratif de naissance n° 48 du 22 février 2005 rendu par le premier le tribunal de première instance de Moroni, de sa transcription par acte n° 76 du 7 mars 2005 et de sa filiation par son père [I] et par sa mère [S] [V] ; que cet acte a été authentifié par le parquet le 30 mars 2013 et légalisé par le ministère des relations extérieures et de la coopération de l'Union des Comores le 1er avril 2013 ;

- et que le jugement du 22 février 2005 est un jugement déclaratif et rectificatif qui renvoie dès lors aux dispositions de l'article 68 de la loi relative à l'État civil des Comores lequel précise que dans le cadre de la rectification des actes d'État civil, le dispositif du jugement est transmis par le ministère public à l'officier de l'État civil et que mention de ce dispositif est aussitôt portée en marge dudit acte, ce qui explique son enregistrement avant l'expiration des voies de recours.

MOTIFS

Attendu que le requérant soutient exactement qu'il ne peut lui être reproché de ne pas produire le jugement du 30 décembre 1978 émanant du cadi, puisque c'est la disparition des registres d'État civil et de cet acte qui l'ont précisément conduit à diligenter la procédure en 2005 et à solliciter le rétablissement de son acte de naissance, demande à laquelle la juridiction de Moroni a fait droit par le jugement supplétif de 2005; que le fait que le jugement ait été transcrit avant l'expiration du délai d'appel ne constitue pas ipso facto une cause suffisante pour considérer que cette décision de justice serait irrégulière au sens de l'article 47 du Code civil ;

Attendu que l'existence de deux actes de naissance ne rend pas davantage la demande du requérant mal fondée puisqu'il existait aux Comores deux ordres juridictionnels, celle du cadi et celle du tribunal de Moroni, que les actes produits émanent chacun de l'un de ces ordres, et que les deux extraits d'acte de naissance produits ne comportent aucune discordance, la date de naissance et la filiation étant les mêmes ;

Attendu que le jugement qui a dit que M. [K] [M] établissait être fils de [I] et de [S] [V] et qu'il devait bénéficier de l'effet collectif de la déclaration de nationalité de son père, doit donc être approuvé ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes dispositions,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré par le ministère de la justice,

Ordonne la mention du présent jugement en marge de l'acte de naissance en application de l'article 28 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu de faire application de ce texte,

Condamne l'État français aux dépens, et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 14/11916
Date de la décision : 13/11/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°14/11916 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-13;14.11916 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award