COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2014
N° 2014/ 620
Rôle N° 13/19874
[C] [S]
C/
SCP BES RAVISE - BR ASSOCIES
Grosse délivrée
le :
à :
Me BELAICHE
Me VINOLO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 03 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2010L00858.
APPELANTE
Madame [C] [S],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Régine BELAICHE,avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
assistée par Me Alexandre ALQUIER,avocat au barreau de SAINT DENIS DE LA REUNION
INTIMEE
SCP BES RAVISE - BR ASSOCIES
Représentée par Maître [Q] [O],
Agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SERE ELECTRONIQUE,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christophe VINOLO,avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne CHALBOS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine DURAND, Président
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
Monsieur Cédric BOUTY, Vice Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2014,
Signé par Madame Catherine DURAND, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [C] [S] divorcée [G] était la gérante de la SARL SERE ELECTRONIQUE, ayant pour activité la réalisation de tous travaux électroniques, constituée le 1er juin 1994 et dont elle détenait 730 part sur 740.
La SARL SERE ELECTRONIQUE a bénéficié à sa demande d'une procédure de conciliation ouverte par ordonnance du président du tribunal de commerce de TOULON en date du 22 décembre 2006, désignant Maître [I] [V] en qualité de conciliateur, lequel a déposé le 19 septembre 2007 un rapport définitif constatant un état de cessation des paiements de la société.
La SARL SERE ELECTRONIQUE a été placée en redressement judiciaire par jugement du 8 octobre 2007 désignant Maître [V] en qualité de mandataire.
La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 février 2008.
Par acte en date du 3 août 2010, Maître [V] a fait assigner Madame [S] devant le tribunal de commerce de TOULON sur le fondement des articles L651-2, R651-1 et R651-2 du code de commerce aux fins de l'entendre condamner à supporter personnellement l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la SARL SERE ELECTRONIQUE d'un montant de 2 437 372, 80 €.
En cours de procédure, le tribunal de commerce de TOULON a désigné Maître [Q] [O] en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL SERE ELECTRONIQUE aux lieu et place de Maître [I] [V].
Par jugement du 3 octobre 2013, le tribunal de commerce de TOULON a :
- constaté que Madame [S] n'a pas effectué sa déclaration de cessation des paiements dans le délai légal,
- condamné Madame [C] [S] à supporter le comblement du passif de la SARL SERE ELECTRONIQUE à concurrence de la somme de 434970 € sur le fondement de l'article L651-2 du code de commerce,
- dit que la somme sera payable entre les mains de Maître [Q] [O] dans un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Madame [S] a interjeté appel par déclaration reçue le 11 octobre 2013.
Par conclusions déposées et notifiées le 9 décembre 2013, Madame [S] demande à la cour, vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile, L651-2, R651-1 et R651-2 du code de commerce dans leur version antérieure au décret du 12 février 2009, L812-8 et suivants du code de commerce :
- d'infirmer en tous points la décision entreprise, et statuant à nouveau,
- au principal, sur les fins de non recevoir, de :
- faire droit à la demande de fin de non recevoir eu égard aux irrégularités de la convocation de la procédure de sanction,
- déclarer irrecevable la procédure diligentée par Maître [V] et reprise par Maître [O],
- dire et juger que Maître [V] a été nommé mandataire judiciaire en fraude à la loi,
- dire et juger irrecevable la procédure de sanction découlant de cette nomination,
- condamner reconventionnellement Maître [V] à la somme de 10000 € pour procédure abusive,
- au subsidiaire sur le fond, de :
- dire et juger que l'action en sanction est mal fondée,
- débouter Maître [V] de ses demandes, fins et conclusions de même de que Maître [O] qui les a reprises à son compte,
- dans tous les cas, de condamner solidairement Maître [V] et Maître [O] à la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et notifiées le 4 avril 2014, Maître [O] demande à la cour, vu les articles L651-2, R651-1 et R651-2 du code de commerce, de :
- accueillir Maître [O] ès qualités en ses conclusions d'appel incident,
- débouter Madame [S] divorcée [G] de ses demandes tendant à voir déclarer la procédure irrecevable,
- constater, dire et juger que Madame [S] divorcée [G] a été régulièrement assignée et convoquée,
- déclarer Maître [O] recevable en ses demandes,
- confirmer en ces points le jugement du tribunal de commerce de TOULON en date du 3 octobre 2013,
- dire et juger que Madame [S] divorcée [G] a commis de multiples et lourdes fautes dans la gestion de la société SERE ELECTRONIQUE,
- confirmer en ce point le jugement du tribunal de commerce de TOULON en date du 3 octobre 2013,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [S] divorcée [G] à supporter l'insuffisance d'actif de la société SERE ELECTRONIQUE à hauteur de 434970 € et statuant à nouveau,
- condamner Madame [S] divorcée [G] à supporter personnellement l'intégralité de l'insuffisance d'actif d'un montant de 1 982 562,94 € en payant intégralement ce montant entre les mains de Maître [O] ès qualités,
- condamner Madame [S] divorcée [G] à Maître [O] ès qualités la somme de 5000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 12 septembre 1996 n°96-1081 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution.
Il rappelle que Madame [S] a créé d'autres sociétés :
- la SARL SODICOM constituée le 3 juillet 2001 avec une activité similaire et un siège social identique, placée en redressement judiciaire le 23 juin 2008 sur assignation de l'URSSAF puis en liquidation judiciaire le 18 décembre 2008,
- la SARL ATEVA, constituée concomitamment à l'ouverture des procédures collectives des deux autres sociétés, avec une activité et un siège social identiques, dont le siège social a été déplacé trois fois en 9 mois, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE le 30 septembre 2009.
La procédure a été clôturée le 1er octobre 2014.
MOTIFS :
Les demandes formées par Madame [S] à l'encontre de Maître [V] seront déclarées irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre une personne qui n'est pas partie à l'instance, faute d'avoir été appelée en la cause.
Sur les fins de non recevoir opposées par Madame [S] :
La procédure engagée par le liquidateur est fondée sur l'article L651-2 du code de commerce qui dispose que lorsque la liquidation judiciaire de la personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par les dirigeants de droit ou de fait.
L'article L651-3 précise que le tribunal est saisi par le liquidateur ou le ministère public ou, en cas d'inaction du liquidateur, par la majorité des créanciers nommés contrôleurs.
S'agissant d'une liquidation judiciaire ouverte avant l'entrée en vigueur du décret du 12 février 2009, la mise en oeuvre de la responsabilité du dirigeant est soumise à la procédure prévue par l'article R651-2 du code de commerce dans sa rédaction antérieure au décret, qui dispose que pour l'application de l'article L651-2, le ou les dirigeants mis en cause sont convoqués, à la diligence du greffier un mois au moins avant leur audition, par acte d'huissier de justice ou dans les formes prévues à l'article R631-4.
Il résulte des dispositions précitées que la convocation du dirigeant de la personne morale poursuivi en comblement du passif social, pour être entendu personnellement par le tribunal, est un préalable obligatoire aux débats et que l'omission de cet acte qui fait obstacle à toute condamnation constitue une fin de non-recevoir.
Aux termes de l'article 126 du code de procédure civile, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
En l'espèce, Maître [V], agissant en qualité de liquidateur de la SARL SERE ÉLECTRONIQUE a fait assigner Madame [S] devant le tribunal de commerce de TOULON sur le fondement des articles L651-2, R651-1 et R651-2 du code de commerce aux fins de l'entendre condamner à supporter personnellement l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la SARL SERE ELECTRONIQUE d'un montant de 2 437 372, 80 €.
Cet acte a été délivré le 3 août 2010 pour une audience prévue le 7 septembre 2010, date à compter de laquelle l'affaire a été renvoyée à plusieurs reprises.
Le tribunal a donc bien été saisi dans le délai de trois ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, et par le liquidateur, conformément aux dispositions des articles L651-2 alinéa 2 et L651-3 du code de commerce.
En cours de procédure, le greffier du tribunal de commerce a, par acte d'huissier en date du 10 juin 2011, fait convoquer Madame [S] en vue de son audition par le tribunal le 12 juillet 2011, conformément aux dispositions de l'article R651-2 du code de commerce.
Cette formalité ne constitue pas, contrairement à ce que soutient l'appelante, une auto-saisine du tribunal, la juridiction étant déjà saisie par la requête du mandataire formalisée dans l'assignation délivrée le 3 août 2010 à Madame [S].
Dès lors que cette formalité est intervenue avant les débats, la fin de non-recevoir invoquée n'est pas constituée.
Il est constant que Maître [I] [V], désigné en qualité de conciliateur par ordonnance du président du tribunal de commerce de TOULON en date du 22 décembre 2006, a été désigné en qualité de mandataire judiciaire par jugement du même tribunal en date du 8 octobre 2007 soit moins d'un an avant la fin de sa mission de conciliateur, en méconnaissance des dispositions de l'article L812-8 du code de commerce.
L'incompatibilité édictée par l'article L812-8 du code de commerce n'est pas une incompatibilité absolue puisqu'elle n'impose que l'écoulement d'un délai d'un an entre l'exercice des fonctions de conciliateur et celles de mandataire judiciaire lorsqu'il s'agit de la même entreprise.
Elle n'est assortie d'aucune sanction légale et n'entraîne donc pas ipso facto la nullité de la désignation du mandataire et des actes accomplis par ce dernier dans l'exercice de sa mission.
Le jugement du 8 octobre 2007 désignant Maître [V] en qualité de mandataire judiciaire ainsi que le jugement du 5 février 2008 le désignant en qualité de liquidateur n'ont fait l'objet d'aucun recours et sont passés en force de chose jugée, conférant à Maître [V] qualité et pouvoir pour engager la procédure en comblement du passif à l'encontre du dirigeant.
Au surplus, les éléments de fait articulés par Maître [V] à l'appui de son action en comblement du passif ont pu être recueillis à l'occasion de l'exercice de ses fonctions de mandataire judiciaire puis de liquidateur, et il n'est pas démontré ni même allégué par Madame [S] que la présentation de ces griefs aurait été permise ou facilitée par l'exercice antérieur d'un mandat de conciliateur.
La fin de non-recevoir tirée de l'incompatibilité édictée par l'article L812-8 du code de commerce sera en conséquence également écartée.
Au fond :
- sur l'insuffisance d'actif :
Il résulte de l'état succinct des créances mis à jour au 18 octobre 2011 et tenant compte des contestations tranchées à cette date que le passif déclaré et non rejeté s'élève à 1 926 733,64 € dont 517 541,92 € en cours de contestation, auquel s'ajoute le passif généré postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire à hauteur de 434 969,05 €.
Le montant des réalisations et recouvrements s'élevait à la même date à la somme totale de 34170,70 €, de sorte que même en écartant les créances contestées, l'insuffisance d'actif s'élève au minimum à la somme de 1 809 990, 07 €.
- sur les fautes de gestion :
Le liquidateur reproche en premier lieu à Madame [S] d'avoir omis d'effectuer la déclaration de cessation des paiements de la société dans le délai légal et d'avoir poursuivi, au cours de l'exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, une activité déficitaire à l'origine de l'aggravation du passif.
Si l'examen des déclarations de créances reçues par le mandataire et n'ayant pas fait l'objet d'un rejet fait apparaître que parmi les créances déclarées, certaines étaient déjà échues en fin d'année 2006 pour un montant total de plus de 273000 €, cette situation d'endettement est insuffisante à caractériser un état de cessation des paiements en l'absence d'élément d'information sur les éventuels moratoires consentis par les créanciers et sur les actifs disponibles et concours financiers dont disposait la société à cette date.
Madame [S] a, en tout état de cause, réagi à ces difficultés financières en sollicitant à cette époque la désignation d'un conciliateur sur le fondement des dispositions de l'article L611-4 du code de commerce, cette désignation étant intervenue par ordonnance du 22 décembre 2006.
Il ne peut être reproché à Madame [S] d'avoir poursuivi son activité et de ne pas avoir effectué de déclaration de cessation des paiements pendant la durée de la mission du conciliateur, d'autant qu'aux termes d'un premier rapport en date du 23 mai 2007, ce dernier concluait à la possibilité de parvenir à un moratoire sur trois ans.
Ce n'est que dans un second rapport, déposé le 19 septembre 2007, que Maître [V] évoque un état de cessation des paiements de la société, ces conclusions conduisant Madame [S] à effectuer auprès du tribunal de commerce le 5 octobre 2007 une déclaration de cessation des paiements en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
Le grief de défaut de déclaration des paiements et poursuite d'une activité déficitaire ne sera en conséquence pas retenu à l'encontre de Madame [S].
Maître [O] reproche en second lieu à Madame [S] le défaut de tenue d'une comptabilité régulière.
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, aucun bilan ni compte de résultat relatif à l'exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 et à la période d'observation n'a été fourni par Madame [S] au mandataire depuis l'ouverture du redressement judiciaire de la SARL SERE ELECTRONIQUE, seul un prévisionnel au 30 septembre 2007 a été remis.
Compte tenu de la taille de l'entreprise, dont le dernier chiffre d'affaire connu s'élevait, selon le rapport du mandataire à 2 195 982 € et qui employait 13 salariés, l'absence de comptabilité fiable a privé le dirigeant et le mandataire d'un outil de gestion indispensable et des éléments nécessaires à l'appréciation de la capacité de l'entreprise à financer la période d'observation, cette absence de visibilité ayant contribué à la création d'un passif de 434 969,05 € pendant cette seule période.
Il est également reproché à Madame [S] un manquement aux obligations légales en matière de tenue d'assemblées générales annuelles et de publication des comptes sociaux.
Madame [S] justifie de la tenue des assemblées générales d'approbation des comptes pour les années 2003 à 2006.
Concernant le défaut de publication des comptes sociaux, il n'est pas démontré de lien de causalité entre ce manquement et l'aggravation du passif de la société.
Ce dernier grief ne sera donc pas retenu.
Il est également reproché à Madame [S] un défaut de déclaration et paiement des charges fiscales et sociales.
Au vu des pièces produites par le mandataire et en particulier les déclarations de créances des organismes sociaux et de l'administration fiscale ainsi qu'une proposition de rectification notifiée le 4 août 2008 par les services fiscaux du VAR, les premiers juges ont pu relever que la SARL SERE ELECTRONIQUE :
- n'a déposé aucune déclaration de résultat dans le délai légal pour les périodes du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 et du 1er octobre 2007 au 5 février 2008,
- n'a pas fourni aux caisses PRO BTP, malgré les demandes réitérées de cet organisme, toutes les déclarations de salaires nécessaires au calcul des cotisations et ne s'est pas acquittée de l'ensemble des cotisations dues à ce titre depuis le 31 mars 1998,
- n'a pas transmis de déclaration de chiffre d'affaires au RSI pour les années 2005 et 2006,
- a laissé de nombreuses charges impayées au titre de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle pour les années 2006 et 2007, de la TVA et taxes assimilées depuis le 1er avril 2000, des contributions et cotisations ASSEDIC depuis le 15 septembre 2006.
L'inobservation de ces obligations fiscales et sociales constitue une faute de gestion au sens de l'article L651-2 du code de commerce et a généré un important passif augmenté de taxations d'office, majorations et pénalités.
Il est encore reproché à Madame [S] une défaillance dans le suivi de la bonne marche de l'entreprise.
Le listing des clients et soldes dus au 5 février 2008 établi par le cabinet d'expertise comptable FIDUMED désigné à cette fin par le juge commissaire fait apparaître un montant total à recouvrer de 929 000 €.
Ce listing mentionne un nombre important de clients douteux et de litiges ou procès en cours.
Le rapport l'accompagnant mentionne la difficulté rencontrée par l'expert pour établir l'arrêté des comptes en raison de nombreuses modifications effectuées par l'entreprise sur les éléments de facturation et d'encaissement.
Plusieurs clients comme VERDINO, VAR AMÉNAGEMENT DÉVELOPPEMENT, GCBA, OMNIUM BATI VAR, le conseil général du VAR, SCI MAGALI, ont ainsi invoqué par courriers adressés au mandataire et versés aux débats, l'existence de malfaçons, inachèvements, non conformités, pour s'opposer au paiement des soldes réclamés par la SARL SERE ELECTRONIQUE.
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, plusieurs chantiers ont été abandonnés après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire sans qu'aucun arrêté de chantier ne soit dressé, alors qu'en l'absence de désignation d'un administrateur judiciaire, cette tâche incombait à la gérante Madame [S].
Cette absence de rigueur dans le suivi de l'exécution des travaux et des diligences nécessaires à leur mise en paiement est à l'origine de l'impossibilité pour l'entreprise de recouvrer une partie de ses créances et a contribué à l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire.
Il est enfin reproché à Madame [S] un usage des biens et du crédit de la société contraire à l'intérêt de celle-ci ou à des fins personnelles.
Concernant l'allégation de prêt de main d'oeuvre illicite et de détournement d'actif au profit de la SARL SODICOM, il résulte d'un arrêt de la 5ème chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 mai 2014 que ces faits dénoncés par Maître [M], administrateur au redressement judiciaire de la société SODICOM et par Maître [V], mandataire, ont donné lieu à des poursuites pénales engagées contre Madame [S] du chef de banqueroute.
En l'état de la relaxe prononcée par cour d'appel au motif qu'aucun des éléments constitutifs du délit n'était réuni, ces griefs ne seront pas retenus.
Il est en revanche établi par les pièces produites par le mandataire que la SARL SERE ELECTRONIQUE a cédé successivement à la Banque DELUBAC puis à la société FIDUMED une créance de 15954,70 € contre la société VAD.
Cette double cession, sur laquelle Madame [S] ne fournit aucune explication, constitue un usage frauduleux du crédit de la société entraînant une aggravation du passif.
Il est également établi par les relevés bancaires communiqués par l'administrateur que Madame [S], qui bénéficiait d'une rémunération officielle de 45000 € par an outre 9834 € d'avantages en nature, a prélevé sur les comptes de la société entre octobre 2006 et juillet 2007 une somme de 176400 € détaillée comme suit :
- retraits d'espèces sur le compte au Crédit Coopératif en décembre 2006 et janvier 2007 : 65000 €,
- chèques et retraits sur le compte CIC LYONNAISE DE BANQUE entre janvier et juillet 2007 : 69400 €,
- virements depuis le compte BNP PARIBAS d'octobre 2006 à janvier 2007 : 42000 €.
Madame [S] justifie par la production du journal de caisse de l'affectation de ces sommes à la trésorerie de la société à hauteur de 67447,64 €, mais ne produit aucun élément probant sur la destination des autres retraits qui s'élèvent à la somme totale de 108952, 36 € sur 7 mois.
Il ressort en outre des comptes de la société SERE ELECTRONIQUE pour l'exercice 2006 que des frais de voyage et de réception ont été engagés pour un montant de 20585 €, Madame [S] ne s'expliquant pas sur le rapport entre l'engagement de ces frais et l'objet social de la SARL SERE ELECTRONIQUE.
La souscription en 2004 et 2005 de contrats de crédit bail pour trois véhicules de direction MERCEDES CLASSE C dont deux véhicules coupé sport, attribués à Madame [S] et à son associé, en plus du financement des différents véhicules utilitaires nécessaires à l'activité de l'entreprise, s'est ajoutée aux rémunérations, prélèvements personnels et remboursement de frais, entraînant pour la société un surcroît de charges qui n'a pu qu'aggraver ses difficultés financières.
Les fautes de gestion à l'origine d'une aggravation du passif de la SARL SERE ÉLECTRONIQUE engagent la responsabilité de Madame [S].
La proportion de l'insuffisance d'actif mise à la charge du dirigeant est déterminée en considération de la gravité et du nombre des fautes de gestion commises, de l'état du patrimoine du dirigeant, des facteurs économiques pouvant conduire à la défaillance de l'entreprise et des risques inhérents à son exploitation.
En l'espèce il sera tenu compte du fait que selon le premier rapport du mandataire au redressement judiciaire, l'origine des difficultés consistait principalement en une rupture brutale et sans préavis du concours financier accordé par la banque, alors que la société était confrontée à des décalages de trésorerie inhérents à l'exécution de marchés publics avec de longs délais de paiement.
Concernant sa situation patrimoniale et financière personnelle, Madame [S], qui prétend avoir 'tout perdu' et être 'dans une situation financière exsangue', ne produit aucun justificatif de ses revenus actuels.
Au regard des fautes de gestion retenues et en considération de ces éléments, le montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de Madame [S] sera fixé à la somme de 300 000 €.
Madame [S] qui succombe sera condamnée aux dépens et au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles, sans qu'il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article 10 du tarif des huissiers de justice.
La demande de Maître [O] tendant au prononcé de l'exécution provisoire nonobstant appel et sans caution résulte manifestement d'une erreur matérielle et est sans objet, le présent arrêt n'étant susceptible d'aucun recours suspensif de son caractère exécutoire.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
- DÉCLARE Madame [C] [S] irrecevable en ses demandes dirigées contre Maître [I] [V],
- DÉBOUTE Madame [S] de ses fins de non recevoir tirées de l'irrégularité de la procédure de convocation et de la désignation de Maître [V] en qualité de mandataire judiciaire,
Réformant le jugement déféré quant au montant de l'insuffisance d'actif mis à la charge de Madame [S] :
- CONDAMNE Madame [C] [S] à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la SARL SERE ÉLECTRONIQUE à hauteur de la somme de 300000 €, et à payer ladite somme entre les mains de Maître [O], liquidateur,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE Madame [S] à payer à Maître [O] ès qualités de liquidateur de la SARL SERE ÉLECTRONIQUE la somme de 1500 €,
- CONDAMNE Madame [S] aux dépens, sans qu'il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article 10 du tarif des huissiers de justice.
Le greffier Le président
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